Des municipalités de lutte contre la remise en cause des services publics et les politiques déflationnistes

C’est au moment où E. Macron, à l’ouverture du congrès des maires de France, déclare à ces derniers «avoir besoin d’eux pour recoudre cette France déchirée» que tombent les chiffres présentant les premiers bilans de la situation financière des collectivités locales, communes et intercommunalités. Il en ressort un formidable abaissement des dépenses de fonctionnement passant d’une évolution de +11,1 % entre 2008 et 2012 à +3,6 % entre 2014 et 2018. Principale charge du bloc communal, les frais de personnel ont particulièrement pâti de cette régression avec pour conséquence directe la mise en cause de nombreux services à la population, soit par leur renchérissement, soit par des restructurations les éloignant des citoyens, soit par leur privatisation ou tout simplement par leur disparition.

Le mandat actuel aura d’autre part été marqué par une « contraction inédite » des investissements communaux et intercommunaux. Ainsi, d’un mandat sur l’autre, les dépenses d’équipement classées dans la catégorie des dépenses d’investissements, ont reculé de 15,9 Mds d’euros. Du jamais vu depuis la période 1995-1997 souligne une récente étude commandée par l’Association des Maires de France (AMF).

Résultat direct des baisses des dotations d’état, cette chute des investissements s’est quelque peu inversée en 2017, redressement confirmé en 2018 et 2019 particulièrement sous l’effet de la fin de cycle électoral où chacun veut se présenter comme ayant tenu ses engagements, mais avec un risque certain de creuser un sérieux trou dans les réserves financières des collectivités.

Il n’empêche que sur l’ensemble de la mandature 2014-2020, le montant total des investissements devrait rester en deçà du niveau de celui de la précédente mandature, toujours selon cette même étude de l’AMF. Des chiffres qui ont de quoi inquiéter comme le souligne M. Antoine Homé, rapporteur de la commission finances et fiscalité locale de l’AMF, soulignant que « l’enjeu aujourd’hui, c’est la maintenance des grands équipements datant d’il y a trente ou quarante ans». D’autant qu’en 2020, année électorale, les dépenses d’investissement devraient marquer le pas comme c’est souvent le cas. D’autant que la réforme de la fiscalité locale en cours, particulièrement la suppression de la taxe d’habitation, fait peser d’énormes incertitudes sur les recettes fiscales dont disposeront réellement les communes et les intercommunalités au cours du mandat qui va s’ouvrir.

Nous touchons là à une question qui dépasse largement le cadre de la gestion locale et qui nous ramène à la conception globale du développement de la société, de sa capacité à répondre aux défis sociaux et environnementaux, c’est-à-dire exactement le contraire que le souci de doper la rente foncière et de soutenir le capital dans sa soif de profit. Depuis plusieurs décennies la dictature du taux de profit mine nos économies en bannissant la dépense publique et en poussant à des choix contre l’augmentation des salaires, la création d’emplois réels, la formation et la reconnaissance des qualifications, la réindustrialisation du pays et le développement des services publics, dimensions inséparables de la (re) conquête d’une maîtrise sociale et environnementale permettant de relever le défi de la crise de système dont nous risquons de connaître un grave épisode dans les un à deux ans à venir.

La lutte des gilets jaunes et les luttes sociales montantes de ces derniers mois dénoncent toutes à leur manière une situation de plus en plus invivable marquée par des inégalités croissantes, par un recul massif des solidarités, par un mépris de classe de plus en plus insupportable. E. Macron, comme ses prédécesseurs, conscient d’un contexte explosif tente de désamorcer en faisant mine d’injecter du pouvoir d’achat mais ne cédant rien sur le fond. Ainsi en guise d’augmentation du smic, il a proposé une hausse de la prime pour l’emploi, en fait un crédit d’impôt. C’est dans la même optique à laquelle s’ajoute une volonté de profonde restructuration de notre organisation administrative territoriale pour mettre toujours plus les territoires au service des multinationales et des intérêts capitalistes, cela en conformité avec les projets fédéralistes européens, qu’il propose d’en finir avec la taxe d’habitation. Et il se gargarise du fait que cela améliorera le pouvoir d’achat des ménages en omettant bien de mentionner combien cela coûtera ensuite à ces mêmes ménages lorsque faute de moyens, certains services fournis jusque-là gratuitement par les collectivités locales deviendront payants.

Mais surtout, depuis quand est-ce par la suppression d’impôts qui sont une des bases essentielles de la solidarité nationale et du financement des services publics, qu’on redonne du pouvoir d’achat aux salariés et aux citoyens? Fini donc l’augmentation des salaires et les créations d’emplois qualifiés ! Macron applique – mais il n’est pas le premier – le principe de l’impôt négatif, conception totalement tirée des thèses néolibérales qui traversent les choix politiques depuis 1984. Et cela pousse à un enkystement dans une logique déflationniste durable conduisant tout droit à la récession. Face à l’accumulation massive des capitaux il est au contraire urgent de doper la dépense publique, d’augmenter les salaires, bases des prélèvements fiscaux et sociaux, pour relancer sur des bases saines une nouvelle croissance tournée vers le développement humain, la réponse aux enjeux écologiques dont le climat et l’environnement. C’est le retard de plus en plus cruel des pays à prendre ce tournant indispensable qui conduit l’Allemagne à se retrouver au bord de la récession, les états-Unis à en être gravement menacés, les pays émergents à y être fortement attirés. C’est cette politique qui crée les tensions qui montent au plan international et qui, poussant aux contre-révolutions en Amérique latine, aux guerres en Afrique, à la montée des nationalismes et des particularismes y compris religieux, conduit à une instabilité inouïe sur l’ensemble de notre planète.