Calcul de la fiscalité locale sur des bases indiciaires, le danger que fait courir la révision foncière des locaux commerciaux

Comme on peut le constater à partir de l’évolution enclenchée par la révision maintenant menée à son terme, des valeurs locatives des locaux professionnels et commerciaux, de nouveaux modes de calcul et de gestion de cette dernière ont été installés. Deux phénomènes se complètent dangereusement.

Il ressort une volonté de déconnecter l’évaluation des bases (valeur locative) des indices fonciers pour les remplacer par des éléments se rapportant plus précisément aux valeurs du marché.

Ainsi désormais la Valeur locative des biens professionnels (VLP) est déterminée en fonction de « l’état réel et représentatif du marché locatif et non plus sur les valeurs locatives cadastrales de 1970 » jugées par ailleurs trop complexes et trop opaques. À cette base « marché locatif » sont appliqués des taux issus d›une grille tarifaire en fonction de la nature ou de la destination des locaux sommairement répertoriée (locaux professionnels ou magasins de vente) et de leur utilisation (type de surface commerciale).

Chaque année le contribuable doit déclarer le montant de son loyer qui permettra une actualisation annuelle des bases et qui sera effectué par une commission départementale relevant du département (CDVLLP) ; c’est-à-dire plus du tout sur des éléments fonciers mais à partir des valeurs du marché et plus du tout maîtrisé par l‘administration fiscale. C‘est ainsi par exemple que les petits magasins de centreville sont matraqués par rapport aux grandes surfaces. En effet les loyers en centre-ville ont tendance à évoluer plus vite que ceux des grandes surfaces. Cela parce qu‘en centre-ville ce sont des constructions en dur, souvent dans des immeubles à destination et de commerce et d›habitation avec des propriétaires qui appliquent les hausses de loyers et qui comptent retirer une rente de leur location. À la différence des grandes surfaces dont les locaux n‘ont de valeur que par l‘activité qui y est exercée. Des locaux commerciaux vides, en zone commerciale ou industrielle, ne valent intrinsèquement pas grand-chose, leur valeur est liée à l‘activité qui y est développée. En outre, les loyers sont le plus souvent pratiqués par des SCI qui ont les mêmes propriétaires que la société d‘exploitation commerciale. D‘où le célèbre « planchonnement », il fallait inventer ce terme, visant à installer un dispositif de lissage pour neutraliser les variations extrêmes entre locaux professionnels de petites surfaces et locaux professionnels de grande surface.

La seconde dimension de cette réforme, et cela transpire des lignes précédentes, est que l‘administration fiscale est de moins en moins concernée par l‘établissement des valeurs locatives des locaux professionnels. Cette mission sera dès lors accomplie chaque année par les départements. Cela est très dangereux. On va vers une gestion à la tête du client, en fonction des besoins locaux, introduisant à terme une énorme disparité de tarifs, en tout cas bien pire que celle qui existait avec la détermination des VL à partir d‘indices fonciers et de coefficients locaux. C‘est la fin d‘une unité territoriale nationale et de toute idée de péréquation puisque chacun réglera ses problèmes dans son coin et se débrouillera pour tirer le maximum de ce qu‘il a. C’est également le moyen qu’a trouvé l’État pour se décharger du coût d’une partie de la mission de gestion des impôts locaux, un vieux rêve néolibéral. Là encore Macron l’a fait !

S‘agissant de la révision foncière des locaux d‘habitation. La même voie semble devoir être prise que pour les locaux commerciaux. L‘objectif est de déléguer le pouvoir d‘assiette et de taux (le pouvoir d‘assiette étant particulièrement dangereux) à des services relevant du bloc communal donc des EPCI. Quant à l‘établissement des bases de la taxe foncière, le revenu cadastral, il ne devrait également plus reposer sur des indices fonciers mais sur les valeurs de marchés (locations, valeur vénale lors de ventes ou de reventes). Ainsi l‘administration fiscale se délesterait quasi totalement de la mission de gestion des impôts locaux. Cohérence de la fiscalité locale des personnes sur l‘ensemble du territoire comme péréquation voleraient en éclat. Par contre inégalités, accroissement des disparités de traitement selon les localités (en fonction de leur richesse), seraient le lot des propriétaires avec notamment des répercussions très fortes sur les plus modestes d‘entre eux. C‘est le grand bond en arrière qui se prépare !