Mix électrique, recherche, technologies, maîtrise industrielle, emplois, formations

États généraux de l’énergie organisés par le PCF avec le concours des revues Progressistes et Économie et politique. Première journée, 13 février 2021

Introduction à la première table ronde par Alain Tournebise (commission économique du PCF)

Fabien et Amar ont largement abordé l’enjeu de société que constitue l’électricité. Comment et avec quels moyens faire face à cet enjeu ?

Le premier des impératifs est de disposer d’un parc de production électrique apte à répondre aux attentes d’une société où l’électricité prend une place prépondérante et où aucune coupure n’est plus supportable, parce que toutes les composantes de la vie quotidienne sont aujourd’hui dépendantes de l’électricité.

La deuxième préoccupation à laquelle doit répondre ce mix électrique, c’est de permettre à tous les citoyens de disposer d’une électricité accessible, bon marché, sans sélection par l’argent

La troisième préoccupation est celle de notre souveraineté énergétique. La crise actuelle a montré à quel point la dépendance dans des secteurs stratégiques peut être dangereuse.

Enfin la lutte contre le changement climatique exige des modes de production produisant le moins possible de gaz à effet de serre et si possible totalement décarbonés Alors quel est le bon mix pour répondre à cet impératif. ?

On ne peut s’empêcher de constater que tout le processus de libéralisation depuis des années va à l’opposé de ces préoccupations. Les prix de l’électricité ont considérablement augmenté et avec eux la précarité. La PPE (adoptée par décret soit dit en passant) va très exactement à l’opposé de ces nécessités. Elle préconise la fermeture de 13000 MW de capacités nucléaires donc de moyens de production « pilotables » c’est à dire capables de s’adapter aux variations de la demande et ne produisant pas de CO2, pour les remplacer par des moyens non pilotables et intermittents donc incapables de faire face aux besoins en temps réel. Le tout sans le moindre avantage en termes d’émissions de CO2 et de plus coûteux pour la collectivité parce que largement subventionnés

Le gouvernement et ses prétendus experts de l’ADEME s’appuient sur des hypothèses plus qu’hasardeuses et souvent fantaisistes : une surestimation des possibilités de stockage pour compenser l’intermittence, qui risque fort de plonger notre pays dans une véritable pénurie. Ce qui les conduit de plus en plus à préparer l’opinion à deux concepts pudiquement baptisés « sobriété » et « flexibilité ». « Sobriété », c’est à dire en fait restrictions de consommation plus ou moins forcées et « flexibilité », pour justifier que désormais ce sont les usagers qui devront s’adapter aux capacités du système et plus l’inverse.

Quel mix pour la France, c’est donc le premier thème que nous aborderons avec Michel Doneddu : Quels sont les besoins réels des consommateurs domestiques, de l’industrie et comment vont ils se développer ? Quelle place pour le nucléaire, l’hydraulique, les renouvelables intermittentes.. Quel impact sur les prix et sur l’accès de tous à une énergie bon marché. Un scénario 100 % renouvelable est-il sérieux ? . Peut on compter sur le marché, sur l’importation ? La flexibilité et la sobriété sont elles des solutions ou des pièges destinés à préparer à la pénurie ? Comment planifier démocratiquement le mix nécessaire à la France ?

Dans un deuxième temps, nous verrons avec Sébastien Elka les technologies réelles qui s’offrent au système électrique pour couper court aux prévisions fantaisistes, et en particulier les solutions de stockage . Quelles sont aujourd’hui les technologies disponibles à un coût raisonnable : batteries, hydrogène, quelles sont celles qui sont réellement matures, celles qui demanderont encore des années de développement. Et parmi celles qui sont disponibles, quels sont les coûts réels de production . Ces questions sont essentielles, car l’industrie électrique exige une programmation à long terme et la moindre surestimation ou sous-estimation peut être fatale. Quel rôle pour les technologies de l’information : réseaux et compteurs intelligents ? Quelles sont les technologies nucléaires d’avenir : EPR, surgénérateur ASTRID, réacteur au thorium et quel progrès sont à attendre en termes de coût, de sûreté mais aussi dans le traitement des déchets nucléaires ?

Mais pour concevoir, construire, entretenir, développer , renouveler un tel mix de production électrique, une filière industrielle  est un facteur déterminant . C’est l’existence d’une telle filière qui , dans les années 70 a assuré la réussite d’un programme nucléaire ambitieux. Les différentes compétences métallurgiques avec Schneider, électriques avec Merlin Gerin et nucléaires avec Westinghouse se sont regroupées dans une société unique, Framatome qui en 1975 est devenu l’interlocuteur unique d’EDF. Même si elle a été pour ces entreprises une source de profits considérables, cette coopération public-privé pilotée par le service public et la commande publique a permis de construire 59 réacteurs donc d’obtenir des gains d’échelle considérables, de franciser la technologie et ainsi de se libérer des brevets américains et de parvenir à une filière nucléaire souveraine .

Mais le ralentissement et la fin du programme nucléaire a fragilisé cette filière. Dans le nucléaire depuis 15 ans pas un seul chantier n’a été lancé sauf la tête de série de l’EPR à Flamanville . La fin de la commande publique a conduit des participants à se retirer. Des restructurations incessantes du capital ont dispersé les compétences et les savoir faire. Areva s’est fourvoyé en Finlande jusqu’à mettre son existence en cause. EDF a été rappelé à la rescousse pour en sauver les derniers morceaux essentiels. Dernier avatar en date, Alstom, fragilisé s’est retrouvé une proie facile pour un prédateur comme General Electric qui l’a absorbé avec l’aide de Macron. Au point que notre pays en situation de perdre toute maitrise non seulement dans la construction et la maintenance nucléaire, avec la perte des brevets Arabelle mais aussi dans l’équipement thermique classique, dans l’hydraulique et dans les réseaux intelligents.

Comment remettre sur pied une véritable filière industrielle, avec une vraie cohérence entre les entreprises et le service public, et avec le levier de la commande publique ? C’est la question que nous soulèverons avec Bernard Devers.

Est-ce qu’on peut imaginer des coopérations d’entreprises pour construire un opérateur cohérent comme ce fut le cas avec Framatome dans les années 70, mais sur d’autres bases, moins capitalistiques, plus publiques. Lors du projet gouvernemental de fusion Alstom transport Siemens, la CGT avait avancé la contre proposition de GIE. Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer un GIE de l’énergie nucléaire qui associerait EDF, General Electric Steam, le CEA , voire d’autres groupes européens électriques ou métallurgiques comme Siemens, De même pour l’hydraulique, ou pour les réseaux. Est-ce que ce ne serait pas une piste pour sortir des logiques de marché et des logiques capitalistiques ?

Enfin, pour disposer d’une filière efficiente, pérenne et souveraine, il y a une autre condition essentielle que les déboires de l’EPR ont bien mis en évidence : celle de l’emploi, du maintien et du développement de la compétence, des savoir-faire, des collectifs de travail, etc. Historiquement les services publics de l’énergie avait internalisé cette préoccupation, avec un statut , des dispositifs de formation , de reconversion, d’adaptation aux changements techniques et aux réformes structurelles. Aujourd’hui, le Parti est porteur d’une proposition qui vise à universaliser ces solutions à sécuriser l’emploi tout en permettant son évolution pour intégrer le progrès technique . Cette proposition, c’est la sécurité d’emploi ou de formation (SEF) qui vise à permettre la modernisation de l’appareil productif sans en faire reposer la charge sur les salariés, c’est-a-dire en maintenant les salaires et sans passer par la case chômage comme c’est le cas aujourd’hui dans la logique du marché du travail. Nous avons demandé à Gisèle Cailloux, membre de la commission économique de nous en exposer les principes.