Enjeux des prochaines élections municipales et métropolitaines : défendre le rôle et les missions des communes

Pour un service public de proximité et de qualité Éléments de langage

Avec les politiques d’austérité, les réformes territoriales et institutionnelles successives ont profondément modifié le rôle des communes et leurs capacités réelles d’intervention auprès de leurs administrés, au profit des métropoles. Ces dernières ont siphonné leurs compétences et les moyens financiers qui vont avec, mais sans se doter des outils démocratiques pour les mettre en œuvre. Conséquence, l’intercommunalité ne répond plus prioritairement aux exigences de proximité et de qualité du service public rendu. Les prochaines élections municipales doivent remettre au cœur du débat électoral ces questions.

Les élections municipales de mars 2020 se tiendront dans un contexte inédit. En effet, jamais les communes n’ont été aussi attaquées et remises en question dans leur autonomie et leur libre administration, principe pourtant inscrit dans la Constitution. Entre 2017 et 2018, la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux collectivités a fondu de 3,8 milliards d’euros ; entre 2018 et 2019, plus de la moitié des communes ont vu leur DGF baisser. Les annonces du gouvernement sur les efforts demandés pour les années à venir laissent peu de doutes sur la poursuite de cette tendance. Or, dans le même temps, la décision de suppression de la taxe d’habitation, prise sans concertation des communes, les prive de leur autonomie financière et les rend encore plus dépendantes des dotations et compensations de l’état. Et, comme si cela ne suffisait pas, comme si les collectivités devaient être surveillées d’encore plus près, le gouvernement leur impose en 2018 la contractualisation. Assortie de sanctions financières, elle limite la capacité d’action des communes et remet en question les missions qu’elles assurent auprès de la population, en les contraignant dans leurs dépenses et en les privant de la maîtrise de l’évolution de leur budget de fonctionnement, nouvelle atteinte aux principes d’autonomie financière et de libre administration.

Comment ne pas voir dans ces politiques une volonté délibérée de retirer aux communes leurs marges de manœuvre politiques et financières ? Comment, dans un tel contexte d’austérité, les communes, et notamment les communes populaires, peuventelles continuer à assurer le service public de proximité et de qualité auquel ont droit leurs administrés ? Comment maintenir la capacité d’innovation propre à l’échelon communal, dont s’est toujours saisi le communisme municipal à la française pour imposer des avancées sociales, culturelles, éducatives, participatives ?

Loin de vouloir éliminer les communes, les gouvernements successifs leur confient au contraire de plus en plus de missions, tout en leur retirant des sources de financements. Ce faisant, il en fait des fusibles pour les politiques d’austérité menées au niveau national, car c’est bien vers l’échelon le plus proche, celui qu’il connaît le mieux, que le citoyen se tourne lorsqu’il est face à un problème ou lorsqu’il veut faire entendre ses revendications.

Dans ce contexte de restrictions budgétaires et de difficultés pour les collectivités à assurer leurs missions, la loi Maptam a été présentée comme une solution: favoriser l’intercommunalité pour rationaliser l’action publique, mieux organiser la répartition des compétences entre les différents échelons, mutualiser. Le fameux « modèle lyonnais » de métropole a été paré de toutes les vertus, en récupérant les compétences de l’ancienne intercommunalité et du département, en absorbant d’autres compétences des communes, dans une collectivité d’un nouveau type qui devait automatiquement aboutir à plus d’efficacité pour le citoyen.

En réalité, les communes savent depuis longtemps travailler ensemble pour mutualiser leurs ressources et leurs compétences, dans l’objectif d’améliorer le service rendu à la population, et cela sans que personne ne le leur impose. Au-delà de sa participation à la communauté urbaine du Grand Lyon puis à la métropole, la ville de Vénissieux a une longue tradition de coopération avec les villes voisines, sur des projets ou équipements particuliers ou plus généraux, et sous des formes variées : Centre nautique intercommunal, Syndicat intercommunal pour les vacances et les loisirs (SIVAL) pour la gestion de la base de loisir d’Arandon-Courtenay, Syndicat intercommunal des technologies de l’information pour les villes (SITIV), NPNRU Minguettes (Vénissieux)-Clochettes (SaintFons)…Le Syndicat intercommunal des Grandes terres permettait aux villes de Vénissieux, Feyzin et Corbas d’assurer l’entretien et l’animation de cet espace naturel partagé : une fois ces compétences reprises par la métropole, cette expérience de gestion intercommunale réussie a malheureusement été abandonnée.

La métropole de Lyon n’est pas une intercommunalité : c’est une nouvelle collectivité, un échelon supplémentaire voulu au-dessus des communes, avec des compétences propres et des intérêts supra communaux qui l’éloignent de fait des habitants. Et cela pose plusieurs problèmes.

Tout d’abord, s’il est vrai que l’exercice de certaines compétences à l’échelle de la métropole peut représenter une économie d’échelle, le gain d’efficacité ne peut se vérifier que lorsque ces compétences sont correctement organisées et mises en cohérence entre les communes et la métropole, et menées en tenant compte des besoins locaux. Or, telle qu’elle a été conçue, la métropole apparaît comme une structure très technocratique, qui peine à construire des modalités d’échange et de travail avec les communes et leurs services. Et une nouvelle fois, c’est la commune qui se retrouve en première ligne face aux citoyens, sans les moyens ni même désormais la totalité des compétences pour leur répondre.

D’autre part, la loi Maptam a prévu que les communes et la métropole puissent aller encore plus loin dans la coopération et les transferts de compétence grâce à la conclusion de contrats territoriaux, par lesquels elles se mettent d’accord sur de nouveaux transferts ou sur un exercice « articulé » pour certaines compétences. En fait, la loi autorise la métropole de Lyon à absorber l’ensemble des compétences des communes mais ne l’y oblige pas. La tentation peut donc être grande, pour des communes soumises à la baisse des dotations et aux limites imposées par la contractualisation, de transférer à la métropole non plus les missions classiquement exercées au niveau intercommunal, mais les missions de proximité, celles qui permettent à la commune de peser sur le quotidien de ses administrés. Il s’agirait selon nous d’une erreur, car les communes perdraient ainsi toute capacité à agir et toute maîtrise sur les politiques publiques et leurs enjeux pour la population. L’exercice articulé de certaines compétences peut être source d’amélioration du service rendu à la population, et dans ce cas il faut l’encourager. Mais la métropole ne doit pas devenir le moyen, pour des communes malmenées par l’austérité budgétaire, de se désengager des missions du service public de proximité, pour lesquelles elles restent l’échelon le plus pertinent.

Mais le plus gros problème que pose la création de la métropole est bien celui de la démocratie locale. En effet, la création de la métropole a rompu l’équilibre existant entre la communauté urbaine de Lyon et les communes qui la composaient, équilibre selon lequel aucune délibération concernant une commune ne pouvait être prise sans l’accord de son maire. Or, le Pacte de cohérence conclu en 2015, en organisant les compétences et le fonctionnement des différentes instances, entérine au contraire le fait que l’avis des Conseils municipaux n’est pas requis avant une prise de décision de la métropole concernant une compétence partagée ou articulée avec une commune. Les conférences territoriales et la Conférence métropolitaine des maires, instances de concertation dont le rôle est mal défini, n’accordent pas plus de pouvoirs au Maires. Et comme si le processus de décision n’était pas suffisamment concentré, le mode de désignation actuel de la Commission permanente de la métropole en exclut de fait les forces qui ne sont pas dans l’exécutif : une grande partie des communes n’y est donc pas représentée.

Les maires et leurs conseils municipaux, élus par la population, n’ont donc plus de place dans des décisions qui ont pourtant un impact fort sur leur commune et leurs administrés, et qui leur seront par ailleurs le plus souvent imputées par ces derniers, peu au fait, et c’est bien normal, de la complexité de cette organisation territoriale. Dans ce contexte, la métropole s’affirme comme une organisation très technocratique, déconnectée des besoins des territoires et des réalités auxquelles sont confrontées les communes.

Cette atteinte à la démocratie et à la place des communes, que nous dénonçons depuis la présentation de la loi Maptam et contre laquelle nous nous sommes vigoureusement élevés lors des discussions autour de l’adoption du Pacte de cohérence, loin d’avoir été prise en compte, va encore être amplifiée avec l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains en mars 2020. En effet, avec ce nouveau mode de scrutin, les Maires ne seront plus forcément conseillers métropolitains ; il serait même techniquement possible que le conseil de la métropole ne comporte plus d’élus municipaux. On voit donc bien à quel point la place des communes dans la métropole est loin de celle qu’elles occupent dans les structures intercommunales classiques. On mesure le risque que représente une métropole construite sur de tels principes, pour la démocratie locale, pour le service public de proximité et pour l’avenir de la commune.

L’enjeu des prochaines élections municipales et métropolitaines est donc capital. Il s’agit de défendre les communes dans leur autonomie financière et de choix, malgré la pression de l’austérité budgétaire et le carcan de la contractualisation. Il s’agit de conforter les coopérations intercommunales lorsqu’elles permettent d’améliorer le service rendu à la population, tout en garantissant le respect des décisions des habitants, portées par leurs élus municipaux. Il s’agit de poursuivre le combat pour le maintien d’un service public municipal de proximité, de qualité et ouvert à tous.