Coronavirus : Le travail des femmes ne peut plus être ignoré !

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Coronavirus : Le travail des femmes ne peut plus être ignoré !

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Tous les soirs à 20h, nombreux sont celles et ceux qui applaudissent aux fenêtres pour soutenir en particulier les soignants qui prennent des risques tous les jours pour éradiquer le virus. Emmanuel Macron, dans son discours du 14 mars et du 16 mars, glorifiait également ces « héros en blouse blanche ». Ce soutien s’est ensuite largement développé sur les réseaux sociaux afin de remercier tous les travailleur.ses qui continuent un travail essentiel à Nation que ce soit dans les services publics, les entreprises privées, les associations (agriculcuteur.trices, les pompier.es, caissier.es, etc).

Or, ce travail essentiel est celui de la reproduction sociale de notre force de travail et de nos conditions d’existence. Par reproduction sociale nous entendons l’ensemble des activités –salariées ou non – qui permettent aux travailleur.ses de reproduire individuellement et collectivement leurs capacités physiques et intellectuelles : accès aux produits de subsistance, repos, soin, hygiène, éducation. Or ce sont principalement les femmes qui l’exercent dans leur métier, contre un salaire, mais aussi au sein de leur foyer gratuitement. Si dans la « période normale », ces femmes souffrent d’un manque de reconnaissance (ce sont souvent des métiers mal rémunérés dans des conditions de travail difficiles), aujourd’hui, alors que l’on dépend d’elles pour notre survie : leur travail ne peut plus être ignoré !

Les femmes : majoritaires dans les métiers essentiels à la lutte contre l’épidémie et à la satisfaction des besoins vitaux de la population

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Le 14 mars dernier, suite au passage au stade 3 de l’épidémie de coronavirus en France, tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays sont ainsi fermés. Seuls « les commerces essentiels » (magasins alimentaires, pharmacies, banques, bureaux de tabac, stations-service…) et tous « les services publics essentiels » sont autorisés à rester ouverts. De plus, depuis le 16 mars, les  enseignant·es assurent une continuité pédagogique alors que les écoles, collèges, lycées et universités sont fermés. Or, lorsque l’on observe la répartition genrée des professionnels encore sur le terrain, on observe que les femmes y sont largement majoritaires, soit directement en lien avec la lutte contre le virus comme dans la santé ou l’entretien, soit pour assurer le ravitaillement des produits de première nécessité, l’aide aux plus fragiles, la continuité de l’éducation et du lien social.      

            Parmi, les professionnel.les de santé, des professions particulièrement mobilisées comptent en effet un pourcentage de femmes élevé : les pharmacien·nes (67 % de femmes), les infirmier·ères (87 %) et les aides-soignant·es (90 %). Un praticien hospitalier sur deux est également une femme. Globalement, 78% des professions intermédiaires de la santé et du travail social sont des femmes.

Peu rémunérateurs et précaires, d’autres métiers où les femmes sont surreprésentées se retrouvent en première ligne : c’est le cas pour 98% des aides à domicile, aides ménagères et assistantes maternelles, 86 % des personnels des services directs aux particuliers, 74 % des employées du commerce et 70 % des agents d’entretien.

Les enseignant·es, et en particulier les institeur.trices, dont 66,1% sont des femmes, prennent en charge les enfants des personnels soignants qui n’ont pas d’autres moyens de garde. Pour ceux qui restent à la maison, en lien avec les parents, elles participent à la prise en charge à distance des enfants, privés d’école. Elles assurent ainsi un suivi de l’éducation des enfants, une aide aux familles en proposant des activités dans le cadre du confinement et assurent, bon gré mal gré, une continuité de la formation.

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Sources : Insee (2015), Dares (2011), Drees (2015), CNG (2018)

Ces milliers de femmes salariées sont quotidiennement chargées de nettoyer nos villes, nos lieux de travail et nos foyers mais aussi de prendre soin de nos enfants, de nos aîné·es dépendant·es et nos proches malades. Ces professionnelles, dont l’importance sociale est trop souvent minorée alors même que ce sont elles qui nous permettent aujourd’hui de contenir l’épidémie, assurent à la collectivité la possibilité du confinement et donc de la santé et de la vie.        

Confinement : le travail domestique et émotionnel toujours assurée par les femmes

            La répartition des tâches domestiques (tâches ménagères et tâches parentales) est d’ordinaire très inégalitaire entre hommes et femmes. D’après les dernières enquêtes emploi du temps de l’Insee de 2010, les femmes consacrent en moyenne 3h26 par jour au travail domestique (dont courses, ménages, soins aux enfants, jardinage et bricolage) contre 2h pour les hommes. Si les différences entre femmes et hommes ont diminué entre 1999 et 2010, ce n’est pas vraiment parce que les hommes ont en font plus (1 minute) mais parce que femmes en font moins (22 minutes), notamment en externalisant certaines tâches à des personnes extérieures au foyer (ménage et garde d’enfants principalement).

Evolution du partage des tâches domestiques selon le sexe

Hommes Femmes
  1999 2010 Evolution 1999 2010 Evolution
Temps domestique 01:59 02:00 00:01 03:48 03:26 -00:22
– Dont ménage, courses 01:04 01:08 00:04 03:06 02:35 -00:31
– Dont soins aux enfants et adultes 00:11 00:18 00:07 00:27 00:36 00:09
– Dont bricolage 00:30 00:20 -00:10 00:04 00:05 00:01
– Dont jardinage, soins aux animaux 00:14 00:14 00:00 00:11 00:10 -00:01

Durée moyenne (heures et minutes) au cours d’une journée (du lundi au dimanche).
Champ : France métropolitaine – Hommes et femmes ayant un emploi.
Source : Insee – Enquêtes Emploi du temps.

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 Avec le confinement, ces tâches sont multipliées. Privé des lieux de restauration collective, il faut multiplier les courses et la confection des repas ; les tâches ménagères sont multipliées par une présence quotidienne dans les foyers des personnes confinées : vaisselle, ménage, rangement, linge etc. ; il faut occuper les enfants et les aider à assurer leur scolarité, etc. Ces tâches supplémentaires, dans la continuité de la répartition des tâches entre hommes et femmes en période « normale », ce sont sans conteste les femmes qui continuent de s’en charger, et pour la grande majorité d’entre elles, tout en travaillant que ce soit sur le terrain ou en télétravail. Les femmes, à qui on a confié également la charge émotionnelle, participent aussi à préserver le lien social, les solidarités de proximité et ainsi à assurer le bien-être psychique des personnes, essentiel en temps de crise : activités en famille, appels aux familles, aides aux personnes âgées du voisinage, aide à la garde des enfants, etc. Ce rôle est essentiel à l’efficacité du confinement et permet ainsi un désengorgement des hôpitaux. Mais il n’est pas reconnu. Pire, le confinement a renforcé le danger auquel sont exposées les femmes car pour certaines, les violences domestiques sur elles et leurs enfants deviennent impossibles à éviter.

            Aujourd’hui, ce manque de reconnaissance se traduit par des salaires plus bas que celui des hommes : le recours au temps partiel pour s’occuper des enfants, majoritairement pris par les femmes et l’exercice de métiers jugés « peu qualifiés » et « peu productifs » (nettoyage, services etc.), explique la moitié des différences de salaires. L’importance sociale des différents métiers assurant la reproduction de la force de travail doit être impérativement réévaluée et suppose des revalorisations salariales importantes.        

Ecart des rémunérations entre les femmes et les hommes : le poids de chaque composante en 2012

Enfin, le sous-investissement des hommes dans le travail domestique et émotionnel ne peut plus être ignoré : ce n’est ni un dû ni une fatalité ! Ce sont les fondements de notre organisation sociale patriarcale qu’il faut profondément remettre en cause à savoir l’inégale répartition des tâches de production et de reproduction entre les femmes et hommes.

C’est pourquoi nous exigeons : 

– que l’arrêt immédiat de toutes les activités non indispensables s’accompagne d’une action résolue des pouvoirs publics pour prévenir les risques, tels que les violences domestiques, que le confinement tend à aggraver ;

– le maintien intégral de tous les emplois et de tous les salaires afin de que les trop nombreuses femmes qui exercent des emplois précaires et peu rémunérées ne soient pas davantage précarisées ;

– la priorité absolue à la protection des travailleuses et des travailleurs là où l’activité doit se poursuivre et s’intensifier;

– des revalorisations de salaires et de carrières, notamment des métiers dits « indispensables ».

Le rôle des femmes dans la crise est exemplaire : elles assurent notre survie, elles contiennent l’épidémie, tout en étant exposées au risque car en première ligne. Plusieurs ont déjà perdu la vie dans leur fonction. Alors, merci à nos héroïnes du quotidien. Dès maintenant, une grande bataille doit s’engager pour rendre visible ce travail et pour que des propositions féministes soient mises en débat dans toute la société !