Quelles réponses à cette crise sanitaire, économique et sociale ?

Maryse Montangon est membre du comité exécutif national du PCF

Depuis bientôt un an, les Françaises et les Français essaient de comprendre. 

Comprendre pourquoi leur vie quotidienne, comme celle de millions de gens à travers le monde, a basculé dans la peur, l’angoisse de voir leur santé et celle de leurs proches se dégrader, parfois très sévèrement, jusqu’à la mort, au contact d’un virus et de ses variants. Inondé.e.s d’informations journalières chiffrées et fortement médiatisées (nombre de cas Covid 19 dépistés, nombre d’hospitalisations, nombre de lits de réanimation occupés, nombre de morts etc…), d’injonctions contradictoires depuis le début de la crise sanitaire, d’un manque total de démocratie quant aux prises de décisions préventives, les gens veulent comprendre et ne pas être réduits à un élément statistique acceptant avec fatalité ce qui leur tombe sur la tête. 

Comprendre pourquoi ce qui caractérise aujourd’hui la relation des priorités thématiques et des enjeux économiques dans les programmes de recherche, ce ne sont assurément pas des enjeux de santé publique mais une recherche de rentabilité des investissements consacrés à l’effort de recherche, comme l’a dit le chercheur Bruno Canard, directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille, spécialiste des coronavirus dans le journal du CNRS en mars 2020. : « la recherche de nouveaux traitements thérapeutiques est un investissement sur le long cours. La recherche engagée sur les coronavirus a pâti de la crise financière de 2008, qui a conduit les États à rediriger leurs soutiens économiques vers d’autres pans de la société et des politiques de recherche qui ont réduit les budgets alloués à la recherche fondamentale. »  

Comprendre le pourquoi de notre forte dépendance industrielle dans le domaine de la santé, avec deux cas d’école qui ont agité l’opinion lors de cette pandémie : l’usine de masques à Plaintel dans les Côtes d’Armor qui après le désengagement de l’état et le rachat par une entreprise américaine a été fermée et délocalisée en Tunisie et celle de Luxfer en Auvergne, unique fabricant de bouteilles à oxygène (cruciales durant l’épidémie) fermé par un fond spéculatif. Ces ruptures industrielles agissent toujours sur le même modèle stratégique d’obtention d’une rentabilité financière maximale, le lien avec la santé devenant accessoire. 

Comprendre pourquoi l’entreprise Sanofi entend supprimer 400 postes dans la recherche et dans le même temps distribue 4 milliards de dividendes en 2020 à ses actionnaires, alors qu’elle a bénéficié de centaines de millions d’euros de crédit impôt-recherche, donc de fonds publics, au cours des dix dernières années. 

Comprendre pourquoi, alors que l’espoir de pouvoir en finir avec cette pandémie se dessine avec l’arrivée des vaccins, et que cette performance scientifique et technologique concerne la sécurité sanitaire du monde entier, elle demeure un enjeu de pouvoirs et d’argent entre les mains de l’industrie pharmaceutique au détriment des populations les plus pauvres et fragiles. 

Alors que partout dans le monde des voix de citoyen.ne.s, de chercheuses, chercheurs et scientifiques du monde de la santé s’élèvent pour faire de ces vaccins un bien commun de l’humanité avec une levée des brevets permettant un partage de la maîtrise des technologies et un libre accès à leur fabrication, leur production et leur distribution dans chaque pays, parallèlement un autre virus menace cette solidarité internationale :  la finance et sa très influente branche des Big Pharma qui a décidé de faire de l’argent sur la pandémie. 

En France et en Europe, l’ Initiative Citoyenne Européenne (ICE) lancée le 30 novembre 2020 fait campagne pour que la Commission européenne légifère afin de faire des vaccins et traitements anti Covid un bien public mondial librement accessible à toutes et à tous. Le PCF fortement impliqué dans cette campagne rappelle combien cette démarche européenne peut déboucher sur l’aspiration universelle à une maîtrise publique du médicament, de la recherche à la production et à la distribution. C’est le sens de notre proposition d’un pôle public du médicament français et européen voire mondial. 

Enfin, comprendre pourquoi, depuis un an, les personnels hospitaliers se retrouvent dans des « plans blancs », des pratiques de soins dégradées, des déprogrammations de patients avec des services de réanimation saturés alors qu’en 25 ans près de 100 000 lits ont été fermés ! Pourquoi, malgré les alertes répétées inlassablement par toutes les catégories de personnels hospitaliers sur le risque de rupture irréversible de l’hôpital public, le gouvernement laisse pourrir la situation accélérant ainsi la privatisation de notre système de santé. En attestent, malgré la crise sanitaire en cours, les restructurations qui continuent avec des suppressions de lits et de services systématiquement associées ; rien qu’en Île-de-France, les hôpitaux de Longjumeau, Orsay, Juvisy avec la prévision de 400 lits en moins avec la construction du futur hôpital Paris-Saclay, ceux de Bichat et Beaujon avec 300 lits en moins avec la construction de l’Hôpital Nord à Saint Ouen et l’arrêt programmé de la greffe cardiaque à l’hôpital Mondor à Créteil. C’est bien d’embauches massives (100 000 emplois pour l’hôpital et 300 000 emplois sur 3 ans dans les EHPAD) comme le réclament les syndicats, les communistes et leurs élu-es, dont l’hôpital public a besoin d’urgence avec des pré-recrutements, des formations qualifiantes et une véritable reconnaissance salariale, d’un arrêt immédiat des restructurations et des fermetures de lits et d’un refinancement de notre Sécurité Sociale à la hauteur des enjeux de santé d’aujourd’hui. 

Oui, aujourd’hui les gens veulent comprendre pourquoi notre société d’aujourd’hui, la France du XXIe siècle, ne peut garantir le droit à la santé pour toutes et tous, le droit d’avoir accès à des services de santé de qualité quelle que soit sa situation sociale ou territoriale. Cette pandémie a des effets désastreux, notamment parmi nos aîné.e.s qui n’ont pas pu être correctement pris en charge dans un système hospitalier saturé, mais aussi bien au-delà des victimes de la Covid19 parmi tous les reports de soins et d’interventions, conséquences désastreuses d’une logique libérale appliquée année après annéesà l’hôpital public , logique de marchandisation de toute activité humaine. 

Cette santé que l’OMS définit comme un « état complet de bien-être physique, mental et social » n’est pas seulement l’absence de maladie, elle constitue une condition préalable à la quasi-totalité des activités humaines et, à ce titre, elle fait partie des droits humains fondamentaux. Et la liste est longue des effets délétères de cette crise sanitaire, économique et sociale sur la santé, entrainant détresse psychologique et misère sociale : perspectives d’emplois quasi inexistantes, malnutrition, menaces d’appauvrissement avec la baisse des revenus liée au chômage partiel, violences familiales, avec aujourd’hui huit millions de nos concitoyens et concitoyennes obligé.e.s d’avoir recours à l’aide alimentaire, dont une majorité de jeunes et d’étudiant.e.s, pour survivre. 

Les PSE, les fermetures de sites industriels se succèdent frénétiquement depuis le début de la crise sanitaire et de ses conséquences sur l’économie du pays, celle-ci servant d’effet d’aubaine aux multinationales et à leurs actionnaires qui, en délocalisant ou en concentrant leurs activités, espèrent réaliser de nouveaux profits. La liste est longue parmi les grands groupes : Bridgestone, Michelin, Vallourec, Renault, Verallia, Général Electric, Auchan, Sanofi, Total, Air France et sans doute bien d’autres, laissant dans le désespoir des milliers de salarié.e.s, et cela dans le contexte angoissant d’une situation sanitaire toujours très préoccupante. 

A la lumière ce cette pandémie, le modèle de croissance effréné du capitalisme avec, entre autres, la réduction de la valeur humaine au concept de marchandise et d’enrichissement potentiel , se retrouve aujourd’hui questionné par un nombre croissant de Françaises et de Français. Mais le pourquoi ne suffit pas… Sa critique grandissante n’entraîne malheureusement pas automatiquement la conviction qu’une autre alternative radicale est possible, qu’un autre projet de société est envisageable et crédible avec l’humain d’abord comme boussole, même si on peut se réjouir que sur la scène internationale s’ébauchent des démarches populaires vers des perspectives politiques et économiques progressistes. 

C’est assurément avec le mouvement social, avec les salarié.e.s en lutte, de l’usine à l’hôpital , les collectifs citoyens et les élu.e.s, que de telles perspectives politiques peuvent se débattre et s’envisager sérieusement, et on peut compter sur la ténacité et la persévérance des communistes pour changer ce monde qui s’assombrit dangereusement. 

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