L’objectif affiché de cette réforme serait de contenir le taux de chômage à 7% pour 2022. La réalité : des économies astronomiques au détriment des privés d’ emploi: Une réforme choc du régime d’assurance-chômage : 3,4 milliards d’euros d’économies sur le dos des chômeurs d’ici fin 2021.
Quelques mois après l’échec d’une dite négociation interprofessionnelle sous domination du Medef, le pouvoir impose une réforme drastique et précipitée de l’assurance-chômage. Elle sabre les droits des privés d’emploi tout en saupoudrant quelques mesures d’accompagnement.
Derrière la volonté de « remettre les chômeurs au travail », l’exécutif table sur une baisse radicale du nombre de demandeurs d’emploi. Décidant seul des règles d’indemnisation, le pouvoir macroniste a frappé un grand coup en brandissant comme argument les 35 milliards d’euros de dette de l’Unédic. Sans évidemment mettre en cause la fuite en avant dans les licenciements, rendue notamment possible grâce à la nouvelle réforme ultra-libérale du Code du travail.
Du côté des syndicats, c’est l’exaspération : pour la CGT, c’est « un durcissement majeur.Aujourd’hui, un chômeur sur deux est indemnisé. Avec la réforme du gouvernement, c’est un sur trois »,invitant à « poursuivre les mobilisations ». Quant à Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, il a dénoncé « une réforme profondément injuste qui va toucher 100 % des demandeurs d’emploi ». Pour François Hommeril, président de la CFE-CGC, c’est même « un jour funeste ».
Les décrets d’application sont tombés.
Un vaste recul du nombre d’indemnisés : de 150 000 à 200 000 demandeurs d’emploi en moins
« Il faudra désormais travailler davantage pour ouvrir des droits »,a affirmé la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Sous le prétexte que l’emploi repart timidement et qu’il faudrait conforter cette reprise, le gouvernement opère une régression sur les droits en revenant avant la convention d’assurance-chômage de 2009.
Dès le 1er novembre 2019, il faudra avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois, contre quatre mois sur 28 aujourd’hui, pour accéder à l’assurance-chômage.
Les conditions de « rechargement » des droits seront également durcies : il faudra avoir travaillé six mois au lieu d’un pendant sa période de chômage pour voir son indemnisation prolongée. « Maintenant que la conjoncture est meilleure, il faudra que la France s’adapte », a martelé Édouard Philippe, ajoutant que « nous avons un des régimes les plus favorables de l’OCDE ».
Alors que moins d’un chômeur sur deux est actuellement indemnisé, ces nouvelles conditions pourraient laisser au pied de la porte de l’assurance-chômage 300 000 personnes, selon la CGT. Cette mesure constitue un tournant, tant elle va exclure massivement et générer d’énormes économies : 3 milliards d’euros.
Un bouleversement des règles de calcul des allocations
Le Premier ministre et la ministre du Travail l’ont répété plusieurs fois lors de leur présentation, en arguant qu’« il ne sera plus possible de gagner plus au chômage qu’en travaillant ! »
Depuis des mois, l’exécutif serine que 20 % des demandeurs d’emploi sont concernés par les supposées dérives du cumul emploi et allocations. Alors que l’Unédic estime que seuls 4 % des indemnisés touchent une allocation supérieure à leur salaire précédent. Le gouvernement a décidé de chambouler complètement le calcul des indemnités. Celles-ci ne seront plus basées sur le salaire journalier de référence (SJR), donc les jours travaillés, mais sur le salaire mensuel moyen.
En réalité, la mesure réduira surtout les droits des plus précaires et permettrait de réaliser 590 millions d’euros d’économies sur trois ans.
Mais cette incitation à reprendre au plus vite un emploi pour les chômeurs se heurte à la réalité. Sur 6,3 millions d’inscrits à Pôle emploi, seules 687 833 offres étaient disponibles dont une majorité ne sont pas des CDI. Dans une récente étude de l’Unédic, 68 % des personnes en CDD ou en intérim déclaraient préférer un contrat à durée indeterminée.
Un coup porté à l’indemnisation des cadres
Après la levée de boucliers de la CGT et de la CFE-CGC contre le ciblage de l’indemnisation des cadres, le gouvernement a choisi d’enfoncer le clou en instaurant une dégressivité simple avec un seul palier à 6 mois pour les chômeurs qui touchaient plus de 4 500 euros brut par mois. Les privés d’emploi verront leur indemnité amputée de 30 % au septième mois, sauf pour les plus de 57 ans. Soit un gain de 210 millions d’euros pour l’Unédic d’ici à la fin de 2021. Le gouvernement prétend ainsi montrer que les privés d’emploi mieux indemnisés sont aussi concernés par les économies. Mais il veut également pousser à la reprise du travail.
Les cadres sont ainsi soupçonnés de se complaire dans l’inactivité. Une récente note interne de Pôle emploi viserait les cadres et professions supérieures, indiquant que les allocataires percevant le plus resteraient plus longtemps au chômage. Edouard Philippe a déclaré : «Nous avons une indemnisation supérieure àla moyenne européenne», pour se justifier.Cette mesure constitue une rupture d’égalité entre les différentes catégories de demandeurs d’emploi en visant les cadres et professions supérieures. En outre, le premier ministre omet de préciser que ceux-ci contribuent plus au régime de l’assurance-chômage qu’ils n’en bénéficient. De plus, l’utilisation de la dégressivité n’a jamais prouvé son efficacité dans le retour à l’emploi lors de sa mise en place en 1992.
Le cirque médiatique autour du Bonus-Malus
Dans cette fièvre d’économies aux dépens des demandeurs d’emploi, le gouvernement prétend montrer qu’il mettait aussi les entreprises à contribution. Alors que 70 % des embauches sont des contrats de moins d’un mois et que 85 % sont des reprises chez le même employeur, le dispositif de bonus-malus, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, censé réduire le recours abusif à ce type de contrat, reste une « mesurette»,comme l’a qualifiée la CGT.
Cependant, Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, se lamentait de « ce volet punitif pour les entreprises ». Pourtant, la nécessité d’une dissuasion forte du recours abusif aux emplois précaires, à partir d’un système de modulation des cotisations en fonction du niveau de recours de contrats précaires par l’employeur, est réelle. Cependant dans ce cas, cela devrait avoir un faible impact sur les chiffres du chômage. En effet, le gouvernement a choisi de cibler sept secteurs dès le 1er janvier 2020, dont l’hôtellerie-restauration, l’agroalimentaire. Mais le BTP et la santé, grands pourvoyeurs de CDD, ne sont pas concernés par le bonus-malus.
Les cotisations varieront entre 3 et 5 % de la masse salariale en fonction de la pratique de l’entreprise. Celles qui respectent la loi se verraient ainsi récompensées avec une minoration de leur cotisation patronale (4,05 %) ; quant aux mauvais élèves, ils seront pénalisés par un renchérissement.
Quand aux CDDU (CDD d’usage) majoritairement utilisés dans le secteur du spectacle, chaque contrat se verra soumis à une taxe forfaitaire de… 10 euros, sauf dans ce même secteur économique. Ce qui risque, là-encore, d’avoir un effet nul sur les comptes de l’assurance-chômage et sur la lutte contre la précarité.