Le chômage a-t-il vraiment « baissé » au deuxième trimestre 2021 ?

Pour le second trimestre 2021, le gouvernement communique sur la baisse de l’indicateur du taux de chômage (nombre de chômeurs sur nombre de personnes actives).

Cependant, non seulement une hirondelle ne fait pas le printemps, mais, surtout, ces chiffres semblent être largement en trompe-l’œil. Le gouvernement s’illusionne-t-il sincèrement ou cherche-t-il à nous illusionner ? Forcément les deux à la fois… ! D’autant que tout concorde dans le sens d’un grand nombre de personnes « découragées » d’être sur le marché du travail et de se déclarer chômeurs.ses.

Au total, si on ajoute chômeurs, halo du chômage et sous-emploi, nous sommes historiquement haut, hormis le pic du premier confinement (cf. graphiques, « personnes contraintes dans leur offre d’emploi », d’après l’Insee)).

Chômage

  • Chômeurs : l’INSEE estime à 2.386.000 le nombre de chômeurs au sens du BIT au 2è trimestre 2021, soit à peine – 16.000 par rapport au trimestre précédent
  • Halo : mais le « halo » du chômage, qui s’y ajoute, a augmenté de +24.000 personnes au même trimestre par rapport au précédent. Il atteint 2.067.000. soit son niveau historique le plus élevé, hors pic du 2è trimestre 2020 lors du premier confinement (rappelons que le halo compte les personnes inactives, qui ne se déclarent pas chômeurs.ses mais qui seraient prêts à venir sur le marché du travail, et/ou ne sont pas disponibles pour prendre un emploi éventuel). Depuis le 4è trimestre 2019, soit avant la pandémie, ce halo  a augmenté de 90.000 personnes (voir « Un chiffre expliqué : 1,7 million de personnes dans le « halo autour du chômage », Économie&Politique, n°802-803, mai-juin 2021).
  • Il y a un phénomène de transfert de la non activité vers l’activité partielle : (la moitié de ceux ne se déclarant plus chômeurs ont pris une activité à temps partiel réduit (plus de 78 heures par mois), ou très réduit (moins de 78 heures).

Emploi

Le gouvernement communique aussi fortement sur la hausse de l’emploi salarié au 2è trimestre 2021 (+1,2%, après +0,5% au trimestre précédent). Il est tiré par la construction et le tertiaire marchand (dont les hotels, cafés, restaurants, ou les pharmacies). Mais

  1. Hors intérim, l’emploi salarié dit « privé » demeure en-dessous de son niveau d’avant-crise dans l’industrie (-47.000 emploi par rapport à fin 2019) et le tertiaire marchand (-36.000 par rapport à fin 2019),
  2. L’emploi intérimaire augmente mais se trouve nettement en dessous de son niveau fin 2019 (-19.000, il concerne de nombreux jeunes et catégories populaires)
  3. L’emploi dans la construction se trouve au –dessus de son niveau de fin 2019 (+55.000)
  4. L’emploi privé dans le tertiaire non marchand est celui qui augmente le plus (+22.000) : dont +12.000 dans le secteur « santé humaine », 8.000 dans l’hébergement médico-social. Il semble que ce secteur inclut les personnels de droit privé employés dans les établissement de santé ou les Ehpad…
  5. On n’a pas d’information conjoncturelle de même nature sur l’emploi public…

Rappelons qu’il suffit d’avoir travaillé une heure dans la semaine précédant l’enquête pour être considéré comme ayant un emploi.

Commentaires plus généraux

Les statistiques de chômage ont de plus en plus de mal à rendre compte d’un emploi très largement « mité », c’est-à-dire dont le caractère « plein » de l’emploi est de moins en moins clair : pas forcément à temps complet, ou pas à temps complet tous les jours, etc.

Dans cette période très spécifique, les statistiques de pauvreté traduisent donc une part de ce qui se produit sur le marché du travail et dans l’emploi.

De même, avec la crise un phénomène massif provoque des coups d’accordéon considérables : le retrait temporaire du marché du travail (un temps découragés par les perspectives, une masse importante de gens ne se déclarent plus chômeurs, renonçant à chercher un emploi – indépendamment de la politique de radiation de pôle emploi). Ils sortent alors des statistiques puis, lors des reprises d’emploi, ces personnes se déclarent prêtes à prendre un emploi et repassent alors dans le « radar » de l’indicateur de chômage. Ces personnes viennent gonfler celui-ci, alors même qu’une reprise de l’emploi peut être en cours…

Enfin, les statistiques de chômage sont fortement marqués par les arrrivées, ou pas, de jeunes en fin d’études (avec des saisonnalités pas toujours faciles à corriger sur les mois de juillet à septembre). Au mois de juin, différentes classes d’âges de jeunes ont fini leurs études et sont en instance de se présenter sur le marché du travail… ou pas ! Ou de retarder leur présentation sur le marché !