Léon Deffontaines
En 1935, le rédacteur en chef de l’Humanité, Paul Vaillant-Couturier, publiait « Le Malheur d’être jeune ». Ce livre faisait suite aux milliers de lettres qu’il avait reçues de jeunes témoignant de la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient suite à la crise de 1929. Neuf décennies plus tard, l’analyse portée demeure brûlante d’actualité. Les lettres ont été remplacées par des vidéos, mais le cri de détresse reste le même.
Les jeunes, marqués par la précarité grandissante dans laquelle ils se trouvent, se sont récemment retrouvés sur les devants de la scène médiatique. Les vidéos de files d’attente interminables devant les organismes de distribution alimentaires ont fait le tour des chaînes de télévision. Ces images scandaleuses, indignes de la sixième économie mondiale, semblent avoir bouleversé jusqu’au Président de la République.
Et soudain le monde s’agite : les médias, la société, les personnalités politiques semblent découvrir l’existence d’une jeunesse en souffrance et s’émouvoir de sa situation. Et pour cause, depuis l’arrivée de la pandémie notre situation s’est considérablement dégradée. Le taux de chômage des plus jeunes avoisine les 20 %. Le retard scolaire ne cesse de s’accumuler. L’isolement, la précarité des revenus et le salariat étudiant ont entraîné un décrochage massif des étudiants à l’université.
Pourtant, la situation dans laquelle se trouvent les jeunes est loin d’être nouvelle. Les difficultés d’accès au logement, la hausse du salariat étudiant, la sélection sociale dans l’enseignement supérieur, les conditions d’études désastreuses, la précarité de l’emploi sont des réalités connues depuis bien longtemps. Ce sont les rêves et les aspirations de générations entières qui sont brisés.
Désabusés, résignés, las d’une situation qui peut leur apparaître inéluctable, les jeunes s’abstiennent majoritairement. Comment s’en étonner ? Lorsqu’ils se sont mobilisés par dizaines de milliers pour défendre leurs droits, ce gouvernement les a violemment réprimés. Comme à Mantes-la-Jolie, lorsque des policiers ont odieusement contraint des lycéens opposés à « Parcoursup » à se mettre à genoux. On peut bien, à l’Élysée, se gargariser de l’engagement de quelques jeunes dans le « Service national universel », le macronisme est le premier responsable d’une crise de confiance qui n’a cessé de s’aggraver d’année en année. Pour autant, l’abstention des jeunes n’est pas inéluctable, à condition de leur montrer que la politique peut parler de leur quotidien et des manières de le changer. Il faut sortir la jeunesse du misérabilisme et voir en eux une solution pour répondre aux défis que nous avons devant nous.
Les défis que nous avons devant nous
Fabien Roussel veut faire de la jeunesse un moment d’émancipation. La jeunesse regorge de force d’innovation, d’ingéniosité et de créativité, mais la société bride tout ce potentiel. Nous avons pourtant besoin de la force transformatrice des nouvelles générations pour répondre aux défis que nous avons devant nous. Les enjeux sont de taille : la lutte contre le réchauffement climatique, l’accès à la santé, le progrès social et technique, la paix internationale, l’émancipation humaine… Des défis colossaux auxquels nous sommes actuellement incapables de répondre. Pour y remédier, il faut remettre en cause le système afin de permettre à chaque jeune de libérer tout son potentiel pour être utile à l’ensemble de la société. Nous faisons face à des crises comme l’humanité n’en a jamais connues. La réponse doit amener un changement révolutionnaire de la société. Donnons à la jeunesse les moyens de son émancipation.
Avoir la jeunesse la mieux formée
Dans les formations, les derniers rapports PISA (bien qu’incomplets) montrent que la France a un système éducatif de plus en plus inégalitaire, l’un des plus inégalitaires d’Europe. Le retrait d’une demi-journée en primaire, la mise en concurrence des établissements scolaires avec la réforme du baccalauréat, le retrait d’un tronc commun de matières générales dans la filière professionnelle et la sélection généralisée avec Parcoursup ont déroulé le tapis rouge aux instituts éducatifs privés partout sur le territoire. Nous avons un système éducatif à plusieurs vitesses.
Pourtant, nous avons besoin de l’ensemble des forces vives de notre pays pour répondre aux défis de notre temps. Au MJCF, nous ne voulons pas sélectionner les meilleurs pour les former, nous voulons que chaque jeune de ce pays puisse accéder à la meilleure formation possible. Pour ce faire, nous proposons d’augmenter le temps passé à l’école pour arriver à 27 heures en école primaire et 32 heures dès l’entrée dans le secondaire, en même temps nous voulons dédoubler les classes pour limiter à 25 le nombre d’élèves par classe. Nous mettrons fin à sélection à l’entrée de l’université, la seule sélection se fera sur le diplôme requis. Dans l’enseignement supérieur, nous permettrons à chaque étudiant de se consacrer à plein temps à ses études grâce à la création d’un revenu pour tous les étudiants. Ce revenu sera financé en partie par les cotisations et une partie par l’État.
L’école est un aspect essentiel pour permettre l’émancipation des jeunes. L’école n’est pas là que pour former les travailleurs de demain, elle forme les citoyens de demain. Si elle demeure inégalitaire, elle formera alors les citoyens inégaux de demain.
En finir avec le bizutage social lors de l’entrée active
On se rappelle toutes et tous nos premières expériences professionnelles. Nous arrivons avec une farouche envie d’autonomie et l’ambition de se réaliser. Nous cherchons un emploi correctement rémunéré, qui corresponde à nos aspirations et soit utile à la société. La réalité du marché de l’emploi nous rattrape vite. Des dizaines de lettres de motivation restent sans réponse. On enchaîne des contrats pour des durées tellement courtes que le sens même du travail en pâtit. Les retours par la case Pôle Emploi et son lot d’absurdité administrative finissent par nous faire douter de notre légitimité à faire partie de la société. Ce chômage nous pousse à abandonner l’idée de trouver un emploi qui nous plaît, on ne cherche plus qu’un boulot alimentaire, de quoi subvenir à ses besoins.
Le salariat des jeunes est dégradé et fragmenté par de multiples contrats d’exception : services civiques, apprentissage, stage, garantie jeune ou contrat d’engagement. Il ne faut pas aller chercher bien loin pour voir que les boîtes d’intérims pullulent de jeunes, que les missions locales se retrouvent bien souvent démunies face au nombre colossal de moins de 25 ans se trouvant sans emploi ni formation.
Nous souhaitons mettre fin à ce bizutage social. Dans un premier temps, il faut sécuriser l’entrée des jeunes dans la vie active. Les CDI et titularisations doivent redevenir les normes.
Deuxièmement, nous éradiquerons le chômage des jeunes. A celles et ceux qui nous disent qu’il n’y a pas assez de travail, nous leur retorquons que la seule chose qui manque, c’est de l’ambition politique.
Du manque de personnel dans les hôpitaux jusqu’à l’incapacité de la France de produire des masques, la crise sanitaire a tristement mis en lumière les insuffisances de notre pays. Plus généralement, à chaque fermeture d’entreprise, la France perd de sa souveraineté et donc de sa démocratie. Nous avons besoin de retrouver notre fleuron industriel et une fonction publique digne de ce nom, capables de répondre aux besoins de la population française avec les plus hauts niveaux d’exigences en matière sociale et environnementale.
Les jeunes ne doivent plus être une variable d’ajustement, mais un levier pour nous permettre de vivre mieux et de progresser. Combien de potentiels futurs médecins, chercheurs, enseignants, cheminots, ouvriers sont actuellement au chômage ? Recrutons-les, formons-les. Développons les services publics pour permettre à la République sociale d’être présente partout sur le territoire. Planifions les besoins en mettant en place des pré-recrutements dans le service public à destination des jeunes. Lançons des grands travaux utiles partout en France pour développer le ferroviaire, construire des hôpitaux, des crèches, des écoles, pour rénover les logements afin qu’ils ne soient plus des passoires thermiques, mais aussi pour réindustrialiser le pays. Nous retrouverons notre souveraineté lorsque nous retrouverons notre industrie. Favorisons le retour à une industrie de pointe et conditionnons les aides publiques à destination des entreprises à l’embauche de jeunes en CDI.
Créons un statut social, allant de pair avec la construction d’un sécurité d’emploi et de formation
Alors que la jeunesse est une période essentielle dans la construction des individus, elle se retrouve davantage fragilisée par l’exclusion de certains mécanismes de solidarité nationale. Pire, les multiples contrats d’exceptions viennent fragiliser encore un peu plus ces âges de la vie.
Si la jeunesse est une période déterminante dans la construction des individus, elle doit être davantage sécurisée pour permettre aux jeunes de se former sereinement. Par conséquent, nous revendiquons la création d’un statut social pour les jeunes. Il s’agit ici de reconnaître la spécificité de cet âge de la vie et de la nécessité de mettre en place des mécanismes de solidarité nationale pour lui donner les moyens de son émancipation. Ce statut doit permettre de créer ou de garantir des nouveaux droits pour les jeunes tout en permettant une reconnaissance sociale de cette période fondatrice de tout individu. L’émancipation ne passe pas que par le travail et la formation, ce sont aussi des transports gratuits, des logements à bas coût, l’accès au sport, à la culture, aux loisirs… Ainsi, la réponse aux aspirations de la jeunesse est une composante majeure du grand projet de société reposant sur la construction d’un système de sécurité d’emploi et de formation pour toutes et tous.
Les jeunes ne doivent plus être perçus comme un problème à régler mais comme une solution. Une solution pour répondre aux défis que nous avons devant nous. Je dirais même que c’est au cœur de notre projet de société. Permettre à chaque jeune de se réaliser et de s’épanouir, c’est permettre à la société d’avoir un avenir et de répondre aux défis que nous avons devant nous.