Le projet communiste et les jeunes au XXIe siècle

Amado Lebaube
Léo Garcia

Le capitalisme brise les rêves et les aspirations de la jeunesse. La quête de la rentabilité du capital transforme la formation en tri social, l’emploi en précarité, et l’accès aux loisirs en luxe. Quant au projet communiste pour la jeunesse, il ambitionne le droit réel à construire sereinement son avenir, pour soi-même et pour la société.

Une formation pour le libre développement des individus et la transformation de la société

Ces dernières années ont vu se développer une série de contre-réformes visant à aggraver le caractère sélectif du système éducatif français. La plateforme Parcoursup en est évidemment la figure de proue, en rendant sélectif l’accès à toute formation publique de l’enseignement supérieur. Une besogne dont s’occupera désormais sa jumelle « Mon Master » pour les études après la licence. De manière concomitante, la réforme du baccalauréat conduite par Jean-Michel Blanquer a, elle, conduit à une hyperspécialisation des jeunes, ceux-ci étant sommés de constituer des paniers de formation « à la carte », abandonnant ainsi des disciplines du tronc commun dès l’année de première. La réforme de l’enseignement professionnel combattue par les professeurs promettait de parachever cette œuvre en enfermant les jeunes dans des formations reposant essentiellement sur des stages et sur des contenus taillés pour répondre aux besoins immédiats du marché.

Dans chacune de ces réformes, on retrouve une volonté commune : envoyer toujours plus tôt et souvent par défaut les jeunes dans des parcours non choisis, et pour lesquels il devient de plus en plus difficile de revenir en arrière. Évidemment, ce sont les enfants des classes populaires qui subissent le plus la sélection à l’université, autant que les orientations forcées et les formations professionnelles vendues au patronat.

Le projet des jeunes communistes, lui, est tout autre. À cette sélection qui brise les rêves et les aspirations, il nous faut opposer le libre développement des jeunes et le choix de sa formation et de son avenir.

L’orientation ne doit plus être pensée comme une manière de gérer un flux d’élèves devenus trop nombreux pour être accueillis dans une université mise en lambeau par les libéraux. Elle doit, au contraire, permettre à chaque jeune de réfléchir tout au long de sa scolarité, dès le collège, et de manière régulière, aux formations et métiers de ses rêves. Au-delà des nécessaires recrutements de conseillers d’orientation, c’est la réussite de chaque élève qui doit être au cœur de la mission du système éducatif afin de répondre à cette promesse. Cela passe alors par un allongement du temps d’étude nécessaire à la construction d’une culture littéraire, scientifique, artistique, technique, civique, sportive et des conditions d’apprentissages optimales (nombre d’élèves par classe, formation des professeurs…).

Ce chantier doit être mené de pair avec un système éducatif unifié autour d’un tronc commun fort, qui ait la même ambition pour chaque jeune. Si nous voulons que chacun puisse choisir librement entre une formation professionnelle, une formation générale ou technologique, il faut mettre fin à la hiérarchie entre disciplines dites « techniques », « manuelles » et « intellectuelles ». Permettre à toutes les compétences, à tous les savoirs d’être valorisés n’est pas de la démagogie. C’est la condition pour une élévation générale du niveau de connaissances de la population, en même temps que cela permettra de légitimer par le scolaire des disciplines considérées comme « non essentielles ».

L’illusion libérale d’un « libre choix » des cursus et des disciplines masque en réalité de forts déterminismes sociaux et de genre. La catastrophe puis la cacophonie autour de l’enseignement désormais optionnel des mathématiques au lycée en sont la plus criante des illustrations : abandon massif par les jeunes femmes, abandon de l’ambition de démocratisation des maths au profit d’une discipline élitiste…

Le libre développement des individus, le choix de son avenir que nous prônons s’inscrit en contradiction radicale avec une logique individualiste « d’accomplissement personnel ». Elle s’appuie sur des conditions matérielles pour garantir l’égalité réelle et vise la transformation de la société.

La réforme de l’enseignement professionnel vise une impossible adéquation entre offre de formation et emplois à pourvoir immédiatement. Nous voulons pour notre part construire une adéquation entre les besoins de la société (transition écologique, santé, transports, énergie…) et les formations. Cela passe par retirer des griffes du patronat la formation professionnelle afin qu’elle réponde aux besoins de la société tout entière. Mais cela passe de manière plus large par une lutte forte contre tous les mécanismes de tri social, de sélection, d’hyperspécialisation qui empêchent des milliers de jeunes d’accéder aux formations de leurs choix. En refusant d’investir dans la formation, l’État, et avec lui les capitalistes, privent la société tout entière de leur potentiel.

Un emploi stable, sécurisé, utile et émancipateur pour chaque jeune

Concernant le marché de l’emploi, le projet communiste apporte une réponse directe au trait le plus commun de la présence des jeunes dans celui-ci : la précarité.

Aujourd’hui, le capitalisme offre aux jeunes une expérience du travail marquée par la précarité, en matière d’insertion professionnelle comme en matière de nature de l’emploi. En raison des dérogations au droit du travail que permettent leurs jeunes âges, ils et elles sont à la fois une variable d’ajustement pour les besoins de valorisation du capital et un public prioritaire sur lequel on expérimente la libéralisation du travail.

Les jeunes entrent dans la vie professionnelle le plus souvent à travers des contrats de travail temporaires précaires. C’est d’ailleurs une forme de contrat qui concerne près d’un jeune en emploi sur deux. Le recours à l’intérim, aux CDD et aux ruptures de période d’essai, permet aux entreprises de répondre à des besoins variés, ponctuels ou saisonniers, afin d’ajuster leur masse salariale de manière à maximiser leur rentabilité. Cerise sur le gâteau, la loi prévoit un tas d’exceptions spécifiques aux jeunes pour baisser leur « coût » : salaires calculés en pourcentage du SMIC, subventionnement public de contrats temporaires et parfois spécifiques aux jeunes, exonérations de cotisations sociales sur les plus bas salaires, etc. Dans le public, le recours aux contrats de droit privé accompagne la diminution des dépenses publiques et la réduction du nombre de fonctionnaires. L’État employeur peut s’appuyer sur des dispositifs spécifiques aux jeunes comme les services civiques pour pallier ses manques tout en rémunérant à moindre coût des jeunes qu’il aurait pu recruter.

La demande d’expérience au moment du recrutement, plutôt qu’une demande de qualification, sert à faire accepter aux jeunes en emploi ces conditions de travail moins-disants par rapport aux autres salariés. Cela est nourri de plusieurs dispositifs qui brouillent la différence entre l’emploi et l’activité pour ne pas rémunérer le travail et baisser les chiffres du chômage des jeunes : les stages, les services civiques…

Enfin, la précarité des jeunes et les conditions de travail auxquelles ils se résignent font pression sur l’ensemble des salariés, agissant comme un « dumping social intérieur » encouragé par les politiques publiques.

Ici aussi, c’est inefficace pour les jeunes qui n’ont pas les moyens de construire librement leur vie et leur avenir, de s’émanciper, de mener à bien leurs projets. C’est également inefficace pour le pays, car la précarité de l’emploi génère du chômage de masse chez les jeunes et prive la société de leurs qualifications et de leurs apports.

À l’inverse, le projet communiste fait le choix de la sécurisation de l’emploi des jeunes. Il s’agit premièrement de traiter les jeunes à égalité de l’ensemble des salariés, c’est-à-dire les faire entrer dans le droit commun. D’où la remise en cause des contrats précaires et des contrats spécifiques aux jeunes au profit d’un emploi stable, sécurisé et ouvrant des droits sociaux. Il n’y a pas de raison valable de donner moins de droits aux jeunes en raison de leur seul âge. Deuxièmement, il s’agit de permettre aux jeunes de développer toutes leurs capacités et de s’émanciper. Ainsi, les jeunes communistes portent la nécessité d’un dépassement du marché du travail à l’aide d’une continuité des revenus tout au long de la vie dans l’emploi et dans la formation, jusqu’à éradiquer le chômage. Travailler doit devenir utile aux jeunes : avoir une sécurité de revenu et d’emploi, des droits sociaux, un logement, du temps libre, développer ses capacités dans le travail, gagner en qualification, pouvoir se projeter dans la vie, construire une famille si on le souhaite… Un travail précaire n’est au contraire pas utile aux jeunes, il assure seulement la survie.

Troisièmement, le pays a besoin des jeunes pour satisfaire les besoins sociaux gigantesques qui émergent, pour la transition écologique, le développement des services publics, la réindustrialisation. Pour y répondre à la hauteur des enjeux, il faut pouvoir se projeter dans la formation à tous les métiers qui nous seront indispensables et se mettre en capacité de recruter les travailleurs et travailleuses d’aujourd’hui et de demain. Si on laisse faire la main invisible du marché, on continuera à se retrouver en pénurie de travailleurs et travailleuses qualifiées dans les secteurs économiques stratégiques et dans les services publics. Il faut mettre en place une planification des besoins en emploi et en formation à travers de vastes plans de prérecrutements dans la fonction publique ainsi que des contraintes pour l’embauche de jeunes en CDI dans les entreprises.

Notre projet communiste prend tout son sens dans un continuum entre accompagnements à l’orientation tout au long de sa scolarité, formation librement choisie, entrée dans la vie active de manière sécurisée, emploi stable et droit au retour à la formation. Une ambition qui nécessite de reprendre le pouvoir sur le capital et de sortir les politiques publiques de la logique austéritaire pour orienter la formation et l’emploi vers la satisfaction des besoins des femmes, des hommes, et de la société tout entière. Sécuriser les parcours de vie des jeunes, c’est aussi assurer l’avenir du pays.

Au cœur du projet, l’autonomie et l’émancipation

Les jeunes femmes subissent, elles, doublement les entraves du capitalisme. Aux contrats précaires imposés aux jeunes et aux femmes s’ajoutent les temps partiels subis essentiellement par les femmes. Aux orientations forcées s’ajoutent des orientations genrées. Là aussi, c’est la société tout entière qui est privée du potentiel de la moitié de la jeunesse.

La casse du système de santé ne permet pas aux jeunes femmes une pleine autonomie vis-à-vis de leur propre corps. Avec la fermeture des centres IVG alors que la moitié des femmes y ayant recours ont moins de 27 ans, la réduction à peau de chagrin de la médecine scolaire et la médecine du travail, l’émancipation et le choix de son avenir devient d’autant plus ardu pour une jeune femme. Impossible, donc, de penser le droit des jeunes à construire leur avenir sans penser à la fin du patriarcat.

Le projet des jeunes communistes, c’est le projet de nouveaux droits pour la jeunesse : droit à la santé, mais aussi droit au logement, aux transports. Car là aussi résident les entraves à l’autonomie.

Pour de nombreux jeunes, la rareté des transports en commun rend quasi impossibles les études de son choix, ou encore un emploi stable et choisi. La cherté des loyers dans un marché immobilier concentré entre les mains de quelques propriétaires privés représente, elle aussi, une barrière conséquente à la mobilité et au parcours de vie. Notre projet pour l’autonomie des jeunes passe ainsi par un droit inaliénable à se déplacer pour étudier, travailler, mais aussi sortir, voir ses amis, autant que par un droit au logement, sorti des griffes du marché. De quoi poser aussi les fondements d’un droit aux loisirs, au sport, à la culture pour toutes et tous, rendu possible par leur accessibilité géographique et financière, mais aussi à une sensibilisation et un soutien aux pratiques artistiques et sportives dès le plus jeune âge.