Socialisme et communisme (en même temps) : une question de régulation économique et de régime politique

Kevin Guillas-Cavan
économiste

S’interroger sur le terme de « socialisme », c’est s’interroger sur le chemin susceptible de conduire de l’état de choses existant à une société communiste. Cet article expose un point de vue sur ce sujet dans le contexte des débats préparatoires au 39ème congrès du PCF.

À chaque congrès du Parti communiste français resurgit le débat entre le socialisme comme étape entre capitalisme et le communisme et l’idée d’un « communisme déjà-là » ou de « déjà-là communistes »[1]. Le texte soumis aux amendements des communistes à l’occasion du 39ème congrès esquive le débat en proposant le « communisme comme visée historique et comme chemin de lutte. » Dans le même temps, sans jamais relever le terme de socialisme, abandonné depuis le 26èmecongrès, le texte définit le communisme comme « s’opposant radicalement au capitalisme » et « comme le dé­passement des nations, de l’argent, de l’État ». Quant aux grands conquis sociaux, à commencer par la Sécurité sociale, ceux-ci sont qualifiés de « progrès vers du communisme ». Cela pose deux questions :

  1. Ces « progrès vers le communisme » ne sont-ils que des réformes sociales rendant le capitalisme plus « humain » ou bien sont-ce les ferments d’un autre système, subvertissant le capitalisme ?
  2. Est-on condamné à rester dans le capitalisme, jusqu’au moment où quelque chose de radicalement opposé sera advenu ou y a-t-il une phase intermédiaire qui sans être du communisme n’est plus du capitalisme et répond à l’urgence de la situation ?

Cet article argumente que nous avons besoin d’une définition précise de la société émergeant de la rupture avec le capitalisme qui est encore marqué par celui-ci et n’est pas la société sans classe, sans argent et sans État. Nous devons être capable de présenter les grandes lignes de cette future société et d’expliquer à la fois pourquoi cette société socialiste (puisque c’est le terme que la tradition a donné à cette phase) n’est pas encore pleinement du communisme mais contient suffisamment d’éléments déjà communistes pour former un ensemble avec la future société communiste pleinement développée.

Pour cela, nous montrerons (1) que le communisme / socialisme naissent dans le capitalisme et que le communisme balbutiant porte encore tellement les stigmates du capitalisme qu’il appelle un autre terme pour prendre en compte cet encore-là capitaliste. Inversement, nous reviendrons (2) sur les thèses d’un déjà-là communiste dans le capitalisme pour montrer qu’il s’agit davantage d’un déjà-là socialiste car si le régulateur de ces éléments post-capitalistes n’est plus le profit, il n’est pas non plus pleinement communiste, à quelques exceptions notables.

Nous approfondirons ensuite cette question pour montrer (3) que le socialisme et le communisme sont deux modes de production aux régulateurs économiques différents mais (4) unis par un même régime politique, pleinement démocratique, qui entraîne, dès les premiers jours du socialisme, un dépérissement de l’État par la substitution révolutionnaire de nouvelles institutions à celles en surplomb de l’État bourgeois. Nous esquissons enfin (5) de quelle manière notre projet de sécurité d’emploi et de formation, pleinement développé, s’inscrit dans ce mouvement et constitue une alternative socialiste adaptée à la France, tout en enclenchant le dépérissement révolutionnaire de l’État préfigurant le communisme pleinement développé.

1. Le communisme comme mouvement prenant racine dans les crises du capitalisme

Le communisme est souvent défini suivant la formule des jeunes Marx et Engels dans L’Idéologie allemande comme « le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses »[2].

« L’état actuel des choses » est évidemment les rapports sociaux de production capitalistes, mais aussi toutes les formes de domination dont se nourrit le capitalisme mais qui ont leur propre dynamique, comme le patriarcat, le racisme, etc. Le communisme est le mouvement (organisé) qui abolit toutes ces formes de domination par la lutte des communistes. Il est aussi « le mouvement réel », c’est-à-dire le mouvement de reproduction élargie de l’accumulation du capital qui, en se répétant, tend à abolir l’état (capitaliste) des choses.

Le communisme nait donc dans le capitalisme, de la reproduction de son mouvement d’accumulation qui génère des contradictions toujours plus importantes. Celles-ci entraînent des crises. Le dépassement momentané de ces crises éloigne de plus en plus le capitalisme de son fonctionnement fondamental.

Le capital ne peut faire face à la baisse tendancielle du taux de profit qu’en se concentrant. Ces concentrations du capital prennent aussi la forme de destruction de capital. Chaque fusion d’entreprises est en effet l’occasion de la recherche de « synergies », c’est-à-dire de chasse aux doublons et de la suppression des capacités productives ou administratives surnuméraires.

La première crise d’accumulation du capital que Marx a pu observer à la fin de sa vie a conduit à une telle concentration du capital que la concurrence a largement disparu dans de nombreux segments au profit de grands monopoles s’entendant. La seconde grande crise d’accumulation, celle du début du XXème siècle qu’a notamment analysée Lénine, a d’abord donné naissance à la colonisation puis, quand celle-ci s’est essoufflée et que la baisse tendancielle du taux de profit a repris sa course implacable, aux concentrations du capital sous l’égide de l’État mais au service des intérêts des capitalistes (ou en tout cas de ses capitalistes nationaux), ce qui s’accélère au cours de la Première Guerre mondiale.

De manière latente, on assiste à une tendance à la socialisation du capital, de sorte que s’accroît la contradiction entre les forces productives, de plus en plus socialisées, et les rapports sociaux de production qui, eux, restent fondés sur la propriété privée de moyens de production. Ainsi, le capitalisme monopoliste d’État classique, tel qu’analysé par Lénine, est « un pas vers la réglementation de toute la vie économique d’après un certain plan d’ensemble, un pas vers l’économie du travail national afin de prévenir son gaspillage insensé par le capitalisme. »[3]

C’est au sein du capitalisme monopoliste d’État que nait la « société communiste », mais comme le note Marx « non pas telle qu’elle s’est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste ; une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société des flancs de laquelle elle est issue. »[4] Ainsi, le communisme naissant est encore du capitalisme monopoliste d’État et même un capitalisme d’État total où la propriété de l’ensemble des moyens de production est transférée à la collectivité. C’est là l’importance des nationalisations qui arrachent la propriété aux capitalistes. Relevons toute fois que ce geste n’implique pas nécessairement que la gestion des entreprises soit étatisée et non socialisée.

Notons aussi que dans le cas des pays économiquement arriérés comme l’étaient la Russie ou la Chine au moment de leur révolution, le capitalisme était encore balbutiant et non à son stade monopoliste d’État. Le premier devoir des communistes de ces pays a donc été de prendre en charge les fonctions du capitalisme monopoliste d’État, mais à d’autres fins que la distribution du profit à une classe capitaliste. Dans le cas soviétique ou chinois, une première phase du socialisme visant au développement des forces productives du capitalisme monopoliste d’État a précédé la première phrase du communisme (socialisme) qui est le capitalisme monopoliste d’État réorientée à d’autres fins grâce à la prise du pouvoir d’État.

2. Remarque sur le capitalisme monopoliste d’État social français et ses éléments de socialisme déjà-là

La forme historique qu’a pris le capitalisme monopoliste d’État en France dans l’après-guerre rend les choses encore plus complexes. Sous l’impulsion du PCF et de la CGT, celui-ci prend un tour social les grandes entreprises publiques sous statut d’EPIC et non-étatiste avec la gestion par les intéressé·es de la Sécurité sociale assise sur des cotisations sociales[5].

Les grandes entreprises monopolistes de service public font que le capitalisme monopoliste d’État français comporte déjà des îlots de socialisme. Le statut d’EPIC leur garantit une certaine autonomie vis-à-vis de l’État et leur fixe d’autres critères de gestion que ceux qui visent la maximisation du taux de profit. Leur statut les place en dehors du régulateur fondamental des entreprises capitalistes, même si la gestion quotidienne de ces entreprises demeure largement étatisée et insuffisamment socialisée.

Quant à la Sécurité sociale, elle est dans son esprit largement non-étatique, même si l’absence de droit pour les gestionnaires élu·es de fixer les taux de cotisation a donné dès le départ le dernier mot à l’État[6]. Mais même à considérer son esprit, cela suffit-il pour autant à en faire un élément de « communisme déjà-là » ?

Oui et non. Certes, la Sécurité sociale est une institution non-étatique, préfigurant une alternative communiste à l’État mais son critère de gestion, s’il n’est plus capitaliste, n’en est pas pour autant pleinement communiste. En effet, le régulateur fondamental du communisme est le bien connu « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins »[7]. Or, si ce principe est plus ou moins celui qui régule la branche maladie, ce n’est pas le cas pour la branche vieillesse qui est le plus souvent évoquée comme celle préfigurant un salaire délié de la production[8], une « garantie économique universelle »[9] permettant la satisfaction des besoins sociaux.

Dans ce cas, force de constater que le principe reste contributif. Certes pas directement contributif (on ne reçoit pas la somme cotisée), mais sur la base d’un calcul dont la logique repose sur une forme d’égalité dans la contribution. La personne partant à la retraite fait valoir son droit à une certaine fraction de son dernier salaire (plus précisément : la moyenne des meilleures années). Pour une personne atteignant l’espérance de vie moyenne, cela correspond à une somme très supérieure à ce qu’elle a cotisé. Mais cette somme est couverte par les cotisations versées par les travailleurs et les travailleuses en activité sur la base d’un taux de cotisation égal à celui de la personne faisant valoir ses droits. Dit de manière rigoureuse : le fonctionnement de la Sécurité sociale est contributif car une classe d’âge reçoit la même proportion de la valeur produite à l’instant t que la proportion de la valeur qu’elle-même a produite en t-n qu’elle a elle-même cotisée.

3. Socialisme et communisme : deux modes de production ou deux phases ?

Il y a donc dans le capitalisme des éléments déjà post-capitalistes. Grâce aux luttes sociales, une minorité d’entre eux peuvent être dits « socialistes » (et dans de très rares cas « communistes »). Mais la majorité d’entre eux sont seulement latents, comme la socialisation des forces productives qui ne devient pleinement post-capitaliste que quand les rapports sociaux de production et de propriété cessent d’être capitalistes.

Imparfaitement « communistes », ils correspondent à ce que Marx qualifiait de « première phase du communisme »[10] dans laquelle les travailleurs et travailleuses participant à la production collectivement décidée, reçoivent la part de la valeur qu’ils ont créée, c’est-à-dire que le partage est encore inégal, mais juste au sens où il est « proportionnel au travail fourni » et donc débarrassé des parasites capitalistes ponctionnant la valeur produite sans participer au travail commun. Comme l’écrit Marx, « ce droit égal [de tous les travailleurs et travailleuses dans la première phase du communisme] est un droit inégal pour un travail inégal. Il ne reconnaît aucune distinction de classe, parce que tout homme n’est qu’un travailleur comme un autre ; mais il reconnaît tacitement l’inégalité des dons individuels et, par suite, de la capacité de rendement comme des privilèges naturels ». Cette « première phase du communisme » est tellement différente du communisme pleinement développé que la tradition postérieure à Marx lui a donné un nom distinct, celui de « socialisme ».

Si les régulateurs sont si différents pourquoi Marx parle-t-il dans La Critique du programme de Gotha de « deux phases » et non pas de deux « modes de production », l’un « socialiste » et l’autre « communiste » ? Nous voyons deux raisons à cela.

La première raison est que de même que se développent dans le capitalisme des éléments déjà post-capitalistes, généralement latents, parfois « socialistes » voire « communistes », se développent dans la première phase du communiste les éléments pleinement communistes qui s’étendent peu à peu. Ces principes « pleinement communistes » sont en effet l’extension des « défalcations » qui sont faites par la société avant partage de la valeur entre les travailleurs et les travailleuses. Ces défalcations sont souvent considérées comme des détails techniques, alors qu’elles constituent le cœur du raisonnement de Marx dans La critique du programme de Gotha.

En effet, on soustrait d’abord à la valeur revenant aux travailleurs et aux travailleuses ce qui est nécessaire « au remplacement des moyens de production usagés »[11], « pour accroître la production » et pour constituer « un fond de réserve ou d’assurance contre les accidents, les perturbations dues à des phénomènes naturels, etc. », mais aussi « ce qui est destiné à satisfaire les besoins de la communauté » comme les « écoles, installations sanitaires, etc. », « les frais généraux d’administration qui sont indépendants de la production » et « le fonds nécessaire à l’entretien de ceux qui sont incapables de travailler, etc., bref ce qui relève de ce qu’on nomme aujourd’hui l’assistance publique officielle. » Bref, on retire ce qui est nécessaire aux investissements productifs, aux services publics et à la Sécurité sociale pour le dire en des termes contemporains.

La seconde raison tient à ce que la rupture entre le capitalisme pleinement développé, à son stade monopoliste, le socialisme et le communisme ne sont pas des ruptures franches. Pour être plus précis, la rupture entre le capitalisme et le socialisme/communisme est nette politiquement (l’État est pris et radicalement transformé) mais la rupture économique l’est moins dans un premier temps (les monopoles continuent d’exister mais sans prélèvement capitaliste). Inversement, la rupture entre le socialisme et le communisme n’est pas d’ordre politique (l’État dépérit dès la rupture avec le capitalisme par la création de nouvelles institutions pleinement démocratiques) mais bien économique (le régulateur fondamental n’est plus le même).

4. L’État, différence majeure ou facteur d’unité entre socialisme et communisme ?

Ce point de vue peut paraître iconoclaste[12], tant on a pu faire du socialisme un mode de production « s’opposant radicalement au capitalisme » mais où l’État demeurait central, son dépérissement étant remis à un futur lointain. Il nous semble pourtant découler de l’analyse même du développement des contradictions du capitalisme et avoir été clairement démontré par Marx et Lénine.

Il nous semble que le raisonnement demeure valide tant le capitalisme demeure un capitalisme monopoliste d’État. Ce terme ne doit en effet pas nous tromper. La privatisation des grandes entreprises publiques n’a pas mis fin à l’entrelacement de l’État et du capital, bien au contraire. La multiplication des aides publiques aux entreprises qui dépassent désormais les 200 milliards d’euros, soit 8 % du PIB constitue une nouvelle forme de dévalorisation du capital[13]. En effet, l’État paie les investissements des entreprises privées sans demander le moindre retour. Le coût réel de l’investissement pour les capitalistes est donc diminué ce qui accroît mécaniquement leur taux de profit. L’accent que met le Parti communiste sur « reprendre le pouvoir sur l’argent » renvoie en dernière instance à une analyse des transformations du capitalisme monopoliste d’État et la nécessité de réorienter ces sommes prodigieuses (et celles de la création monétaire passant par les banques) à d’autres fins que le taux de profit.

En effet, ce capitalisme monopoliste d’État, en tant que résultat du mouvement interne du capitalisme, est un moment du « mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses ». Poussé jusqu’au bout, il est « l’antichambre du socialisme ». Pour Lénine, il cesse d’être du « capitalisme monopoliste d’État » et devient du « socialisme », « si l’on est en régime démocratique révolutionnaire », c’est-à-dire si l’État est dans les mains « de la population et, en premier lieu, des ouvriers et des paysans », « car le socialisme n’est autre chose que l’étape immédiatement consécutive au monopole capitaliste d’État. Ou encore : le socialisme n’est autre chose que le monopole capitaliste d’État mis au service du peuple entier et qui, pour autant, a cessé d’être un monopole capitaliste. »[14]

Néanmoins comme il le précise dans l’un de ses derniers textes, répondant à Boukharine (et par avance à Trotski qualifiant l’Union soviétique de « capitalisme d’État »), : « lorsque nous disons “État”, cet “État”, c’est nous, c’est le prolétariat, c’est l’avant-garde de la classe ouvrière. Le capitalisme d’État est un capitalisme que nous saurons limiter, dont nous saurons fixer les bornes, ce capitalisme d’État est rattaché à l’État, mais l’État, ce sont les ouvriers. »[15] La première phase du communisme ressemble donc à du capitalisme monopoliste d’État, mais d’un État qui change de mains, met en place de nouveaux critères de gestion obéissant à un nouveau régulateur et, en fait, d’un État changé, car celui-ci n’est plus extérieur à la société, un instrument d’oppression au service de la classe bourgeoise. L’État est transformé.

Aux institutions bourgeoises qui organisent la séparation de l’économique et du politique, qui organisent la délégation du pouvoir à des professionnels de la politique, doivent succéder de nouvelles institutions assurant la participation souveraine des travailleurs et des travailleuses. C’est en ce sens que Lénine peut écrire la formule en apparence contradictoire en disant que le socialisme, c’est « le capitalisme d’État en régime communiste » [16]. Le mode de régulation n’est pas encore pleinement communiste, la socialisation des forces productives repose sur la forme spécifique qu’elle a pris dans le capitalisme monopoliste (le capitalisme d’État), mais l’État est déjà dépéri, car il est remplacé par de nouvelles institutions.

5. La sécurité d’emploi et de formation, un projet de socialisme à la française portant en germe son dépassement communiste

C’est dans ce cadre léniniste que s’inscrivent les travaux de Paul Boccara sur le capitalisme monopoliste d’État[17] d’abord, puis sur les critères de gestion[18] qui sont une des modalités cruciales de ces « bornes » dont parle Lénine, bornes qui changent la nature même du capitalisme monopoliste pour en faire autre chose que du capitalisme. C’est aussi d’une réflexion sur les limites évidentes sur lesquelles a fini par butter l’expérience léniniste que le Parti communisme a adopté le projet de Sécurité d’emploi et de formation comme une alternative démocratique et dynamique à la planification centrale de l’Union soviétique.

Dans sa forme pleinement développée, celle-ci lie la formation des travailleurs et des travailleuses aux investissements qui vont créer de nouveaux emplois, investissement qui sont décidés souverainement dans de nouvelles institutions. Dans les entreprises, les comités d’entreprise disposeront d’un droit de proposition pour de nouveaux investissements, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur entreprise. Les conférences locales pour la formation et l’investissement, composés d’élu·es et de représentants syndicaux, arbitreront entre les divers projet soumis par les comités d’entreprise et des projets de création de nouvelles entreprises qui leur semblent nécessaires pour répondre aux besoins sociaux démocratiquement déterminés. Pour éviter la concurrence entre territoire, ces investissements se feront sous la coordination de conférences régionales et d’une conférence nationale.

Ces nouvelles institutions préfigurent, à côté de celles de la Sécurité sociale, l’alternative à l’État bourgeois que nous proposons. En ce sens, elles s’inscrivent dans un « régime communiste ». Néanmoins, le mode de régulation n’est pas encore pleinement communiste. Il vise certes à répondre aux besoins sociaux démocratiquement déterminés mais répond à un principe contributif car le revenu des travailleurs et des travailleuses est proportionnel à leur contribution à la production permettant de satisfaire les besoins sociaux démocratiquement déterminés.

Notons d’ailleurs que cette définition ne réduit pas la production à la seule production de biens et de services marchands, mais intègrent aussi aux travaux d’éducation, de soin, etc., voire les travaux dits reproductifs. La liste des activités reconnues comme répondant à des besoins sociaux et donc rémunérées n’est pas limitée a priori et dépend des choix démocratiques. S’occuper d’un parent malade, par exemple, peut tout à fait être considéré comme une activité répondant à un besoin social démocratiquement reconnu. Ou non car la société a estimé que les métiers du soin doivent être assurés hors de la famille, par des professionnels formés et a investi dans la formation de ces professionnels. Le choix n’est pas a priori et c’est sur ces choix que porteront les débats dans le système que nous proposons.


[1] Je reprends ces deux expressions à Lucien Sève et à Bernard Friot, sans discuter ici les différences importantes entre ces deux auteurs et les différences entre ces deux concepts.

[2] K. Marx et F. Engels, L’Idéologie allemande, Paris, Éditions sociale, 2012.

[3] Vladimir I. Lénine, La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer, dans Œuvres complètes, Paris, Éditions sociales, 1957 [première publication 1917], vol. 25, p. 389.

[4] Karl Marx, Critique du programme de Gotha, Paris, Éditions sociales, 2008 (première publication en allemand : 1873).

[5] Kevin Guillas-Cavan, « La gestion des caisses de retraites et du système de Sécurité sociale : raviver l’idéal d’auto-gestion par les intéressé·es », Économie et politique, n° 778-779, mai-juin 2019, pp. 41-44.

[6] Ibidem.

[7] Karl Marx, Critique du programme de Gotha, op. cit.

[8] Voir par exemple, Bernard Friot, L’enjeu des retraites, Paris, La Dispute, 2010.

[9] Frédéric Lordon, Figures du communisme, Paris, La Fabrique, 2021.

[10] Toutes les citations de ce paragraphe sont tirées de Karl Marx, La Critique du programme de Gotha, op. cit.

[11] Ibidem.

[12] Loin de l’être pourtant, une argumentation similaire avait déjà été développée par Louis Althusser dans« Qu’est-ce qu’un mode de production », dans Écrits sur l’histoire, Paris, Presse universitaire de France, pp. 127-186.

[13] Aïmane Abdelsalam et alii, Un capitalisme sous perfusion, Rapport CGT-IRES, Noisy-le-Grand, Mai 2022.

[14] Vladimir I. Lénine, La catastrophe imminente, op. cit..

[15] Vladimir I. Lénine, Rapport politique du comité central du P.C.(b.)R. au XIème congrès du P.C.(b.)R.,dans Œuvres complètes, Paris, Éditions sociales, 1963 [première publication 1922],vol. 33, p. 293.

[16] Ibidem.

[17] Paul Boccara, Études sur le capitalisme monopoliste d’État, sa crise et son issue, Paris, Éditions sociales, 1973.

[18] Paul Boccara, Intervenir dans les gestions avec de nouveaux critères, Paris, Éditions Sociales, 1985.

1 Comment

  1.  » Communisme déjà là  » A la création de la Sécurité Sociale je pense qu’il y avait un embryon de communisme, car gérée par les travailleurs élus . Mais au fil du temps , elle a été étatisée par les gouvernements successifs . Il y a bien longtemps que l’on ne vote plus pour nos représentants ,de plus elle est en partie financée par un impôt , la CSG contraire à la philosophie de Ambroise Croizat qui était basée sur la cotisation ( part salariale selon ses capacités et part patronale ). Depuis le  » communisme déjà là  » s’éloigne .

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