Gisèle Cailloux
Pour la première fois depuis 14 ans, que ce soit avec le taux de chômage INSEE ou les chiffres de Pôle Emploi, le gouvernement reconnaît une hausse du chômage. Un examen attentif des statistiques disponibles montrent que la situation est encore plus préoccupante que ce que ces chiffres indiquent.
Pour le troisième trimestre 2023, les chiffres concordent : officiellement ils repartent (pour la deuxième fois consécutive) à la hausse avec :
- 2,3 millions de chômeurs INSEE (+ 0,2 %) auxquels s’ajoutent 2 millions dans le halo du chômage (+ 164 000 sur 1 an) soit 4,3 millions pour l’INSEE.
- un peu plus de 5 millions (dont 2,8 en catégorie A) inscrits à Pôle Emploi catégories A,B,C.
- Cette hausse prévisible est légèrement supérieure à ce qu’anticipait l’institut statistique national dans sa dernière note de conjoncture (le taux de chômage ressort à 7,4 % contre 7,3 % prévu). Cela contrarie l’objectif du gouvernement de « plein-emploi » soit 5 % [1] à la fin du quinquennat, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un bref incident. L’INSEE constate un net ralentissement des créations d’emploi (bien que le retournement de l’emploi soit de son point de vue encore incertain). De son côté, l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économique) se montre plus pessimiste et table sur une hausse du chômage à 7,9 % en 2024 dans un contexte de faible croissance de l’activité alors que la population active augmente du fait de la mise en place de la réforme des retraites. La Banque de France estime quant-à-elle que le chômage devrait remonter progressivement jusqu’à 7,8 % en 2025.
INSEE ou Pôle emploi, la tendance est donc la même mais avec des différences numériques importantes. Alors quelle fiabilité accorder à des chiffres qui parfois se contredisent et dont nous avons maintes fois dénoncé les manipulations dans la lettre du RAPSE ?
Petit rappel pour comprendre la différence d’approche sur un même problème.
- Le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail a l’avantage d’être international. Il permet une comparaison du chômage d’un pays à l’autre puisque les critères sont les mêmes.
Être chômeur au sens du BIT c’est :
- être sans emploi une semaine donnée,
- être disponible pour travailler dans les deux semaines,
- avoir effectué au cours des quatre dernières semaines une démarche active de recherche d’emploi ou trouvé un emploi qui commence dans trois mois.
L’enquête emploi de l’INSEE qui détermine le nombre de chômeurs retenus, donc le taux de chômage, est une enquête trimestrielle réalisée auprès d’environ 110 000 ménages et portant sur toutes les personnes de 15 ans et plus. Les ménages sont interrogés 6 trimestres d’affilés avec à chaque fois un renouvellement de 1/6 d’entre eux.
L’INSEE complète son calcul du taux de chômage par des courbes, très rarement invoquées dans les médias, celles du halo autour du chômage.
Il s’agit de gens :
- sans emploi mais non disponibles pour travailler,
- qui n’ont pas cherché un emploi mais souhaitent travailler et sont disponibles,
- qui n’ont pas cherché un emploi mais souhaitent travailler sans être disponibles.
En fait, si vous avez travaillé ne serait-ce qu’une heure pendant la semaine de référence, vous n’êtes pas comptabilisé dans les chômeurs mais dans le halo du chômage.
Chômage et halo autour du chômage en part de la population.
Lecture : En 2021 5,8 % des personnes âgées de 15 à 64 ans sont au chômage au sens du BIT ; 4,6 % sont dans le halo autour du chômage. Parmi les 15 ans ou plus, 7,9 % de la population active est au chômage.
Champ : France hors Mayotte
Source INSEE séries longues sur le marché du travail, enquêtes Emploi
A-t-on réellement les moyens dans chaque pays du monde de respecter tous ces critères pour déterminer le taux de chômage ? Une chose est sûre, toutes les nations n’ont pas, loin s’en faut, l’équivalent d’un Pôle Emploi (que le gouvernement français s’échine à réduire).
- À Pôle Emploi, chômeur total ou chômeur du halo, il suffit de s’inscrire pour être pris en compte… avec quelques bémols !
Sont exclus ceux qui ont quelques brouilles avec l’administration (voir entrées et sorties de Pôle Emploi, chapitre D).
Il manque aussi tous ceux qui n’éprouvent plus le besoin de maintenir leur inscription (voir l’exemple des seniors, chapitre F) ou de s’inscrire (jeunes ni en emploi, ni en formation, ni au chômage !
À Pôle Emploi, les chômeurs sont inscrits dans 5 catégories en fonction de leur situation.
- Catégorie A : chômeur sans aucun emploi
- Catégorie B : ayant travaillé moins de 78 heures
- Catégorie C : ayant travaillé une activité réduite de plus de 78h
- Catégorie D : en formation, en maladie, contrats de sécurisation professionnelles
- Catégorie E : contrats aidés, créateurs d’entreprise.
A, B, C sont tenus de rechercher un emploi.
Demandeurs d’emploi par catégorie
Données CVS-CJO
Ces différentes définitions expliquent pour une part importante les indications apparemment contradictoires que fournissent les chiffres produits par l’INSEE d’une part, par Pôle Emploi de l’autre.
- Ainsi, l’INSEE dénombre selon Les Echos Etudes 29 novembre 2023) 539 000 chômeurs longue durée (en recherche d’un emploi depuis plus d’un an) à la fin du troisième trimestre 2023, soit 1,8 % des actifs.
- Pôle Emploi pour sa part dénombre 2,213 millions de chômeurs de plus d’un an.
Mais évidemment, il s’agit pour Pôle Emploi des catégories A, B, C alors que l’INSEE occulte le halo dans ces données.
Mais les chiffres ne minimisent-ils pas une fois de plus la réalité de la dégradation de l’emploi ?
Dans son document trimestriel, la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) du ministère du Travail donne les raisons d’entrée (inscriptions) ou de sortie de Pôle Emploi.
Entrées en catégories A, B, C par motif
Nota : – (1) inscription pour la 1ere fois après les études ou personne qui était inactive.- (2) : fin de maladie de maternité, de formation, – (3)après une sortie de courte durée suite à un défaut d’actualisation, une radiation administrative ou une période d’inactivité. – (4)Après activité non salariée, retour en France, recherche d’un autre emploi.
Sorties en catégories A, B, C par motif
Nota : – (1)Uniquement celles connues par Pôle emploi. – (2) Déménagement, titre de séjour non valide, absence de résidence > à 35 jour etc.
Source Pôle Emploi
145,6 milliers de personne ont retrouvé un emploi ou une formation (encore que formation ne veuille pas dire salaire !), 235,5 ont clairement perdu leur emploi.
Et 280,9 milliers ont été radiés ou ont subi une cessation d’inscription.
Les tableaux ci-dessus montrent que ceux qui sortent de Pôle Emploi parce qu’ils ont trouvé un emploi ou une formation sont moins nombreux que ceux qui entrent parce qu’ils ont perdu leur emploi ! Et cette différence se reproduit trimestres après trimestres.
Comparaisons entrées Pôle Emploi pour perte d’emploi et sorties pour reprises d’emploi.
Reprise emploi | Perte d’emploi | Différence | |
2018 1er T | 105,9 | 236,5 | 130,6 |
2e T | 106,8 | 244,7 | 137,9 |
3e T | 107,8 | 233,6, | 125,8 |
4e T | 107,7 | 229,5 | 121,8 |
2019 1er T | 111,4 | 241,7 | 130,3 |
2e T | 110,1 | 236,7 | 126,6 |
3e T | 115,9 | 228,9 | 113 |
4e T | 112,8 | 228,1 | 115,3 |
…………COVID………… | |||
2020 4e T | 105,8 | 217,3 | 111,5 |
2021 1er T | 109,6 | 215,4 | 105,8 |
2e T | 118,3 | 208,6 | 90,3 |
3e T | 126,1 | 219,8 | 93,7 |
4e T | 127,3 | 216,5 | 89,2 |
2022 1er T | 109,3 | 232,1 | 122,8 |
2e T | 93,8 | 242,6 | 148,8 |
3e T | 90,9 | 238,1 | 147,2 |
4e T | 87,8 | 239,2 | 151,4 |
2023 1er T | 84,2 | 241,5 | 157,3 |
2e T | 81,4 | 233,9 | 152,5 |
3e T | 84,6 | 233,5 | 148,9 |
Tous ces chiffres émanent de la Dares « demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi au trimestre considéré.
(*) Sorties avec réinscriptions : Une partie des radiations administratives et des cessations d’inscription sont annulées sur une courte durée par des réinscriptions rapides. Cette courbe représente les sorties administratives moins les « réinscriptions rapides ». Mais dans ces réinscriptions on trouve aussi des périodes d’inactivité sans que l’on sache l’importance de relative de ces deux postes.
Pour rappel, chaque mois les demandeurs d’emploi sont tenus de renouveler leur inscription et d’actualiser leur situation. Ils ont 15 jours pour porter à la connaissance de Pôle Emploi les changements éventuels sur cette dernière. Celui qui oublie ou prend du retard fait l’objet d’une cessation d’inscription pour défaut d’actualisation. Toutefois il peut se réinscrire rapidement.
Pour ce qui concerne la radiation, dans 71 % des cas il s’agit d’absence de réponse à une convocation et aux relances de Pôle emploi.
Pour qu’un chômeur ne se réinscrive pas, on peut imaginer de multiples causes :
- des difficultés pour se déplacer en province ou dans certaines banlieues ;
- un désintérêt vis-à-vis de Pôle Emploi lorsqu’on est en fin de droits et que cette institution ne propose pas d’emploi ;
- la multiplication des CDD très courts qui fait qu’une même personne enchaîne des CDD pouvant être de moins d’une journée avec des intervalles de chômage ne permettant pas toujours de régulariser sa situation.
Au deuxième trimestre 2023, en France métropolitaine, il y a un peu plus de 5 millions d’inscrits à Pôle emploi en catégories A, B, C. Ce chiffre augmente légèrement au 3e trimestre 2023.
Les contrats courts
Au deuxième trimestre, 2,268 millions des inscrits à Pôle Emploi ont partiellement travaillé (catégories B et C). Ils sont donc concernés par les 6 338 200 contrats de travail qui ont été signés au deuxième trimestre dans le secteur privé (hors agriculture, intérim et particuliers employeurs), dont 4 204 300 étaient des CDD courts (catégorie inférieure à 1 mois) avec une durée moyenne de 6 jours. On peut imaginer l’importance numérique des CDD d’un jour ou moins pour arriver à cette moyenne de 6 jours !
La courbe ci-dessous montre que 4,2 millions de CDD de moins d’un mois sont arrivés à terme lors de ce deuxième trimestre 2023.
Nombre de CDD arrivés à terme et de ruptures anticipées de CDD
Une étude de DARES Analyses (avril 2023) montre qu’en 2019 39 000 établissements (37 %) du secteur privé ont eu recours, toute l’année, à 31,3 millions de contrats courts (de 31 jours maximum). Ces contrats avaient une moyenne de 6 jours. Sur un trimestre, il est évident que le salarié qui enfile des contrats de 6 jours va signer un certain nombre de contrats, souvent avec le même employeur.
Ainsi, des millions de gens passent chaque trimestre de la catégorie A à la catégorie B ou C et vice-versa. Ou encore, ayant été malade ou en formation, de la catégorie D à A, B ou C. Idem pour les contrats aidés ou créateurs d’entreprise retombant chômeur !
Le gouvernement se targue de créations positives d’emplois (plus de créations que de destructions). Mais pour que cela ait un effet positif sur l’emploi, il faut que ce solde soit supérieur à l’augmentation naturelle de la population active avec l’entrée des jeunes sur le marché du travail.
Mais à l’autre extrémité, la population active augmente du fait de la mise en place des réformes des retraites dans un contexte de faible croissance de l’activité.
Les effets perceptibles de la réforme des retraites de 2010 sont le décalage de l’effet horizon, l’augmentation du nombre d’entrées autour de 61 ans et des indemnisés après 60 ans (+100 000).
Cela signifie que les personnes dont l’âge de retraite va une fois de plus reculer ne sont pas du tout assurées d’avoir un emploi !
Avec l’âge, le chômage des plus de 50 ans diminue, mais l’emploi aussi
Les seniors sur le marché du travail en 2022
Âge | % en emploi | % en retraite | Cumul emploi/retraite | % de chômeurs | Ni emploi, ni retraite, ni chômage |
50 | 83,4 | 0,3 | 0,6 | 4,4 | 11,3 |
51 | 84,6 | 0,3 | 0,5 | 3,8 | 10,7 |
52 | 83,8 | 0,4 | 0,7 | 4,1 | 11,0 |
53 | 81,7 | 0,5 | 0,7 | 4,4 | 12,8 |
54 | 80,8 | 0,4 | 0,9 | 4,0 | 13,9 |
55 | 79,7 | 0,8, | 0,7 | 4,4 | 14,4 |
56 | 78,4 | 1,0 | 0,9 | 4,0 | 15,7 |
57 | 75,00 | 2,1 | 1,3 | 4,3 | 17,4 |
58 | 72,7 | 2,9 | 1,4 | 3,8 | 19,2 |
59 | 70,2 | 4,3 | 1,6 | 3,8 | 20,1 |
60 | 55,4 | 15,7 | 2,7 | 4,0 | 22,1 |
61 | 43,7 | 24,3 | 3,5 | 3,9 | 24 ,6 |
62 | 28,3 | 49,6 | 4,2 | 2,0 | 15,8 |
63 | 19,1 | 65,4 | 4,8 | 1,5 | 9,2 |
64 | 14,6 | 72,5 | 4,3 | 1,0 | 7,6 |
65 | 10 | 77,3 | 5,2 | 0,6 | 6,9 |
66 | 6,8 | 80,5 | 5,3 | 0,5 | 6,9 |
67 | 3,4 | 87,7 | 5,4 | 0,0 | 3,5 |
68 | 1,4 | 90,4 | 5 ,4 | 0,0 | 2,8 |
69 | 1,3 | 91,2 | 5,0 | 0,0 | 2,4 |
Concept : Activité, emploi, chômage au sens du BIT. Âge atteint à la date de l’enquête.
Lecture : en 2022, 14,4 % des personnes de 55 ans ne sont ni en emploi, ni au chômage, ni en retraite.
Source INSEE : enquête emploi 2022 calcul Dares.
Après l’annonce de l’augmentation du chômage, le gouvernement s’en prend aux seniors, ces « profiteurs » indemnisés 27 mois s’ils ont plus de 55 ans contre 18 mois pour un chômeur de moins de 53 ans (22,5 mois pour les 53-54 ans). Cette durée plus importante d’indemnisation n’est pas une faveur mais il s’agit de règles d’indemnisation chômage spécifiques après 50 ans pour tenir compte des difficultés que rencontrent les seniors en matière d’emploi. Bruno Le Maire remet donc en cause l’allongement de l’indemnisation.
Le tableau ci-dessus montre qu’au contraire, les plus de 50 ans ont un chômage inférieur à la moyenne nationale qui est de 7,4 %. Ce chômage est de 4,4 % pour les 50 ans, donc plus faible que l’objectif de 5 % de plein emploi de Macron, et il diminue ensuite.
En réalité, si 83,4 % des 50 ans sont encore en emploi – ce qui ne veut pas dire un CDD à plein temps – 11,3 % des seniors de 50 ans ont disparu des radars. Ils ne sont ni en emploi, ni au chômage, ni à la retraite.
Ce chiffre atteint 22,1 % à 60 ans, 24,6 % à 61 ans alors que seulement 24,3 % ont alors acquis leur retraite, puis décroît à partir de 62 ans avec l’augmentation de la part des retraités (encore inférieure à 50 % à 62 ans).
Qui sont ces personnes qui ne sont ni en emploi, ni au chômage, ni à la retraite ?
Principales raisons de non-emploi des seniors ni en emploi, ni à la retraite selon l’âge
Lecture : en 2021, 20 % des seniors de 55 ans ne sont ni en emploi, ni à la retraite dont 5 % au chômage.
Source INSEE enquête emploi 2021
: la catégorie NER (« ni en emploi ni à la retraite ») correspond au cumul des personnes au chômage (rouge) et de celles inactives hors retraite
Les personnes de 55 à 61 ans ni en emploi ni à la retraite sont majoritairement des femmes (59 %) et sont plus souvent peu ou pas diplômées : 42 %, soit deux fois plus que les personnes en emploi aux mêmes âges.
Elles subissent majoritairement leur situation :
- 45 % des personnes ni en emploi ni à la retraite de 55 à 61 ans sont sans emploi à la suite d’une rupture de contrat pour maladie ou invalidité ;
- 70 % d’entre elles étaient employés ou ouvriers dans leur dernier emploi, 39 % étant peu qualifiés ;
- Mais63 % des personnes ni en emploi ni à la retraite âgées de 55 à 61 ans déclarent avoir une maladie ou un problème de santé chronique ou durable, contre 35 % des seniors en emploi aux mêmes âges ;
- 19 % sont sans emploi malgré une recherche active et sont donc au chômage au sens du BIT ;
- 44 % sont NER (ni en emploi, c’est-à-dire la somme des chômeurs et des inactifs, ni retraité) pour une autre raison mais ils sont aussi plus nombreux que ceux en emploi à déclarer avoir une maladie ou un problème de santé (41 %).
Les femmes représentent 61 % des 55-69 ans ni en emploi ni à la retraite :
- à 55 ans, 22 % des femmes et 17 % des hommes sont dans cette situation ;
- à 61 ans, 33 % des femmes sont NER, contre 22 % des hommes ;
- entre 62 et 69 ans, les femmes sont près de deux fois plus souvent NER que les hommes (11 % contre 6 %).
Selon l’INSEE : « cette évolution peut être le reflet de carrières plus souvent incomplètes pour les femmes, qui retardent l’atteinte du taux plein ».
Parts des 50 ans ou plus et des demandeurs d’emploi d longue durée en catégories A, B, C de 2000 à 2022
Principales raisons pour que les jeunes ne soient ni en emploi, ni en études, ni en formation
1,4 million de jeunes ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation en 2021 soit 12,8 % des personnes de cette classe d’âge. La proportion atteint 18,3 % à 24 ans :
- À 24 ans, 18,3 % des jeunes sont NEET (NEET pour Neither in employment nor in education or training) ;
- la situation des NEET est souvent subie : notamment les chômeurs qui ne trouvent pas d’emploi ou les inactifs qui font souvent face à des contraintes personnelles, telles que la garde d’enfant ou un état de santé dégradé ;
- en 2021, 45 % des NEET, soit 5,8 % des jeunes de 15 à 29 ans, sont au chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) : sans emploi, ils sont disponibles pour travailler et recherchent activement un emploi. En outre, 24 % appartiennent au halo autour du chômage : sans emploi, ils souhaitent travailler sans toutefois avoir entrepris de démarches ou sans être disponibles. Enfin, 31 % déclarent qu’ils ne souhaitent actuellement pas travailler ; ils sont inactifs hors halo, ni en études, ni en formation ;
- au total, 52,4 % des jeunes de 15 à 29 ans sont actifs, c’est-à-dire en emploi ou au chômage ; leur taux de chômage, soit le rapport entre le nombre de chômeurs et le nombre d’actifs, est de 11,0 % en 2021.
Champ : France hors Mayotte, personnes vivant en logement ordinaire de 15 à 29 ans.
Source : INSEE, enquête Emploi 2021.
Pour les jeunes, soulignons, dans les chiffres du chômage, la montée en puissance de l’apprentissage qui s’inscrit à rebours de l’augmentation des statistiques.
Selon l’UNEDIC, la France n’avait jamais enregistré un niveau d’entrées en apprentissage aussi élevé qu’en 2021, et 2022 s’avère encore meilleur. L’aide exceptionnelle à l’apprentissage de 8 000 euros la première année, déployée dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » a engendré une accélération supplémentaire des inscrits en apprentissage : 280 000 en 2015-2017, 350 000 en 2019 et 720 000 en 2021.
L’impact réel sur le chômage est difficile à chiffrer mais l’UNEDIC estime que le chômage aurait pu se dégrader nettement plus en l’absence de ce plan. Comme une évidence : 440 000 apprentis de plus en 2021 par rapport à 2019 !
Une partie des apprentis peuvent se trouver privés d’emploi à l’issue de leur période d’apprentissage et devenir chômeurs. Avec des effectifs d’apprentis en très forte hausse, le nombre de sortants s’inscrivant au chômage a donc augmenté. Mais pour l’heure, du fait du décalage entre la progression des entrées en apprentissage et la sortie des promotions précédentes, cette augmentation des inscriptions au chômage est bien moins importante.
Quels effets de la réforme de l’assurance chômage ?
Selon une étude de l’UNEDIC publiée le 24 février 2023 sur les effets de l’adaptation des règles d’assurance chômage à la conjoncture, il est estimé que la moitié des nouveaux allocataires (53 %) seront touchés par la réduction de 25 % de la durée d’indemnisation en vigueur depuis le 1er février 2023.
Un rapport de l’UNEDIC montre d’ailleurs que les chômeurs concernés par le nouveau mode de calcul ont subi une baisse moyenne de leur allocation journalière « de 16 % par rapport à ce qu’ils auraient perçu avec les anciennes règles ». Un durcissement que le gouvernement a assumé, puisqu’il entendait « faire en sorte que le travail paye plus que l’inactivité ».
Les « ouvertures de droits » à l’assurance-chômage ont connu une baisse significative (-20 %) entre la mi-2019 et la mi-2022, du fait de conditions d’accès plus strictes et de la conjoncture économique, en phase d’amélioration. Le nombre global d’allocataires a reculé, ce qui s’accompagne d’une diminution de la part d’allocataires indemnisés chez les inscrits à Pôle emploi. Ces derniers, qui étaient 40,4 % en décembre 2021, n’étaient plus que 36,6 % en juin 2022.
Les effets de la réforme Macron pour les allocataires du RSA
Pôle emploi va devenir France Travail en janvier 2024 avec un certain nombre de changements qui sous couvert de renforcer l’efficacité des dispositifs d’accès à l’emploi, visent en fait à devenir coercitifs et punitifs. Nous avons l’exemple du RSA.
Au plus tard en janvier 2025, les bénéficiaires du RSA seront inscrits automatiquement à France Travail. En avril dernier, lors de la présentation de France Travail, le ministre du Travail Olivier Dussopt annonçait la mise en place pour les allocataires du RSA de l’obligation, sous peine de perdre une partie de leur revenu de solidarité active, d’effectuer 15 à 20 heures par semaine de formation, d’atelier CV, de stage pour enclencher un processus d’insertion. En fait, avec l’aide de la droite, le gouvernement compte conditionner le versement de l’allocation à la réalisation de 15 heures d’activité hebdomadaire dans laquelle apparait l’immersion professionnelle.
A l’occasion de ce changement de Pôle Emploi en France Travail, s’ajoute l’interrogation sur le devenir des informations trimestrielles de la Dares sur la situation des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi. L’inscription des bénéficiaires de RSA va mécaniquement gonfler les chiffres à rebours de l’objectif de les minimiser…sauf si à l’occasion de nombreuses informations disparaissent.
Contre le chômage, la sécurité d’emploi et de formation
La bataille pour un accès universel à l’emploi ou à la formation avec le projet proposé et défendu par le PCF de Sécurité d’Emploi et de Formation n’est pas une utopie, c’est une nécessité.
Affecter des emplois aux millions d’heures de travail qui en sont dépourvues, développer les services publics, recréer une industrie créatrice d’emplois qui permette de répondre à un certain nombre de besoins en faisant l’économie de transports coûteux et polluants, être en capacité de mettre en œuvre les énormes investissements nécessaires à la transition écologique et parallèlement permettre aux salariés d’accéder à des formations choisies, rémunérées, utiles pour une efficacité sociale des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, utiles à l’épanouissement personnel des gens, avec aussi la possibilité de changer de métier…c’est ce dont nous avons besoin pour répondre aux défis posés par l’importance du chômage.
En usant de sanctions pécuniaires contre les chômeurs, en diminuant la durée de protection, en les éliminant administrativement, en s’attaquant maintenant aux seniors, le gouvernement ne règle rien. Ce n’est pas pour user d’un « droit à la paresse » que des millions de chômeurs pointent à Pôle Emploi ou sont recensés par l’INSEE, ou travaillent à temps partiel imposé, ou encore enfilent comme des perles des CDD de 6 jours ou moins ! c’est bien parce qu’ils ne trouvent pas d’emploi, pas d’emploi stable en CDI, correctement rémunérés !
Cette bataille pour l’emploi qu’il faut développer est en fait une bataille structurante pour bien d’autres urgences : le développement des services publics avec la possibilité pour tous d’accéder à des soins de qualité, l’accès égalitaire à l’éducation nationale quel que soit son quartier, et une jeunesse formée y compris dans les métiers en pleine expansion appuyés sur les mathématiques, le développement du ferroviaire : incitation à prendre le train plutôt que la voiture ou l’avion, le développement des énergies durables et nucléaires… Et enfin, structurante pour les droits nouveaux décisionnels sur la stratégie des entreprises, nécessaires pour que les profits ne soient plus l’objectif numéro un et qu’ils laissent la place à la réponse aux besoins de la population avec des investissements porteurs d’emplois et respectueux de l’environnement et des évolutions du marché du travail.
[1] 7,4 % de taux de chômage actuel correspond à 4,3 millions de chômeurs selon l’INSEE et plus de 5 millions d’inscrits à Pôle Emploi tenus de rechercher un emploi. L‘objectif de plein emploi d’Emmanuel Macron, mais aussi de Jean-Luc Mélenchon (voir son livre programme des présidentielles) conduit à réduire le chômage d’un tiers. Donc à garder un chômage important qui pèse sur les salaires, sur les droits des salariés, et qui maintiendrait une partie non négligeable de la population active dans la précarité. Ce n’est pas notre objectif qui est l’éradication du chômage, avec l’accès à d’importantes formations (chacun étant en emploi ou en formation rémunérée) répondant aux besoins de l’emploi et des salariés eux-mêmes.