Reprendre la main en France et en Europe : un enjeu politique et social majeur

Léon Deffontaines

Par leur construction même, les institutions européennes donnent l’impression de s’être dotées d’un faux nez démocratique sous la forme d’un Parlement élu au suffrage universel qui peine à cacher le caractère éloigné et technocratique de l’Union.

Notre démocratie en France est certes très incomplète. Cependant, de 1789 à 1945, l’histoire nationale est marquée d’irruptions démocratiques qui fondent dans notre conscience collective la possibilité de conquêtes démocratiques et sociales

Par contraste, l’histoire de l’Union européenne est faite de tours de force contre les peuples. Du rejet de la Communauté européenne de Défense par l’Assemblée en 1954 au référendum constitutionnel de 2005, les expressions de la souveraineté populaire ont toujours été traitées par les constructeurs de l’Union européenne comme des contretemps fâcheux qu’il s’agirait de contourner.

C’est de ce coup de force permanent que naît tout l’intérêt d’élire des députés communistes au Parlement européen. Relais des luttes sociales et des aspirations démocratiques, les élu-es communistes ont une pratique de leur mandat qui détone, plus encore au Parlement européen qu’ailleurs. Voilà pourquoi je m’engage à ce que les élus de notre liste tiennent des permanences localement. Voter pour la liste que je mène, voilà la seule opportunité de remettre l’Europe « à portée d’engueulade ».

La clé pour initier une nouvelle construction européenne est celle-ci : nous avons besoin de reprendre la main sur la souveraineté démocratique des peuples, c’est-à-dire sur la maîtrise de leurs choix et des coopérations nécessaires, au service du progrès social et de la lutte contre le dérèglement climatique, de la démocratie et de la paix.

Un nouveau saut fédéraliste et atlantiste, tel que le prépare une partie des classes dirigeantes européennes, ne ferait qu’éloigner davantage les peuples de l’enjeu européen.

Leur Europe, et la nôtre

Les fédéralistes semblent toujours constater avec un grand étonnement que le sentiment d’appartenance à l’UE est inexistant Après plus de 70 ans d’existence, cette union des capitaux européens est incapable d’impulser la création d’une communauté politique et la volonté de partager un avenir commun ; il n’y a pas de Nation européenne.

Ce n’est d’ailleurs pas leur ambition, leur seul objectif étant d’installer des institutions au service du capital, c’est-à-dire coupées de tout contrôle des peuples.

Il est clair que du point de vue de la classe dominante, la monnaie unique, la libre circulation des capitaux, ou même l’uniformisation des diplômes ont créé un sentiment d’appartenance européenne qui correspond à l’organisation matérielle d’une économie intégrée.

Il en est tout autrement pour une grande partie de la population. Pour beaucoup, l’Union européenne est le symbole de la délocalisation de leurs emplois ; de la fuite en avant de notre industrie ; des règles austéritaires qui poussent aux coupes budgétaires dans nos services publics ; c’est le marché de l’électricité qui fait grimper la facture.

Loin de faire germer une fraternité entre les peuples à l’échelle du continent, la construction européenne les a mis en concurrence et relayé les pires assauts du capital contre les salariés, l’emploi, les salaires, les services publics. Voilà ce qui nourrit, dans notre pays et chez nos voisins, le désespoir, le sentiment d’impuissance, l’abstention. Et c’est, précisément, ce qui permet à l’extrême-droite de faire sa pelote.

Proclamation de principes ou coopération réelle ?

L’Union européenne se vante d’avoir amené la paix sur le continent. Les déclarations de paix en principe se heurtent dans les faits à la soumission de la politique de défense à l’OTAN et à la montée d’un chauvinisme européen qui peut nous entraîner dans la guerre et aboutit à théoriser un conflit civilisationnel inconciliable avec des « rivaux systémiques ». On peut ainsi voir une organisation prix Nobel de la Paix appeler ses membres à entrer dans une économie de guerre et persister à vouloir s’étendre à l’Est en plein conflit armé avec la Russie.

Il y a à peu près la même contradiction entre la proclamation de la Paix en principe et la soumission à l’OTAN dans les faits qu’entre la libre circulation des personnes en principe et la privatisation des transports dans les faits ; entre la liberté de conscience en principe et la privatisation de l’école et de l’Université dans les faits ; entre la liberté économique en principe et la dictature des marchés financiers dans les faits.

Voter pour la liste de la « Gauche Unie pour le monde du travail » aux élections, c’est se doter de représentants qui savent qu’une liberté n’est rien sans le pouvoir concret de l’exercer.

Pour rendre possible l’exercice réel de nos libertés, nous avons besoin d’une tout autre coopération européenne.

Nous avons besoin de reprendre la main sur la Banque centrale européenne, avec un fonds de développement économique, social et écologique porteur de projets démocratiquement élaborés, décidés, réalisés, contrôlés dans tous les territoires de l’Union européenne, pour financer à taux nuls les embauches et les dépenses de formation massives qui permettront un développement inédit des infrastructures et des services publics, condition fondamentale de la réponse à l’urgence écologique et du renouveau industriel.

Nous avons besoin d’une nouvelle sélectivité de la politique monétaire, orientant le crédit, non plus pour sauver les profits d’un capitalisme mondialisé et financiarisé en crise, avec un euro supplétif du dollar, mais en faveur de l’emploi et de la formation, de la création efficace de valeur ajoutée dans les territoires, de la transformation écologique de notre production.

Nous devons conquérir partout de nouveaux droits pour les salariés dans les entreprises. Les travailleuses et les travailleurs doivent décider comment produire et où investir. Nous devons construire une Europe de peuples et de nations souveraines et associées.

Faire entrer les luttes sociales au Parlement européen

La construction européenne qui nous a été proposée est une Europe par le haut, entièrement au service du capital. Loin de rapprocher les peuples, elle a profondément abîmé l’idée de la coopération internationale.

Internationalistes, nous voulons remplacer cette mise en concurrence par la solidarité concrète entre nations européennes, et nous savons que ces solidarités ne se forgent qu’au feu des luttes sociales.

Nous proposons une Europe qui, au principe de concurrence, oppose un principe de coopération entre peuples souverains, et une logique d’extension des conquêtes sociales. Nous portons depuis des années la clause de l’Européenne la plus favorisée, pour que chaque conquête féministe dans un cadre national devienne un droit effectif pour toutes. C’est l’inverse de la construction européenne actuelle qui fédéralise les reculs sociaux et nationalise les avancées.

Le carcan austéritaire, les privatisations, les délocalisations, la destruction du monde agricole nous ont montré que l’Union européenne a été largement utilisée par le capital pour attaquer nos conquêtes sociales de manière coordonnée. On nous a durement enseigné que la défaite de notre camp social dans un État national s’étendait à tous, que toute attaque contre un travailleur polonais ou une travailleuse espagnole annonçait l’attaque portée aux travailleurs néerlandais et aux travailleuses tchèques. Nous devons maintenant apprendre la réciproque. Nous devons construire l’extension des conquêtes sociales, saisir chaque avancée nationale pour l’étendre à toutes et tous.

Pour cela, les luttes auront besoin non seulement de relais et de porte-voix au Parlement européen, mais de combattants acharnés pour conquérir l’extension de chaque victoire. Les membres de ma liste sont assurément de ceux-là, et en nous élisant, le monde du travail en France s’assure d’avoir dans chaque bataille des combattants au Parlement.

1 Comment

  1. Je pense que Léon utilise trop souvent le pronom personnel  » je  » au lieu du nous , de la liste  » Gauche Unie  » .

Les commentaires sont fermés.