Accueil au nom de la direction nationale du PCF

Christophe Grassullo
membre du comité exécutif national du PCF

Chers amis et camarades,

Cher Frédéric, Chère Catherine,

Cher Nasser,

Je veux d’abord, au nom de la direction du PCF et du Comité exécutif national, au nom de Fabien Roussel, secrétaire national, remercier chaleureusement l’Association des Amis de Paul Boccara d’avoir organisé cet événement et de nous inviter à y prononcer quelques mots d’accueil, mots forcément empreints de beaucoup d’humilité, face à l’ampleur et la portée des travaux de Paul Boccara.

Au-delà de la diversité et de la qualité des personnalités que cette initiative mobilise, nous nous réjouissons les uns et les autres qu’elle permette de mettre en lumière, aujourd’hui comme dans l’écho qui lui sera rendu, l’importance de l’apport théorique et politique des travaux de Paul, au niveau qu’ils méritent.

Cela fait cinq ans et demi que Paul est décédé. Une diversité de raisons a empêché que cet événement ait lieu plus tôt, auquel nous apportons notre concours : une pandémie, une actualité politique pour le moins chargée et des étapes importantes dans la vie du PCF, et singulièrement une campagne présidentielle et un 39ème congrès, proposant de pousser plus avant les réorientations stratégiques du 38ème congrès.

C’est donc le moment de s’arrêter. Et surtout de consacrer le temps nécessaire à la réflexion sur les apports de ses travaux et sur leur singulière actualité.

Bien entendu, il s’agit de lui rendre hommage, de rappeler combien il a contribué à faire perdurer l’une des matrices de notre histoire, celle que Maurice Thorez appelait « le parti de l’intelligence », c’est-à-dire le parti des chercheurs et des artistes, tout autant que celui des exploités.

L’évocation de son nom suscite dans les mémoires, je le sais, nombre d’anecdotes, parfois savoureuses, qui mettent aussi beaucoup d’humanité dans la personnalité de Paul, et ce n’est pas chose mineure pour nous toutes et tous qui sommes attachés à la fraternité et au bonheur partagé.

Pour rendre hommage à Paul, je ne vais pas trop insister sur le passé, du moins de façon nostalgique. Paul aimait lui-même à dire et à écrire que s’il fallait connaitre le passé (puisque Paul n’était pas seulement diplômé d’économie, mais aussi d’histoire), s’il fallait connaître le passé donc et notamment les travaux de Marx, il fallait entretenir un rapport à ce dernier qui ne soit pas sclérosant, pour lui être fidèle dans l’esprit.

Il invitait ainsi à « monter sur les épaules de Marx », pour ne pas être « en deçà », mais « au-delà » de lui. Cet après-midi sera ainsi totalement consacrée aux apports de Paul face à la situation actuelle, face aux grands défis auxquels est confrontée l’humanité.

Paul a été de ceux qui n’ont pas abdiqué, lorsque les crises ont frappé, lorsque les changements dans le mode de production capitaliste sont survenus, entraînant des évolutions dans le monde du travail et dans les formes de l’État.

Oui, les marxistes avaient encore des choses à dire, beaucoup de choses à dire, et voulaient être toujours plus utiles au mouvement révolutionnaire, pour penser la société et pour agir sur celle-ci.

Agir de telle sorte que nous réfléchissions dans cette action et que cela nous fasse progresser dans l’analyse, autant de ce qui bouge que de ce qui perdure de l’état ancien. Et simultanément, affronter ce besoin constant d’analyse, en vue de mieux argumenter, de mieux dégager de nouveaux pouvoirs pour les salariés, dans les entreprises, dans les institutions et l’ensemble de la société.

Et nous retenons à la fois la rigueur théorique de Paul, rigueur qui m’a à titre personnel impressionné dans quelques réunions de la commission économique auxquelles j’ai pu participer, une rigueur théorique souffrant peu les approximations. Mais nous retenons tout autant son ouverture politique pour tenir compte des circonstances présentes et ainsi mieux peser sur le cours des choses, en affrontant les contradictions, dans toutes leurs dimensions.

La suraccumulation et la dévalorisation du capital à la racine des crises contemporaines

Son analyse des cycles économiques, des crises, avec la théorie de la suraccumulation et de la dévalorisation du capital sont particulièrement utiles pour prendre du recul aujourd’hui : avec la succession des soubresauts chaotiques et difficilement prévisibles, de récessions, de reprises, avec des relances très éphémères de rentabilité, alors même que la pression pour maintenir le taux de profit est pesante.

Le système capitaliste semble régner puissamment en même temps qu’il s’avère plus fragile que jamais. Les dividendes records, pour dévaloriser, cohabitent avec les pires mesures d’austérité imposées avec une grande violence par un retour de l’État sous une autre forme.

La situation économique et politique est peut-être bien plus lisible aujourd’hui, alors même que l’issue à la crise systémique apparait encore très confuse pour l’instant. Surtout avec l’emboîtement des crises du système économique et du système anthroponomique, c’est-à-dire l’organisation de toutes les activités non économiques. La révolution informationnelle a ainsi des conséquences sur les deux systèmes. Elle modifie profondément le procès de travail, comme les différents moments de la vie.

Vous allez revenir sur tout cela cet après-midi et je veux, pour ma part, me concentrer – trop rapidement certainement – sur l’enjeu de cet apport théorique pour l’organisation révolutionnaire qu’entend être toujours plus le PCF.

C’est le rôle du PCF de pousser à la novation

Oui, c’est le rôle de notre parti, du Parti communiste français de comprendre et d’aider à faire comprendre ce qui bouge. Et c’est son rôle de pousser la novation, autant théorique que pratique.

Et tout particulièrement dans la séquence politique actuelle, où le monde du travail reprend conscience de lui-même, face aux attaques qu’il subit et grâce aux luttes qu’il déploie face à celles-ci, comme durant tous ces derniers mois dans le mouvement contre le recul de l’âge de départ à la retraite ou dans toutes ces luttes, pour l’emploi et les salaires, pour la défense et la promotion des services publics garants de nouveaux droits pour toutes et tous.

C’est le rôle du PCF de pousser à la novation, dans les luttes et dans la bataille idéologique, dans la recherche d’une répartition efficace de la plus-value et d’un recul de la domination du capital, dans la quête de nouveaux pouvoirs pour y parvenir, autant que dans la recherche d’une issue à cette crise politique majeure, dans notre pays, en Europe et à l’échelle de la planète.

À l’évidence, pour faire pencher la balance entre le pire et le meilleur, pour dépasser le capitalisme, il nous faut agir et comprendre encore, hisser la bataille d’analyse et d’idées, montrer la radicalité et la cohérence de notre projet et de nos propositions. Les travaux de Paul Boccara sont, à ce titre, précieux, et nécessitent que nous nous consacrions, les uns et les autres, ici et ailleurs, à leur poursuite créative.

Avec la même ambition que Paul quand il consacra ses efforts au développement de l’œuvre de Marx, non pour en réviser les idées ou en affaiblir la portée révolutionnaire, mais bien pour les enrichir et renforcer le combat communiste en vue d’une transformation profonde de la société, de son organisation et de ses logiques.

Peut-il en être autrement alors que se développe une crise écologique et climatique majeure, qui s’accélère chaque jour sous nos yeux et dont nous percevons qu’elle n’aura pas d’issue positive sans une réponse globale, à toutes les échelles, qui articule la satisfaction des besoins humains, l’émancipation humaine et la libération des potentiels humains avec la préservation de la nature, de la biodiversité et de toutes les ressources naturelles ?

Cette urgence de novation en appui du combat révolutionnaire s’aiguise tout autant quand, à l’appui du conflit en Ukraine, les forces du capital réorganisent la société autour d’une véritable économie de guerre, poussant tout autant les logiques de confrontations internationales que les politiques d’austérité, contre l’emploi et les services publics, contre la satisfaction des besoins populaires, ici et partout en Europe.

Elle s’exprime aussi face aux transformations profondes dans les logiques qui sous-tendent l’organisation du « marché de l’emploi », quand les avancées scientifiques et techniques, à l’image de l’intelligence artificielle, sont vouées à accélérer sa mutation vers plus de précarisation, alors que tout appelle au contraire à hisser les qualifications, à libérer les potentiels humains, avec une sécurité d’emploi et de formation, qui libère les travailleurs et la production des exigences de rentabilité du capital, et de nouveaux critères de gestion des entreprises.

Pour le PCF, cela reste un grand défi de rendre cette perspective populaire et l’objet de luttes à tous les niveaux, dans les entreprises comme dans les institutions. Comme le demeure l’exigence d’un puissant mouvement pour la défense des services publics, pour leur extension à de nouveaux champs de la société et plus encore pour leur financement.

Et c’est peu dire que les échéances politiques à venir, notamment européennes, constituent une opportunité en ce sens. La construction européenne appelle ainsi une totale réorientation pour faire reculer les logiques de domination du capital et d’exacerbation des concurrences entre les Nations comme entre les travailleurs. Cette réorientation, si elle ne peut nier les besoins urgents de souveraineté, et particulièrement celle des travailleurs sur le travail et sur la production, doit appuyer celles-ci sur les exigences de coopérations nouvelles, pour affronter et dépasser réellement les crises, financières, économiques, sociales, démocratiques ou climatiques.

Notre 39ème congrès a permis d’approfondir certaines de ces questions, sinon de les remettre au cœur de nos débats. Il demeure ouvert un grand chantier pour en faire l’objet de batailles populaires, partout dans la société, l’objet d’initiatives politiques susceptibles d’unifier le salariat autour d’un projet réellement révolutionnaire.

C’est aussi le sens de la réaffirmation du besoin d’un parti communiste plus fort, mieux organisé, mieux structuré pour porter efficacement ce projet. Celle nécessite notamment, par la formation théorique continue, de mettre à la disposition des militants communistes et bien au-delà, les outils de compréhension des contradictions qui structurent la société, et surtout les outils d’intervention dans la bataille d’idées et dans les luttes.

De ce point de vue, l’œuvre de Paul, son développement avec des initiatives à l’image de celles d’aujourd’hui, seront décisifs pour nourrir, en France et en Europe, le combat communiste, à la hauteur de ce qu’il doit être face à une crise systémique à ce point exacerbée. Autant que sera décisif leur appropriation par le plus grand nombre, leur confrontation avec la pratique de constructions politiques, dans des allers-retours constants entre théorie et pratique.

Je vous souhaite donc, avec l’exécutif national, avec Fabien Roussel, de bons travaux, tout au long de cet après-midi, travaux et réflexions que j’espère bientôt très largement partagés, au sein du PCF et bien au-delà.

Je vous remercie.