CGT Renault Lardy
Nous remercions le syndicat CGT de Renault Lardy de nous avoir autorisé à publier de larges extraits du tract diffusé sur le site le 26 septembre dernier. Ce document apporte un éclairage particulièrement pertinent sur les enjeux actuels de l’industrie automobile et sur les perspectives d’avenir que veulent ouvrir ses salariés.
4 ans après le plan d’économies de 2019, l’ingénierie Renault est en lambeaux…
Depuis 2019 et le plan drastique de réduction des coûts, le secteur de l’Ingénierie subit un véritable laminage. Suppressions d’emplois, réductions de budgets, arrêts de programmes d’innovation, externalisation massive d’activités et délocalisation en cours de l’ensemble des activités Thermiques et Hybrides : la liste est longue. Quant aux activités électriques, alors que Renault devrait faire feu de tout bois en pleine transition « écologique » et face à ce qui est présenté comme « le péril chinois », elles n’ont pas connu l’essor que tout le monde aurait pu imaginer. C’est plutôt le sentiment d’une trop longue pause depuis le développement de la Zoé qui prédomine et d’une transition qui se passe aujourd’hui dans la douleur avec des investissements trop tardifs et encore insuffisants et l’absence flagrante d’un plan de reconversion global des salariés passant du thermique à l’électrique. (…)
Les réponses à nos revendications restent insuffisantes
Ces constats, nous les avons partagés tout au long de ces années avec les salariés. Nos alertes sur les pertes de compétences, le manque de moyens, l’insuffisance des investissements ont été bien peu écoutées par la direction. C’est seulement quand les salariés se sont mobilisés au sein du collectif MERL (Maintien des Emplois Renault-Lardy) qu’elle a été contrainte de le faire en partie.
Mais les réponses apportées ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux. La bonne nouvelle de l’implantation d’un laboratoire de chimie des batteries n’est accompagnée d’absolument aucune reconversion pour les salariés travaillant aujourd’hui à Lardy, même pas pour un seul d’entre eux ! L’annonce de la création d’un « Campus EV » au L47 (vidé de ses occupants du fait des suppressions d’emplois) prend littéralement l’eau puisque le bâtiment fuit de toutes parts et que le projet, annoncé comme « une grande avancée » par la direction et la CFDT jours avant les élections professionnelles de février 2023 n’a aucune réalité 9 mois après. 3 La commission E-Lardy, qui regroupe la direction et les syndicats signataires de l’accord central Re-nouveau 2025 (excluant donc la CGT et SUD qui représentent, à Lardy, plus de 40 % des votants), n’est qu’un outil de com’ pour orienter le vote des salariés vers les syndicats qui leur disent de faire confiance à la direction et de ne surtout pas se mobiliser.
Alerte « souffrance au travail » : burn-out, bore-out, la direction doit agir avant que la santé des salariés en subisse les conséquences
Aujourd’hui, la situation perdure. Les démissions continuent malgré la fin des dispositifs RCC. Plus inquiétant encore, la souffrance au travail s’accroit. Certains salariés travaillant sur les projets « Indus » sont confrontés à un manque criant de moyens (informatique, maintenance des moyens d’essais) et aux pertes de compétences qu’ont entraînées les centaines de départs récents de salariés expérimentés. Quant au fonctionnement de Renault, il ne change pas d’un iota. Nous sommes 2 fois moins sur le site de Lardy mais il faudrait fonctionner avec la même lourdeur, les mêmes procédures, les mêmes exigences de la « Qualité ». Et l’on exige de nous la même capitalisation et la même « transversalisation ». Dans un contexte où les interactions sont toujours aussi « administratives » entre les secteurs (relations « clients/fournisseurs » entre DEA-M et DEA-T, et on ne parle pas encore des relations Renault/Ampere/Horse !).
Les salariés les plus soumis à la pression des projets aux délais raccourcis commencent à en avoir ras-le-bol. Ces dernières années, il y a déjà eu plusieurs salariés en « burn out » (épuisement professionnel) sur le site, la CGT alerte la direction : elle doit tout mettre en œuvre pour que cela ne se reproduise pas. Les directions d’entreprise ont une obligation de résultat quant à la santé des salariés, qu’il s’agisse de santé physique ou psychique. Mais la situation d’une ingénierie étouffée par les restrictions budgétaires conduit à un autre méfait : des salariés se retrouvent avec une activité fortement réduite. Certains qui travaillent sur le Thermique/Hybride voient leurs activités partir en Espagne ou en Roumanie et n’ont toujours pas d’activités « électriques » pour les remplacer. Cela peut avoir des conséquences délétères : 1/ recours à une forme de télétravail « originale » (« si tu n’as pas de boulot, tu peux rentrer chez toi en restant connecté sur ton ordi ») qui accroit l’isolement, 2/ détachement progressif du collectif de travail, 3/ démotivation et ennui. Cela constitue également une forme de souffrance au travail et cela a un nom depuis quelques années : le « bore-out » (épuisement professionnel par l’ennui) : « syndrome caractérisé par la sensation que vos compétences ne sont pas utilisées à leur juste valeur ». Là aussi, c’est l’employeur qui est responsable à double titre : il doit protéger la santé des salariés (la « placardisation » est une forme de harcèlement) et il se doit de fournir une activité à tout salarié sous contrat de travail.
Pas de lamentations, pas de mensonges pour épargner la direction : il faut un sursaut collectif !
Certains diront que nos constats sont trop pessimistes, que nous peignons le tableau en « noir ». Bien au contraire, c’est parce que nous sommes convaincus qu’il est possible de faire autrement que nous alertons les salariés et que nous leur proposons de réagir ensemble plutôt que de baisser la tête et de rester isolés.
Réfléchissons un peu ! Alors que nous vivons une transformation technique jamais vue dans le secteur automobile, alors que les enjeux écologiques de la mobilité n’ont jamais été aussi prégnants avec un dérèglement climatique qui « nous mord la nuque », alors que la hausse des prix (des véhicules neufs et d’occasion comme des carburants) atteint des sommets et pèse sur le budget de la grande majorité de la population, comment peut-on faire croire qu’il y a besoin de moins d’ingénierie, de moins de matière grise, de moins de compétences et de force de travail dans notre secteur ?
Ce sont les objectifs de profits qui nous « tuent », pas les contraintes environnementales ou le passage à l’électrique. Nous sommes parfaitement en phase avec les considérations sociales et environnementales de la grande majorité de la population en défendant nos emplois et en réclamant plus de moyens et d’investissements.
Alors, ne restons pas isolés, agissons pour ne plus subir ! Rassemblons-nous comme les salariés de la DEA-MI sont en train de le faire pour remonter les problèmes et obtenir des moyens pour travailler tous dans de bonnes conditions.