En annonçant 1 044 suppressions d’emplois sur le territoire de Belfort, soit plus de la moitié des effectifs dédiés à la filière des turbine à gaz, avec les effets induits sur la cinquantaine de sous-traitants, General Electric porte un coup fatal à la filière française des turbines à gaz.
D’un trait de plume est rayé de la carte le plus gros centre de production mondial actuel de turbines à gaz, des savoirs faire technologiques et des compétences humaines accumulés depuis des décennies, qui ont conduit à la capacité de réaliser de A à Z des turbines aux puissances variées.
La décision de General Electric est anti-écologique et anti-économique
La turbine à gaz est décisive pour la transition écologique en tant qu’alternative au charbon et au lignite dans les pays qui l’utilisent massivement, car elle produit deux fois moins de CO2 et aucune particule fine. Son pilotage flexible en fait une technologie intéressante pour compenser l’intermittence des énergies renouvelables, tant que des solutions de stockage viable ne sont pas trouvées. Elle peut aussi avoir sa place dans un avenir énergétique sans CO2 (biométhane, hydrogène). Loin d’être en fin de cycle de vie, le produit devrait connaître au contraire un bond de la demande mondiale.
LA DÉCISION de GENERAL ELECTRIC obéit à la LOGIQUE égoïste du PROFIT à COURT TERME.
Un fonds de pension prédateur (Trian Fund Management) a pris le contrôle de General Electric en 2017, après la vente d’Alstom-énergie à General Electric, qui s’est soldée par un désengagement de l’état français. Le groupe mène une stratégie financière globale d’optimisation boursière se traduisant par des cessions et restructurations considérables d’actifs industriels.
Après la vente d’Alstom-énergie à General Electric, tous les brevets mis au point à Belfort ont été transférés sans contrôle en Suisse, ainsi que les fonctions stratégiques (gestion de projet, services commerciaux) et donnent lieu au paiement de royalties et redevances diverses par le site. Cela s’apparente à un véritable hold-up sur les technologies mises au point par les travailleur. se. s de nos territoires, avec l’appui de nos services publics, et fonctionne comme une pompe aspirante de la valeur créée sur le territoire, en même temps qu’un moyen d’échapper à l’impôt en France.
À cela s’ajoute une stratégie de délocalisation d’activités de production aux états-Unis, conforme à l’objectif politique de « America first ».
Dans cette situation de perte de contrôle sur une industrie essentielle à la transition écologique, la responsabilité de l’État est majeure.
Une succession de mauvais choix
Les doutes sur les choix de restructuration industrielle opérés depuis une vingtaine d’années sont tels que deux commissions d’enquête parlementaire ont été constituées, à l’Assemblée nationale et au sénat, dont les conclusions sont sans appel.
Le président de la commission d’enquête de l’assemblée nationale, O. Marleix, disait le 19 avril 2018 : « au terme de six mois d’investigation, j’ai acquis la conviction qu’en autorisant la vente d’Alstom à General Electric, l’État a failli à préserver les intérêts nationaux ».
Cette affaire a même pris récemment un tour judiciaire avec un signalement adressé au procureur d’un possible « pacte de corruption ».
Les opérations successives de ventes à la découpe et de désengagement de la part de l’état ont été faits, sous la pression d’intérêts financiers puissants, sans vision industrielle et sans souci de l’indépendance nationale. La nomination comme directeur de General Electric-France d’un ancien conseiller du Président n’est pas de nature à rassurer sur les liens actuels entre le pouvoir politique et le pouvoir économique.
Ce que nous soutenons
Une politique énergétique cohérente suppose au contraire que les projets industriels aillent de pair avec les prévisions concernant la transition écologique.
L’enjeu immédiat est donc la préservation et le développement de la filière des turbines à gaz. C’est l’intérêt vital pour l’avenir du territoire, de ses salariés, sa jeunesse, ses habitants, ses PME sous-traitantes. c’est l’intérêt du pays tout entier d’insérer son industrie dans une transition écologique réussie, en faisant en sorte que l’efficacité sociale l’emporte sur le profit.
Nous récusons les fausses solutions de la diversification qui sont avancées, parce qu’elles s’inscrivent dans un temps long. Ces pistes, quel que soit leur intérêt à moyen et long terme, ne permettent pas de préserver les compétences humaines et l’outil industriel, dont la disparition serait irréversible.
Nous demandons
- Un moratoire immédiat sur le plan de suppression des emplois est crucial.
- Un plan de développement industriel ambitieux de la filière, incluant R & D, formation, préservation des emplois et investissements, coopérations industrielles à l’échelle européenne, s’appuyant sur l’atout humain exceptionnel de Belfort et la mobilisation de moyens financiers bancaires.
- La dénonciation de l’accord de cession d’Alstom à General Electric de novembre 2014, que General Electric n’a pas respecté, non seulement sur la création des 1 000 emplois, mais sur l’avenir du site de Belfort, qui devait assurer pendant 10 ans les fonctions d’un centre mondial de décision.
- Le rapatriement des brevets mis au point en France.
- La création d’un comité de suivi démocratique, au pouvoir de contrôle effectif des engagements, incluant les représentants syndicaux, les élus locaux, et les représentants des partis politiques ayant participé aux commissions d’enquête parlementaires. C’est à ce comité, et non à GE, qu’il revient de décider de l’affectation des 50 millions d’euros d’amende pour non respect de la promesse de création d’emplois.
Le gouvernement a des leviers pour agir
La responsabilité de l’État dans la situation actuelle est évidente, sa responsabilité pour en sortir par le haut également. Si ce dossier pose à terme la question de la maîtrise publique sur nos secteurs économiques stratégiques, dans l’immédiat, l’État doit intervenir au lieu d’accompagner les décisions de General Electric, et il n’est n’est pas sans moyens d’actions pour le faire.
General Electric vit en grande partie des commandes publiques, non seulement d’énergie, mais pour les équipements des hôpitaux, les services aux collectivités locales. L’entreprise a perçu du CICE, du CIR (crédit impôts recherche), alors même que le groupe ne cesse de délocaliser des activités, y compris l’ingénierie. Les intérêts de General Electric en France, avec 17 000 salariés employés au total, sont importants. Il y a donc, avec de la volonté politique, des moyens de pression économiques.
Les possibilités juridiques effectives existent de dénoncer le contrat de 2014 que General Electric n’a pas respecté, pour que la puissance publique reprenne la main sur les orientations stratégiques du secteur de l’énergie.
Il est temps de mettre un coup d’arrêt à des décisions qui nous emmènent un peu plus vers le point de non-retour des capacités industrielles fondamentales de notre pays. Pour retrouver la voie d’une véritable politique industrielle au service des besoins sociaux et écologiques de notre pays, nous voulons contribuer à imposer d’autres choix que ceux d’une industrie soumise aux exigences la finance.