VERALLIA : lettre ouverte de Fabien Roussel au président de la République

Monsieur le Président,

Je vous alerte sur un nouveau scandale industriel concernant le groupe français VERALLIA, fondé en 1827, devenue 3eme producteur mondial d’emballage en verre pour les boissons et les produits alimen- taires avec 16 milliards de bouteilles produites l’année dernière.

Or le fonds spéculatif nord-américain Apollo a lancé la procédure de vente en Bourse (sur Euronext) de ce fleuron industriel dont il avait acquis 90 % du capital en 2015 dans le cadre d’un LBO financé par des prêts de BNP-Paribas, Deutsche Bank et Citi. Cette opération pourrait être la plus grosse du genre à la Bourse de Paris cette année.

Apollo prétend tirer 5 milliards d’euros de la vente de Verallia . Ainsi, les financiers qui ont misé 600 millions d’euros dans cette opération récupéreraient, après remboursement des banques qui en ont été les complices, 2,6 milliards de plus-value, soit plus de quatre fois leur mise initiale, en plus des énormes dividendes empochés depuis 2015 !

Monsieur le Président, allez-vous demander des comptes au groupe Saint-Gobain, qui est à l’origine de la situation actuelle depuis qu’il s’est séparé de sa branche emballage alimentaire ?

Allez-vous demander des comptes aux banques qui ont orchestré l’achat du groupe en 2015 et qui orchestrent aujourd’hui sa vente, ce qui pourrait conduire demain le groupe Verallia à subir le même sort que Thomas COOK en Grande Bretagne ?

Nous ne pouvons plus tolérer le comportement de BPI-France, insti- tution financière publique qui s’est faite le complice de l’opération en souscrivant 10 % du capital du groupe aux côtés d’Apollo, et qui conti- nue d’accompagner le fonds nord-américain dans son désengagement.

Ford-Blanquefort, Arjo-Wiggins General Electric à Belfort, STX, et tant d’autres témoignent d’une totale absence d’ambition pour une nou- velle industrialisation basée sur des coopérations européennes et in- ternationales solides.

Cette entrée en Bourse va déstabiliser un groupe industriel français prospère, pourvoyeur d’emplois et de débouchés dans toutes les ré- gions viticoles de France, au moment où l’enjeu écologique met en évi- dence le besoin de relancer et de renouveler la filière de l’emballage de verre alimentaire.

Est-ce là ce que vous aviez promis aux salariés de la Verrerie ouvrière d’Albi, fleuron du groupe Verallia, quand votre campagne présiden- tielle vous a conduit sur les lieux en 2017 ?

Un autre projet de développement, avec des objectifs sociaux et éco- logiques ambitieux, est possible hors des griffes de la spéculation boursière: maintien de la cohérence du groupe, préservation de l’emploi, réalisation des investissements nécessaires à l’amélioration des conditions de travail, poursuite de la coopération avec Saint-Gobain dans la recherche-développement, en particulier pour la fabrication de nouveaux types de verres exigeant moins de dépenses d’énergie, développement du recyclage…

Mais pour y parvenir, il faut libérer Verallia du handicap que fait peser sur son développement le coût écrasant du capital et de l’en- dettement imposé par le fonds spéculatif nord-américain Apollo et ses banques.

Nous proposons un autre projet, construit avec les salariés et leurs représentants syndicaux, au nom des enjeux stratégiques et éco-logiques de cette industrie: Au lieu d’une mise en Bourse, nous proposons une revente, dans le cadre d’un marché de gré à gré, pour un prix beaucoup plus raisonnable à un actionnariat associant diffé- rents acteurs industriels, financiers et publics : BPI France pour une part prépondérante du capital, Saint-Gobain dans le cadre d’un accord de coopération à long terme, BNP-Paribas dont une partie des créances pourraient être converties en participation au capital, et une autre partie en prêts à taux très bas pour le financement des investissements matériels et immatériels nécessaires au développement du groupe. D’autres partenaires industriels (dans le secteur viticole par exemple) pourraient prendre une part minoritaire au capital dans le cadre d’un accord de coopération.

C’est pourquoi nous soutenons la demande des organisations syndi- cales d’une table ronde réunissant ces différents acteurs, les pouvoirs publics et les représentants des salariés du groupe, en vue de mettre en place une solution favorable à l’emploi, à l’écologie et à un nouveau développement de l’industrie dans nos territoires.

Monsieur le Président,

Vous qui avez, il y a quelques mois, lors du centenaire de l’OIT, tenu des propos mettant en cause, dans le capitalisme actuel, « un modèle » qui « profite de plus en plus à quelques-uns », le fait que « la liberté devient la loi de la jungle, et permet la captation des richesses par quelques- uns », une économie « de plus en plus d’accumulation », « des règles perverties », passez à l’acte.

Vous pouvez agir sur le comportement de BNP-Paribas, de Saint-Go- bain, vous pouvez imposer à BPI France de jouer un rôle plus digne de sa mission au service de l’intérêt général et de la solidité de notre tissu économique. C’est votre responsabilité devant les salariés et devant le pays.

Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF