PLFSS 2020 : Rallonge budgétaire pour l’hôpital. Ni vu ni connu je t’embrouille !

Face au risque de jonction du mouvement hospitalier avec celui des retraites, le gouvernement a annoncé une rallonge budgétaire de 1,5 milliard d’euros sur 3 ans pour l’hôpital public. Mais le diable est dans les détails. Ce qui est annoncé pour sauver l’hôpital ne servira qu’à nourrir la rapacité des banques et des marchés financiers.

Le conflit des urgentistes de l’hôpital public s’enkyste dans la société française, sans remettre en cause le soutien très large des Français à l’hôpital public et son personnel médical. Et cela d’autant plus aisément que les 8 mois de lutte des urgentistes hospitaliers, rejoints par l’ensemble des personnels, ont mis en lumière progressivement la logique gouvernementale de liquidation de l’hôpital public pour lui substituer le secteur privé (1).

À la veille d’un mouvement social massif pour les retraites, la peur de la conjonction des luttes a poussé le gouvernement à tenter de désamorcer le conflit avec les hospitaliers. Contre tous ses arguments avancés jusqu’alors, il a annoncé une rallonge budgétaire pour l’hôpital public de 1,5 milliard d’euros sur 3 ans.

Certains ont sauté sur l’occasion pour s’en féliciter. Mais un œil attentif sur la proposition laisse pantois tant elle est cynique. Non seulement par l’insuffisance de cette mesure le gouvernement prend les personnels hospitaliers pour des imbéciles, comme l’ont souligné à la fois les professionnels de santé et les parlementaires de l’opposition dans le débat, mais la nature de la proposition ne fait que confirmer la logique à l’œuvre : servir les intérêts du capital, en cherchant avant toute chose à solvabiliser la dette hospitalière auprès des marchés financiers.

Insuffisante, la proposition de la ministre Buzyn l’est clairement. Il suffit de bien comparer les ordres de grandeur. La ministre propose d’allouer sur les trois prochaines années 1,5 milliard d’euros aux hôpitaux publics pour prendre en charge une partie de leur dette, pour financer une rallonge salariale de certaines catégories de personnels. Cette dotation nouvelle se déclinerait avec une première rallonge budgétaire de 300 millions d’euros en 2020, puis une autre de 500 millions en 2021 et enfin une autre de 700 millions d’euros en 2022.

La littérature macronienne s’est évidemment empressée de dire que cet effort budgétaire du gouvernement ferait passer l’ONDAM de 2,3 % à 2,45 %. Des chiffres qu’on peine pourtant à retrouver dans le PLFSS… Si l’on compare au PLFSS lui-même, il apparaît que l’effort initialement exigé du système hospitalier public français visant un sous-objectif de dépenses hospitalières (hors établissements pour personnes âgées et personnes handicapées) de 1,81 % ne sera aucunement soulagé par cette injection budgétaire temporaire. L’hôpital subissant depuis plusieurs décennies une réduction régulière de ses moyens, alors que le rythme de croissance naturelle de ses besoins de fonctionnement est de l’ordre de 4,5 % par an.

En ajoutant 300 millions d’euros, la croissance du sous-objectif de dépense de la branche maladie en direction des établissements de santé passera de 84,2 milliards d’euros à 84,5 milliards d’euros, soit une croissance de 2,1 % par rapport à l’an passé. On est donc très loin des besoins exprimés par les hospitaliers.

Mais on est aussi très loin de répondre aux besoins de financement de l’hôpital. En effet, la dette hospitalière est de 30 milliards d’euros. Les intérêts annuels de cette dette sont de 820 millions d’euros par an. Si cette dotation exceptionnelle soulagera à la marge les établissements, elle ne remettra pas pour autant en cause les raisons qui conduisent à leur état actuel.

En revanche, cette manne nouvelle d’argent public servant à rembourser les intérêts d’emprunts aux banques constituent pour celles-ci une garantie des créances qu’elles détiennent sur le système hospitalier. Alors que les établissements publics sont pris à la gorge et ne parviennent plus à dégager des marges financières suffisantes sur leur activité pour assurer leurs dépenses, et en particulier les charges financières de leurs emprunts, le fléchage de cette rallonge budgétaire va assurer en partie la solvabilisation auprès des banques et des marchés financiers des emprunts réalisés par les structures hospitalières.

Au total, sous couvert d’un effort de l’État, la rallonge budgétaire ne répondra pas aux besoins des établissements pour leur fonctionnement, elle est insuffisante, à ceux des personnels pour leurs conditions de travail ni à ceux des patients pour une meilleure prise en charge de leurs pathologie… mais aux besoins des financiers ! Le cynisme de ce gouvernement est sans mesure.

Il n’y a rien à attendre des solutions d’un pareil gouvernement. Comme pour la réforme des retraites qui fait la part belle à la capitalisation en créant les conditions institutionnelles d’une réduction des pensions publiques servies, les choix du gouvernement MacronPhilippe en matière de santé contribuent clairement à l’extinction du secteur public hospitalier, ou tout du moins à l’extinction de l’excellence de ses pratiques. Désormais, les hospitaliers déjà en nombre insuffisant pour cause de numerus clausus et de rétributions inférieures à celles du privé, commencent à quitter le navire public faute de pouvoir exercer leurs missions. Ce sont des choix politiques de classe au service du patronat et des marchés financiers qui définissent explicitement un projet de civilisation. Il est donc impératif de porter un projet de civilisation alternatif et de progrès, qui puisse redonner espoir et rassembler pour bâtir un rapport des forces capable de vaincre ces féodalités financières. Il faut se donner collectivement et sérieusement les moyens de prendre le pouvoir sur les choix d’orientation en matière de protection sociale. Il est urgent de faire grandir dans la population les pistes de financement qui pourraient répondre efficacement aux besoins des établissements publics, mais aussi les pistes de travail qui pourraient dessiner l’épure d’une nouvelle organisation de services publics de l’offre de soins et de santé dans le pays afin de répondre à tous les besoins de santé des populations sur tous les territoires et à tous les défis pathologiques nouveaux.

Références

Références
1 Ce dernier à annoncé dans un communiqué de presse de la FHP qu’il pouvait mettre en place des services urgences dans ses structures à la place du public, et qu’il était prêt comme le lui demandait le gouvernement à construire des partenariats publics/privés sur les ruines du secteur public pour construire les communautés hospitalières de territoire que mettent en place les Agences régionales de santé.