Politiques locales pour l’emploi, création de richesses et écologie : quels leviers pour le financement des PME-TPE ?

Le 28 octobre dernier, à l’invitation de Pascal Savoldelli, sénateur du Val-de-Marne, un colloque a réuni au Sénat élus locaux et nationaux, économistes, syndicalistes, représentants de la profession bancaire et des institutions publiques, sur le thème : « Politiques locales pour l’emploi, la création de richesses et l’écologie : quels leviers pour le financement des PME-TPE ? » Économie et politique avait apporté son concours à cette manifestation et participera à l’édition des actes du colloque. Participaient au colloque : Gérard Cazorla (président-fondateur de Scop-TI Fralib), Catherine Foucher (membre du CESE, représentant l’artisanat), Frédéric Visnovsky (médiateur du crédit, Banque de France), Tibor Sarcey (économiste), Frédéric Boccara (membre du CESE, rapporteur de l’avis « Les PME/TPE et le financement de leur développement pour l’emploi et l’efficacité »), Fabienne Rouchy (secrétaire générale du syndicat national CGT de la Banque de France), Hervé Defalvard (maître de conférences à l’université de Marne-laVallée), Jean-Guilhem Darre (Délégué général du Syndicat des Indépendants), Nicolas Bonnet (président du groupe communiste au Conseil de Paris), Jean-Louis Corvaisier (vice-président du CESER Centre), Pierre Bocquet (directeur du département Banque de détail de la Fédération bancaire française), Baptiste Thornary (responsable des analyses macro-économiques et des études d’impact à BPI France). Dès ce numéro, nous publions le point de vue de Pascal Savoldelli sur le sens de cette initiative.

Économie et Politique : Quel était le but visé par l’organisation de ce colloque ? Comment s’inscrit-elle dans votre action parlementaire ?

Pascal Savoldelli : Le but premier de ce colloque était tout d’abord de déconstruire la vision libérale de l’entreprise, et les faux-semblants des discours gouvernementaux au sujet des TPE/PME. Au prétexte de vouloir aider ces entreprises qui constituent un maillon essentiel
dans notre tissu économique, les gouvernements ont arrosé de subventions et de crédits d’impôts les grands groupes depuis 20 ans. à ce titre, l’intervention de Tibor Sarcey était éloquente. En effet, il expliquait comment la part de Crédit d’impôt compétitivité emploi attribuée aux TPE/PME (censée être les premières bénéficiaires de ce dispositif ) a été en réalité captée par les grands groupes, donneurs d’ordres, qui ont imposé à leurs fournisseurs des tarifs plus bas, en prenant en compte le supplément de bénéfice réalisé grâce au crédit d’impôt.

Voilà l’objectif premier : lever les masques des politiques libérales qui se font les défenseurs de la petite et moyenne entreprise pour en réalité gonfler les profits des Grandes entreprises et le patrimoine des milliardaires.

Ce colloque est donc un outil politique intéressant, d’autant plus lorsqu’arrive au Sénat le Projet de loi de Finances de la Sécurité sociale et de l’état pour l’année 2020 qui, loin de revoir les logiques de ces dernières années, les accentue à plusieurs égards.

ÉcoPo : De quels moyens d’action disposent les collectivités territoriales pour intervenir en faveur de l’emploi et du développement des PME-TPE ?

P. S. : Depuis la loi NOTRe, la compétence du développement économique revient aux régions. Ce sont donc elles qui prioritairement peuvent agir en faveur de l’emploi et du développement des TPE/ PME. Ce qui n’empêche pas non plus d’agir à d’autres échelons. Par exemple, lorsque dans mon département, le Val-de-Marne, on lance des projets d’aménagements comme Ivry confluence ou la Zone d’activité du coteau à Arcueil, nous pensons ces projets à la fois en termes d’habitat, d’écologie mais aussi d’implantation économique.

Il faut néanmoins faire attention lorsqu’on parle de politiques publiques pour le développement économique et l’emploi. Elles doivent se penser eu égard aux besoins des populations dans leurs globalités. J’entends par là que ces politiques doivent à la fois prendre en compte l’opportunité environnementale, en matière d’aménagement, d’habitat, ou bien encore de transport avec une harmonie nouvelle entre territoire d’usage individuel et territoire de bien commun. En outre ces politiques doivent être concertées avec l’ensemble des parties prenantes du territoire, et donc les citoyen·ne·s.

ÉcoPo : Quelles suites seront données aux débats du colloque ? De quel apport les constats et les propositions qui y ont été formulés serontils dans la campagne pour les élections municipales de 2020 et départementales de 2021 ?

P.S.: L’apport de ce colloque pour les échéances municipales et départementales sera tout d’abord une mise à disposition des réflexions et des propositions qui y ont été formulées pour qu’elles enrichissent les propositions et les politiques locales. Des actes de ce colloque seront prochainement édités et mis à la disposition des communistes et de toutes celles et tous ceux qui agissent pour une alternative au libéralisme.

Les débats du colloque quant à eux ont été extrêmement riches dans la mesure où ils ont à la fois permis de lever un certain nombre d’a priori sur les difficultés que rencontraient les petites et moyennes entreprises mais également parce que les débats ont soulevé de nouvelles questions élargissant le champ de réflexion. Pour éviter toute exhaustivité, je vais prendre deux aspects en particulier.

Un sondage auprès des dirigeants de TPE/PME montrait que la préoccupation première et croissante de leurs dirigeants était de trouver des travailleurs qualifiés. De deux choses l’une. Soit il s’agit de besoins de qualification de faible niveau (restauration, bâtiment, etc.) et dans ce cas cela signifie que soit les conditions sociales proposaient dans ces secteurs sont largement insuffisantes pour offrir un cadre de vie digne à ces travailleur·euse·s, soit les organismes de formation publics ne remplissent pas (suffisamment) leur rôle, soit…

De même, les différents témoignages convergeaient pour dire que les petites et moyennes entreprises étaient en grande majorité étouffées par leur client, souvent un unique grand groupe, qui leur impose des tarifications tellement faibles et règlent leur dû tellement tardivement, que la petite ou moyenne entreprise ne peut que lutter pour survivre et n’a même pas le loisir de penser au développement de son activité. Ce fait, qui met à terre tous les faux-semblants libéraux relatifs aux TPE/ PME, ouvre toute une réflexion remettant en cause le capitalisme comme système de production apte à organiser convenablement l’activité économique.

D’autres sujets ont traversé nos échanges : pôle public financier, dépenses matérielles et immatérielles, gouvernance de la BPI, nouveaux critères de gestion de l’entreprise, rôle de la BCE, dette privée (endettement et solvabilité des entreprises)/dette publique, projet de loi sur les frais bancaires…