Des nationalisations pour le XXIe siècle

La transformation de l’économie que nous souhaitons nécessite des nationalisations, car il faut changer la production (l’offre). Les nationalisations ― des appropriations publiques et sociales des entreprises et non des étatisations ― complètent les autres réformes de structures (nouveaux pouvoirs des salariés, conditionnalité aux avances monétaires, conférences permanentes, réorientation des aides publiques, fiscalité nouvelle, renforcement de l’ESS, règles de coopération, traités internationaux). Ce devront être des nationalisations d’un nouveau type, différentes de celles de 1981-82 : (1) de nouveaux pouvoirs démocratiques des travailleurs sur la gestion, (2) mission d’efficacité économique, sociale, écologique au lieu de rentabilité financière (3) transparence.

Pourquoi nationaliser ?

Les entreprises ont un rôle décisif pour la réussite du programme des Jours Heureux, surtout les grandes : (1) socialement elles impactent des vies (salaires, conditions d’emploi et de travail, embauches) et des territoires. (2) nous voulons reconquérir l’offre et la transformer (écologiquement, socialement, technologiquement et même en termes de libertés, par exemple sur le numérique).

S’émanciper des dividendes (qui sont une partie du coût du capital) et de la course à la rentabilité financière maximale : Il faut libérer les entreprises des actionnaires et de la finance : cela les allègera du boulet des dividendes à payer, et les décisions de gestion doivent cesser d’être modelées par la recherche du profit maximum, contre l’emploi, la création de richesses réelles utiles et l’écologie.

―> La suppression des dividendes (25 milliards d’euros) dégage des moyens pour des dépenses d’efficacité : (1) baisser les marges donc les prix (2) embauches et formations (3) investissements matériels nouveaux (4) dépenses de recherche. Cette somme constitue un socle pour les dépenses de développement

La gestion, ce sont de très nombreuses décisions prises chaque jour dans les entreprises. Un État qui ne ferait que donner des impulsions en étant extérieur à l’entreprise, cela ne marche pas. Il faut s’appuyer sur les savoirs de tous les salariés, des ingénieurs aux ouvriers, en passant par les cadres et les employés, dans une cohérence nationale. Il ne faut pas que les informations soient monopolisées par les seules directions. Par exemple, la nation a largement bénéficié des droits étendus sur la gestion conférés aux salariés d’EDF depuis 1946, qui ont aidé à contrer les prétentions des marchés financiers, même si ces droits sont encore trop limités et que nous voulons les étendre.

Il faut changer la culture de rentabilité financière des staffs de direction actuelle.

Des entreprises nationalisées peuvent donner le la dans leur filière, vis-à-vis des autres entreprises, dans une logique de coopération et d’entraînement par leur commande, en baissant les coûts par le partage et le recul du coût du capital. Il faut aussi favoriser les initiatives décentralisées et garder un tissu d’entreprises non nationalisées, mais englobées dans une logique nouvelle.

Le secteur bancaire est transversal : c’est l’utilisation de l’argent dans toutes les entreprises. Sa nationalisation toute entière est décisive pour changer la gestion de toutes les entreprises, ses critères, et baisser le coût du capital. Elle est décisive pour effectuer les avances nécessaires à la réalisation de notre programme.

La nationalisation, enfin, a l’avantage d’être un marqueur de l’identité communiste nous démarquant des autres forces de gauche, de parler à la population.

Nationaliser, changer les critères de gestion et mettre sous obligation publique et sociale

  1. À court terme : nationaliser 14 entreprises essentielles plus reprendre les autoroutes au fur et mesure de la fin de leur concession au privé par l’Etat.
  2. Placer les autres grands groupes sous obligations publiques et sociales (obligations élaborées dans les conférences permanentes : embauches, productions, non délocalisation) et, à moyen terme, au bout d’un an ou deux, nous envisagerons de les nationaliser si elles ne respectent pas ces engagements.
  3. À moyen-long terme : étendre les nationalisations à une trentaine d’autres entreprises stratégiques.

14 entreprises pour reprendre la main immédiatement sur 7 secteurs stratégiques

Le secteur bancaire et financier (coût d’indemnisation : 43 milliards) avec BNP, Société Générale et AXA pour (a) Créer un pôle public avec la Banque Postale, BPI France et la CDC, et réorienter les crédits selon de nouveaux critères sociaux et environnementaux ; (b) Créer un service public de l’assurance (baisse des coûts pour ménages et entreprises) (c) les banques mutualistes seront réformées pour les libérer de la financiarisation et rendre le pouvoir à leurs sociétaires.

Le secteur de l’énergie (36 milliards) avec EDF, Engie mais aussi les activités françaises de GE (éolien, hydro, Grid, etc.) et TotalEnergie pour baisser les prix à la pompe, reprendre en main l’un des plus gros producteurs d’électricité ENR au monde, dépasser les relations néo-coloniales en Afrique et bâtir une vision moderne du service public de l’énergie – sans être vu comme le « parti du passé » défendant seulement les « conquis sociaux » (EDF-GDF). Il s’agira en complément de changer les règles du (pseudo) marché de l’énergie.

Le secteur du transport terrestre et infrastructures autoroutières (0,3 milliard) avec le retour de SNCF où l’État est déjà actionnaire à 100 % sous le statut d’EPIC et la transformation de sa filiale Keolis en EPIC avec Transdev, dont il faudrait reprendre les 34 % détenus par l’allemand Rethmann. Ils formeraient un grand pôle public du transport jusqu’au dernier kilomètre sur tout le territoire. Se posera rapidement la question de la nationalisation d’Alstom (constructeur de métros, de trains, dont le TGV) qui sera d’ores et déjà tenu à des engagements forts. L’Etat reprendra la gestion des autoroutes et mettra fin à la concession de leur exploitation au privé ; le montant cumulé des dividendes très excessifs engrangés par leurs actionnaires depuis des années diminue très fortement le prix de l’indemnité de nationalisation (actuellement, les péages financent 5 à 6 milliards d’euros de profits bruts pour environ 1 milliard d’investissements par an). Ces sociétés s’engageront sur un plan de baisse drastique des péages autoroutiers.

Le secteur aéronautique et spatial (6 milliards) avec Safran (la part non détenue par l’État). Se posera très vite la question de la montée au capital d’Airbus, et de facto, d’Arianespace détenue par Safran et Airbus. Et se posera aussi la question d’Air France, devenu franco-néerlandais.

Le secteur pharmaceutique (33 milliards) avec Sanofi, qui formera le cœur du nouveau pôle public du médicament et baissera les coûts pour la Sécurité sociale.

Le secteur des télécommunications et du numérique (16 milliards) avec Orange, STMicroelectronics (part française) pour reconquérir la filière des télécoms et dynamiser tout le numérique, depuis les composants électroniques jusqu’aux services et logiciels. Faut-il Thales, faut-il les autres opérateurs téléphoniques ? Il faudra se poser la question de la reprise d’Alcatel, actuellement fusionné avec Nokia. En tout cas, il faudra changer les règles et mutualiser, voire fusionner, les réseaux téléphoniques détenus par les différents opérateurs au lieu des doublons actuels. STM et Thales (ex-Thomson) sont le cœur d’une industrie des composants cruciale pour de nombreuses industries (téléphonie, automobile, aéronautique, etc.).

Un groupe militaire systémique NavalGroup (0,2 milliard) NavalGroup joue un rôle décisif pour la souveraineté nationale (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) et pour la maîtrise technologique. Thales y détient un peu plus de 20 % ; cette part sera reprise par l’Etat tout en poussant la coopération entre les deux groupes.

Un coût total de 15 milliards d’euros par an : un prix de 135 milliards d’euros lissés sur 10 ans à 2 %

  • On indemnise les petits actionnaires (par exemple : ceux détenant moins de 20 000 euros) au prix courant du marché ;
  • on indemnise les autres actionnaires au cours moyen des dernières années avant Covid et non au cours actuel, spéculatif. Par exemple, au cours de Bourse Alstom vaudrait 12,7 milliards d’euros ; il a été nationalisé par Sarkozy pour 1,35 milliards en 2004 (on s’inspire de la méthode de nationalisation des électriciens privés pour créer EDF).
  • on convertit les prêts publics (y compris ceux des banques, devenues publiques) en participation au capital
  • l’indemnisation se fait en obligations d’Etat non cessibles sur le marché, à 2 % de rendement sur 10 ans.

Rappelons qu’un an d’aides directes aux entreprises (CIR, CICE, allègements Fillon, etc.) représentent entre 139 et 223 milliards d’euros selon France Stratégie.

L’indemnisation en obligations d’État non-cessibles permet de lisser ce coût global sur la durée du quinquennat à 10 milliards par an. À cette fin, une caisse nationale des nationalisations sera créée.

  • Remboursement des obligations par amortissements annuels : tous les ans, les anciens actionnaires sont remboursés d’une tranche avec intérêt (modèle des nationalisations des compagnies de chemin de fer en 1937 ou des compagnies d’électricité en 1946) ;
  • on garantit aux anciens actionnaires un rendement de 2 % par an sur 10 ans (soit plus du double du livret A). Les intérêts + les amortissements représentent une somme de 15 milliards par an.