Le gouvernement se refuse à apporter à la question du financement de la Sécurité sociale des réponses à la hauteur des immenses besoins qui s’expriment dans la société. De ce fait, les comptes sociaux subissent de plein fouet les chocs de conjoncture économique qui se succèdent : chute brutale des recettes dans la récession de 2020, rebond ensuite, grande incertitude pour les années qui viennent.
Le rapport de la CCSS montre les effets du rebond de l’activité en 2021, avec ses conséquences positives en termes de recettes. Pour notre part, nous voulons souligner le rôle régulateur des dépenses supplémentaires de réponse à la crise sanitaire. Il traite alors du déficit historiquement élevé en 2020, tout en entamant sa réduction en 2021. Le rebond d’activité entraine un rebond des recettes – tandis que les dépenses doivent répondre à la crise sanitaire. Le rapport étudie les résultats de chaque branche du régime général. Il traite enfin du besoin de financement face à la crise, bien que de façon très étroite.
1.Un retour à l’équilibre en 2021, des perspectives économiques moins favorables en 2022
En 2020, la crise sanitaire et économique s’était traduite par une récession inédite depuis l’après-guerre, avec une contraction du PIB de – 7,8 %. L’activité a rebondi en 2021(+6,2 %), la masse salariale soumise à cotisations sociales a progressé de+8,9 %. Concernant 2022, le scénario économique a été modifié lors de la présentation le 7 juillet d’un projet de loi finances rectificative. Différents facteurs ont modifié le contexte économique : hausse des prix des matières premières, tensions sur les chaînes d’approvisionnement, etc. La prévision de croissance du PIB pour 2022 est revue à la baisse, +2,5 % contre +4,0 % dans le scénario initial. L’inflation, après +1,6 % en 2021, atteindrait 5,0 % en moyenne annuelle, prévision sous-estimée. Cela freine le rebond enclenché à l’issue des périodes de restrictions sanitaires, en pesant sur le pouvoir d’achat des ménages et sur les conditions de financement des entreprises. La prévision de croissance de la masse salariale pour 2022 est relevée à +8,3 % dans le projet de loi de Finances rectificative, progression insuffisante pour répondre aux exigences, les perspectives financières de la Sécurité sociale étant déterminées en recettes par les revalorisations de la masse salariale porteuses de cotisations sociales. Une action résolue en faveur de l’emploi, en lien avec une revalorisation des salaires, permettrait de la renforcer.
2. Un déficit de la Sécu à un niveau historique mais en diminution en 2021 et 2022
En 2021, le déficit est toujours très élevé mais en nette diminution. En 2019, la situation était proche de l’équilibre (-1,9 milliard d’euros) après une décennie de freinage des dépenses qui a suivi la crise financière de 2008. En 2020, le solde du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’est brutalement détérioré avec la crise sanitaire et économique pour atteindre un niveau inédit (-38,7 milliards d’euros). En 2021, le déficit constaté atteint -24,4 milliards d’euros, en amélioration de 14,3 milliards d’euros par rapport au déficit historique de 2020. La croissance des recettes (+11,4 %) dépasse celle des dépenses (+7,0 %). Le relèvement de la masse salariale passe de 6,2 % à 7,2 %. Les cotisations sur les revenus d’activité s’élèvent de +7,4 milliards d’euros par rapport à la prévision. En 2022, on prévoit une nouvelle baisse du déficit de la Sécurité sociale mais dans un contexte incertain. Le déficit du régime général et du FSV atteindrait- 16,8 milliards d’euros, en amélioration de 7,6 milliards d’euros par rapport à 2021. La plus grande part du déficit serait portée par la branche maladie (-19,7 milliards d’euros). La branche vieillesse avec le FSV serait en léger déficit (-1,2 milliards d’euros) ainsi que la branche autonomie (-0,9 milliard d’euros).En raison d’une inflation élevée, les recettes connaîtraient une croissance soutenue, +4,5 % pour le régime général. On peut relever les effets contracycliques des réponses à l’épidémie de Covid et des revalorisations attendues par le « projet de loi en faveur du pouvoir d’achat », concernant les prestations sociales et la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires. Cela déterminera une progression des recettes ainsi qu’un rythme des dépenses supérieur à celui constaté avant la crise sanitaire.
Solde par branches du régime général et du FSV de 2012 à 2022
2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 (p) | |
Maladie | -5,9 | -6,8 | -6,5 | -5,8 | -4,8 | -4,9 | -0,7 | -1,5 | -30,4 | -26,1 | -19,7 |
Accidents du travail | -0,2 | 0,6 | 0,7 | 0,7 | 0,8 | 1,1 | 0,7 | 1,0 | -0,2 | 1,2 | 1,8 |
Vieillesse | -4,8 | -3,1 | -1,2 | -0,3 | 0,9 | 1,8 | 0,2 | -1,4 | -3,7 | -1,1 | -2,3 |
Famille | -2,5 | -3,2 | -2,7 | -1,5 | -1,0 | -0,2 | 0,5 | 1,5 | -1,8 | 2,9 | 3,1 |
Autonomie | 0,3 | -0,9 | |||||||||
Régime général | –13,3 | –12,5 | –9,7 | –6,8 | –4,1 | –2,2 | 0,5 | –0,4 | –36,2 | –22,8 | –17,9 |
FSV | -4,1 | -2,9 | -3,5 | -3,9 | -3,6 | -2,9 | -1,8 | -1,6 | -2,5 | -1,5 | 1,1 |
Vieillesse+FSV | -8,9 | -6,0 | -4,6 | -4,2 | -2,8 | -1,1 | -1,6 | -3,0 | -6,2 | -2,6 | -1,2 |
RG+ FSV | –17,5 | –15,4 | –13,2 | –10,8 | –7,8 | –5,1 | –1,2 | –1,9 | –38,7 | –24,4 | –16,8 |
3.Un rebond des recettes du régime général et du FSV en 2021 et 2022
En 2021, les recettes s’accroissent de + 11,4 % en lien avec le rebond de l’activité économique. Cela est porté par la croissance de la masse salariale du secteur privé à 8,9 % (après -5,7 % en 2020). La hausse des prises en charges de cotisations par l’État est de +18,4 % sous l’effet du maintien des dispositifs d’exonérations exceptionnelles. Les cotisations sociales ont augmenté (+13,3 %) à un rythme bien supérieur à celui de la masse salariale. La reprise de l’activité économique a amélioré le recouvrement des créances, avec une nette baisse des charges liées au non-recouvrement ( 6,7 milliards d’euros par rapport à 2020). Les impôts et taxes, ont été accrus par l’attribution de 0,92 % de TVA supplémentaire, visant la compensation des dons de vaccins ; à cela s’ajoute le financement européen du plan d’investissement. Les recettes fiscales affectées au régime général et au FSV ont progressé de 12,0 %.
En 2022, une progression des recettes soutenue par celle de la masse salariale dans un contexte de remontée de l’inflation et de relatif dynamisme de l’emploi. La progression des recettes serait portée par la croissance attendue des salaires. La masse salariale soumise à cotisations du secteur privé, en lien avec la baisse du recours à l’activité partielle et les hausses du SMIC bien insuffisantes, progresserait de 8,3 %. Les prises en charge de cotisations par l’État baisseraient de 22,8 %, sous l’effet de la quasi-extinction des dispositifs d’exonérations exceptionnelles mis en place pendant la crise sanitaire. Les cotisations sociales progresseraient de +7,0 % mais à un rythme inférieur à celui de la masse salariale du secteur privé. En effet, l’accroissement très fort des allègements généraux, après la fin de l’activité partielle, freine la croissance des cotisations.
4. Les dépenses du régime général et du FSV en 2021 et 2022 en forte augmentation pour répondre à la crise.
En 2021, une augmentation des dépenses liées à la crise sanitaire et la montée en puissance du « Ségur de la santé » (7 %), majorées de 1,3 point par la création de la cinquième branche autonomie. Les prestations sociales ont progressé de 5,5 % en raison des dépenses supplémentaires décidées dans le champ de l’ONDAM. Cela découle des dispositions prises pour faire face à la crise sanitaire (18,2 milliards d’euros) et des mesures pérennes décidées par le « Ségur de la santé » (7,8 milliards d’euros supplémentaires en 2021). La croissance des prestations vieillesse a ralenti (2,1 % après 2,6 % en 2020), avec une revalorisation plus faible qu’en 2020 (0,4 % après 0,8 % en moyenne annuelle). Les transferts versés ont progressé de 8 milliards d’euros en raison de l’intégration de la CNSA au régime général pour l’allocation personnalisée d’autonomie.
En 2022, des dépenses supplémentaires liées aux réponses à la crise sanitaire et aux revalorisations de salaires et de prestations, qui restent limitées. Les prestations vieillesse et familiales, qui ont été revalorisées respectivement de 1,1 % au 1er janvier et de 1,8 % au 1er avril, bénéficieraient de façon anticipée d’une revalorisation de 4 % au 1er juillet. Ces prestations progresseraient respectivement de 4,8 % et 1,9 % en 2022. Les prestations, maladie et AT-MP hors ONDAM, seraient en hausse (+3,0 % et +4,3 % sur le champ étendu à la CNSA) tirées par la revalorisation anticipée des pensions d’invalidité. Les prestations de l’ONDAM croîtraient en lien avec les dépenses pour faire face à l’épidémie de Covid, moins élevées qu’en 2021 mais supérieures de10,6 milliards d’euros à la provision de LFSS. Une nouvelle étape du « Ségur de la santé » et une revalorisation du point d’indice accroîtront les dépenses. Enfin, les prestations autonomie hors OGD seraient en forte hausse (+16,7 %), sous l’effet de la progression de l’AEEH, et qui serait, elle aussi, revalorisée de manière anticipée.
L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) atteint 239,8 milliards d’euros en 2021, en progression de +8,6 % par rapport aux dépenses de 2020 qui avaient cru de +9,4 % avec l’éclatement de la crise sanitaire. En 2022, les dépenses d’assurance maladie dans le champ de l’ONDAM ont été fixées à 236,8 milliards d’euros dans la LFSS pour 2022, soit une diminution de 1 % à champ constant par rapport à 2021.
5.Les résultats des branches du régime général
1)La branche maladie, un déficit toujours très élevé mais en réduction, un cumul de dépenses exceptionnelles pour faire face à la crise sanitaire et de mesures nouvelles pérennes.
En 2021, le déficit de la CNAM s’est réduit grâce au rebond de la conjoncture économique, tout en restant à un niveau très élevé (-26,1 milliards d’euros après -30,4 milliards d’euros en 2020). Les dépenses de la branche maladie portent la montée en charge des mesures pérennes du Ségur de la santé avec un accroissement des dépenses de 7,3 milliards d’euros en 2021. Celles- ci s’élèvent à 9,3 milliards d’euros. Les revalorisations salariales se montent à 7,9 milliards d’euros (+6,5 milliards d’euros par rapport à 2020), les dépenses pour les établissements de santé (96,6 milliards d’euros) dépassent de 1,1 milliard d’euros l’objectif 2021 révisé, notamment pour les investissements. A cela il faut ajouter les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire (tests, achats de vaccins et campagne vaccinale). Elles ont atteint 18,2 milliards d’euros, très au-delà des prévisions mais d’un montant comparable aux surcoûts constatés en 2020. 40 % de ces dépenses ont concerné les dépistages (7,1 milliards d’euros). Elles comprennent aussi les dotations à Santé publique France (4,3 milliards d’euros : achat de vaccins et organisation de la campagne vaccinale), campagne de vaccination (1,7 milliards d’euros), financements supplémentaires pour les établissements sanitaires et médico-sociaux (3,6 milliards d’euros) et indemnités journalières en lien avec le Covid (0,9 milliards d’euros). Ces dépenses s’élevaient pour la branche maladie à 24 milliards d’euros en 2020. Au final, en 2021 , elles ont augmenté de 9,7 % et les produits nets de 13,7 %. Si les dépenses et produits de la branche maladie ont baissé (respectivement -2,0 % et -0,2 %) cette contraction apparente résulte de la création de la branche autonomie. La branche maladie ne finance plus de dépenses au titre de l’ONDAM médico-social depuis 2021. Elles sont transférées à la CNSA à partir de 2021, avec un volume prétendu équivalent de recettes : un transfert de CSG de la CNAM à la CNSA ainsi que 1,7 point sur les revenus d’activité et 6,75 points sur les revenus de remplacement. Les produits de CSG de la CNAM ont ainsi chuté de 30,2 %. À l’inverse, la branche maladie a reçu une fraction de taxe sur les salaires supplémentaire (+9,1 points) en provenance de la branche famille, en contrepartie du transfert, de la CNAF à la CNSA, de la charge de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). La taxe sur les salaires affectée à la CNAM a bondi de 35,1 %, bénéficiant aussi d’un surcroît de rendement lié aux revalorisations du « Ségur de la santé ». Les impôts et taxes affectés (ITAF) et contributions sociales hors CSG ont progressé de 12,7 %, tirés principalement de la TVA (+20,3 %) qui a rebondi avec la reprise de l’activité économique. Enfin, les cotisations sociales brutes ont augmenté de 10,9 %, portées par le rebond de la masse salariale du secteur privé (+8,9 %) et par les cotisations sociales des indépendants (+81,0 % après -35,8 % en 2020), avec la régularisation des cotisations non appelées en 2020. Ces effets haussiers sont en partie neutralisés par la montée des exonérations de cotisations mises en place (+12,2 %) et compensées par l’État.
En 2022, le solde de la CNAM se redresserait tout en restant très négatif (-19,7 milliards d’euros). Cela intègre les dépenses liées la lutte contre la Covid-19, pour 10,6 milliards d’euros, notamment achats de vaccins et poursuite de la campagne vaccinale. La progression des dépenses serait moins rapide que celle des produits (respectivement +1,5 % et +4,8 %), expliquant la réduction du déficit. Les dépenses sont accrues avec les effets du « Ségur de la santé » (12,6 milliards d’euros, dont 2,7 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles de réponse à la crise sanitaire : campagne de vaccination, remboursements de tests). Les développements de l’épidémie avec une cinquième vague durant l’hiver et les revalorisations salariales conduisent à un dépassement de 7,6 milliards par rapport à la LFSS pour 2022 : réévaluation à la hausse des dépenses de réponse à la crise (+5,7 milliards d’euros) dépistage, +2,8 milliards d’euros, indemnités journalières en lien avec la Covid (+1,4 milliards d’euros), dotations à Santé publique France (+1,2 milliards d’euros). Les mesures de revalorisation salariale (+1,9 milliards d’euros). concernent notamment les professionnels de la filière socio-éducative (accompagnement social et médico-social), qui bénéficient enfin d’une revalorisation, bien insuffisante, depuis le 1er avril, (0,4 milliards d’euros). Elles portent aussi sur la revalorisation du point d’indice de la fonction publique (+3,5 %) à partir du 1er juillet, soit 1,5 milliards d’euros pour les établissements couverts par l’ONDAM. Les dépenses relevant de l’ONDAM atteindraient 244,4 milliards d’euros en 2022, en progression de 1,7 % par rapport à 2021, les prestations hors ONDAM connaitraient une hausse plus forte (+4,3 %) tirées par la revalorisation anticipée des prestations de 4 % au 1er juillet, notamment des pensions d’invalidité, qui s’ajouterait à la revalorisation légale de 1,8 % intervenue au 1er avril.
Concernant les recettes, les cotisations sociales augmenteraient de 6,2 % et les produits de la CSG de 4,4 %, poussés par la progression de la masse salariale du secteur privé (+8,3 %), intégrant partiellement la répercussion du choc inflationniste sur les salaires, ainsi que la relative bonne tenue de l’emploi. Les cotisations prises en charge par l’État baisseraient de 28,3 %, avec la fin des exonérations exceptionnelles pour les employeurs afin de faire face à la crise sanitaire et économique. Les impôts, taxes et contributions sociales hors CSG progresseraient de 4,7 %, tirés par la TVA (+5,3 %), la taxe sur les salaires (+36,8 %) avec aussi la participation de l’Union Européenne aux dépenses d’investissement du plan de relance. On pourra faire remarquer que cela est très en dessous des besoins face à l’urgence de la crise du système de santé et notamment de l’hôpital public. Le rapport reste rivé sur une logique comptable étroite, sans réflexion sur les besoins d’une réforme alternative du financement.
2) La branche accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP), un retour des excédents à partir de 2021 en lien avec l’insuffisance de la prévention et de la réparation.
Soit 1,2 milliard d’euros d’excédent en 2021, après un déficit de 0,22 milliard d’euros en 2020. Cette branche a bénéficié d’un rebond de ses produits de 12,8 %. Les cotisations ont été tirées par la croissance de la masse salariale (+8,9 %) et la disparition des facteurs conjoncturels ayant ralenti la dynamique des produits nets en 2020 (baisse du taux moyen de cotisations et hausse des restes à recouvrer). Les cotisations et impôts ont dépassé leur niveau d’avant crise.
Les indemnités journalières (IJ) versées par la branche maladie ont légèrement accéléré en 2021 (+1,0 % après +0,3 % en 2020). Les prestations relevant de l’ONDAM se sont accrues de 3,9 %, tirées par les indemnités journalières qui avaient été très fortement ralenties en 2020 par la crise, et qui remontent en lien avec les mesures du « Ségur de la santé ». Les autres prestations ont baissé fortement, notamment celles relatives à l’amiante qui poursuivent leur baisse (-11,1 % après -9,7 % en 2020). Les dépenses de prévention ont progressé de 12,1 % (après 11,0 % en 2020) avec les aides exceptionnelles aux entreprises pour lutter contre la Covid-19. Les transferts versés ont reculé de 4,6 % après -1,4 % en 2020, notamment les transferts d’équilibrage puisque les régimes de base ont bénéficié de la reprise économique.
En 2022, le solde de la branche poursuivrait son amélioration (+1,8 milliard d’euros) avec une croissance des produits (+7,7 %) tandis que les dépenses progresseraient moins rapidement (+3,7 %). Les cotisations seraient tirées par la croissance attendue de la masse salariale du secteur privé (+8,3 %). Les prestations de l’ONDAM seraient en hausse de 4,8 %, portées par l’accroissement des indemnités journalières. Les prestations en lien avec l’amiante (FIVA) demeureraient un important facteur baissier (-10,5 %). Les autres prestations, principalement les dépenses de prévention, diminueraient avec l’arrêt des dépenses exceptionnelles en faveur des entreprises pour faire face à la crise sanitaire (-4,3 %).
3) Le solde de la CNAV et du FSV, une réduction un déficit en en 2021, une amélioration en 2022 grâce au FSV
En 2021, le déficit cumulé de la CNAV et du FSV est passé de -6,2 milliards d’euros à -2,6 milliards d’euros, un niveau moindre que celui d’avant crise (-3,0 milliards d’euros). Le déficit de la CNAV s’est réduit de -3,7 milliards d’euros en 2020 à- 1,1 milliards d’euros en 2021 et celui du FSV, de -2,5 milliards d’euros à – 1,5 milliards d’euros.
Les prestations de retraite connaissent une croissance faible et ralentie en 2021 suivie d’un faible rattrapage en juillet 2022. Les dépenses de la CNAV et du FSV augmentent peu (+2,9 % après +1,8 % en 2020), tirées par la charge de compensation démographique, la masse salariale a enregistré un rebond en 2021 en lien avec la reprise économique. Les prestations servies par les divers régimes de retraite ont crû plus faiblement (2,2 % après 2,6 % en 2020). Cela résulte des réformes régressives, avec une moindre revalorisation des pensions en 2021 (+0,4 % en moyenne annuelle après +0,8 % en 2020), malgré une augmentation des effectifs de nouveaux pensionnés (+7,9 %), 536 000 départs. Cela concerne aussi les réformes régressives de l’AGIRC-ARRCO en 2019. En 2022, la progression des prestations serait plus dynamique (+4,8 %) avec une revalorisation des pensions plus importante qu’en 2021. À l’augmentation de 1,1 % en 1er janvier s’ajoute la revalorisation exceptionnelle de 4,0 % au 1er juillet 2022 prévue dans le « projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». Les pensions seraient ainsi revalorisées de 3,1 % en moyenne annuelle après 0,4 % en 2021. Tandis que les flux de départs en retraite seraient plus importants en 2022 qu’en 2021
Les recettes nettes de la CNAV et du FSV ont progressé de 5,7 % en 2021, en lien avec la reprise économique après un repli en 2020 (-0,6 %). Les cotisations sociales ont crû de 10,5 %, portées par l’assiette salariale du secteur privé (+8,9 %). Par ailleurs, les charges liées au non-recouvrement sont revenues à un niveau réduit. Cependant, le produit des impôts, taxes et contributions sociales a reculé (-1,5 %) ; en effet, l’évolution des recettes a été affectée par la création de la cinquième branche (autonomie), qui a conduit à une réaffectation de recettes au sein des branches du régime général et du FSV, jouant négativement sur leur solde. La CNAV a transféré 3 milliards d’euros de CSG sur revenus du capital à la CNSA, et reçu seulement 2,3 milliards d’euros de CSG assise sur les revenus de remplacement. Les recettes de CSG du FSV ont, elles, augmenté en 2021 (+6,2 %).
En 2022, le déficit de la CNAV et du FSV s’établirait à -1,2 milliard d’euros. Le déficit de la CNAV progresserait de nouveau, à -2,3 milliards d’euros, alors que le FSV serait en excédent (1,1 milliard d’euros) pour la première fois depuis la crise financière de 2008. Les dépenses de la CNAV et du FSV progresseraient fortement (+4,8 %), portées par l’accroissement des prestations du projet de loi « Pouvoir d’achat ». Cela s’ajoutera à la revalorisation légale de 1,1 % intervenue au 1er janvier 2022. La revalorisation des pensions en moyenne annuelle atteindrait 3,1 % après 0,4 % en 2021, entrainant une plus forte croissance des dépenses. Cette revalorisation anticipée se répercuterait aussi sur les transferts entre régimes à la charge de la CNAV (+10,4 %), en compromettant notamment le besoin de financement du régime vieillesse des salariés agricoles. Le transfert de compensation démographique progresserait légèrement (+2,6 %) après le rebond de 2021. Les produits seraient plus dynamiques que les dépenses, en progressant de +5,9 %, portés par les cotisations sociales (+6,3 %). Les effets de la croissance attendue de la masse salariale du secteur privé (+8,3 %), seraient atténués par la forte croissance des allègements généraux de cotisations patronales pris en charge par l’État. Le rendement de la CSG s’élèverait à (+8,0 %), les recettes des impôts et taxes (+9,1 %). Cependant le rapport rivé sur le concept d’équilibre ne prend pas la mesure des besoins dont la dynamique n’est pas assurée.
4)La branche famille de nouveau en excédent en 2021, excédent qui se prolongerait en 2022.
En 2021, le solde de la CNAF s’est élevé à +2,9 milliards d’euros, en amélioration de 4,7 milliards d’euros par rapport à 2020, sous l’effet, du rebond des recettes assises sur les revenus d’activité en lien avec la reprise économique. Le montant total des prestations sociales financées par la CNAF, 41,2 milliards d’euros, est en recul de 2,4 % par rapport à 2020, sous l’effet notamment du transfert à la CNSA de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) dans le cadre de la création de la branche autonomie. La faible revalorisation de la BMAF +0,1 % au 1/04/ 2021, suivant le bas niveau de l’inflation constaté au début de la crise sanitaire, a eu peu d’impact sur les dépenses. Les prestations familiales sont en net recul. Au sein des prestations légales, les prestations d’entretien (63 % du total) ont reculé (-3,1 %) après +3,1 % en 2020 après la revalorisation exceptionnelle de 100 euros de l’allocation de rentrée scolaire en août 2020 (0,5 milliard d’euros). Les naissances se sont stabilisées en 2021 (738 000 naissances, +3 000 par rapport à 2020) mais baisseraient de nouveau en 2022. Le rebond des dépenses liées à la petite enfance (+3,7 %), 36 % du total des prestations, succède à une forte baisse en 2020 (-6,9 %) en raison de l’effondrement du recours aux modes de garde payants pendant les confinements et de la baisse congé parental (-11,3 %). On doit noter l’allongement du congé paternité à compter du 1er juillet 2021, de 11 à 25 jours assortis d’une période obligatoire de 7 jours.
En 2022, les prestations sociales financées par la CNAF seraient revalorisées en moyenne annuelle de 3,4 % en raison de la revalorisation anticipée au 1er juillet de 4,0 % de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) prévue dans le projet de loi « Pouvoir d’achat », après la revalorisation légale de 1,8 % du 1er avril. La hausse des dépenses serait soutenue par les maigres revalorisations du SMIC en 2021 et 2022, par les prises en charges de cotisations des assistantes maternelles et des gardes à domicile au titre du CMG. Les dépenses liées à la petite enfance connaîtraient une faible hausse (0,6 %). Les prestations légales reculeraient de -4,4 % sous l’effet du transfert de l’AEEH. Le recul des prestations d’entretien ( 3,1 %), sera compensé par le rebond de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE, +3,5 %), sous l’effet du retour aux modes de garde payants et de l’avancement de la prime de naissance au 7ème mois de grossesse au lieu du 2ème mois après la naissance.
Les produits ont progressé de 7,5 %, en 2022. Les cotisations sociales progresseraient de +7,2 %, à un rythme inférieur à celui de la masse salariale du secteur privé (+8,9 %), avec les faibles revalorisations du SMIC. Les cotisations prises en charge par l’État, en raison de la quasi-disparition des dispositifs d’exonérations exceptionnelles mis en place pendant la crise sanitaire, se réduiraient. Par ailleurs, la conjoncture économique alors favorable a permis d’améliorer le recouvrement des créances, avec une baisse de 0,9 milliard d’euros des charges liées au non-recouvrement, atteignant un niveau quasi nul après un niveau inédit en 2020. Enfin, les recettes fiscales chuteraient fortement (-16,8 %) en raison d’une nouvelle baisse de la quote-part de taxe sur les salaires affectée à la branche, qui passerait de 18,5 % à 10,7 % au profit de la branche maladie pour 1 milliard d’euros.
L’excédent de la CNAF atteindrait 3,1 milliards d’euros, en progression de 0,2 milliard. Le retour de l’inflation joue à la hausse en dépenses avec les revalorisations anticipées de prestations, et en recettes, avec la croissance de la masse salariale due aux accroissements limités des salaires et à la relative bonne tenue de l’emploi. Les transferts à la charge de la CNAF s’accroissent de 4,4 %.
5)La branche autonomie du régime général, un solde redevenu positif en 2021 qui ne se confirmerait pas en 2022.
En 2021, la hausse des recettes est de+14,3 %, plus forte que celle des dépenses (+11,0 %), en lien avec la conjoncture économique. Une partie de cette évolution s’explique par un élargissement du périmètre de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) aux dépenses de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), auparavant financées par la branche famille. Cette nouvelle dépense a été compensée par un transfert de CSG qui contribue pour 4 points à la croissance des charges et des recettes de la CNSA en 2021. Les dépenses relatives au « Ségur de la santé » et au Covid-19 ont pesé pour respectivement 2,6 milliards d’euros et 0,7 milliards d’euros dans les comptes de la branche autonomie en 2021 ; les surcoûts liés à la crise sanitaire sont toutefois en baisse de 1,3 milliards d’euros par rapport à 2020. La « Loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement » de 2015 prévoyait une meilleure couverture des besoins et une participation financière réduite des usagers. Cependant, la CSG est devenue en 2021 la principale recette de la CNSA. Celle-ci reçoit une fraction de CSG pour financer l’ONDAM médico-social en remplacement du transfert de la CNAM. Les dépenses de la CNSA ont progressé de 6,9 %, dépassant son niveau avant crise de 2019.
En 2022, la CNSA serait de nouveau en déficit (-0,9 milliard d’euros). Les recettes croîtraient de 5,2 %, en raison de la hausse attendue de la masse salariale. La CSG sur les revenus de remplacement serait soutenue par la revalorisation espérée des pensions. Mais la croissance des recettes est bien moindre que celle des dépenses (+8,7 %). Celles-ci seront tirées par l’extension des revalorisations du « Ségur de la santé » à l’ensemble des établissements médico-sociaux, ainsi que par le financement de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 %. L’AEEH serait en forte hausse (+11,3 %), visant une meilleure reconnaissance et prise en charge du handicap chez l’enfant, ainsi que la revalorisation anticipée des prestations de 4 % au 1er juillet. Les transferts aux départements augmenteraient de 19,0 %, la CNSA portant la refonte du financement des services d’aide à domicile. Les départements bénéficient d’une compensation financière, mise en place par la LFSS pour 2022. Enfin, la CNSA finance la prestation de compensation du handicap (PCH) parentalité à partir de 2022, pour laquelle elle bénéficie d’un transfert en provenance de la branche famille.
6.Un besoin crucial de financement pour la promotion de la Sécurité sociale
La chute brutale de l’activité économique à partir de mars 2020et les reports d’échéances de prélèvements sociaux ont conduit à une augmentation massive du besoin de financement de l’URSSAF – Caisse nationale. Le plafond de recours à des ressources non permanentes, fixé à 39 milliards d’euros par la LFSS pour 2020, a été relevé jusqu’à 95 milliards d’euros. Le besoin de financement global atteignait 63,5 milliards d’euros, couverts majoritairement par le marché. Le solde de trésorerie de l’ACOSS s’élevait à -50,6 milliards d’euros au 31/12/ 2020, plus du double de celui de 2019 (-21,9 milliards d’euros), après le transfert progressif de 20 milliards d’euros à la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) à partir d’août. Le taux moyen de financement restait négatif -0,34 % en 2020 contre -0,63 % en 2019, d’où un résultat positif de gestion de trésorerie de 143,4 millions d’euros, après 119,9 millions en 2019. En 2021, le plafond d’emprunt a été maintenu à 95 milliards d’euros. Le solde net du compte de l’URSSAF – Caisse nationale était de -31,9 milliards d’euros au 31 décembre 2021, soit une amélioration de la trésorerie de 18,7 milliards d’euros. Le taux moyen de financement est resté négatif (-0,61 %), permettant de dégager un résultat de gestion de trésorerie à nouveau positif (271,3 milliards d’euros). En 2022, le besoin moyen de financement resterait à des niveaux très élevés. La « Loi relative à la dette sociale et à l’autonomie » du 7 août 2020 avait repoussé la date de fin de remboursement de la dette sociale de 2024 à fin 2033. Les transferts à la CADES couvrent les déficits accumulés, en 2021 pour 40 milliards d’euros, c’est aussi le cas en 2022. Le montant de la dette amortie depuis sa création est de 205,3 milliards d’euros. Fin 2021, le montant de dette restant à rembourser s’élevait à 115,2 milliards d’euros.
Conclusion
La crise sanitaire a révélé les conséquences dramatiques des économies sur les dépenses de protection sociale et l’insuffisance de leur financement. En même temps les tentatives de réponses ont démontré l’efficacité des dépenses sociales pour lutter contre la crise du système économique et social. Une réflexion aurait dû être menée sur l’urgence d’une réforme progressiste et efficace du financement avec au centre la cotisation sociale.
Glossaire
- · ACOSS : Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, appelée URSSAF – Caisse nationale depuis 2021
- · AEEH : allocation d’éducation de l’enfant handicapé
- · AGIRC : Association générale des institutions de retraite des cadres
- · ARRCO : Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés
- · AT-MP : accidents du travail – maladies professionnelles
- · BMAF : base mensuelle des allocations familiales
- · CADES : Caisse d’amortissement de la dette sociale
- · CCSS : Commission des comptes de la Sécurité sociale
- · CMG : complément de libre choix du mode de garde
- · CNAF : Caisse nationale des allocations familiales
- · CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie
- · CNAV : Caisse nationale d’assurance vieillesse
- · CNSA : Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
- · CSG : contribution sociale généralisée
- · FIVA : Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
- · FSV : Fonds de solidarité vieillesse
- · ITAF : impôts et taxes affectés
- · LFSS : loi de Financement de la Sécurité sociale
- · ONDAM : Objectif national des dépenses d’assurance maladie
- · PAJE : prestation d’accueil du jeune enfant
- · PCH : prestation de compensation du handicap
- · URSSAF : Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales