Entrons en campagne pour conjurer la crise qui vient !

Igor Zamichiei
Coordinateur du comité exécutif national - PCF

Amplification de la guerre en Ukraine, inflation grandissante alors que le CAC 40 est au plus haut, méga-feux et sécheresse, pénurie énergétique… les événements de l’été ont révélé la profondeur des crises en cours qui contribuent à développer une crise multiforme d’une ampleur inédite. L’heure est à prendre la mesure du rôle décisif que joue le capital dans cette crise qui vient pour mieux la conjurer, résister à l’union des droites qui s’organise et la poursuivre la construction d’une France des Jours heureux.

Acuité des crises et rôle du capital

Alors que la France peut espérer tourner la page de la crise du Covid-19, c’est profondément fracturée sur le plan social et démocratique qu’elle doit affronter une conjonction de crises inouïe.

Il y a d’abord la guerre menée par le pouvoir russe. Aux souffrances du peuple ukrainien se mêle la menace du recours à l’arme nucléaire faisant dire au secrétaire général de l’ONU que l’humanité n’est désormais qu’à « une erreur de jugement » de l’« anéantissement nucléaire ». Jouant sur le risque d’extension du conflit, l’OTAN légitime son renforcement et les logiques de confrontation pour remilitariser l’Europe et augmenter des dépenses d’armement. L’alliance entend jouer un rôle global dans « une nouvelle ère de compétition stratégique » et augmente pour cela ses effectifs sur le front Est de l’Europe. Un pouvoir russe au service d’une minorité d’oligarques et une OTAN qui fait de la Chine « un défi systémique » montrent le rôle du capital dans la militarisation des relations internationales.

 Sur le plan financier et économique, la déconnexion entre la valorisation boursière et l’économie réelle de la France n’a jamais été aussi forte. Le CAC 40 bat des records. Au premier semestre, les résultats des groupes s’élèvent à 81,3 milliards d’euros, (+ 34 % sur un an) ! Des richesses extorquées au pays, aux millions de familles qui se serrent la ceinture pour tenir face à une inflation qui a atteint 6,1 % en juillet. Au point que les banques alimentaires ont accueilli 100 000 nouveaux bénéficiaires depuis janvier, des femmes en majorité. La décision des banques centrales d’une remontée des taux, loin de combattre l’inflation, vise à maintenir les profits et aggravera la situation comme l’a montré Frédéric Boccara. Dans cette situation, la question n’est pas de savoir si la récession arrivera mais bien quand. Des acteurs capitalistes tel James Gorman, PDG de Morgan Stanley, évaluant le risque d’une récession pour les Etats-Unis à « 50-50 » et « bien plus important en Europe » considèrent d’ailleurs que « ce n’est pas si grave » ! Les grands actionnaires sont déterminés à maintenir voire augmenter leur profit quoi qu’il en coûte aux peuples !

L’été aura également vu l’amplification de la crise climatique avec des records de chaleur, de sécheresse et des méga-feux. Les conséquences sont terribles pour la vie des populations des territoires concernés, la santé des habitants et la biodiversité. Le climatologue et météorologue Robert Vautard, coordinateur d’un chapitre du sixième rapport du GIEC nous alerte : « le calendrier s’accélère ». Ce calendrier, c’est celui d’un réchauffement climatique alimenté par des logiques productives massivement soumises au capital.

Enfin, les problèmes énergétiques qu’affronte notre pays sont grandissants. Ils sont la conséquence de l’augmentation de la demande d’énergie et de politiques de déréglementation du marché, incarnées par la casse organisée du fleuron que constitue EDF désormais en passe d’être étatisée pour mieux être démembréedans le but d’enrichir les actionnaires des grands groupes. Ce coût du capital a un prix exorbitant pour des millions de nos concitoyens : se déplacer ou se chauffer devient un luxe. Les petits chèques distribués par le gouvernement ont pour principal objectif de masquer cette politique. Total annonce 10,4 milliards de bénéfice au 1er semestre et se contente de faire une ristourne temporaire à la pompe qui ne lui coûtera que 500 millions d’euros. Quant à la précarité énergétique dans le logement, elle sera un enjeu majeur des prochains mois.

Résister à l’union des droites

Cet été, au Parlement, le gouvernement, les députés macronistes et le parti Les Républicains ont construit une majorité contre le peuple avec la complicité du Rassemblement national. Avec une seule boussole : faire payer ces crises au peuple.

La loi dite « pouvoir d’achat » en est le témoin. Tous parlent de la « valeur travail » mais avec la défiscalisation des heures supplémentaires et la monétisation des RTT, les droites remettent en cause la durée légale du travail, nous font travailler plus, sans gain au regard de l’inflation. Et alors que le Royaume – Uni et l’Espagne ont décidé de taxes sur les bénéfices des groupes du secteur énergétique, une telle mesure a été rejetée en France. Avec les projets en préparation, la nouvelle réforme de l’assurance chômage, la transformation de « Pôle Emploi », l’attribution du RSA sous condition d’activité, le recul de l’âge de départ en retraite, et la limitation des dépenses sociales et publiques dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et le projet de loi de Finances, c’est une machine de guerre néolibérale contre les travailleurs qui est en marche. Afin de détourner l’attention de ces régressions, le gouvernement prévoit un « grand débat » suivi d’un projet de loi sur l’immigration qui sera sans nul doute l’objet de surenchères xénophobes et racistes.

Dans ce contexte, la représentation décuplée du Rassemblement national à l’Assemblée et le choix stratégique de ce parti d’extrême-droite de se fondre dans cette institution en espérant devenir une force d’alternance menace plus que jamais la République. Si la droite, des macronistes aux LR, porte une immense responsabilité dans cette situation, la gauche s’est révélée jusque-là incapable de faire reculer l’influence de ce parti. C’est une de ses tâches pour les mois à venir. Elle devra surtout être capable de répondre aux principales attentes qui s’expriment par la crédibilité de ses propositions et la cohérence de son projet politique pour affronter le capital et unir le salariat afin d’ouvrir un nouveau chemin d’espoir.

Poursuivre l’action pour de nouveaux Jours heureux

Combattre efficacement le programme ultra-réactionnaire de l’union des droites et faire progresser la gauche implique pour le PCF de poursuivre et d’amplifier l’action pour de nouveaux Jours heureux dans le prolongement de la campagne présidentielle et de celles des candidat.es communistes dans le cadre de la NUPES aux élections législatives.

La campagne présidentielle de Fabien Roussel a marqué le paysage politique. Elle a permis deux avancées importantes qui méritent d’être prolongées. Premièrement, elle a été l’occasion, combiné aux interventions de notre candidat, d’un déploiement de notre collectif militant. Deuxièmement, avec le programme La France des Jours heureux, nous avons porté dans le débat public un projet cohérent, en capacité d’affronter et de surmonter les crises inhérentes au capitalisme. Notre résultat décevantne doit pas masquer ces avancées.

Dans le prolongement de cette campagne, l’accord de la NUPES aux élections législatives a permis deconserver un groupe communiste à l’Assemblée nationale, et de former une coalition électorale capable de peser dans le débat public face au poids des idées de droite et d’extrême-droite et d’obtenir des avancées pour nos concitoyens. Mesurons néanmoins que le progrès de la représentation de la gauche à l’Assemblée nationale tient principalement à la présentation de candidatures uniques dans les circonscriptions. Le total des voix de la NUPES au premier tour, équivalent au total des voix de gauche en 2017, montre qu’il n’y a pas de réel progrès de l’influence de cette dernière dans le pays.

Après cette séquence électorale, l’heure est à des propositions et des initiatives communistes novatrices pour mener la bataille idéologique en poursuivant une politique unitaire à la hauteur des défis actuels, tirant les leçons des échecs du passé.

Comment ? En repartant en campagne ! Non en campagne électorale, mais en campagne tout de même. Le Parti communiste, avec son secrétaire national, doivent poursuivre et amplifier le dialogue avec la société française pour de nouveaux Jours heureux. Nous avons tant à dire sur la crise qui vient, tant à faire pour le changement. Engageons une grande campagne dans nos villes et nos villages, nos entreprises, une campagne en prise avec les contradictions du capitalisme en France, qui se saisit des grandes questions de la période (travail et l’emploi, les salaires et profits, services publics, souveraineté énergétique et climat, et paix) pour résister aux orientations dominantes, faire progresser la conscience de classe, renforcer l’unité politique du monde du travail et des catégories populaires sur tout le territoire et faire progresser des solutions communistes pour conjurer la crise et obtenir des avancées concrètes avec nos concitoyens.

La Fête de L’Humanité, les 9, 10 et 11 septembre prochains, peut être l’occasion de lancer cette campagne. Elle alimentera utilement les journées d’actions du mouvement social à la rentrée, le 22 et le 29 septembre. Le tour de France que Fabien Roussel a décidé d’engager sera un point d’appui au déploiement de ces initiatives. Parallèlement, la marche contre la vie chère en cours de construction avec les autres forces de la NUPES peut être une initiative utile si elle rassemble largement, ne cherche pas à instrumentaliser les organisations syndicales et associatives mais au contraire à co-construire avec elles, et si elle vise des avancées concrètes pour les Français.

Construire une grande offensive des communistes pour résister à l’union des droites et inventer avec le peuple et les forces vives du pays une voie pour de nouveaux Jours heureux. Voilà le défi qu’appelle la période et que peut relever avec ambition notre parti !

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  1. Numéro 816-817 (juillet-août 2022) - Économie et politique

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