Budget 2025 : Contre l’austérité,
des dépenses utiles !

Jean-Marc DURAND
membre du conseil national - PCF

Sans surprise, le nouveau gouvernement Barnier poursuit et aggrave une politique budgétaire au service du capital.

Il aura fallu plus de 60 jours à Emmanuel Macron pour nommer un Premier ministre. Comme on pouvait s’en douter mais c’est maintenant confirmé, il fallait trouver un gouvernement qui s’agissant du projet de budget 2025, se plie aux règles du pacte budgétaire européen et chausse les pantoufles de son prédécesseur. Bruxelles, Macron et le Medef ont trouvé l’homme idoine en la personne de Michel Barnier qui n’a pas tardé à entrer dans le vif du sujet.

Le chantage de la dette

Celui-ci a immédiatement braqué les feux sur le dérapage des comptes publics. Le déficit prévu à 5,5 % ressort à un taux supérieur à 6 % et la dette dépasse les 3 200 milliards, soit 112 % du PIB. Aux États-Unis, elle est de 122 % et au Japon de 252 %.

Mais prenant prétexte de cette situation, le gouvernement annonce pour 2025 une cure d’austérité. Un remède qui risque de tuer le malade. La vérité c’est que le capital veut une baisse des dépenses pour faire main basse sur l’argent de l’État. Or c’est l’inverse qu’il faut faire face aux énormes besoins de développement du pays. C’est ainsi que nous entrerons dans une trajectoire durable de redressement, comme nous l’avons fait après-guerre avec une dette pourtant considérable.

On nous dit que l’Europe nous y oblige. Oui d’une part mais de l’autre elle propose sur une trajectoire de 7 ans. Cela laisse du temps pour faire prévaloir d’autres critères que ceux des traités de Maastricht et de Lisbonne qui rappelons-le, déclinés dans le nouveau pacte de stabilité (déficit à 3 % du PIB et dette à 60 % du PIB), imposent aux États des normes de gestion publique difficilement compatibles avec des choix de développement en faveur de l’humain et de la planète. Un État ne disposera jamais au temps t de suffisamment d’argent dans ses caisses pour réaliser les investissements nécessaires à son développement social, environnemental et infrastructurel. Il doit donc pour cela recourir à l’emprunt. L’essentiel est que les sommes empruntées aillent à des investissements efficaces socialement et écologiquement, qui généreront en retour une bonne croissance du PIB. C’est bien à ce niveau que le bât blesse aujourd’hui. En réalité, quatre causes sont identifiables venant expliquer cette montée de la dette :

  • les choix d’Emmanuel Macron qui depuis son arrivée à l’Élysée auront privé le budget de l’État de 62 milliards d’euros de rentrées fiscales qui en cumul représentent d’ailleurs bien plus (1), et auront permis de distribuer quelques 200 milliards (2) d’aides aux entreprises sans contrôle et sans contrepartie sociale et écologique. En outre, souvent matérialisés en allégements de cotisations sociales ces aides sont compensées par le produit de la TVA, ce qui réduit d’autant le montant de recettes budgétaires disponibles pour l’État et ampute du même coup les capacités de financement de son fonctionnement (services publics).
  • une hausse du montant de la charge de la dette, c’est-à-dire des intérêts payés aux marchés financiers, passés de 33,8 milliards d’euros en 2022 à plus de 55,5 milliards en 2024, conséquence de l’augmentation des taux d’intérêt de la BCE et d’une inflation venue gonfler les dépenses de l’État  ;
  • l’utilisation de l’argent des entreprises, de l’État et des banques pour le capital et sa rentabilité contre l’emploi, les salaires, la formation, l’écologie. En clair, contre une croissance saine générant des revenus solides et accrus et élargissant du même coup la base des prélèvements fiscaux et sociaux  ;
  • les suppressions d’emploi dans les services publics, qui font reculer le PIB et la base de développement du pays.

Et voilà comment et pourquoi le déficit croît et la dette s’accumule !

Source : INSEE

Le projet de budget Barnier : attention, récession !

Plutôt que de rompre avec un modèle qui, suivi depuis plus de quarante ans, conduit au désastre écologique, social et politique, le gouvernement Barnier continue d’enfoncer le clou de l’austérité. Son objectif de réduire le déficit de 60 milliards d’euros, soit 2 points de PIB, implique une baisse de 40 milliards d’euros de la dépense publique, et 20 milliards d’euros de recettes fiscales nouvelles… des montants qui se décomposent ainsi :

  • côté recettes : une contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés pour les plus grandes entreprises (8 milliards d’euros) ainsi qu’une taxation spéciale des grandes fortunes et des rachats d’actions. Des mesures qui risquent de s’avérer un peu courtes pour rapporter les 20 milliards d’euros escomptés ;
  • côté dépenses : le budget de la protection sociale serait amputé de 14 milliards d’euros (report de l’indexation des retraites – 4 milliards d’euros – et baisse des prestations maladie). Quant au budget de l’État, bâti sur 492 milliards d’euros de dépenses, montant identique à celui de 2024, ne tenant donc aucun compte de l’inflation, il impliquerait une baisse automatique pour l’ensemble des ministères à l’exception des armées et de l’intérieur. Le gel des crédits des ministères se traduira par une diminution des dépenses d’environ 15 milliards d’euros, tandis que des économies supplémentaires de 5 milliards leur seront demandées, avec des baisses d’effectifs à la clé. Les opérateurs de l’État devront freiner leurs dépenses à hauteur de 1 milliards d’euros  ;
  • s’ajouteraient la baisse de dépenses fiscales et quelques non-engagements de crédits (dépenses prévues). Les collectivités locales seraient mises à contribution à hauteur de 5 milliards d’euros, montant qui pourrait bien se transformer en 9 milliards d’euros si on ajoute la suppression des 1,5 milliards d’euros attribués précédemment au titre du Plan vert et l’effet de la non prise en compte de l’inflation. On comprend mieux pourquoi la Cour des comptes propose de supprimer 100 000 emplois dans la fonction publique territoriale.

La mise en œuvre de tels choix signifierait un nouvel enfoncement dans une logique austéritaire et régressive qui, portant un grave coup aux services publics, aux garanties sociales et à l’emploi, ouvrirait la porte d’une entrée en récession de la France en 2025 – moins de recettes, moins de PIB et un déficit qui se creuserait – avec toutes les conséquences humaines qui en découleraient. Il est temps de sortir de ce cercle vicieux.

Nouvelle dépense et réforme fiscale pour conjurer la dette.

Le péril c’est la finance, pas la dette. Nos services publics sont à l’os, les PME et PMI ferment à tour de bras, les pénuries s’accentuent… Et il faudrait encore réduire la voilure et couper dans les dépenses utiles, humaines et écologiques. Il faudrait appliquer les recettes déflationnistes des années 30 en France et en Allemagne dont on sait comment cela a fini !

L’enjeu, c’est de relancer une croissance saine ! Il faut renouer avec une logique de développement vertueuse. Ce qui implique l’engagement de dépenses nouvelles, ou plus exactement d’avances pour se développer qui feront augmenter le PIB et permettront ainsi « d’avaler » la dette c’est-à-dire, d’en faire baisser le poids dans le PIB et de faire progressivement régresser le déficit.

Dans la situation d’aujourd’hui, il y a besoin en urgence d’avances massives, financées à taux 0 et provenant de la création monétaire, afin de relancer les services publics (hôpital, école, transport, énergie) et de soutenir la conversion écologique de l’industrie à partir de créations d’emplois, de formation, d’augmentation des salaires. Le pôle public bancaire, Poste et CDC, doit être mobilisé à cette fin et refinancé à 0 % par la BCE. Au-delà, il faut créer pour l’ensemble des pays de l’UE un fonds européen pour les services publics alimenté par la création monétaire de la BCE.

En parallèle, il convient également tout de suite de réorienter les aides aux entreprises (200 milliards d’euros), cela à partir de critères sociaux (salaires, emplois) et environnementaux au lieu de qu’elles jouent le rôle de trappe à bas salaires. Un contrôle démocratique des salariés doit accompagner cette réorientation.

Enfin une réforme de la fiscalité doit rapidement prendre corps. A commencer par la fiscalité des entreprises avec un impôt sur les sociétés universel (tous les revenus des entreprises y serait uniformément soumis), progressif (taille des entreprises) et incitatif à l’utilisation de leurs bénéfices pour des investissements porteurs d’emplois, de formation, de bons salaires et de recherche. Un nouvel impôt territorial calculé sur le capital immobilier, matériel et financier des entreprises doit également être établi.

Il convient de même de rétablir un ISF intégrant dans sa base l’ensemble des biens professionnels.

Enfin, il y a besoin de reconstruire un impôt sur le revenu universel taxant les revenus de la rente et du capital au moins comme ceux du travail, sinon plus, et de réviser les droits de successions (leur mode de calcul : situation économique du bénéficiaire et leur progressivité). Il s’agit par l’ensemble de ces réformes d’engager une refonte structurelle de la politique fiscale commençant par faire reculer le poids des impôts proportionnels et régressifs comme la TVA. Tout comme il est nécessaire d’aller vers une extinction progressive de la CSG au fur et à mesure qu’une réforme du financement de la protection sociale par les cotisations deviendrait opérationnelle, ce qui signifie d’en finir avec tout projet de fusion de l’IR et de la CSG.

  1. Exemple du CICE : d’avantage fiscal à allégement de cotisations sociales, c’est plus de 100 milliards d’euros qui à ce jour, auront été alloués aux entreprises par ce dispositif.
  2. Alors que le montant des aides publiques était de 9,4 milliards d’euros en 1979, l’intervention de l’État auprès des entreprises au service du capital a atteint en 2022 175 milliards d’euros (source : Cour des Comptes, 24 janvier 2024).