2025, l’année des dangers

Frédéric BOCCARA
économiste, membre du comité exécutif national du PCF

Dans une conjoncture économique fragile, risques économiques et enjeux politiques sont étroitement liés.


À retenir

  • Dans l’analyse de la conjoncture, la toile de fond est la suraccumulation durable de capital. Le capitaliste monopoliste d’État social (CMES) règne toujours mais c’est un CMES de crise, profondément perverti et réactionnaire.
  • Cette crise du CMES s’accompagne, en France, d’une crise de régime conduisant à la centralisation du pouvoir entre l’État et le patronat, tandis que la gestion des richesses est largement déléguée à la Banque Centrale Européenne.
  • Dans une économie européenne qui stagne, la France a échappé, pour le moment, à la récession mais le gouvernement Barnier prend le risque de la précipiter en imposant une réduction des dépenses publiques de 40 milliards d’euros. L’austérité affectera les services publics, l’emploi et toute la société qui souffre déjà de l’appauvrissement général consécutif à l’inflation et à l’asphyxie des services publics. En fin de compte, la récession aggraverait le déficit et augmenterait la dette publique.
  • Il faut donc réfuter résolument l’idéologie qui veut faire de la réduction des déficits un préalable. Il est au contraire vital d’augmenter les dépenses pour les services publics, en recourant aux avances monétaires de la BCE. C’est ce qui inspire nos propositions pour une alternative à l’austérité orchestrée par le projet de budget 2025.
  • C’est tout autre chose que ce que préconise le rapport Draghi, qui appelle, pour l’Europe, à des investissements massifs, mais sous la contrainte des exigences de rentabilité du capital.
  • La condition décisive d’une issue aux difficultés actuelles est l’intervention populaire. La montée des tensions et des périls suscite, dans l’opinion, un besoin de débats et d’échanges. Les communistes doivent donc pouvoir porter avec confiance leurs idées, avec ce qu’elles ont de nouveau par rapport aux traditions de la gauche. Dans l’immédiat, c’est ce qui doit inspirer à la fois la bataille pour une autre politique budgétaire et une campagne d’idées et de luttes : « emploi-formation ».

La conjoncture économique et politique en France est profondément marquée par le projet de budget 2025. Le gouvernement Barnier veut mettre en œuvre une austérité inouïe : 40 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques ― soit autant que les dépenses totales pour l’enseignement scolaire, ou encore deux fois le plan d’austérité de 2024, pourtant largement désavoué par les urnes. Il est prétendument « équilibré » par une hypothétique augmentation des recettes de 20 milliards d’euros, et un semblant de « justice fiscale ». Ceci alors que le principal risque est la récession (le recul du PIB). Il faut la conjurer ! Même le patronat alerte sur ce risque, tout en demandant d’en renchérir sur la baisse des cotisations sociales et des dépenses publiques (interview de Patrick Martin dans Les Echos du 9 octobre).

Enjeux politiques en France :
la question n’est pas
« plus ou moins d’impôts »
mais « plus de dépenses publiques,
et comment ? »

Or, ce budget renforce la possibilité de récession dont les mécanismes sont à l’œuvre en France et qui est déjà en cours en Allemagne. De plus, la récession elle-même rend improbable, voire insincère, les annonces de recettes fiscales accrues. Le plus probable, si ce budget était mis en œuvre, c’est un creusement du déficit, un alourdissement du poids de la dette… S’ensuivra le défilé de docteurs Diafoirus préconisant de nouvelles purges et saignées pour le « malade »… qui s’entêtera à ne pas « guérir ». Et pour cause !

Cela suppose, bien évidemment, que le gouvernement Barnier ne connaisse pas le sort de celui de Liz Truss au Royaume-Uni (démissionnant au bout de seulement six semaines). Cela repose sur la complaisance du RN et de Marine Le Pen. Celle-ci s’est convertie ouvertement à la doctrine du préalable de la baisse des dépenses, au nom d’une dette dénoncée comme « péril pour notre souveraineté », ainsi qu’elle l’a exprimé dans une tribune publiée dans Les Echos le 29 février 2024. Nous l’avons souligné ici, les forces de progrès n’ont pas du tout donné l’écho nécessaire à ce tournant pour dénoncer la convergence du RN avec la droite et Macron.

En même temps que les nuages s’amoncèlent sur la conjoncture française et que le projet de budget fait plus qu’en rajouter, se développe l’idéologie de la baisse de la dépense publique, et de simplement répartir l’austérité entre les gens. Si nous enfermions le débat dans la question « plus ou moins d’impôts » et évitions la question « plus de dépenses publiques, et comment ? » nous participerions de ce glissement idéologique. C’est un enjeu au sein du Nouveau Front populaire.

Sociologiquement, quelles vont être les conséquences de ce budget et que peut-on en anticiper ? Encore une fois, les plus pauvres vont subir des conséquences mais, surtout, leurs rangs vont continuer à s’élargir, même si les « filets de sécurité » en faveur des « très, très pauvres » joueront quand même. Les ultra-riches, surtout la grande bourgeoisie financière et ses parasites, vont en bénéficier. En revanche, au milieu, les couches moyennes (qui vont des « presque pauvres » à beaucoup de celles et ceux que l’on croit riches [1]), vont être le plus durement frappé, dans leur revenu, dans leur accès à l’emploi, à un travail de qualité, aux services publics, y compris les cadres. Ces couches sociales vont continuer à glisser vers le bas, ou à en ressentir le risque pour eux ou leurs proches. Barnier-Macron les jettent ainsi encore plus dans les bras du RN. Ou dans ceux de la conciliation avec le capital, du moindre mal, représenté par Macron… ou un de ses successeurs à venir.

Il ne faut cependant pas sous-estimer ce que fait Barnier et son discours, d’autant qu’après avoir beaucoup inquiété l’opinion (pas de gouvernement, « c’est le chaos ») les gens sont rassérénés par l’existence d’un Premier ministre : on leur dit « voilà l’ordre ». Comme l’ont toujours dit les droites. Même les indicateurs de confiance des ménages commencent à remonter.

Le défi de Michel Barnier

Michel Barnier donne cinq priorités. Cela pousse le défi, il faut le voir. Les deux premières concernent directement l’économie. Ce sont : 1) le niveau de vie, au-delà du salaire ; 2) « l’accès aux services publics de qualité », et il cite tout de suite l’école et la santé (qu’il nous aurait fallu installer dans le paysage de bataille des élections européennes) ; 3) la « sécurité du quotidien », formule habile qui fait mine de prendre la notion de sécurité par la gauche ; 4) la maîtrise des migrations ; 5) la fraternité.

Mais c’est la question de l’austérité, et du nouveau régime qui se poursuit, qu’il faut mettre en avant face à ces priorités proclamées. Un nouveau régime pour développer l’austérité, une sorte d’austérité sélective, c’est-à-dire une austérité pour le social, l’emploi, les services publics, mais open bar pour la guerre et le capital.

Cette recherche d’un « nouveau régime » se poursuit : centralisation, délégation de pouvoir accrue à l’État, et un tête-à-tête organisé État-patronat. Et, de plus en plus, est déléguée à la BCE une partie importante du pouvoir d’orientation des richesses (bien au-delà de l’Assemblée nationale et de son budget) ainsi qu’aux marchés financiers. Toujours beaucoup d’intervention publique, mais très anti-sociale et directement pour le capital, c’est en ce sens que nous sommes toujours dans le capitalisme monopoliste d’État social (CMES) mais un CMES de crise, profondément perverti et réactionnaire.

Dans ce « nouveau régime », il y a toujours les deux niveaux ― Union européenne et France ― en laissant le pouvoir de création monétaire à l’Union européenne. C’est une grosse question politique, plus importante peut-être que celle du budget. Mais il y a aussi le troisième niveau, le niveau mondial… que Macron laisse aux États-Unis, avec leur impérialisme.

Conjoncture mondiale :
une très grande fragilité

La toile de fond d’ensemble est celle d’une énorme suraccumulation de capital : une énorme quantité de capital accumulé, par rapport à la création de richesse (PIB), capital qui va peser sur la création de richesse parce qu’il exige sa rémunération, son 10 % de taux de profit, voire plus. Donc, il va interdire la création de richesse si cela ne fait pas le taux de profit qu’il souhaite. Or, plus il y a de capital, plus sa valeur augmente, plus atteindre un même taux de profit exige un montant élevé de profit : si le capital vaut 100, pour faire 10 %, il faut prendre 10 sur la valeur ajoutée, s’il vaut 200, alors il faut prendre 20, le double, sur la même valeur ajoutée, la même création de richesse. Cette suraccumulation vient plomber l’ensemble. Comme le dit Marx, « le capital est sa propre barrière à son développement (…) et au développement de toute la société ». Or, le rapport entre valeur ajoutée et masse de capital est à des niveaux jamais atteints, même s’il y a par moments de petits reculs.

Le krach financier de cet été a exprimé cette énorme suraccumulation et la fragilité qui en résulte. Il s’est produit à la suite de l’annonce de chiffres un peu décevants sur l’emploi aux États-Unis. Mais tout de suite, les autorités ont répondu par les banques centrales, en activant de la création monétaire. Cela illustre trois choses : 1) La matière inflammable considérable qui est là, la fragilité de la situation ; 2) La capacité de réaction des autorités, pour l’instant ; 3) Les fragilités de l’activité réelle qui sont sous-jacentes puisque ce sont les questions de l’emploi qui ont fait réagir.

Deuxième élément de contexte : un ralentissement démographique mondial qui est important, en toile de fond pour les années à venir. Un des éléments en est les pénuries généralisées de main-d’œuvre qualifiée. D’après l’OIT (organisation internationale du travail), 77 % des entreprises, dans le monde ! déclarent ressentir des pénuries de main-d’œuvre qualifiée. Ce peut être pour diverses raisons, surtout de vieillissement dans certains cas (Chine, par exemple) ou de pauvreté et d’insuffisance de dépenses de formation (Afrique). Et en Europe, on a un peu les deux à la fois : vieillissement et insuffisance de formation.

Troisièmement, la fracturation géopolitique du monde, parce que le Sud monte, mais il est refoulé et même, il y a des fragilités considérables au « super-Sud » (les pays les moins avancés). Cela se conjugue avec un envenimement des États-Unis qui refusent de perdre leur leadership.

Dans cette fracturation du monde, on observe des ralentissements des deux côtés. La Chine, qui est toujours autour de 4-5 % de croissance, connaît un ralentissement et s’interroge beaucoup sur son modèle de développement (montée du chômage des jeunes, crise de l’immobilier, tendances déflationnistes sur les prix de production, etc.). Le dernier rapport du comité central du Parti communiste chinois s’interroge beaucoup, cherche une voie. Il tourne sans le dire, peut-être sans le percevoir, autour de la question de nouveaux critères d’utilisation des fonds et de nouveaux critères d’efficacité et de gestion des entreprises, en lien avec les questions d’intervention démocratique.

De l’autre côté, les États-Unis (voir dans ce numéro l’article de Paul Colin) sont aussi en « hésitation économique ». Mais cela peut se retourner contre nous.

La France a échappé à la récession…
pour l’instant !

Concernant la France, nous n’avons pas connu de récession en 2024, alors que c’est le cas de l’Allemagne cette année. Cela vient de ce qu’en France l’activité a été soutenue par les Jeux Olympiques (grands travaux, billetterie, même si l’hôtellerie a été décevante au troisième trimestre). La croissance atteindre 1,1 – 1,2 % en 2024, ce qui est faible, mais c’est vraiment une croissance, dans une Union européenne qui aura connu cinq trimestres de stagnation (donc des récessions dans plusieurs pays).

Mais déjà, cette croissance française de 2024 s’observe avec une demande intérieure qui stagne depuis trois trimestres. En réalité, au-delà des JO, ce sont les exportations qui tirent la croissance : la politique menée a refroidi l’activité, les revenus et l’emploi. Donc on n’achète plus (consommation des ménages et investissement des entreprises sont en berne), les importations reculent pour cette raison (et non parce qu’on aurait redressé l’appareil productif) tandis qu’on continue à exporter, même si le recul de l’Allemagne pèse sur nos exportations. D’une certaine façon : « le malade est en train de mourir guéri ». C’est-à-dire qu’on refroidit tellement l’économie, prétendant lutter contre l’inflation, qu’on met une grande partie de l’activité à l’arrêt. En outre, cette demande intérieure faible entraîne des problèmes spécifiques sur les recettes fiscales : la TVA porte sur la consommation qui est plus faible que la croissance du PIB, et les exportations ne sont pas génératrices de recettes fiscales. Donc, les rentrées fiscales sont, en plus, atteintes par ce type de croissance, qui est minée.

Pour 2025, les signes ne sont pas bons. L’emploi en France commence à se retourner, tout en hésitant : il a commencé à baisser dans le secteur privé ; à présent, seul l’emploi des fonctionnaires, qui augmente, le soutient. Mais Barnier va lui donner un coup fatal : il nous annonce qu’il va diminuer l’emploi des fonctionnaires. Bravo ! Les défaillances, par ailleurs, ont repris et connaissent un niveau historique. Elles étaient contenues depuis le Covid mais maintenant les digues commencent à céder, d’autant plus qu’arrivent les remboursements du PGE (les prêts Covid garantis aux entreprises). Les sous-traitants industriels sont rayés de la carte par les grands groupes, notamment dans l’automobile. Dans le commerce, les difficultés montent. Le moral des entreprises et des ménages est hésitant : il remonte après avoir baissé mais continue à être bas. La production industrielle suit une tendance morose : après avoir baissé pendant six mois, elle remonte de 1 % en septembre. Là aussi, Barnier va s’occuper de donner un coup fatal : il ne pratique pas de coup le « rabot » comme il dit, car moins 40 milliards, c’est plutôt la hache. Non content de taper dans le budget des fonctionnaires et des services publics, mais il tape aussi dans le budget des aides à l’emploi (c’est le cadeau qu’il a repris d’Attal) : 3 milliards de moins pour l’emploi, dont notamment les 800 000 apprentis pour qui ils veulent arrêter de payer. Il y a une forme de folie. Il est probable qu’ils ne le fassent pas, même si les membres du Conseil national de l’Information statistique ont été informés d’un big bang à venir des chiffres du chômage, rendant leur lecture impossible pendant quelques mois, puisqu’ils vont désormais intégrer tous les titulaires du RSA !

Il faut rapprocher ces éléments, concernant la France, du fait que l’Allemagne est dans une récession qui est partie pour durer, mais aussi des tensions avec les États-Unis qui vont s’accroître, vu leurs propres difficultés.

Or, les États-Unis, dans ce cas-là, réagissent par la Fed et par le dollar, reportant les difficultés sur nous. Sans parler des grandes difficultés dans les pays du Sud, de la pression déflationniste de la Chine, et de la tendance engagée depuis fin 2023 au recul du commerce international de marchandises. En outre, dans la mesure où on a une sorte de retour à un fonctionnement de type classique, pré-Covid, les enchaînements classiques eux aussi peuvent arriver. L’année 2025, du point de vue économique, est donc une année de grands dangers.

Précisément, le discours du pouvoir sur la dette, la guerre, cherche à préparer les esprits à endurer des difficultés accrues.

Conjurer la récession

Tout autre chose serait de dire qu’il faut un budget qui conjure la récession. La récession est en effet le risque le plus gros, le plus grave. Et qui peut amener le fascisme. La dette, c’est une chose, mais la récession, c’est la double, voire la triple, peine : 1) le PIB baisse, donc, il y a moins de recettes fiscales, cela creuse tout de suite le déficit ; 2) le PIB baisse, donc le rapport déficit sur PIB est plus élevé pour le même déficit. Donc, on peut perdre un point de déficit plus un point parce que le PIB baisse, soit au total deux points en moins ; 3) en plus, les impôts ne rentrent pas du tout à la même vitesse, ce qui peut faire un troisième point en moins. La baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) peut-être en effet plus que proportionnelle à la baisse du PIB, puisqu’une société qui fait une perte passe à 0 impôt. Les rentrées d’IS peuvent changer facilement de 10 ou 20 milliards. C’est pourquoi on peut être très dubitatif sur les + 20 milliards d’euros d’impôts annoncés sur les entreprises. Au total, ces trois mécanismes font qu’on a coutume de dire que les enchaînements keynésiens à la baisse sont plus violents qu’à la hausse ; 4) Sans parler des destructions de capacités humaines comme de capacités productives matérielles, donc de potentiel de développement, sur lesquelles il est très difficile de revenir.

Dans le même temps, on sait que la création monétaire est possible pour sauver la situation. Vont-ils chercher à la mobiliser pour éviter la récession ? D’un côté, une barrière psychologique a sauté, depuis la pandémie, pour la création monétaire, de l’autre côté, le capital peut ne pas l’accepter car, d’une part c’est d’autant moins d’argent pour lui, d’autre part il peut s’accommoder cette fois-ci d’une récession (les déclarations de Patrick Martin sont ambivalentes), et enfin, les milieux dirigeants européens sont pénétrées d’idées malthusiennes. Par exemple, les sociaux-démocrates d’Allemagne ont tenté une certaine forme d’utilisation de la création monétaire : ils ont créé un « véhicule financier » national pour y loger la création monétaire des banques, et contourner ainsi l’austérité budgétaire et le « frein légal à la dette » qui n’accepte qu’une seule exception, les dépenses militaires. Mais la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, chez eux, et un peu l’Union européenne, leur ont barré la route.

Cela étant, des éléments de contagion et des « effets dominos » peuvent se manifester s’il y a des problèmes de récession, inquiétant ainsi les milieux dirigeants et les amenant à réagir.

Enfin, les transformations structurelles de l’économie (démographie, pénuries de travailleurs qualifiés) et une politique économique d’écrasement des salaires et rémunérations – qui est une sorte de partage du chômage, un partage du travail au sens réactionnaire – peut avoir pour conséquence que le PIB recule, mais avec un emploi stagnant bien qu’appauvri. Il y a donc, un important enjeu de diagnostic et de clarification. Les chiffres parlants sont ceux qui montrent l’appauvrissement considérable de notre société.

Il faut d’ailleurs démasquer le discours sur « l’inflation qui ralentit » (1,2 % d’inflation en septembre). L’inflation, c’est l’augmentation des prix : quand elle diminue, cela veut juste dire que les prix augmentent, mais moins vite : ils sont restés au niveau très élevé, parfois insupportable, qu’ils ont atteint. Donc l’appauvrissement populaire va se faire sentir, et se diffuser, d’autant que certaines dépenses ont été reportées et qu’elles ne peuvent pas l’être indéfiniment.

De même, les dettes des entreprises sont un élément structurel important. Les entreprises sont l’objet de restructurations importantes car deux pressions s’exercent sur elles : dette et exigences de la nouvelle phase de la révolution informationnelle (l’IA). Les capitalistes restructurent. Ils divisent les groupes en cédant des parts au capital étranger. Par exemple, Renault s’est coupé en trois morceaux, dont l’un est une co-entreprise avec Microsoft, du capital étranger. Sanofi, un autre grand groupe, se restructure revendant une partie de ses activités, les médicaments comme le doliprane, aux petits actionnaires, à travers un fonds d’investissement étranger. N’y a-t-il pas là une forme individualiste de dévalorisation du capital, non structurelle et de crise ? Autrement dit, les petits actionnaires, le « public », le « flottant » en jargon boursier, ne toucheraient qu’un taux de profit réduit, parce qu’on a d’abord fait remonter une grande part du profit dans des holdings contrôlées exclusivement par les gros actionnaires. Il y a aussi beaucoup de capital public dévalorisé, c’est-à-dire touchant une rentabilité moindre, à commencer par les fonds de la BCE.

Il faut suivre cela, retravailler sur toutes les recherches de dévalorisation individuelle par les grands groupes. En parallèle, comme on l’a dit, les sous-traitances prennent des coups.

Et puis, plus classiquement, les plans de licenciements d’entreprises font mal, eux aussi, mais avec le sujet de la dette qui vient en surcroît justifier les plans : Atos subit des tentatives renouvelées de démembrement, Thales a annoncé un plan de suppression de 1 000 emplois dans le spatial.

Derrière ces questions de dette des entreprises, de montée du capital étranger, il y a les grandes questions autour du coût du capital et du besoin d’autres dépenses pour développer l’offre, mais autrement : d’une part le financement à taux zéro avec une sélectivité nouvelle, mais aussi, d’autre part, la mutualisation des dépenses. On retrouve là des enjeux européens.

Des possibilités d’agir en Europe

Au niveau de l’Union européenne, la Commission nouvellement nommée est très à droite, avec une montée en son sein de l’influence des milieux financiers allemands les plus réactionnaires, même si l’Allemagne est en crise, ou parce que l’Allemagne est en crise. Dans le même temps, en nommant lui-même Stéphane Séjourné sans consulter le Premier ministre qui n’a été qu’informé, Emmanuel Macron prend la main en France sur les questions européennes contre Michel Barnier.

Il faut s’arrêter un temps sur le rapport Draghi à la présidente de la Commission européenne, intitulé L’avenir de la compétitivité européenne (voir aussi, dans ce numéro, les articles de Denis Durand et Alain Tournebise). Mario Draghi est un ancien banquier de Goldman Sachs, ancien président de la Banque Centrale Européenne et ancien président du Conseil Italien, d’un gouvernement, dit technique, qui a fait le lit de l’arrivée Giorgia Meloni au pouvoir, la néo-fasciste italienne.

Son rapport concède et reconnaît qu’il faut augmenter les dépenses. C’est très important. Il faut savoir s’appuyer là-dessus. Mais de là à dire comme Thomas Piketty qu’il il « va dans la bonne direction » (Le Monde du 14 septembre), c’est exagéré et suiviste.

Des recettes d’emprunt viendraient accroître les recettes publiques ― le Rapport parle de 800 milliards d’investissements supplémentaires par an, publics et privés, durant plusieurs années ― mais cela concerne pour Draghi surtout les subventions publiques aux dépenses « privées » d’investissement des entreprises… Donc ce n’est pas exactement une « rupture avec le dogme de l’austérité budgétaire » (d’autant moins, si c’est au détriment d’autres dépenses publiques dans chaque pays…, comme le remarque notre camarade allemand l’économiste Roland Kulke, dans une note de Transform pour le Parti de la Gauche européenne), même si on peut s’appuyer dessus pour renforcer l’exigence de rompre avec ce dogme.

D’autre part, ses préconisations sont perverses et empoisonnées. D’ailleurs, même Thomas Piketty est amené à concéder que la santé et l’hôpital sont quasiment absents du rapport. En effet, Draghi développe le besoin d’appel à l’épargne bien rémunérée (et non à la création monétaire) et préconise pour cela la mise en place d’euro-obligations, c’est-à-dire des titres financiers européens. Cela pose cinq problèmes :

  • financement par les marchés financiers donc, aux conditions des marchés financiers avec leur pression sur les choix de dépenses ;
  • à un coût imposé par les marchés financiers, ce qui veut dire à des taux d’intérêt bien loin de 0 % ;
  • ce sera pour le capital (investissement matériel et financier) et pour la guerre, c’est ce qu’il dit, et c’est ce que vont exiger les marchés financiers. Il dit même pour la finance, au prétexte que la finance c’est ce qui appuie l’innovation. Alors qu’il faut prioriser les dépenses humaines (emploi, formation, salaires et services publics) et l’investissement efficace et porteur de valeur ajoutée écologique
  • c’est un bond en avant dans le fédéralisme, sans même le dire, puisqu’un eurobond, c’est un titre européen « fusionné » en quelque sorte, qui viendrait renforcer le budget fédéral. Au contraire, nous sommes en faveur d’une construction de type « confédéral ». C’est tout autre chose ! Dans ce sens, tout le rapport insiste sur la nécessité décisive (à ses yeux) de marchés de capitaux unifiés en Europe, etc.
  • c’est conçu au service de la « compétitivité », discours qui infuse tout le rapport, un type de compétitivité de baisse du « coût salarial » et de compression des dépenses sociales, avec une vision très élitiste (par exemple pour la recherche publique qu’il préconise de concentrer sur quelques pôles d’excellence et métropoles, comme le relève Thomas Piketty), mais aussi une compétitivité d’élimination du concurrent. Donc un creusement des déséquilibres de toutes sortes.

Or, ce que nous proposons, ce ne sont pas les euro-obligations, ce ne sont pas des titres financiers. C’est s’appuyer sur la création monétaire de la BCE, c’est-à-dire hors des mains des marchés financiers, et à très bas taux, avec une sélectivité correctement orientée (investissements matériels et de RD porteurs d’emploi, de formation + services publics). Et nous proposons de financer les dépenses des États nationaux, avec des critères précis, ce qui n’est pas fédéral, ni purement national, mais confédéral, à savoir sur des dépenses décidées depuis le niveau national. Au contraire, faire appel aux euro-obligations, c’est recycler l’épargne et les profits existants (les « liquidités disponibles », devenues du capital) qu’on va mobiliser et qui vont exiger leur rendement de marché, élevé. Deuxièmement, développer l’emploi qualifié et la formation comme priorité, c’est différent de l’investissement matériel. De même, les services publics (au-delà de la santé), sont quasiment absents (sauf la recherche, en proposant financement direct et élitiste des universités par l’UE !). Or ils sont de plus en plus décisifs, pour l’efficacité économique réelle, sociale, écologique : l’éducation, l’enseignement supérieur de masse et la recherche, la santé, les transports (fret ferroviaire, transport urbain et régional de voyageurs), etc. De même, dans les services publics, la priorité doit être l’emploi et la mise en formation (pré-recrutements, notamment). L’emploi et la formation sont décisifs, bien avant le béton. De même que les entreprises doivent fonctionner selon d’autres critères, avec d’autres financements, d’autres relations avec la société. Tout cela passe complètement « à l’as ». Or, ce sont des grandes questions politiques, pas uniquement économiques. Comment leur faire crever l’écran ?

Dans le même temps, la France est en procédure de déficit excessif auprès de la Commission européenne. Ce n’est pas la première fois. C’est utilisé pour faire peur. Ce n’est pas nouveau : dans son ouvrage Les luttes de classe en France, Marx insistait sur la façon dont, sous Louis-Philippe, à la veille de la révolution de 1848, on cherche à faire peur sur la dette publique dont se nourrit la bourgeoisie financière, et sur la possibilité de banqueroute.

Voyons bien que cette bataille idéologique intimide tous les partis politiques sur l’idée de baisse des dépenses publiques. Le Nouveau Front populaire, le PS, et même LFI, dans le groupe de travail commun des partis qui le constituent, y sont malheureusement sensibles. Ils ont peur de dire, et d’opposer à Barnier, qu’il faut dépenser plus. Le chiffrage du NFP, qui est un compromis un peu insuffisant, chiffrait pourtant à 125 milliards d’euros les dépenses supplémentaires nécessaires sur 2024 et 2025 !

Il faut en outre utiliser tous les ressorts existants : le nouveau pacte budgétaire européen, qui est à la fois plus réactionnaire et plus réaliste, exige une trajectoire de redressement, mais autorise la possibilité d’une trajectoire « crédible » sur 7 ans ! Donc, en réalité, on pourrait suivre une courbe « en J », avec un déficit qui se creuse d’abord, pour muscler notre pays, et se redresse ensuite. Ce serait bien sûr une bataille dure. Mais c’est celle-là qu’il faut mener.

Il y a une grande volonté de débat, dans les milieux populaires, que nous pouvons mobiliser (on l’a vu à la fête de l’Humanité). Ne restons pas velléitaires. La présence des idées communistes est indispensable.

Le débat à l’Agora de la fête de L’Humanité sur la politique du Nouveau Front populaire, dont nous rendons compte dans ce numéro, a montré qu’on peut avancer dans la clarification d’un certain nombre de choses, en étant compris : l’idée que le débat va développer, renforcer l’union, l’élargir, la rendre efficace et l’adosser aux luttes ; la nécessité de pré-recrutements dans la fonction publique – l’idée commence à être comprise, ne soyons pas timides ; le crédit sélectif pour les PME pour leur permettre de se développer en augmentant les salaires et l’emploi – cela révèle l’exigence populaire d’un autre relation aux entreprises ; le besoin de nouveaux pouvoirs d’intervention sur les gestions, et de planification ; enfin, sur la dimension internationale, l’impérialisme, le besoin d’une nouvelle monnaie commune mondiale alternative au dollar, d’un nouvel ordre économique international avec les BRICS. Il y a une exigence de transformation. Il faut s’appuyer sur elle. Elle exprime une exigence de radicalité, d’antilibéralisme, qu’il ne faut surtout pas rejeter. Il faut même l’utiliser comme force contre le conservatisme du PS social-libéral, mais aussi contre le conservatisme des idées économiques, d’un keynésianisme de comptoir et très étatiste, chez LFI.

Quelques interrogations ouvertes
sur le diagnostic économique

L’incertitude qui règne dans l’économie mondiale laisse plusieurs questions ouvertes, qu’il faut continuer à étudier. En voici quelques-unes.

Concernant la production industrielle et la valeur ajoutée à l’étranger, dans le processus actuel d’industrialisation de la France, on observe une tendance à créer moins de valeur ajoutée. Prenons l’exemple du Nord, avec les gigafactories pour la production de batteries : il s’agit principalement d’assemblage, ce qui crée peu de valeur ajoutée. En outre, une prédation financière pèse sur cette nouvelle industrialisation. Cela souligne le besoin d’une relation plus équilibrée entre services et industrie, avec des services moins prédateurs. Il faut aussi des services moins délocalisés, qui financent l’industrie de manière constructive.

Sur la question des entreprises, il est important de clarifier certains enjeux. Ce n’est pas simplement une question de contenu du travail, mais aussi de pouvoir au sein des entreprises. Il s’agit de comprendre que derrière le travail se trouve l’enjeu de l’entreprise et donc de la production. Une nouvelle production implique une nouvelle offre, et cela nécessite de nouveaux critères de gestion.

Dans la mondialisation, il y a une interrogation sur les stocks et les chaînes d’activité mondiales. L’idée du « zéro stock » est en réalité fausse. Les multinationales continuent d’avoir besoin de stocks, surtout lorsqu’elles diversifient leurs approvisionnements. Il y a une reconfiguration des chaînes de valeur, avec des stratégies comme China Plus One, par les multinationales US, pour éviter de dépendre de la seule Chine. Cependant, cela ne résout pas totalement la question des stocks et des dépendances.

Il y a aussi des incertitudes du côté de l’inflation. C’est un phénomène très systémique. Fondamentalement, l’inflation qu’on a observée depuis 2022 a résulté principalement de deux facteurs : d’une part, la pression financière (gonflement du capital et de ses exigences et insuffisance d’emplois qualifiés sont deux facettes de cette pression), d’autre part, l’absence de transition écologique, c’est-à-dire une dépendance renforcée aux matières premières dont les prix croissent (par exemple, le prix du lithium a été multiplié par 30 en quelques années).

Ces causes inflationnistes sont largement masquées par la récession, avec ses pressions déflationnistes. Cependant, on constate qu’il y a toujours de l’inflation dans les pays du Sud.

En se projetant dans l’avenir, on peut se demander dans quelle mesure l’inflation forte reviendra lorsque la reprise économique sera plus marquée. Il est même possible que l’inflation remonte plus rapidement que prévu, ce qui pourrait freiner la reprise, car les acteurs économiques anticiperaient cette hausse des prix et ajusteraient leurs comportements en conséquence. Cela créerait un système paradoxal où l’économie avance avec le frein et l’accélérateur activés simultanément. Si on fait cela avec une voiture elle devient incontrôlable…

Cette question de l’inflation est fondamentale ; On peut penser que les banquiers centraux ne la considèrent pas suffisamment dans une perspective à long terme, bien qu’ils en soient conscients à court terme.

Porter avec audace
ce qu’il y a de nouveau dans nos idées

Comme il a été indiqué au début de cet article, le budget est un pur budget d’austérité, et s’il y a une récession ce sera encore pire. Nous récusons le chantage de la dette. Rappelons qu’aux États-Unis, elle est encore plus élevée en pourcentage du PIB, au Japon aussi. Le remède qu’ils veulent pratiquer risque de tuer le malade, même si le capital veut cette baisse des dépenses publiques.

À l’inverse, notre position, c’est qu’il faut développer le pays et que c’est ainsi qu’on entrera dans une trajectoire durable de redressement. C’est ainsi qu’on l’a fait après-guerre en développant la base de richesse et donc, par la suite, la masse de richesse réelles créées, qui permet « d’avaler la dette ». Par ailleurs, l’Europe ne nous oblige pas complètement, puisqu’elle laisse 7 ans aux États endettés pour suivre une trajectoire d’évolution des dépenses publiques. On a donc des marges, même si ce sera un bras de fer avec les dirigeants de l’UE – sur lequel on peut rassembler d’autres pays, car ils souffrent de difficultés en partie communes.

Nous disons « le péril, c’est la finance et pas la dette ». Il faut relancer une croissance saine avec des avances pour se développer. Nos propositions principales, immédiates :

1) des avances massives financées à 0 % qui proviennent de la création monétaire, pour cela on peut créer un véhicule financier français alimenté par le pôle public bancaire national (Caisse des dépôts, banque postale) pour financer les dépenses publiques, ce qui permet de contourner les interdictions budgétaires à l’Assemblée nationale ;

 2) orienter les dépenses en faveur des services publics (hôpital, école, transport, énergie, collectivités locales) avec au cœur les pré-recrutements, en prenant au mot Barnier qui dit « développer » mais recule sur les recrutements, qui dit supprimer des emplois dans le « back-office » prétendu inutile (au lieu d’enseigner ou de soigner, les profs, les infirmières, les médecins devront donc passer leur temps à organiser des emplois du temps et à gérer des moyens !) Sans personnels compétents pour organiser les tâches, c’est la perspective de services publics encore plus bloqués, c’est la thrombose. Donc, la création d’emplois massive, c’est décisif.

3) Réorienter les aides aux entreprises (200 milliards d’euros, on peut commencer par 20 milliards d’euros) à partir de critères sociaux et écologiques, avec des pouvoirs nouveaux de suivi de ces aides.

4) Une réforme de la fiscalité : au moins un impôt sur les sociétés incitatif et progressif. Incitatif veut dire : si l’entreprise, ne développe pas l’emploi et les salaires, on lui applique un taux plus élevé, sinon on lui applique le taux normal. De même, il faut revoir l’impôt sur revenu. Enfin, il faut avancer des propositions sur le financement de la protection sociale. C’est vraiment important, socialement, dans les luttes et pour conjurer la récession.

La grande question qui domine, c’est l’intervention populaire. Pour affronter les contradictions, éclairer sur la situation et mener des luttes.

Il faut décloisonner partout et ne pas refaire des mini-sommets dans chaque localité. Sur le fond, il faut à la fois luttes et idées, jusqu’à l’alternative. Le PS se droitise, avec sa part de réalisme. LFI joue les excès, reste antilibérale en principe, mais est en réalité une sorte de social-démocratie radicale, qui fait du « plus » mais en rabat sans cesse sur les changements de fond nécessaires. Il n’en est pas moins vrai que la base sociale de LFI est pour des changements profonds. Nous devons nous adresser aux citoyens de ces deux composantes, y compris les masses sociales des banlieues rouges qu’on a délaissées, mais qui continuent de se sentir « rouges ». Pour cela, il nous faut développer, poursuivre notre analyse de classe moderne de l’économie et de la gravité de la crise.

La profondeur de la crise est un élément déterminant qui montre qu’on ne peut pas se permettre un simple replâtrage. Développer l’emploi et la qualification « en premier », c’est en réalité une révolution au sens où on retourne les choses. On commencerait par ce qui, aujourd’hui, est vu comme une simple conséquence, un solde, dans l’idéologie économique dominante. Donc ça veut dire affronter le capital. Faire des avances, cela veut dire une autre logique, car ces avances n’iront pas au capital, d’abord. Elles iront éventuellement à l’investissement … s’il développe l’emploi, les qualifications. Au lieu d’aligner l’ambition d’une politique sur les recettes possibles (les recettes font les dépenses), nous disons : « les dépenses feront les recettes de demain, et l’activité saine et mobilisatrice d’aujourd’hui ».

Cela implique de penser avec deux composantes : le budget et une campagne d’idées et de luttes : « emploi-formation ». Nos idées, bien que pertinentes, restent souvent inaudibles en dehors de nos cercles. Il est nécessaire d’interroger notre stratégie nationale de communication et de porte-parolat pour porter ― véritablement ― nos idées, et ceci plus largement. C’est un défi essentiel pour la réussite de la gauche et pour faire entendre nos propositions.

Il faut voir le besoin d’échanges intellectuels et d’idées. Monte le souhait de dialoguer, avec nous, avec nos idées qui continuent d’attirer l’attention de certains. Nous devons avoir confiance en nos idées et en notre capacité à contribuer de manière significative.

Il faut oser se libérer des oripeaux et des symboles du passé. C’est un peu comme l’ouvrage de Marx Les luttes de classes en France, où il explique que les événements de 1848 ont permis d’abandonner certains symboles désuets. Le mouvement ouvrier doit constamment se renouveler, surtout dans les périodes de crise, car il a tendance à s’accrocher aux stratégies qui ont fonctionné lors des crises précédentes, alors que le capitalisme a déjà contourné ces difficultés et s’est adapté.

Il est donc essentiel de se renouveler sans pour autant rejeter complètement le passé. C’est un équilibre délicat. Ceci alors que nous vivons une véritable tragédie, car nous faisons face à des défis énormes, dont la montée du fascisme.

Dans cette conjoncture de tous les dangers, mais aussi de certaines lueurs et d’opportunités, dans cette tragédie de fin de cycle qui n’en finit pas, la novation révolutionnaire est plus que jamais nécessaire, en lien avec les luttes concrètes.


[1] D’après l’INSEE (« Revenu et patrimoine des ménages », Insee Références, édition 2021, 209 p.) : les 10 % les plus pauvres, en termes de revenu total, perçoivent en moyenne, avant redistribution, 753 euros par mois et par unité de consommation (UC). Au milieu, 80 % des ménages (soit environ 55 millions de personnes) perçoivent entre 1 023 euros et 2 260 euros, en moyenne, par mois et par UC. Les 10 % de ménages aux plus hauts revenus commencent à 2 787 euros et perçoivent en moyenne 4 071 euros, mais au sein de cette tranche les 0,01 % titulaires des revenus les plus élevés, à peine plus de 6000 personnes, perçoivent 80 721 euros par mois en moyenne (essentiellement des revenus financiers du capital), soit 20 fois la moyenne de leur tranche et 68 fois la médiane. Les inégalités sont incomparablement plus importantes au sein même du 10ème décile, car on y trouve à la fois des hauts cadres, mais titulaires de revenu du travail, et celles et ceux qui ne perçoivent que des revenus du capital.