Imagerie médicale :
Le premier accélérateur industriel
du pays
est une initiative de la CGT !

Jean-Luc Maletras

Animateur du Secteur électronique de la fédération des Travailleurs de la Métallurgie FTM-CGT (1982-1999). Co-auteur avec Jean-Pierre Escaffre et Jean-Michel Toulouse du livre Des soins sans industrie ? Refonder le lien entre le système sanitaire et l'industrie française, 2020.

Le 12 juillet est né le premier accélérateur industriel d’imagerie médicale. Cette création impulsée par la CGT ouvre des perspectives bien au- delà du domaine de l’imagerie. Retour sur image (article paru dans la publication de la commission Santé du PCF À coeur ouvert, que nous remercions).

En 2012, le groupe Thales (ex- Thomson-CSF) annonce la vente de son activité imagerie médicale basée à Moirans (Isère). Une mobilisation défensive a conduit Thales à renoncer à cette vente. Pour la CGT, la victoire est fragile, elle nécessite d’être confortée par un projet de réindustrialisation visant au développement d’une filière française de l’imagerie médicale.

Une filière morcelée à la suite des politiques d’externalisations conduites au nom du sacro-saint recentrage sur le cœur de métier. La France ne possède plus, depuis vente de la CGR[1], de centre d’innovation technologique (prototypages) capable de fédérer et d’entraîner l’ensemble des acteurs de la filière de l’imagerie médicale.

Or, ce type de structure est indispensable pour amorcer toute tentative de relance industrielle souveraine du pays {toutes filières confondues, nous y reviendrons). La CGT a ainsi concentré son action à la construction de ce maillon et à l’identification de projets technologiques pour asseoir son déploiement. Le projet Proxiimed (renommé aujourd’hui Axel) est le fruit d’un travail collaboratif où des ingénieurs, cadres et techniciens (ICT), des chercheurs [2], des dirigeants d’entreprises (industrieux)… ont apporté leur expertise professionnelle. Elle a également permis de recenser des projets technologiques indispensables pour le lancement de Proxiimed.

Nous avons pu une nouvelle fois mesurer l’étendue de la créativité du monde du travail. Des projets innovants utiles pour la population et les professionnels de la santé nous ont été présentés, tel celui d’une radiologie nomade fort prometteuse.

Au fil du temps, un rapport de forces s’est installé autour du travail impulsé par la CGT. Au-delà, ce travail, basé sur l’apport et la coopération des expertises professionnelles de chacun, a permis la rencontre de personnes d’horizons très différents partageant des convictions de souveraineté communes – une collaboration vivifiante dépassant la barrière de l’anti-cgt stérile [3], sans que personne y « perde son âme »

Proxiimed devient Axel

Ce long et tenace travail de la CGT Thales et de son collectif Imagerie d’Avenir (IdA [4]) est aujourd’hui récompensé par la création à Moirans de cet accélérateur industriel.

Ce nouvel outil va permettre la rencontre, la coopération, la synergie entre acteurs complémentaires – PME/startups, institutions de santé, acteurs de la recherche, collectivités locales et la CGT, sur l’ensemble du territoire national.

Cette création est marquée par deux originalités : son statut et sa composition. Axel est une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) dont la CGT est actionnaire et membre du CA. L’originalité de la structure choisie a surpris nos dirigeants politiques, nous dit Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT : « Lorsque j’ai présenté ce projet (de coopérative) à GabrieL Attal ou Bruno Le Maire, ils ouvraient des yeux ronds comme des soucoupes » nous dit-elle l’occasion de la cérémonie d’inauguration d’Axel.

Du côté des partenaires engagés dans cette coopérative, le sujet n’a pas vraiment fait débat. Le système coopératif permet d’instaurer une relation où tout le monde est logé à la même enseigne. La gouvernance se fait par consensus et la CGT y est présente. Une nouvelle page commence, la CGT entend bien poursuivre son travail de facilitateur pour un dialogue constructif entre t’industrie et la santé publique répondant aux aspirations des professionnels de santé et des patients.

 Axel : un outil à dupliquer ?

La création d’un accélérateur industriel du médicament ne serait-il pas de nature à permettre la coopération entre PME/startups, acteurs de la recherche, institutions de santé, collectivités locales et syndicats ?

D’autres pistes sont à exploiter. La Bretagne compte un grand nombre d’entreprises travaillant dans l’industrie de l’armement. Ces entreprises détiennent un portefeuille technologique considérable, d’un apport insoupçonné notamment dans le domaine de la santé, du handicap ou de l’environnement. Ce capital construit sur fonds publics est confisqué par le complexe militaro-industriel. Il est possible, comme nous venons de le voir, à partir des technologies développées pour l’armement, d’en transformer certaines pour répondre à de nombreuses applications civiles au service des Hommes et de la nature. L’imagerie médicale en est une formidable illustration. Elle est née d’une technologie militaire [5].

Dans les années 90, la CGT Thomson Brest a conduit des actions pour la diversification militaire/civil.

Des coopérations ont vu le jour avec IFREMER, les marins pêcheurs, les aiguilleurs du ciel. Certaines d’entre elles ont permis des créations d’emploi et la création de nouvelles entreprises telle celle de TRW Autocruise à Plouzané. Ces actions peuvent connaître aujourd’hui une nouvelle jeunesse autour de la création d’accélérateurs industriels tournés vers la mer, l’espace aérien, l’environnement. Mes dernières fonctions professionnelles, notamment celle de responsable de l’aide à la création d’entreprise dans la société Thales durant 15 ans [6], m’ont permis d’observer la formidable créativité des salariés, mais aussi, leur grande frustration de ne pas pouvoir aller au bout de leurs projets…

Pourquoi les grandes organisations patronales ne portent-elles pas ce type d’action ? L’idéologie du libre-échange et de la concurrence libre et non faussée n’incite pas à la coopération et aux synergies. Ici, la défiance est omniprésente dans les relations. Notre expérience autour d’Axel nous permet de valider le fait que le patronat ne représente pas un bloc homogène. Il existe, pour nous, deux courants. Un que nous qualifierons de courant comprador et un autre d’industrieux patriotes. 

La coopération et les synergies font partie des gènes de la CGT. Ces qualités conjuguées à notre maillage professionnel et territorial représentent une force.


[1] Compagnie Générale de Radiologie vendue en 1987 par Thomson à General Electric.

[2]  Notamment Raphaël Favier et Jean-Pierre Escaffre, auteurs de La France se délite : Réagissons ! Edition Essais, 2017.

[3] Une attitude primaire qui est hélas à l’origine de la perte d’un temps précieux. Nous payons ici l’absence de véritables droits d’intervention.

[4] https://imageriedavenir.fr

[5] Technologie développée pendant la Deuxième guerre mondiale pour équiper les chars allemands pour la vision nocturne (https://www.tedimage38.org/histoirede-la-radiologie/#linvention-de-lamplide-brillance).   

[6] Cabinet conseil GERIS, filiale du Groupe Thales.

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Animateur du Secteur électronique de la fédération des Travailleurs de la Métallurgie FTM-CGT (1982-1999). Co-auteur avec Jean-Pierre Escaffre et Jean-Michel Toulouse du livre Des soins sans industrie ? Refonder le lien entre le système sanitaire et l'industrie française, 2020.