Vencorex :
graves menaces sur les usines chimiques du sud de Grenoble

Christian Chevalier

Les menaces de fermeture de l’usine Vencorex et la suppression programmée de 450 emplois sur 480 à Pont de Claix ont entrainé une réplique coordonnée des syndicats des différentes entreprises sur les sites chimiques de Pont de Claix et de Jarrie face à l’énorme gâchis industriel qui s’en suivrait en cascade dans toute la chimie au sud de Lyon.

Le journal l’Usine Nouvelle annonce la présence sur le site de Jarrie le 4 décembre dernier, de représentants de la direction d’ARKEMA pour annoncer aux travailleurs et aux syndicats un « plan de recentrage », synonyme selon le quotidien « de réduction notable de la production ».

2 000 emplois directs sont menacés (730 à Pont de Claix, 1 100 à Jarrie) et 6 000 emplois induits dans les différentes filières de production. Derrière cela, c’est une dégradation terrible de l’indépendance industrielle de la France et de l’Europe et une très grande dégradation de la création de valeurs sur nos territoires.

Historiquement l’ensemble industriel s’appuie sur trois infrastructures fondamentales : la production hydroélectrique, une voie ferrée et la production du chlore, intermédiaire dans la fabrication d’un grand nombre de produits chimiques de base. Depuis le début du XXe siècle, les procédés de production du chlore et de ses dérivés ont été adaptés pour répondre

  • aux enjeux de sécurité (ils sont situés dans des zones d’habitation, d’abord des personnels qui les faisaient fonctionner et depuis les années 1960 au cœur de l’agglomération grenobloise en plein développement)  ;
  • aux enjeux environnementaux, pour les mêmes raisons d’implantation dans des zones très densément peuplées. Leur prise en compte s’est effectuée très tôt, dès les années d’après-guerre, grâce aux équipes de recherches installées sur les sites qui sont à l’origine de nombreux procédés exploités aujourd’hui  ;
  • aux enjeux économiques, par les synergies des procédés industriels imbriqués dans le réseau des infrastructures de la chimie au sud de Lyon.

A cela s’ajoutent

  • des compétences professionnelles, techniques, et scientifiques représentant un savoir cumulé exceptionnel  ;
  • des ressources naturelles (chlorure de sodium dans la Drôme des collines et l’eau des nappes phréatiques alimentées par le Drac)  ;
  • Des produits pétroliers depuis le vapocraqueur de Feyzin.  

Ce que la gestion capitaliste de notre industrie pourrait détruire si les forces syndicales et politiques n’organisaient pas la riposte :

Sur le site de Pont de Claix

La société Vencorex est l’entreprise menacée directement à la suite d’une gestion calamiteuse qui a conduit à son rachat et sa mise en faillite en quelques années par une société concurrente appartenant à l’État thaïlandais. La concurrence internationale déloyale a placé une entreprise dont les actifs sont évalués à plus d’1 milliard d’euros, à se voir proposer par son principal concurrent chinois un rachat pour un million d’euros, la destruction des installations et la capture de tous les brevets industriels.

Concrètement seront arrêtées les productions de chlore et la production de produits intermédiaires (HDI et TDI) à la base de la fabrication de mousses (sièges, semelles de chaussures…) ou de tissus synthétiques (élastomères et autres fils synthétiques techniques…) et de polyuréthanes utilisés dans les fabrications de peintures pour les carrosseries des véhicules automobiles, avions, trains…

En amont

  • l’extraction du sel des mines situées sur les communes de Hauterives et Tersannes dans la Drôme des collines se fait après dissolution dans l’eau à 2000 m de profondeur. L’autorisation préfectorale d’extraction et de transfert de 300 000 t/an de saumure produite par la Société Chloralp, filiale de Vencorex, vers le site de Pont de Claix est autorisée jusqu’en 2043. L’arrêt de la production de chlore depuis le début de la grève, il y a 6 semaines, est en passe de provoquer une catastrophe environnementale, la saumure étant produite en continu à un débit de 30 m3/h et risquant de déborder dans les champs environnants. La dissolution des sels à une profondeur de 2 000 m ne peut pas être stoppée car elle est imbriquée dans un ensemble complexe de transfert de fluides et de gaz par pipeline entre Feyzin, Roussillon et Pont de Claix  ;
  • les consommations électriques du site représentent la consommation d’une ville de 70 000 habitants. Les installations de la société Solvay qui produisent l’électricité et la vapeur d’eau sont donc concernées.

En aval

Sont concernées :

  • La société Seqens qui valorise l’acide chlorhydrique principalement vers des filières de produits pharmaceutiques  ;
  • Suez qui exploite un incinérateur à très haute températures (torche à plasma) pour le traitement de déchets spéciaux produisant ainsi une partie de la vapeur utilisée sur le site  ;
  • Air Liquide qui distribue les principaux gaz générés ou importés sur le site (hydrogène et monoxyde de carbone).

Et sur le site chimique de Jarrie

Arkema produit le chlore, la soude et l’hydrogène à partir du chlorure de Sodium de Pont de Claix.

  • des dérivés chlorés organiques, Chlorure de Méthyle expédié à Roussillon (production de silicones)  ;
  • chlorate de soude (agent de blanchiment papier haut de gamme)  ;
  • perchlorate de sodium (élément de carburant fusée Ariane et autres fusées…)  ;
  • fluides caloporteurs pour les transformateurs électriques HT (remplaçant les pyralènes)  ;
  • eau oxygénée (détergent, désinfection dans diverses applications de traitements environnement, emballages…).

Autres industries sur le site de Jarrie :

Framatome produit des sels de zirconium, produits intermédiaires dans le processus de purification du zirconium métallique de qualité nucléaire, constituant les éléments d’emballage et d’assemblage du combustible des réacteurs nucléaires. L’usine Framatome de Romans réalise le chargement du combustible dans les tubes en zirconium.

Framatome produit également du hafnium métallique pur et ultra-pur (barres de contrôle dans les réacteurs nucléaires, cloisons de protection contre les radiations, fuselage d’avions, coque de smartphones…). Des oxydes de zirconium et de hafnium utilisés dans la fabrication de céramiques de hautes pureté (applications médicales, optiques…).

RSA produit des alumines et des saphirs synthétiques destinés à des applications dans l’aérospatiale, l’aéronautique, l’éclairage LED, l’horlogerie, les céramiques techniques…

Tout l’ensemble industriel rassemble des productions à très haute valeur ajoutée, produites sur des installations modernes, performantes, avec de grandes compétences en matière de sécurité technologique et environnementale et des services de secours et de surveillance de la santé des travailleurs intégrés.

L’État et les collectivités locales ont payé un tiers des 100 millions d’euros investis récemment dans la modernisation des installations d’électrolyses du chlore de Vencorex.

Fabien Roussel, André Chassaigne, et des élus de l’Isère réclament la nationalisation immédiate de Vencorex.

La chimie du Sud grenoblois est indispensable aux applications telles que le traitement des eaux, la désinfection, les peintures et revêtements de surface, l’aérospatial, le nucléaire, les silicones, l’électronique, le blanchiment de la pâte à papier…

L’intersyndicale CGT, CFDT, CGC des différentes entreprises mène une bataille au cœur de l’industrie chimique française, au cœur de l’industrie française ! Nous devons les aider à gagner.