L’histoire montre que, pour assurer une gestion publique, il faut s’extraire des logiques financières et s’inscrire dans l’intérêt général

Jean-Louis Peyren
Secrétaire FNIC-CGT en charge de l’industrie pharmaceutique

Nous reproduisons la contribution de l’auteur au débat « Faut-il nationaliser Sanofi? » paru dans L’Humanité du 18 novembre 2024

Historiquement, Sanofi est née de la fusion de plusieurs grands groupes, dont deux géants nationaux : Elf Aquitaine et Rhône-Poulenc. La privatisation de ces deux entreprises du secteur public a marqué un tournant. Aujourd’hui, nous faisons le constat qu’être une grande entreprise nationale n’aura pas suffi à empêcher ces groupes de passer sous le contrôle du capital. Même une entreprise historique comme Sanofi peut être intégrée aux logiques du marché et de la rentabilité, au détriment de l’accessibilité aux soins.

La question qui se pose n’est donc pas tant celle de la nationalisation en soi que de son utilité et de son rôle dans la transformation du modèle de Sanofi. Il ne s’agit pas de faire de la nationalisation un objectif final, mais plutôt un moyen pour redéfinir la place de l’entreprise dans le paysage de la santé publique. La nationalisation doit être une étape dans un processus plus large : celui de la réappropriation collective de l’industrie pharmaceutique, afin de la mettre au service de la société et non des actionnaires.

En effet, Sanofi, dans sa logique de maximisation des profits, a pris des décisions lourdes de conséquences. L’entreprise a cédé son activité de médicaments sans ordonnance, comprenant des marques emblématiques comme Doliprane. Sanofi s’est désengagée en supprimant ses usines, centres de recherche et emplois. Les opérations de vente à la découpe révèlent la nécessité urgente d’intervenir avant que Sanofi ne devienne une coquille vide, une entreprise ne gérant plus que des licences et des droits de propriété intellectuelle, sans infrastructure. Si la nationalisation peut sauver l’outil de recherche et de production restant, cela doit se faire par une réquisition, car les contribuables français ont déjà largement financé cette entreprise.

La nationalisation de Sanofi pourrait ainsi constituer la première étape vers une véritable socialisation du secteur

Pour que cette nationalisation ait un sens, elle doit s’inscrire dans un projet plus ambitieux : la création d’un grand pôle public de la santé, englobant non seulement les médicaments, mais aussi le matériel médical. Ce pôle public devrait être placé sous l’égide de la Sécurité sociale, l’unique institution capable de définir les priorités de santé publique de manière détachée des logiques de rentabilité.

Il faut alors créer un « Conseil national de la santé du médicament et du matériel médical » pour assurer la gouvernance de ce pôle public. Ce conseil pourrait inclure des organismes publics tels que l’INSERM, le CNRS, l’assurance-maladie, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, mais aussi des représentants des syndicats de salariés et des associations d’usagers. Il s’agirait d’un lieu de surveillance démocratique, où la société civile pourrait exercer un contrôle rigoureux afin que la gestion de ce secteur stratégique reste fidèle aux principes de solidarité et d’intérêt général.

La nationalisation de Sanofi pourrait ainsi constituer la première étape vers une véritable socialisation du secteur, à l’image de notre Sécurité sociale originelle, un outil de solidarité et de justice sociale pour tous.