Réparer l’école et la transformer
pour l’émancipation de tous

Marine Roussillon
Sébastien Laborde

La crise sanitaire a agi comme un révélateur de la crise de notre système éducatif. Alors que les interruptions scolaires ont révélé les inégalités face à l’école, le chaos causé par les protocoles sanitaires successivement imposés par Blanquer a donné à voir la grande fragilité d’un système qui manque à la fois de personnels et d’équipement.

Répondre à l’urgence, transformer l’école

Depuis bientôt deux ans que le virus circule, rien n’a été fait pour garantir de bonnes conditions d’apprentissage. Il n’y a personne pour remplacer les personnels malades : les classes ferment les unes après les autres, la restauration scolaire est désorganisée. Les va-et-vient des élèves, absents pour se faire tester ou pour s’isoler, rendent la progression des apprentissages difficile. Personne ne sait de quoi sera fait demain. Ce chaos, le ministre en est directement responsable : son protocole sanitaire, élaboré sans consulter les premiers concernés, annoncé par voie de presse à la veille de la rentrée, modifié sans cesse depuis, ne protège personne. Pire, il désorganise encore un peu plus l’éducation !

Blanquer utilise la crise sanitaire pour accélérer la transformation du service public d’éducation nationale, et le réduire à un service minimal, tout en incitant les familles qui le peuvent à se tourner vers le privé.

Face à cette politique, le PCF porte des solutions d’urgence, qui sont aussi des leviers pour un changement radical de politique :

  • augmenter le temps passé en classe, pour pouvoir résoudre les difficultés causées par les interruptions scolaires, mais aussi pour renforcer l’école publique et élever le niveau de connaissance et de qualification de toute une génération ;
  • recruter en urgence pour pouvoir remplacer les enseignant.e.s malades et réduire les effectifs dans les classes, mais aussi pour enclencher une dynamique de renforcement du service public et de reconstruction d’une culture professionnelle, par la création de dispositifs de pré-recrutement sous statut de la fonction publique ;
  • équiper les établissements en masques et en détecteur de CO2 pour garantir la sécurité des enfants et des personnels, mais aussi pour rompre avec la politique de délégation des dépenses d’équipement aux collectivités territoriales, et engager un plan national d’équipement, de rénovation et de construction.

Partager les savoirs : une exigence révolutionnaire

Si la crise sanitaire révèle la crise de notre système éducatif, elle montre aussi à quel point nous avons besoin d’une école ambitieuse, à quel point les connaissances sont essentielles à l’exercice de la citoyenneté, à quel point nous avons besoin de savoirs complexes pour vivre librement dans une société de l’information.

Le savoir est un pouvoir. Face aux tentatives capitalistes d’en faire une marchandise, et de le réserver à une minorité, nous défendons le partage des savoirs comme nécessité démocratique.

La transformation de la société exige le partage des savoirs. On le voit avec les débats autour de la crise sanitaire, la question de la laïcité, mais aussi dans la perspective de changer nos modes de production, nos modes de vie pour relever les défis sociaux et environnementaux. On le voit dans la lutte contre les discriminations, les préjugés, quand les savoirs reculent, l’obscurantisme, le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie progressent. L’adage en pédagogie des sciences qui dit que les croyances résistent aux savoirs apparait crûment dans cette période. La crise de l’école n’est pas pour rien dans le recul des savoirs comme outils pour penser et agir dans la société.

Par conséquent la question de l’éducation s’inscrit, a fortiori pour une force révolutionnaire, dans une perspective et un processus de transformation de la société, de dépassement des contradictions qui conduisent et conduiront à des crises multidimensionnelles. L’élévation du niveau de connaissance de toute une classe d’âge est un enjeu politique. C’est celui de former des citoyens conscients, en capacité de comprendre le monde, d’agir et de le transformer.

Pour cela il est nécessaire de changer de cap pour transformer le système éducatif, s’attaquer aux inégalités sociales de réussite scolaire, et viser l’élévation du niveau de connaissance des nouvelles générations dans tous les domaines.

La sélection et les inégalités ne sont pas une fatalité, c’est le moyen et les conséquences que met en œuvre la classe dominante pour préserver ses intérêts, une hégémonie culturelle, et ouvrir au capitalisme en crise des pans entiers de l’activité humaine dont celles de l’éducation et de la formation. Cette volonté politique des libéraux s’appuie sur un dogme préalable : tout le monde n’est pas fait pour réussir à l’école, pour poursuivre des études, pour accéder au pouvoir, pour décider.

Il s’agit face à cela de donner de nouveaux droits aux citoyens, aux salariés, aux usagers des services publics et aussi de fonder une école de l’égalité, qui permettra à tous les futurs citoyens de s’approprier des savoirs complexes. L’école est bien au cœur de la lutte des classes qui aboutit depuis un siècle à des compromis entre l’élévation nécessaire du niveau de connaissance d’une classe d’âge, y compris pour les capitalistes qui veulent des salariés productifs, et la sélection pour préserver et reconstituer en permanence une élite intellectuelle bourgeoise gardienne des intérêts de la classe dominante. Cela a produit, quand le mouvement ouvrier en a eu la force, des avancées formidables, et comme nous le vivons aujourd’hui des reculs tout aussi remarquables comme la baisse du nombre d’étudiants, la ségrégation aggravée entre garçons et filles, les sorties d’études prématurées des enfants de catégories populaires, la discrimination sociale avec la concurrence de établissements, le recours à l’enseignement privé ou confessionnel.

Dans un projet qui vise l’émancipation individuelle et collective, le système éducatif doit donner à tous les moyens de maîtriser les choix individuels et collectifs auxquels chacun est confronté dans sa vie de citoyen, de travailleur. Le système éducatif que l’avenir réclame, c’est celui qui élargit les horizons de la culture (scientifique, technologique, littéraire, artistique, physique…) et donc du pouvoir d’agir et de penser, en formant la personnalité, et l’ouverture aux autres. Il prépare, sur des sujets complexes, à penser, s’exprimer, faire des propositions et des choix, s’engager dans le cadre de valeurs partagées de cette culture commune. Il prépare chaque futur travailleur à exercer, à maîtriser et à inventer les métiers de demain, permettant de faire face aux défis multiples de notre époque. Un haut niveau de formation pour tous les jeunes c’est un levier formidable pour leur donner les moyens de transformer la société, d’agir sur elle, de prendre des responsabilités, de s’engager de penser un autre monde.

Face à tous les fatalismes qui divisent, isolent et détruisent, il est urgent de construire d’autres rapports sociaux au travail, aux savoirs, des convergences entre les travailleuses et les travailleurs, qu’ils soient ouvriers ou paysans, employés, techniciens, travailleurs du tertiaire, des usines ou de la santé, salariés, fonctionnaires ou travailleurs indépendants… Ces convergences concernant l’école que nous voulons, s’appuient sur l’affirmation en actes de la capacité de tous à penser, à concevoir, à décider collectivement. L’émancipation de chacun n’est possible que par l’égalité́ de tous. C’est d’une révolution des rapports sociaux et des mentalités dont il s’agit.

Rallonger le temps scolaire, pour transformer l’école et la société

La crise sanitaire et le gouvernement ont creusé les inégalités scolaires durant cette période tout en amplifiant la sélection sociale avec la réforme du bac et le maintien de Parcoursup. La crise du capitalisme a conduit les libéraux à accélérer un mouvement à l’œuvre depuis plusieurs décennies qui rompt avec 40 ans d’antagonisme entre massification et sélection pour ouvrir une période ou la sélection, la concurrence des élèves et des établissements entre eux devient la règle poussant vers la sortie ceux qui réussissent le moins.

Blanquer et Macron ont pris prétexte de la crise sanitaire pour imposer une refonte accélérée du système éducatif et renoncer à l’ambition d’une école commune à toutes les classes sociales. Ils veulent en finir avec l’objectif d’égalité et continuent de fracturer le pays.

Nous voulons construire un changement radical de politique, pour construire une école commune, pour toutes et tous : une école gratuite dans laquelle les enfants sont à égalité, car nous pensons que tous les jeunes sont capables d’atteindre un haut niveau de formation, de culture et de savoir, permettant à toutes et tous de maîtriser leur destin, individuel et collectif.

Depuis près de 15 ans, la transformation libérale du service public en service minimal est passée par la réduction du temps scolaire. En 2008, la réforme Darcos a fait passer la semaine d’école de 27h à 24h en primaire, privant les enfants de l’équivalent d’une année d’école sur l’ensemble de la scolarité obligatoire. La réforme des rythmes scolaires engagée par Vincent Peillon sous la présidence de François Hollande n’est pas revenue sur cette diminution du temps d’école. Puis la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem a réduit la semaine des collégiens à 26h, tout en accroissant les écarts entre les établissements (près d’un tiers des heures de cours ne sont plus communes à tous les collégiens mais définies par les établissements) et entre les élèves (en multipliant les choix optionnels et en individualisant les parcours). Enfin, les réformes Blanquer du lycée professionnel et du lycée général et technologique sont allées dans le même sens : moins d’heures d’enseignement, moins de contenus communs – jusqu’à exploser complètement le groupe classe.

Nous voulons rompre avec ces politiques en allongeant le temps scolaire : plus de classe, plus de temps pour enseigner, plus de commun pour tous les jeunes. Nous proposons de rétablir la semaine de 27h en primaire, sans pour autant augmenter le temps de travail des enseignants : nous nous appuierons sur des enseignants surnuméraires et prévoiront un temps de concertation pour les équipes, inclus dans le service. Au collège, nous souhaitant augmenter progressivement le temps de cours pour atteindre les 32h hebdomadaires. Au lycée aussi, nous visons un minimum de 32h pour toutes et tous. Et dans la voie professionnelle, nous ouvrirons des CAP pour toutes les filières du bac pro, pour que les élèves qui en ont besoin puissent préparer le bac en 4 ans au lieu de 3.

Ces heures doivent permettre de faire l’école à l’école, d’en finir avec la délégation des missions de l’école aux familles, aux collectivités locales ou au marché. L’apprentissage du travail personnel, les révisions et les entrainements, la résolution des difficultés… se feront en classe, avec un enseignant formé. Ces heures supplémentaires seront aussi un levier pour transformer les pratiques et les contenus de l’éducation : varier les activités pour donner sens aux apprentissages, en finir avec la course à l’évaluation, et rééquilibrer les programmes pour faire plus de place à l’éducation physique et sportive, aux cultures techniques et artistiques… pour que tous les élèves trouvent leur place à l’école. Enfin, elles permettront d’élever le niveau pour que tous les jeunes puissent faire des études supérieures s’ils le souhaitent. Nous supprimerons Parcoursup et la réforme du lycée pour que le bac redevienne un diplôme national garantissant l’accès à une formation choisie dans le supérieur, pour former les techniciens, les ingénieurs, les médecins, les professeurs, les personnels soignants dont notre société a besoin pour relever les défis de ce siècle.

Plus de temps à l’école, c’est aussi une manière de libérer le temps hors de l’école. Aujourd’hui, trop de jeunes doivent recommencer l’école après l’école ! Les devoirs à la maison, les cours particuliers, les écoles de sport ou de musique envahissent le temps libre. SI l’école prend en charge tous les apprentissages nécessaires à la réussite scolaire, elle libère du temps pour la famille, les amis, les loisirs. Alors plus d’école, ce n’est pas plus de fatigue et plus de stress, au contraire ! C’est plus de temps pour souffler, pour apprendre et résoudre les difficultés, et c’est aussi plus de temps libre pour faire autre chose.

Reconstruire le lycée professionnel public

C’est dans l’enseignement professionnel que la réduction du service public et la marchandisation de l’éducation sont allées le plus loin. Depuis des années, les réformes successives ont réduit le temps d’enseignement des lycéens professionnels. En même temps, les gouvernements de droite comme de gauche ont fait la promotion de l’apprentissage, alors que l’on sait que de nombreux apprentis abandonnent avant la fin de leur parcours et ne parviennent pas à obtenir leur diplôme. L’État abandonne la formation professionnelle au patronat.

Les intérêts de la population, les réponses aux grands enjeux de société entrent en contradiction avec les intérêts patronaux à court terme, et l’enseignement professionnel représente une manne financière, un marché que s’accapare le secteur marchand et « en même temps » l’apprentissage permet dans de nombreux secteur de fournir une main d’œuvre d’exécutants à moindre coût. Pour former les travailleurs dont notre société a besoin, des travailleurs qui pourront inventer des réponses nouvelles aux défis de l’avenir, des travailleurs qui seront aussi des citoyens, qui exerceront des pouvoirs nouveaux dans leur entreprise, nous avons besoin de reprendre la main sur la formation professionnelle.

Nous proposons de donner aux élèves du lycée professionnel le temps de réussir, avec la possibilité de passer le bac en 4 ans au lieu de 3. Nous voulons aussi garantir aux bacheliers de la voie pro la possibilité de poursuivre des études longues s’ils le souhaitent : en rétablissant les heures d’enseignement supprimées, pour les préparer vraiment au supérieur ; et en reconstruisant les IUT malmenés par ce gouvernement. Pour en finir avec l’incitation à aller se former dans le privé ou en apprentissage, pour répondre aux défis de l’avenir, nous avons besoin d’ouvrir de nouvelles formations professionnelles sur tout le territoire : nous reviendrons à une carte nationale des formations élaborée démocratiquement avec les acteurs de l’éducation et les représentants du monde du travail. Nous devons aussi en finir avec l’incitation financière à l’apprentissage, qui pousse les élèves qui ont le plus de difficultés financières à se tourner vers les formations les moins émancipatrices : nous mettrons en place une allocation garantissant l’autonomie des lycéens de la voie professionnelle, pour que leur choix soit vraiment libre.

Transformer l’éducation avec l’ensemble des personnels

Une telle transformation ne peut se faire qu’avec les enseignantes et les enseignants, et l’ensemble des personnels éducatifs : c’est pourquoi nous voulons leur donner du temps pour préparer, penser leurs pratiques, penser leur métier et l’école dans toutes ses dimensions.

Pour augmenter le temps scolaire et réduire les effectifs en classe sans alourdir encore la charge des enseignants, nous aurons besoin de recruter massivement : nous proposons de recruter 90 000 enseignants tout de suite, dans le cadre d’un plan pluri-annuel.

Mais comment recruter rapidement des personnels formés, alors que ce métier traverse une crise ? Alors que dans de nombreuses académies, dans de nombreuses disciplines, il n’y a pas assez de candidats pour pourvoir les postes mis au concours ? Bien sûr, le rattrapage des salaires et l’amélioration des conditions de travail sont des leviers essentiels. Mais cela ne suffira pas.

Nous mettrons en place un dispositif de pré-recrutement sous statut de la fonction publique. Les étudiant-es qui le souhaitent pourront être pré-recrutés au niveau bac ou bac+3 et bénéficier d’un statut d’élève fonctionnaire stagiaire et d’un salaire pendant toute leur formation, jusqu’au recrutement à bac+5. Nous répondrons ainsi à la crise de recrutement tout en démocratisant l’accès au métier d’enseignant et en construisant les conditions d’une entrée dans le métier progressive et sereine.

Ce plan de recrutement doit aussi toucher l’ensemble des personnels : nous avons besoin de reconstruire la médecine scolaire, de reconstruire des équipes pluri-professionnelles pour prendre en charge la grande difficulté scolaire, de recruter des assistantes sociales, des conseillers d’orientation psychologues, des CPE, des personnels administratifs… Il faut en finir avec la précarité qui mine le service public de l’intérieur. Nous créerons de nouveaux métiers dans la fonction publique : un statut de fonctionnaire, avec un salaire digne et une formation ambitieuse pour les AESH et les AED. Nous titulariserons les enseignants précaires et nous reconstruirons la formation continue.

L’école des jours heureux

Notre projet, c’est l’école des jours heureux ! Une école où les personnels et les enseignants ne sont plus sans cesse contraints de gérer la crise, de parer à l’urgence, de renoncer à leurs ambitions. Une école dans laquelle ils peuvent faire le métier qu’ils ont choisi : transmettre des connaissances, aider des enfants à grandir et à devenir libres. Un métier utile à toute la société. Une école où les enfants ne sont plus assignés à l’échec, ne subissent plus leur orientation : une école où ils font des efforts, affrontent des difficultés, et découvrent la joie d’apprendre, de progresser et de partager. Une école qui les rend plus libres, pour profiter du temps en dehors de l’école, avec leur famille ou leurs amis.

Les propositions portées par le PCF et Fabien Roussel pour l’école s’inscrivent bel et bien dans un projet politique de transformation de la société, de dépassement des contradictions qui conduisent à une crise du système éducatif dans notre pays.