Quelle Europe sociale ?

Catherine Mills
maîtresse de conférences honoraire à l’université de Paris – Sorbonne

Ce qu’on appelle « Europe sociale » apparaît comme un résidu masquant la domination d’une logique économique libérale. Pourtant monte l’urgence des politiques sociales, en réponse aux conflits sociaux et à la crise systémique ainsi qu’au déficit de légitimité de la construction européenne.

Le concept d’Europe sociale est controversé. Certains considèrent que la construction européenne serait une construction progressiste, pour d’autres, ce serait une mystification masquant un projet économique et financier libéral. La construction historique de l’Europe sociale est en réalité chaotique, elle alterne quelques avancées et beaucoup de reculs. Elle est traversée de contradictions, entre les institutions communautaires et les États membres, entre les intérêts d’États membres hétérogènes avec les élargissements successifs, entre patronats et syndicats, comme au sein des organisations syndicales et patronales.

Après la création de la Communauté économique européenne par le traité de Rome (1957), c’est la période qui va de l’Acte unique (1986) au traité de Maastricht (1992), enfin, la phase régressive du traité de Maastricht au traité constitutionnel de 2005 et au traité de Lisbonne (2007) ; Celui-ci reprend pour l’essentiel le traité constitutionnel de 2005.

1       La fondation du Marché commun (1957)

Les fondateurs de la Communauté économique européenne affirment que ses effets sur l’accélération de la croissance et la mobilité des ressources productives assureront l’amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d’œuvre avec leur égalisation dans le progrès. Le social n’apparaît qu’à travers les objectifs d’abolition des obstacles à la libre circulation des personnes et du rapprochement des législations nationales nécessaires au fonctionnement du marché commun. La création d’un Fonds social européen (FSE) prétend favoriser les mobilités professionnelles géographiques. La politique sociale et les acteurs sociaux n’émergent qu’ultérieurement, sous l’effet des luttes sociales et de la nécessité de répondre à la crise systémique. Cette conception du social comme résidu marque une certaine rupture avec le traité de Paris (1951), à l’origine de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), qui se situait dans le cadre de la planification de l’après-seconde guerre mondiale, et associait les syndicats, leur attribuant des responsabilités au sein de la Haute autorité, avec des comités paritaires dans les secteurs du charbon et de l’acier.

Le projet de CEE limité à la création d’un marché unifié

Il se heurte à l’opposition des partis communistes, alors puissants en France et en Italie, qui y voient un abandon de la souveraineté nationale, comme les gaullistes en France. Ce projet émane de partisans de l’efficacité du marché et des effets d’entraînement qu’il exercerait sur la sphère sociale. La marginalisation du social dans le traité permettrait aux États membres de préserver leur modèle social. Les acteurs sociaux sont marginalisés et divisés dans la construction européenne. Patronats et syndicats sont seulement présents dans un Comité économique et social, organisme consultatif dont les membres sont désignés par les États. Il n’existe pas alors d’organisation du patronat européen, ses composantes nationales ne souhaitaient pas aller au-delà de la garantie du libre fonctionnement des marchés. Du côté des syndicats, des divisions interdisent alors toute action concertée au niveau communautaire.

Les limites de l’émergence du social

Certes, la Cour de Justice de l’Union européenne(CJUE) se saisit du principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. En outre, les compétences spécifiques de la Commission dans certaines branches (agriculture, transports, charbon et acier) permettent la création et le fonctionnement de commissions paritaires interprofessionnelles consultatives. Cependant le bilan est maigre lorsque les luttes sociales de 1968-1969 contraignent à un réveil social de la CE. Une première conférence sur l’emploi est organisée en 1970, puis un comité permanent pour l’emploi avec des réunions annuelles. L’éclatement de la crise systémique des années 1970 oblige la CE à une capacité de réponse. Une conférence sociale en 1974 élabore le premier programme d’action sociale. Le Fonds européen de développement régional (FEDER) est créé en 1975, dans la perspective des élargissements. Une directive sur les licenciements collectifs inclut le principe d’une consultation des travailleurs. En 1977, une autre directive permet le maintien des droits des salariés en cas de transfert d’entreprise. La règle de l’unanimité requise au Conseil pour toute décision dans le champ social, est critiquée par certains car elle limiterait les capacités d’initiative. En effet, à partir de 1979, le Royaume-Uni de Margaret Thatcher pratique un blocage systématique. Malgré quelques initiatives dans le champ du social, en 1984, c’est l’enlisement des amorces de politique sociale communautaire.

2       De la construction du marché intérieur avec le Livre blanc de 1985, à l’Acte unique (1986) et au traité de Maastricht (1992)

Une stratégie économique explicite : la construction d’un grand marché intérieur.

Jacques Delors, président de la Commission début 1985, veut relancer la construction européenne. Cela reposerait sur l’élimination à l’horizon 1992 de toutes les barrières physiques, techniques et fiscales, après la suppression des barrières douanières, qui feraient obstacle à la création d’un vaste espace concurrentiel prétendu capable d’affronter les États-Unis et le Japon. Le thème de l’Eurosclérose est alimenté par l’inventaire des rigidités qui handicaperaient les économies d’Europe occidentale dans la concurrence mondiale. Aussi, Le Livre blanc de juin 1985 sur l’achèvement du marché intérieur, ne contient qu’une vague allusion à la politique sociale. Tandis que l’Acte unique européen de 1986 dont l’objectif est la mise en œuvre du marché intérieur comporte peu d’avancées dans le champ social. La règle du vote à la majorité qualifiée (et non plus à l’unanimité) est introduite pour les questions de santé et sécurité au travail. Une nouvelle responsabilité à la formulation vague, viserait le dialogue social au niveau européen sensé déboucher sur des relations conventionnelles.

L’introduction d’une dimension sociale comme résidu obligé de l’accompagnement de la mise en place du grand marché intérieur.

Jacques Delors organise la « rencontre deVal Duchesse » sur le dialogue social en 1985, entre les représentants des organisations syndicales (Confédération européenne des syndicats, CES) et patronales (Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe, UNICE) pour le secteur privé et Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des services publics, (CEEP). Pour sortir du blocage antérieur entre la CES qui revendiquait l’ouverture de négociations collectives dans la CE et l’UNICE qui en rejetait le principe, il propose une confrontation des analyses sur des thèmes choisis d’un commun accord, préparant l’adoption d’avis communs. La CES y voit une étape vers la négociation ; l’UNICE entend s’arrêter à ce stade. Entre 1985 et 1992, 12 avis sont adoptés sans caractère contraignant. La stratégie de la « Commission pour la croissance et l’emploi », concerne la formation du personnel, la consultation lors de l’introduction de nouvelles technologies, la mobilité professionnelle, la transition de l’école à la vie professionnelle, les qualifications professionnelles, les femmes. Après des batailles d’amendements, l’accord se limite à des énoncés généraux sans impact sur les États membres. La Commission, sous la pression du Parlement européen, propose l’adoption d’une « Charte des droits fondamentaux des travailleurs », non impérative pour éviter le veto britannique. Le veto étant maintenu, la Charte n’est approuvée en décembre 1989 que par les 11 autres membres. Un programme d’action de la Commission est limité à ses compétences, les directives sont soumises à la règle de l’unanimité et à la menace du veto britannique.

En réalité, l’introduction de la politique sociale visera l’accompagnement de la création de l’Union économique et monétaire(UEM)

Sur demande de la CES, la Commission crée un groupe de travail sur le dialogue social. Les acteurs sociaux pourraient influer sur les négociations ouvertes pour un nouveau traité, mais l’enjeu principal est la création de l’UEM, le renforcement de l’intégration économique, ce qui limite l’introduction de la politique sociale. Un groupe ad hoc est créé,longtemps dépourvu de toute capacité de proposition, à cause de l’attitude de l’Unice, cependant cette dernière accepte le 31 octobre 1991, de signer un accord sur le rôle des partenaires sociaux dans le développement de la dimension sociale communautaire. La Commission décide que ces avis ne pourraient servir de base à une proposition de directive que si les partenaires sociaux en faisaient la demande, ce que l’Unice exclut par principe. Le texte de cet accord est finalement accepté, pour l’essentiel, par la Conférence inter-gouvernementale. L’opposition du Royaume-Uni, qui obtient un droit d’opt- out, a pour conséquence la non-intégration de ces dispositions dans le traité de Maastricht et leur relégation dans un « accord social » annexé au traité. La Commission doit consulter les partenaires sociaux sur ses initiatives en matière de politique sociale ; ceux-ci l’informent de leur intention de négocier sur le projet ; en cas de succès de la négociation, les signataires peuvent mettre en œuvre l’accord selon leurs pratiques nationales, ou demander à la Commission de le transformer en projet de directive soumis au Conseil. En cas d’échec des négociations, la Commission reprend la main. Certains experts prétendent que Maastricht serait un changement fondamental dans la législation européenne du travail. D’autres, au contraire, parlent d’incertitudes, d’accord social vide de contenu, difficile à mettre en œuvre lors de la transposition à des systèmes nationaux hétérogènes. L’Unice obtient un moyen de bloquer les initiatives de la Commission. La nouvelle procédure renforce la domination du plus fort.

3       Du traité de Maastricht au traité constitutionnel de 2005.

Après le traité de Maastricht, certains affirment que ce serait « l’âge d’or de l’Europe sociale » !

Face au refus patronal de négocier, après de forts conflits, la Commission fait adopter en septembre 1994 la directive sur les comités d’entreprise européens et le dialogue social. Trois accords, traduits en directives, sont signés en 1995 (congé parental), 1997 (temps partiel) et 1999 (contrats à durée déterminée), suivis en 2000 d’un échec sur le temps partiel. Les faiblesses de ces textes ont été soulignées. À partir de 1997, une succession d’élections législatives nationales portent au pouvoir des gouvernements de gauche dans une majorité de pays de l’UE. Cela aurait pu permettre l’extension de la politique sociale européenne et le renforcement de la capacité d’intervention des acteurs sociaux. Ces gouvernements, potentiellement sensibles aux critiques portées au traité de Maastricht pour la place quasi-exclusive des dimensions économiques et monétaires, apportent quelques inflexions. Le traité d’Amsterdam de juin 1997 permet la transcription au Royaume-Uni des directives sociales européennes. Il contient un chapitre sur l’emploi, devenu compétence communautaire et fondement de la « stratégie européenne pour l’emploi » (novembre 1997). En juin 1999, le Conseil de Cologne adopte le « pacte européen pour l’emploi » qui crée une instance de dialogue macroéconomique associant la BCE à la Commission et aux organisations patronales et syndicales. Mais son contenu ne permet pas d’articuler, pour le progrès social, les politiques économiques et les politiques sociales.

En mars 2000, la stratégie de Lisbonne définit des objectifs quantitatifs et qualitatifs en matière d’emploi peu instrumentés. En décembre 2010, est adoptée la « Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » qui a la force juridique d’un traité. L’Observatoire social européen et l’Institut syndical européen publient depuis 1999 des rapports annuels sur Le bilan social de l’UE. Cependant, la politique sociale reste un outil d’adaptation à des régulations économiques libérales. Après le déclin de l’Europe sociale en 2005, c’est la crise financière de 2008 et la récession de 2009 avec leurs dégâts sociaux.

Le déclin de 2005

À partir de 2004, une succession d’élections législatives nationales voit le succès de gouvernements de droite, ce qui change la composition du Conseil. Une orientation hyperlibérale dénonce la nocivité ou l’inefficacité de normes impératives dans le domaine social, qui feraient obstacle au libre jeu des marchés. Nommé à la tête de la Commission en novembre 2004, José Manuel Barroso est pendant dix ans l’instrument actif de cette politique. Le creux du cycle économique du début des années 2000 et une nouvelle poussée du chômage sont les prétextes des réformes « structurelles » et de la flexibilité des marchés du travail, qui deviennent des leviers d‘un type de relance économique. L’Unice refuse de négocier sur la consultation de travailleurs dans les entreprises nationales, d’où une autre directive en 2002.

 Les critères de Maastricht font du coût salarial la principale variable d’ajustement pour les politiques de « compétitivité ». L’élargissement de 2004, augmenté en 2007 vers les pays d’Europe centrale et orientale donne un prétexte pour interrompre ou réduire drastiquement la production législative normative en matière sociale, en prétendant ne pas aggraver les difficultés des nouveaux adhérents ayant déjà la charge d’intégrer l’« acquis communautaire ». L’Unice, au nom de l’autonomie des partenaires sociaux, refuse désormais les négociations d’accords qui seraient transcrits dans des directives. Elle n’envisage que la signature, au compte-gouttes, d’accords mis en œuvre par les partenaires sociaux.

C’est un déclin de l’Europe sociale, l’affaiblissement du contenu et de l’effectivité du dialogue social. Celui-ci est victime des accords commerciaux passés par l’UE, comme celui avec le Canada, contenant des dispositions qui pèsent directement sur les droits des travailleurs. Les acteurs sociaux ne sont que marginalement associés à la négociation et au suivi de la mise en œuvre de ces traités, avec un rôle seulement consultatif, la politique sociale reste cantonnée aux discours.

À partir de 2005, elle est mise plus directement au service des options libérales hégémoniques, et instrumentalisée dans la nouvelle gouvernance européenne, renforçant la surveillance macro-économique et budgétaire. On organise la décentralisation de la fixation des salaires et la suppression de leur indexation sur les prix ; l’élimination des normes qui engendreraient des « rigidités » dans le fonctionnement des marchés du travail. L’« activation » de la politique sociale vise la « maîtrise » de son coût, notamment pour les retraites, et la réduction des modes de financement qui reposent sur une assiette salariale. L’option fondatrice qui affirmait la souveraineté des États membres et le rôle subsidiaire de la Communauté dans le domaine social, vole en éclats. Si la Commission discourt sur une implication plus forte des partenaires sociaux dans la préparation et la mise en œuvre du « semestre européen », fondamentalement c’est un redéploiement de la politique sociale dans la crise, au service des politiques économiques libérales. Le dialogue social européen est une fiction.

La crise financière de 2008 et la récession de 2009

Elles entrainent lerenforcement des instruments communautaires pour faire pression sur les États membres dans le cadre d’une nouvelle gouvernance européenne. La contrainte est brutale sur ceux qui sont en situation de faiblesse. Le Memorandum of Understanding est imposé aux pays victimes de la troïka (CE, BCE et FMI). D’où la montée d’une certaine remise en question des orientations libérales del’intégration européenne. Le renouvellement de la Commission tend à la résurgence de discours et d’initiatives prétendant donner un visage social au projet communautaire. Cependant, depuis 2012, la procédure REFIT conduit au réexamen des normes communautaires existantes ou en projet, afin d’éliminer les dispositions jugées inefficaces ou les charges prétendues excessives qu’elles engendreraient. Le pouvoir normatif des acteurs sociaux est soumis à un examen d’opportunité.

Pourtant, Jean-Claude Juncker nouveau président de la Commission, convoque une « conférence de haut niveau » le 5 mars 2015, pour relancer le dialogue social après le diagnostic d’une crise profonde. Le 27 juin 2016, les présidents du Conseil et de la Commission ainsi que les dirigeants des organisations syndicales (CES) et patronales signent un document « A New Start for Social Dialogue » dont le contenu, symbolique, ne porte que sur la poursuite ou la réactivation des procédures existantes. En novembre 2017, le Parlement, le Conseil et la Commission proclament conjointement un « socle européen de droits sociaux ». Ce document, non contraignant, est surtout un regroupement et une mise en ordre de l’acquis communautaire. Cependant, il introduit la reconnaissance de droits pour les citoyens ; certains y voient un « tournant majeur ». En mars 2018, est présenté un « paquet » de mesures visant l’équité sociale et le suivi de la mise en œuvre du « socle ». C’est aussi le projet de création d’une « autorité européenne du travail » qui garantirait des mobilités « justes, simples et efficaces » au sein de l’UE.

Parallèlement, la Commission publie un document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe, avec trois scénarios d’évolution : cantonner la dimension sociale à la libre circulation ; permettre à ceux qui le souhaitent de faire plus dans le domaine social ; permettre aux pays de l’UE 27 d’approfondir ensemble la dimension sociale.

C’est aussi la montée des forces politiques hostiles à cette Europe-là qui inquiètent dans la perspective des élections européennes, cela provoque une apparente relance d’un discours social européen. Cependant, les « contraintes » macroéconomiques et budgétaires ne sont pas remises en cause, ce qui laisse peu de marges pour un changement du contenu de la politique sociale.

La « relance de la dernière chance » est un leurre. L’accent mis sur la spécificité des rapports entre l’« économique » et le « social » dans la construction européenne interdit toute analogie avec le niveau national. La CE puis l’UE visent principalement l’intégration économique. La politique sociale, longtemps limitée aux mesures nécessaires pour assurer la libre circulation des travailleurs, s’est élargie ensuite selon une logique de contreparties sociales accompagnant les grandes étapes de l’intégration économique ou de l’élargissement géographique. Pourtant pour la période 2011-2017, 48 % des recommandations spécifiques par pays portent sur la politique sociale. Mais les bilans de l’évolution des « semestres européens » sont limités. Le Conseil et la Commission doivent s’appuyer sur la jurisprudence de la CJUE. L’exercice des droits collectifs des travailleurs (négociation collective, grève…) ne devient légitime que si cela n’engendre pas une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre et à la concurrence. Or les organisations patronales refusent de négocier au niveau interprofessionnel des accords qui seraient transformés en directives. En outre, alors que dans certaines branches d’activité existe une volonté commune de conclusion d’accords sectoriels, la Commission en 2012, puis en 2018, refuse la demande de traduction d’accords en directives, lorsqu’elle porte un jugement négatif sur leur opportunité.

Une réforme en profondeur des politiques macroéconomiques et budgétaires de l’UE s’impose pour promouvoir les droits sociaux dans « le socle européen des droits sociaux », afin que celui-ci ne reste pas lettre morte.

Quel bilan de l’« Europe sociale » dans la construction européenne ?

Elle apparaît comme un résidu masquant la domination d’une logique économique libérale sous la contrainte des traités et reste souvent cantonnée aux discours. Elle vise, en réalité, d’abord à favoriser la libre circulation des travailleurs, elle ne combat pas le dumping social. L’UE part en campagne contre les « rigidités » sensées altérer le bon fonctionnement des marchés du travail donc la « performance économique ». Sa soumission à « la » logique économique repose sur le dogme selon lequel l’intégration économique engendrerait « l’égalisation dans le progrès ». Pourtant monte l’urgence des politiques sociales, en réponse aux conflits sociaux et à la crise systémique ainsi qu’au déficit de légitimité de la construction européenne. Celui-ci engendre la montée massive actuelle de l’extrême droite souverainiste et anti-Europe qui constitue une grave menace. Les élargissements vers les pays du Sud, puis surtout de l’Est ont accru l’hétérogénéité, compromettant la convergence dans le progrès, l’UE a constitué un levier d’approfondissement des inégalités. La politique sociale tend à se réduire à la création de socles minimas jugés acceptables par les pays les moins avancés, remettant en cause l’existence même d’un modèle social européen. Alors que se mettent en place les éléments d’un modèle « social », qualifié d’« économie sociale de marché », en réalité un modèle néo-classique. Celui-ci adopte les préconisations de l’économie orthodoxe et des revendications patronales, dénoncées par les syndicats.

L’Europe sociale pourrait- elle être une chance et non un piège ? Cela dépendra des luttes, des syndicats et des forces progressistes dans l’UE, pour construire un projet alternatif porteur d’idéaux de transformations sociales.

Références

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