Le programme de « Renaissance »

Alain Tournebise

Trop récemment nommée tête de liste du parti macroniste, Valérie Hayer n’a sans doute pas eu le temps de rédiger un programme détaillé de ses ambitions pour l’Europe. L’électeur curieux devra donc se contenter de quelques têtes de chapitres qui figurent sur son site. Mais il pourra aussi consulter avec intérêt ses nombreux écrits des dernières années, en tant que députée mais aussi présidente du groupe Renew-Europe au parlement européen.

Les principales propositions de la liste Renaissance sont, pour l’instant , extrêmement synthétiques. Mais, en soi, elles sont déjà révélatrices. Elles sont au nombre de cinq

  1. Faire face au retour de la guerre en Europe.
  2. Renforcer notre souveraineté face aux grandes puissances.
  3. Gagner les batailles du climat et du progrès social.
  4. Protéger nos agriculteurs et nos travailleurs.
  5. Promouvoir nos valeurs et défendre les droits fondamentaux

Comme pour Glucksmann et autres va-t’en-guerre, pour Renaissance, la priorité de l’UE aujourd’hui doit être sa défense. Et cela ne doit rien ou presque à l’agression de Poutine contre l’Ukraine, car cette préoccupation était déjà bien présente dans le programme de la liste conduite par Nathalie Loiseau en 2019 : La liste souhaitait déjà « avancer vers l’armée européenne » à travers un « Traité de défense et de sécurité ». La militarisation de l’Europe fait partie de l’ADN du macronisme, lui-même issue de cette frange de la social-démocratie qui avait, dans les années cinquante, approuvé le projet de Communauté Européenne de Défense (CED).

« La défense européenne a longtemps été un tabou. Aujourd’hui, elle devient une nécessité », peut-on lire dans le récent compte rendu de mandat « Chroniques d’Europe » publié par Valérie Hayer. Pour cela, le groupe Renew Europe qu’elle préside a pris position pour supprimer l’unanimité aujourd’hui nécessaire dans les votes concernant la politique étrangère ou de sécurité de l’Union. Et il préconise un « marché unique de la défense » !

Renaissance, c’est donc plus de fédéralisme et moins de souveraineté pour la France.

Et, contrairement à ce que prétend le second point, cette défense européenne que Valérie Hayer appelle de ses vœux, ne vise pas à renforcer la souveraineté de l’UE, mais à en faire une composante active de l’OTAN, sous commandement américain.

« L’OTANest l’une des fondations sur lesquelles repose notre défense collective. Plus que jamais, il est essentiel d’en garantir la pérennité ». Et sa plus grande crainte est que l’élection de Trump ne conduise l’allié américain à ne plus assurer notre défense.

Lorsqu’elle évoque « la souveraineté » de l’Europe face aux grandes puissances, la cheffe de file de Renaissance a surtout en tête la Russie et la Chine, et elle qualifie d’« avancée idéologique » la « fin de la naïveté » à son égard. Elle est beaucoup plus avenante vis-à-vis des Etats-Unis qui, pourtant, mènent une politique économique protectionniste et parfaitement discriminatoire vis-à-vis de l’UE à travers l’« Inflation Reduction Act ». Dans une proposition de résolution déposée en 2023 sur la stratégie industrielle de l’UE , Valérie Hayer se contente d’inviter« la Commission à collaborer avec les États-Unis pour rendre la mise en œuvre de la loi sur la réduction de l’inflation aussi compatible que possible avec les intérêts européens ». Pour ce qui est de la naïveté… Pas de quoi effrayer Biden ni Trump.

Soutien massif au capital

Pour le reste, c’est sans surprise, Renaissance reste un parti fondamentalement libéral, inconditionnel du marché intérieur, de la concurrence libre et non faussée et du soutien massif au capital.

Renaissance prétend « gagner les batailles du climat et du progrès social ».

Pour ce qui est du progrès social, on chercherait vainement dans ses propositions des préoccupations sociales. Le service public en est totalement absent. En matière de santé, la seule victoire dont elle se targue en période de Covid est la création du Certificat européen Covid qui a permis aux européens de reprendre leurs voyages à travers l’Europe ! La seule proposition à caractère « social » qu’elle mentionne concerne l’harmonisation des salaires minimum européens.

Quant à la bataille du climat, elle en reste aux poncifs du marché : marché du carbone, pollueur-payeur, taxe aux frontières… mais aucune ambition affichée pour développer les transports décarbonés, la rénovation thermique du bâti, ou l’agriculture raisonnée. Le marché y pourvoira, pourvu qu’on le subventionne un peu. En particulier, le groupe Renew Europe a voté l’élargissement du marché des quota d’émission qui entraînera une hausse des prix de l’énergie très insuffisamment compensée par la création d’un « fonds social du climat ».

Protéger nos agriculteurs et nos travailleurs ? Malgré l’opposition des agriculteurs eux-mêmes, et le rejet par le Sénat, Valerie Hayer reste une fervente partisane des traités de libre-échange, notamment du CETA, dont elle a affirmé lundi 25 mars, sur le plateau de France Info, que le traité « pourrait » continuer de fonctionner même si l’Assemblée nationale le rejetait. La France « a des process institutionnels sur ces questions-là », a-t-elle expliqué, affirmant être « convaincue que cet accord est bon pour nos agriculteurs ».

Des emprunts « européens » sur le marché financier

Valérie Hayer est une machine à inventer des nouveaux moyens de financer les entreprises.

Elle milite pour l’extension du Fonds européen de défense, entièrement consacré au financement du complexe militaro industriel européen : « L’action que nous menons pour renforcer notre industrie européenne de défense est une autre facette cruciale de notre avenir ».

Elle soutient la proposition de Fonds de souveraineté européenne qui serait destiné à « soutenir nos industries stratégiques ». Elle a vivement critiqué le projet de la Commission ramenant cette proposition à une simple Plateforme de Technologies Stratégiques pour l’Europe (STEP) sans réelle ambition et seulement dotée de 10 milliards d’euros, alors qu’elle estime la capacité de ce fonds à « plusieurs centaines de milliards d’euros si l’UE veut avoir une chance réelle de rivaliser avec les États-Unis et la Chine. »

Pour doter ces fonds des ressources nécessaires, Valerie Hayer n’est pas en manque d’imagination. Elle a, dans un rapport parlementaire, suggéré quelques idées de nouveaux prélèvements fiscaux, certaines relevant de l’exotisme, comme la taxation des cryptomonnaies ou des déchets plastiques, d’autres reprenant des propositions plus significatives comme la taxe sur les transactions financières ou la taxation des entreprises distribuant des dividendes au lieu d’investir. Gageons qu’elle aura du mal à convaincre Emmanuel Macron d’adouber ces propositions.

Mais comme elle se rend bien compte que tout cela n’est pas à la hauteur des enjeux, elle propose aussi, en complément, un fonds de pension souverain qui mobiliserait l’épargne des Européens en faveur des investissements d’avenir. Elle suggère également un nouvel emprunt collectif (par émission d’obligations) des Etats membres comme ce fut le cas lors de la pandémie pour financer le plan de relance européen

De quoi réjouir les marchés financiers.