Yves DIMICOLI
Les défis écologiques sont considérables en Chine et la façon dont ils y seront relevés est un enjeu majeur pour toute l’humanité.
Les dirigeants chinois estiment que la difficulté à traiter ces questions si brulantes tiendrait à « la contradiction croissante entre le besoin de croissance économique et les objectifs de réduction des émissions de carbone ». Il s’agirait alors de « minimiser » l’objectif de taux de croissance du PIB en se concentrant sur sa « qualité », mais en continuant d’ignorer le problème si crucial des critères d’efficacité des gestions des entreprises et de leurs financements, de même que la nécessaire délibération et l’intervention des salariés et des populations.
La Chine est frappée de plein fouet par les effets du réchauffement climatique, ainsi que l’a confirmé l’été 2024, particulièrement toride. Elle connaît des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, qui entraînent destructions, tragédies humaines et perte de biodiversité. En 2023, elle a été classée au deuxième rang des pays subissant le plus de catastrophes naturelles dans le monde.
Pays ayant connu le plus de catastrophes naturelles en 2023
Source : Statista
Cinq grands types de pollutions[1]
1 – Pollution de l’air :
Selon le Rapport mondial sur la qualité de l’air 2021, sur 1 374 villes situées en Asie de l’Est, 143 (environ 11 %), toutes situées en Chine, ont enregistré des concentrations moyennes annuelles de microparticules (PM 2,5) sept fois supérieures aux normes de l’OMS.
Source : Global air quality report 2023
Xi Jinping a déclaré que la lutte contre la pollution est prioritaire, la classant comme l’une des « trois batailles difficiles », avec la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la stabilité financière.
La stratégie à long terme de Pékin est principalement axée sur la baisse d’intensité des émissions de carbone grâce à l’utilisation primaire d’énergie non fossile. Une section importante du rapport du XIVe plan quinquennal (2021-2025) s’intitule «nouveaux progrès de la civilisation écologique », programmant des investissements dans les énergies propre terrestres, le réseau de transmissions, le nucléaire et l’éolien offshore dans la région côtière.
Source : Report 2023 on the state of ecology and environment in China,
24/05/2024 (english.mee.gov.cn).
2 – Pollution de l’eau :
Jusqu’à 90 % des eaux souterraines du pays sont contaminées par des déversements de déchets humains et industriels toxiques, ainsi que par des engrais agricoles, ce qui rendrait environ 70 % des rivières et des lacs impropres à la consommation humaine. Deux tiers de la population rurale n’auraient accés qu’à de l’eau plus ou moins contaminée du fait de l’insuffisance de systèmes efficaces de traitement des eaux usées.
Le XIIIème plan quinquennal (2016-2020) avait fixé des objectifs spécifiques pour la consommation et la qualité de l’eau. Il visait à réduire de 23 % la consommation d’eau par rapport au niveau de 2015. Il s’agissait, notamment, de moderniser les installations d’assainissement urbain, d’augmenter le taux de traitement des eaux usées et d’amener les agriculteurs à réduire l’utilisation d’engrais chimiques et d’insecticides.
Qualité générale des eaux de surface en 2023
Source : Ibid.
Selon le rapport 2020 sur l’état de l’écologie et de l’environnement, la plupart des objectifs clés fixés dans le XIIIème plan auraient été atteints, voire dépassés. Plus de 39 000 nouvelles installations de traitement des eaux usées ont été construites. Quelque 80 000 kilomètres de réseau de canalisations de collecte des eaux usées auront été financés entre 2021 et 2025.
3 – Pénurie d’eau :
Bien qu’elle abrite près de 20 % de la population mondiale, la Chine ne possède que 6 % des ressources mondiales totales en eau douce.
En 2018, les ressources internes totales en eau renouvelable étaient estimées à 1 927 m3 par habitant, soit près de 75 % de moins que la moyenne mondiale. Et l’eau est inégalement répartie, concentrée à 80 % dans le sud de la Chine.
Dans les trois provinces septentrionales fortement industrialisées de Pékin, Tianjin et Hebei (130 millions d’habitants) la quantité d’eau disponible est inférieure à 184 m3 par personne, bien en deçà de la norme mondiale de pénurie d’eau (500 m3).
Ressources en eau renouvelables par habitant
Source : Igini M. op.cit.
Le gouvernement a mis en place plusieurs programmes d’approvisionnement en eau dans les régions arides, notamment un grand projet de dérivation de près de 45 milliards de m3 d’eau par an du fleuve Yangtze au sud vers le nord asséché. Pour un coût total estimé de 62 milliards de dollars, il ne devrait pas être entièrement achevé avant 2050. Cela engendre, cependant, des problèmes écologiques, notamment pour la biodiversité. Dans l’immédiat, les routes East et Middle (ouvertes respectivement en 2013 et 2014) transfèrent déjà 20,9 milliards de m3 d’eau chaque année.
4 – Pollution plastique :
Abritant un tiers des installations de production de plastique à usage unique dans le monde, la Chine a produit environ 60 millions de tonnes de déchets plastiques en 2020. Mais seuls 17 % environ sont recyclés. Avec l’Inde et le Brésil, elle détient environ 20 % de la part mondiale des déchets plastiques insuffisamment gérés.
En 2021, Pékin a lancé le XIVème plan d’action quinquennal pour faciliter l’élimination progressive de la fabrication et de la circulation des plastiques à usage unique, tout en cherchant à promouvoir des alternatives et en stimulant le recyclage. Ont été mises en place des dispositifs visant les sacs d’épicerie en plastique et l’utilisation de plastiques jetables dans les restaurants.
Les capacités d’incinération des déchets doivent également être augmentées, avec l’objectif d’atteindre jusqu’à 800 000 tonnes de déchets ménagers urbains par jour d’ici 2025. Conscient de la croissance rapide des industries du commerce électronique, le gouvernement pousse toutes les entreprises de vente au détail, de commerce électronique et de livraison de colis express à réduire l’utilisation «déraisonnable » des emballages en plastique jetables d’ici 2025 et à utiliser au moins 10 millions de boîtes réutilisables pour la livraison express.
5 – Perte de biodiversité
Selon la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)[2], 1 078 espèces connues en Chine sont actuellement classées comme étant en danger critique d’extinction, en danger ou vulnérables. Cela place le pays parmi ceux comptant les espèces les plus menacées au monde.
Principe pollueur-payeur et marché du carbone
À la suite d’une révision de trois ans impliquant diverses parties prenantes, la Chine a promulgué une nouvelle loi sur la protection de l’environnement (LPE) en 2015. Elle visait à « harmoniser » le développement économique et social avec la protection de l’environnement et établit des exigences pour avancer dans la construction d’une « civilisation écologique ».
Les sanctions pour les infractions environnementales ont été durcies, avec des articles et des dispositions spécifiques concernant la transparence des informations communiquées par les entreprises pour sensibiliser le public. Il s’agissait aussi de faire en sorte que les gouvernements locaux assument une plus grande responsabilité en matière de protection de l’environnement.
Mais son application s’est heurtée à des obstacles sur le terrain, le courant ne passant pas toujours entre les gouvernements locaux et l’Inspection centrale de l’environnement (CEPI) chargée, depuis 2015, de faire respecter un « agenda vert » national avec pour préoccupation majeure l’examen des raisons de l’écart entre les objectifs du plan et les résultats.
Pour les surmonter, Pékin a entrepris de mettre en place un système d’intéressement des dirigeants locaux aux améliorations environnementales.
Au cours des années 2000-2020, les politiques mises en œuvre pour faire face aux problèmes de pollution ne se seraient guère avérées efficaces, surtout dans les campagnes. Pékin aurait, en effet, concentré son attention et consacré ses ressources à la résolution des problèmes environnementaux urbains, laissant en jachère cet enjeu dans les zones rurales.
Cela aurait conduit souvent, dans le cadre d’une compétition entre les territoires pour attirer les entreprises, à une migration des plus polluantes vers les espaces ruraux où la règlementation était moins stricte que dans les zones urbaines[3].
Aussi, le 1er janvier 2018, a été promulguée une loi fiscale sur la protection de l’environnement (EPTL) qui a aboli l’ancien système de redevances sur les rejets polluants et l’a remplacé par une taxe modulable dont les recettes reviendront aux gouvernements locaux.
Dans l’ancien système la redevance était uniforme. La taxe sur la protection de l’environnement applique des taux d’imposition progressifs en fonction du niveau de pollution.
Jusqu’à plus ample informé, cela paraît ressembler beaucoup au principe « pollueur-payeur ».
Selon une étude récente[4], à partir de données empiriques concernant 271 villes préfectorales chinoises[5] sur la période 2011-2020, l’EPTL améliorerait l’efficacité énergétique de 3,8 % et elle aurait un effet d’entraînement spatial positif. L’analyse de l’hétérogénéité mettrait en évidence un impact positif particulièrement important dans les régions de l’Est et de l’Ouest. Tout cela est à évaluer…
Mais l’un des dispositifs les plus essentiels de la politique gouvernementale prétendant conduire la Chine vers la neutralité carbone tient dans la construction d’un « marché du carbone plus efficace, dynamique et influent à l’international » d’ici 2035.
Fin décembre 2023, en effet, a été rendu un avis du Conseil des affaires d’Etat sur « la promotion globale de la construction d’une belle Chine », concept exprimant l’ambition de créer une nation « durable et respectueuse de l’environnement ».
L’accent y était mis sur la baisse de la pollution, le progrès vers la neutralité carbone, la promotion d’un « développement vert » et la conservation de l’écosystème. Etaient visées, en particulier, la consommation d’énergie fossile et l’accélération d’un « nouveau type de système électrique » offrant des niveaux plus élevés de flexibilité et une énergie à faible émission de carbone.
Il y était affirmé que les objectifs de la politique dite de « double contrôle » de l’énergie ne se concentreraient plus sur la baisse de l’intensité énergétique et la limitation de la consommation globale d’énergie, mais sur le volume d’émissions de CO2 et leur intensité.
Surtout, l’Avis soulignait l’importance de la construction d’un « marché du carbone plus efficace » en prenant explicitement exemple sur le marché de quotas d’émissions développé par l’Union européenne.
Sur la base de l’expérience des systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) au niveau infranational testés antérieurement, la Chine avait lancé la mise en œuvre d’un système national en 2021. Il couvrait plus de 4 milliards de tCO2 du secteur de l’électricité (environ 40 % des émissions nationales).
Les émissions de chaque entreprise sont comparées à l’intensité carbone moyenne du secteur concerné. Chaque émetteur se voit attribuer des quotas d’émission gratuitement, et s’il peut réduire l’intensité carbone de ses activités, il peut vendre des quotas excédentaires .
Pékin le considère comme l’un de ses « principaux outils politiques » pour atteindre le pic d’émissions de carbone avant 2030 et la neutralité carbone avant 2060.
En septembre dernier, le ministère de l’écologie et de l’environnement a rendu public un projet indiquant que, d’ici à la fin de l’année 2024, le système d’échange de quotas d’émissions chinois serait étendu aux secteurs du ciment, du fer, de l’acier et de l’aluminium électrolytique[6].
Les acteurs du marché du carbone en Chine ont commencé à accumuler des quotas d’émission après que le Conseil des Affaires d’État a annoncé, courant février, une nouvelle législation en vertu de laquelle les entreprises n’ayant pas respecté leurs obligations en matière d’émissions au 31 décembre 2024 seront passibles d’amendes nettement plus élevées.
La nouvelle législation, entrée en vigueur le 1er mai, a poussé les entreprises à acquérir des quotas d’émission en l’espace de quelques semaines, suscitant l’envolée des prix.
Prix et volume des échanges sur le marché chinois du carbone
Source : “China Carbon Prices Reach All-Time High At $14.62 Per Ton”, 16/10/2024
(carboncredits.com).
Le niveau atteint mi-octobre représente une hausse de 35 % des prix du carbone depuis le début de l’année.
Défi de la transition énergétique
Entre 2005 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays ont augmenté de 75 %. En 2023, le pays aurait émis 11,9 milliards de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone, s’affichant comme le premier contributeur mondial à cette pollution.
Mais les émissions par habitant demeurent très inférieures à celles des pays avancés, particulièrement les Etats-Unis qui affichaient 14,3 tonnes métriques d’équivalent CO2 en 2023, contre 8,4 tonnes pour la Chine[7].
Celle-ci est le premier producteur, importateur et consommateur mondial de charbon, son utilisation ayant cru de 8 % dans le secteur de l’électricité notamment[8]. Mais la part du charbon dans la consommation totale d’énergie du pays est passée de 70,2 % en 2011 à 56,8 % en 2020[9].
Après de graves pénuries d’énergie et une faible performance économique globale en 2022, la demande d’électricité en Chine a rebondi en 2023, augmentant de 7 %.
Malgré l’accélération du déploiement de l’éolien et du solaire, la majeure partie de cette croissance a été satisfaite par la production d’électricité à partir du charbon, en raison de la faible disponibilité des centrales hydroélectriques, le charbon étant la principale source de flexibilité.
Associée à une croissance modérée de la consommation de charbon métallurgique (MET) et à une demande presque nulle pour les utilisations non énergétiques du charbon thermique, la consommation de charbon de la Chine a augmenté de 276 Mt, pour atteindre un total de 4 883 Mt en 2023.
La capacité de production d’énergie solaire aurait augmenté de 55 % en 2023 et représenterait désormais 21 % de la capacité totale.
La part du charbon dans le mix électrique aurait diminué de 9 points depuis 2010 pour s’établir à 62 % en 2023, tandis que la part de l’électricité décarbonée aurait augmenté de 14 points pour atteindre 34 %. L’électricité constituerait la principale source d’énergie pour les consommateurs finaux avec un part de 30 %, soit 11 points de plus qu’en 2010.
La Chine aurait l’intention de fournir 20 % de sa consommation totale d’énergie à partir de combustibles non fossiles en 2025, afin d’atteindre son pic de CO2 d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité Carbone en 2060[10].
Leadership technologique mondial dans la production d’énergie propre[11]
La Chine a investi plus de 50 milliards de dollars dans les chaînes d’approvisionnement pour l’énergie solaire photovoltaïque et aurait créé 300 000 « emplois verts » dans le secteur manufacturier entre 2011 et 2023. Elle dispose de plus de 90 % de la capacité mondiale de fabrication dans ce domaine.
Elle représente 40 à 80 % des technologies clés pour la production d’énergie propre batteries, électrolyseurs, pompes à chaleur, panneaux solaires photovoltaïques et éoliennes).
Concentration géographique de la fabrication des technologies propres clés
Source : Op. cit.
Elle est devenue leader dans l’approvisionnement intermédiaire et en aval pour les matériaux critiques nécessaires à la transition énergétique.
Poids de la Chine dans l’amont de la chaine d’approvisionnement
pour la fabrication de technologies d’énergie propre
( En % des chiffres mondiaux)
Source : Ibid.
Du début des années 2000 au début des années 2010, la Chine est passée de statut d’importateur net de produits énergétiques propres à celui de premier fabricant, exportateur et investisseur mondial dans les énergies renouvelables.
Les auteurs de l’étude citée ci-dessus notent que « c’est le résultat d’une politique industrielle à long terme, disposant de l’appui constant de l’Etat avec les plans quinquennaux successifs, qui a permis d’abaisser sensiblement les coûts de ces technologies »
Ce leadership technologique chinois rend fou de rage Washington qui, tout en rationnant la livraison de composants nécessaires à la Chine pour progresser dans sa maitrise technologique, tente autant que possible de décrédibiliser l’ambition écologique de Xi Jinping. La Maison Blanche insiste sur les indicateurs les plus mauvais et agonise le rôle que joue la Chine sur ce terrain dans ses relations avec les pays en développement.
Certes on pourrait lui opposer la question posée par l’évangéliste Luc : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ? »… mais passons !
A l’appui de cette mise en cause, est mise en avant, notamment, une étude de 2019, menée par le militant écologiste Ma Jun, directeur du Centre pour la Finance et le Développement de l’Université de Tsinghua, en collaboration avec le cabinet londonien Vivid Economics et la fondation américaine Climat Works[12].
D’après ce rapport, d’après ses contempteurs, l’initiative Belt & Road (BRI) menacerait l’objectif de l’accord de Paris (COP-21) de contenir le réchauffement climatique à +2°C, contredisant ainsi les engagements pris par l’Etat chinois en matière de protection de l’environnement.
En fait cette étude était énoncée beaucoup plus intelligemment. Elle soulignait que la BRI « offre une occasion importante d’initier » des actions « pour réduire considérablement l’empreinte carbone des nouveaux investissements dans les pays » participants. Elle approuvait « l’accent (qu’elle) met sur l’investissement dans les infrastructures et du potentiel qu’elle offre pour soutenir un développement à faible émission de carbone en combinant les politiques, les financement, l’expertise et les ressources technologiques de la Communauté internationale ».
Mais elle alertait car, se basant sur l’empreinte carbone du développement d’infrastructures dans 17 pays BRI (dont Arabie Saoudite, Indonésie, Iran, Pakistan, Philippines, Russie, Singapour, Vietnam …), elle calculait que le réchauffement global serait de l’ordre de 2,7 °C. Or, ajoutait-elle, dans le secteur énergétique, entre 2000 et 2016, 80 % des investissements chinois à l’étranger auraient concerné les énergies fossiles (37 % en charbon, 30 % en pétrole, 13 % en gaz naturel), 17 % pour l’hydroélectrique, et seulement 3 % pour le solaire et l’éolien[13].
Autrement dit, M. Ma Jun partageait avec Pékin le fait que le plus important ce sont les investissements matériels visant un objectif écologique sans se préoccuper d’un conditionnement par des objectifs chiffrés d’emploi et de formation.
Mais Il va plus loin que Pékin, en affirmant clairement que ces investissements doivent être « rentables et à faible émission de carbone dans les infrastructures qui soutiennent à leur tour la transition des pays concernés vers une trajectoire durable ». On pourrait parler d’oxymore dans les termes, tant la rentabilité comme critère central de ces investissements est antagonique avec les nécessités d’une révolution écologique réussie.
En réalité, M. Ma Jun proposait surtout de « verdir » la BRI, comme d’autres veulent « verdir » le capitalisme.
Mais cela confirme combien la Chine dans cette initiative se préoccupe peu de la question si décisive des critères d’investissement en avançant sur une alternative à ceux de la rentabilité du capital.
Cela étant, le rapport Ma Jun peut être lu aussi comme l’appel à une plus grande audace de la coopération internationale avec les pays en développement, dont fait partie la Chine d’ailleurs, alors que les pays de l’OCDE, Etats-Unis en tête, sont surtout préoccupés par le soutien des marchés financiers et du système impérial du dollar.
Mais à Bakou, pour la COP 29, le gouvernement chinois a annoncé avoir mobilisé 24,5 milliards de dollars depuis 2016 pour aider les pays en développement face au changement climatique, soit environ 3,1 Mds USD par an. Un « effort de transparence » a salué le même Ma Jun qui a ajouté : « C’est la première fois que la Chine donne un montant chiffré sur ses aides climatiques en faveur des pays en développement et cela montre toute l’importance que le pays accorde à la question depuis des années. Maintenant, la position officielle chinoise est d’insister sur le fait que la responsabilité des pays est certes partagée face au changement climatique, mais qu’elle n’est pas la même pour tous. C’est la ligne qui est suivie dans les négociations sur le financement. »[14].
Autrement dit, la Chine refuse d’être considérée comme un pays développé, responsable historique du réchauffement planétaire. Elle entend, certes, participer à l’effort de financement commun, mais elle souhaite le faire d’après ses propres conditions et selon des modalités et un calendrier qu’elle-même choisit.
De fait, dans les négociations à Bakou, elle se serait cantonnée à son statut de pays «non-Annexe 1», défini en 1992 dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui implique que le pays n’est pas tenu de contribuer à la finance climat.
[1] Igini M. : “5 Pressing Environmental Issues China Is Dealing With in 2024”, 17/01/2024 (earth.org).
[2] Créée en 1948, l’UICN est aujourd’hui le réseau environnemental le plus vaste et le plus diversifié au monde, mobilisant plus de 1 400 organisations membres et 16 000 experts. La Liste rouge de l’UICN constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales.
[3] Zhang Y., X. Guo : “The dilemma and path of rural environmental governance in China: from the perspective of a community with a shared future”, Int J Environ Res Public Health, 13/01/2023 (pmc.ncbi.nlm.nih.gov).
[4] Li Y. : « Taxing for a green future : how China’s environmental protection tax law drives energy efficiency”, International Journal of Environmental Research 18(2), 22/10/2024 (www.researchgate.net).
[5] Une ville préfectorale est une division administrative de la RPC classée au-dessous d’une province mais au-dessus d’un comté.
[7] Ritchie H., Rosado P. and M. Roser: “ Per capita, national, historical : how do countries compare on CO2 metrics?”, 26/03/2023 (Ourworldindata.org) .
[8] www.iea.org, 07/2024.
[9] Statista 2024.
[10] www.enerdata.net
[11] Bian L., Dikau et alii : “China’s role in accelerating the global energy transition through green supply chains and trade” 02/20214, Policy insight, Grantham Foundation (www.lse.ac.uk).
[12] “Decarbonizing the Belt and Road – A green finance roadmap”, 09/2019 (www.climateworks.org).
[13] Une étude du World Ressources Institute (WRI) publiée en 2018 indiquait que la part des énergies fossiles dans la première vague d’investissements réalisés sous l’égide de la BRI (2014-2017) aurait été encore très élevée (entre 60 et 90% des investissements dans l’énergie, selon les instruments de financement considérés), sans réduction significative par rapport à la période antérieure au lancement de la BRI (66% des investissements dans le charbon contre 24% en énergies renouvelables pour la période 2007-2014).) Cf. Zhou L., Gilbert S. et alii : “Moving the green belt and road initiative from words to action”, working paper, 10/2018 (wriorg.s3.amazonaws.com).
[14] 20/11/2024 (www.rfi.fr).