Le financement de notre système de Sécurité sociale : un financement révolutionnaire

La création de la Sécurité sociale en 1945 visait à répondre au besoin de justice sociale, en dépassant les limites des législations sociales de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle  concernant les retraites, la famille ou  la santé,  par une nouvelle législation prenant en charge l’ensemble des besoins sociaux. En même temps,  il s’agissait de sortir de la crise systémique du capitalisme de l’entre-deux guerres  et d’oeuvrer à la reconstruction économique du pays.

   Le choix du mode de financement du système de Sécurité sociale  a été déterminant. Il s’agit d’un financement   à partir des cotisations sociales, lié  à  l ’entreprise,   lieu  où   les  salariés  créent  les     richesses    ,  un  principe moderne et   révolutionnaire.  Les salariés cotisent en  fonction de   leur capacité contributive et  peuvent recevoir des  prestations et  des  soins en  fonction de   leurs besoins. Les   cotisations  sociales  fonction des salaires versés dans les entreprises  servent  à    financer des     prestations  qui     permettent de développer la capacité contributive des salariés.  Elles sont  enracinées dans le lieu de création des richesses et      source  de     dynamique économique, ce qui  donne les  moyens de  financer  la   protection sociale. C’est un choix de société,  le choix d’une solidarité étendue, de la responsabilité sociale des entreprises, d’une Sécurité sociale gérée principalement par les salariés.  Cela constitue un facteur de développement des ressources humaines, un  moteur pour un autre type de progression de la productivité du travail, un autre type de croissance. C’est le choix d’une  action  à  la  racine sur    le    t   ype   de       production   d  es    richesses  en accroissant la part de salaires et des fonds sociaux dans la valeur ajoutée.  Ce financement permet   en  même  temps de financer les solidarités,  concernant  les prestations  familiales, la santé, les retraites.

 Au plan théorique, la Sécurité sociale et son financement contribuent à contrecarrer la suraccumulation du capital par des formes nouvelles de dévalorisation structurelle.  Les nouveaux  mécanismes de  régulation et  les transformations de  structures après la Seconde Guerre mondiale, concernent notamment  l’extension du  secteur public et la création de la Sécurité sociale, avec un financement  public et socialisé qui ne participe  pas  à la course à  la valorisation  du  capital. Les prestations sociales permettent d’élargir le développement des richesses produites à partir de l’entretien  de la force de travail mieux formée, reposée, bénéficiant de meilleures conditions de travail et de vie, donc plus motivée et plus dynamique. Les cotisations sociales, prélevées sur les richesses crées, sont  une part de la  valeur ajoutée crée(VA) qui n’est pas affectée au profit, ni directement aux salaires, et visent à répondre à des besoins sociaux.  Ce financement socialisé de la reproduction de la force de travail permet le développement de la capacité productive de valeur ajoutée des salariés. Les cotisations sociales sont calculées en fonction des salaires versés et  le produit de ces  cotisations est mutualisé. Cependant, contrairement à une formule répandue, les cotisations sociales ne sont pas du salaire « différé » ou « socialisé ». En effet, le salaire est défini à la fois par négociation contractuelle entre le patron et son salarié, et par les grilles des conventions collectives (conventions d’entreprises, de branche).  Le salaire a un caractère  plus ou moins marchand,  ce n’est pas le cas pour les cotisations qui ne sont pas soumises à négociations concernant les régimes obligatoires de base. Si la cotisation prélevée sur  la VA est proportionnelle aux salaires, la prestation versée dépend des besoins sociaux. Ainsi, le salarié est soigné en fonction de sa maladie, non des cotisations sociales versées. C’est le principe de « à chacun selon ses besoins et de chacun selon ses moyens ».  Largement déconnectées du rapport salarial, les cotisations et leur affectation ne répondent pas à une équivalence marchande entre ce qui est versé et ce qui est reçu, chacun reçoit selon ses besoins et contribue selon ses moyens. C’est le principe de solidarité universelle intra  et intergénérationnelle. Le financement de la Sécurité sociale constitue  un terrain essentiel de la bataille de classes pour la production et la répartition  des richesses produites, qui accompagne celle pour les salaires mais sans se confondre avec elle. La cotisation sociale inscrit ainsi le financement de la sécurité sociale dans une dynamique économique et sociale à partir de l’emploi et des salaires qui en sont les leviers. La nature de la cotisation sociale a justifié en 1946 le principe de conseils d’administration des caisses de Sécurité sociale principalement pilotés par les salariés.  Elle nécessiterait aujourd’hui de nouveaux  droits d’intervention des salariés  dans  les gestions  des entreprises  et des institutions sociales.  Face à la crise systémique actuelle dans laquelle nous ont plongés les réformes libérales , une réforme progressiste de la Sécurité sociale et de son financement est indispensable,  elle s’appuierait sur la promotion et la sécurisation  de l’emploi, de la formation  et des revenus, en visant la construction d’une nouvelle civilisation.