Travail, emploi, faut-il en parler ?

Gisèle Cailloux

L’effervescence médiatique sur le « travail » renvoie à la place que différentes projets de société, à gauche, donnent à l’emploi, à la formation et à la lutte contre le chômage. Seul un débat de fond, ouvert à tous les citoyens, permettra de dépasser ces oppositions.

Les propos de Fabien Roussel à la fête de L’Humanité : « la gauche doit défendre le travail et le salaire et ne pas être la gauche des allocations et minima sociaux » ont soulevé de nombreuses polémiques. On a tout entendu, de Sandrine Rousseau qui fait le lien entre chômage et droit à la paresse et considère que « la valeur travail est une valeur de droite » à Jean-Luc Mélenchon, qui convoque Marx pour lui demander d’expliquer à Fabien Rousselce que sont les allocations chômage, en passant par Benoît Hamon, le promoteur du « revenu universel » qui, lui, convoque Ambroise Croizat « pour rappeler à Fabien Roussel que les allocs dont il parle, ça s’appelle la Sécurité sociale et qu’on la doit notamment à un illustre communiste, qu’on appelait « le ministre des travailleurs ».

Des propos des uns et des autres qui ont pour but de tourner en dérision une question qui taraude des millions de gens dans ce pays : plus de 6 millions en chômage total ou discontinu, des millions d’autres qui craignent à juste titre pour leur emploi.

A. L’amalgame entre le drame humain qui s’appelle chômage, et le droit à la paresse, nie la souffrance extrême du chômeur, exclu du monde du travail !

Le chômage tue : Pendant douze ans, les chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ont suivi 6 000 Français âgés de 35 à 64 ans dans huit régions. Après avoir écarté tous les facteurs de risque et autres biais possibles, leurs conclusions sont sans appel : perdre son emploi fait chuter l’espérance de vie ! La mortalité des chômeurs est en effet trois fois supérieure à celle des travailleurs ayant un emploi. Environ 14 000 personnes meurent du chômage chaque année.

Mais le chômage détruit aussi psychologiquement : il multiplie par 3 le risque de suicide. Il plonge dans la misère les familles, les enfants. Rappelons que moins de la moitié des chômeurs sont indemnisés (pour les catégories A, B, C : 47,39 % dont 41 % au titre des allocations chômage).

B. prétendre que le chômage, c’est le droit à la paresse, c’est valider que les chômeurs restent chômeurs par choix (il faut bien en profiter !). Du coup, on valide aussi les réformes macronistes de l’assurance chômage pour obliger le « retour au travail » !

C. Affirmer que le travail est une valeur de droite, n’est-ce pas assimiler les travailleurs et les chômeurs en recherche de travail à des porteurs de valeurs de droite ?

Ce qui est une valeur de droite, c’est l’accaparement du travail des uns par une petite minorité qui le transforme en dividendes bien prospères. Et c’est une valeur de gauche de lutter et créer les conditions pour que ce travail existant se transforme en emplois permettant à chacun de travailler dans de bonnes conditions, bien rémunérées, de travailler moins, de passer du temps à se former.

D. Enfin, comment oublier que ce sont les cotisations qui financent la Sécurité sociale, les allocations chômage et la retraite alors que se profile une grande opposition contre la réforme retraite de Macron !

Sans salariés, c’est tout le financement des « allocs » qui est en cause. Le nombre de chômeurs très élevé pèse lourdement sur ces financements.

Ces tweets des uns et des autres, les déformations grotesques des propos tenus par Fabien Roussel, n’ont qu’un seul objectif, éviter un débat honnête sur les positionnements des uns et des autres à gauche.

L’accord de la NUPES n’efface pas les différences de programme entre le PCF, LFI, le PS, et EELV.

L’accord de la NUPES acte les points d’accord qui font et vont faire l’objet de batailles communes à l’Assemblée Nationale mais liste aussi ceux qui ne font pas consensus en se retranchant derrière le fait qu’ils «seront soumis à la sagesse du parlement ».

Mais la « sagesse du parlement » ne clôt aucun dossier et aucun des signataires de cet accord ne peut affirmer le contraire : ce serait aujourd’hui s’en remettre à « la sagesse » d’une majorité droite-extrême droite qui se retrouve dans tous les votes essentiels pour réduire les droits des salariés, les salaires, les services publics… Et ce serait faire fi des besoins et exigences qui montent dans les entreprises et sur les territoires.

Le travail, l’emploi, les entreprises, la formation, le temps libre.

Du travail, il y en a tant et plus.

On connaît la situation dans les hôpitaux, le manque criant de soignants, la situation d’épuisement qui en résulte, le manque de temps consacré aux malades, les délais d’attente pour être pris en charge.

On connaît la situation des écoles, le manque d’enseignants avec les classes surchargées, les remplacements qui ne se font pas, le manque d’assistantes pour élèves en situation d’handicap, mais aussi le manque d’assistantes sociales, d’infirmières… dans les écoles, collèges et lycées.

Et on peut lister le travail potentiel lié aux besoins dans la recherche, dans l’industrie, dans les transports, dans l’énergie….

Et s’ajoutent les besoins de formateurs pour hausser le niveau de qualification de ces emplois.

N’oublions pas le besoin de plus de temps libre (semaines de 32h, congés payés) de partir à la retraite plus tôt… parce que quand nous, nous parlons travail et emplois, il s’agit d’emplois dans de bonnes conditions de travail, Cela représente des millions d’emplois qualifiés à créer pour satisfaire ce potentiel de travail.

Et c’est là que commence à diverger la vision que chacun a de l’entreprise, du travail et de l’emploi, des droits des salariés…

Dire que la valeur travail est une valeur de droite est proprement extravagant. Accaparement du travail par une minorité ou embauches massives avec des investissements utiles, l’augmentation des salaires, la diminution du temps de travail, c’est essentiellement dans les entreprises que cela se joue.

Qu’il s’agisse des projets de Jean-Luc Mélenchon, du PS, des Verts ou du projet communiste porté par Fabien Roussel, s’ils portent des convergences : augmenter le SMIC et les salaires, créer des emplois etc., ils sont de fait très différents sur les objectifs, sur les moyens d’y parvenir (pouvoirs, finances).

Ce débat à gauche, il faut l’ouvrir !

Quel objectif : « plein-emploi » ou éradication du chômage ?

Projet de Jean-Luc Mélenchon : « le plein emploi. »

Le plein emploi défini par l’OIT (organisation internationale du Travail), c’est un chômage au taux qui équilibre le marché du travail soit au moins 5 % c’est-à-dire plus de 4 millions d’inscrits à Pôle Emploi. Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, le traduit bien quand il affirme : « il manquerait un million d’emplois pour atteindre le plein emploi ! »

Le plein emploi est lié au taux de chômage défini par le BIT (Bureau International du travail) qui élimine de ses statistiques toute personne ayant travaillé ne serait-ce qu’une heure contrairement à Pôle Emploi qui prend en compte tous ceux qui sont en recherche d’emploi.

Remarque : une fois de plus, les chiffres d’inscrits à Pôle emploi sont en baisse sur la communication précédente, mais une fois de plus on constate que la somme des salariés ayant perdu leur emploi (en milliers) pour : fin de contrat + fin d’intérim + démission + rupture conventionnelle + licenciements économiques + autres licenciements, soit : 99,1+32+24,2+38,8+7,1+38,3 milliers est largement supérieure au nombre de salariés ayant repris un emploi : 90,9 milliers ou entrés en stage ou formation 63,4.

Par contre, les radiations administratives et cessations d’inscription pour défaut d’actualisation continuent d’exploser : 7,9 + 226,9.

Donc 154,3 milliers ont retrouvé du travail ou une formation 239,5 l’ont perdu, 274,8 ont été radié ou désinscrits.

Et le chômage mesuré par Pôle emploi baisse !

Jean-Luc Mélenchon le reconnaît (melenchon2022.fr) : «mais le plein emploi ne veut pas dire que toute forme de chômage disparaît. Les périodes de chômage continueront d’exister, entre deux contrats, pour les travailleurs et travailleuses en reconversion, pour les personnes qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles particulières. ». Donc il veut « rétablir une assurance chômage au service des chômeur·ses ». Et s’il est élu : « Le gouvernement propose donc une loi qui ajoute aux missions du service public de l’emploi de fournir un emploi utile à tout·e chômeur·se de longue durée, financé par l’État et cohérent avec ses qualifications, son parcours professionnel et ses souhaits ». « Les emplois sont à temps choisi de 20 à 35 heures, sans mobilité contrainte et rémunérés au moins au SMIC ». Jean-Luc Mélenchon annonce que la garantie d’emplois ainsi créée « représente un coût de 18 milliards par an pour une prévision de 1,8 million d’emplois ainsi créés. »

Il y a actuellement 2,3693 millions de chômeurs de plus d’un an (et 2, 7837 millions de moins d’un an dont : inférieur à 3 mois 1,168 ; de 3 à 6 mois 768,7 ; de 6 à 12 mois 898,2).

Un rapide calcul : 18 milliards pour 1,8 millions de chômeurs, cela représente 833 euros bruts mensuels, soit 75 h 24 payées au SMIC sur à peine un mi-temps.

On note que si le chômage est la conséquence des délocalisations, des fermetures, des licenciements décidés pour augmenter les dividendes des actionnaires, le patronat est déresponsabilisé au profit de l’État qui prend en charge la création d’emplois.

Tout autre est le projet du Parti communiste porté par son candidat Fabien Roussel, dont l’objectif est d’éradiquer le chômage.

Ce projet, la sécurité d’emploi ou de formation (SEF), a déjà fait l’objet d’un projet de loi déposé en janvier 2017 par les députés communistes.

La France du travail, la France de l’emploi et pas des allocs, c’est une France où chacun sera soit en emploi, soit en formation rémunérée au moins au niveau du dernier emploi.

Cette formation choisie doit permettre de mettre à jour ou d’acquérir des compétences nouvelles, d’accompagner des évolutions technologiques de son entreprise, une reconversion, ou même de changer, si on le désire, complètement de filière.

Elle serait rémunérée grâce à une nouvelle cotisation permettant d’en mutualiser le coût. Lors de cette formation, le contrat de travail serait suspendu pour couper tout lien de subordination avec l’employeur, un service public de l’emploi permettant le suivi pendant et après cette formation.

Il ne s’agit pas évidemment de supprimer les allocations chômage aujourd’hui comme l’ont suggéré malignement certains élus « de gauche » ! Il s’agit d’un projet de société qui rend inutile l’existence d’allocations destinées à un chômage qui serait éradiqué !

« Moi président de la République, vous n’aurez plus besoin de faire grève », a dit Jean-Luc Mélenchon. Eh bien, nous pensons au contraire qu’il faudra des salariés mobilisés pour imposer dans l’entreprise ce que les législateurs décideront à l’Assemblée nationale.

Jamais le patronat n’acceptera, sans se battre avec énergie, les augmentations conséquentes de salaires, les embauches une appropriation par les salariés des décisions stratégiques. C’est dire la nécessité de l’intervention des salariés et des citoyens pour imposer ce changement.

Jean-Luc Mélenchon pense qu’il suffira de conquérir le pouvoir institutionnel : présidence et Assemblée nationale, de voter des lois, comme si le patronat saisi par la grâce allait devenir raisonnable, abandonner sans se battre par tous les moyens, une partie de ses profits pour plus de justice sociale.

Les communistes au contraire y ajoutent la question des pouvoirs dans l’entreprise et sur la finance.

En conséquence, le projet de sécuriser l’emploi et la formation pour une nouvelle régulation dépassant le marché du travail ne serait pas cohérent sans aborder la question des pouvoirs dans l’entreprise au profit des salariés.

Des pouvoirs nouveaux des salariés dans l’entreprise

Et sur ce sujet aussi, il y a, à gauche, des divergences importantes.

C’est un sujet essentiel pour les communistes que l’on retrouve donc dans le programme de Fabien Roussel : il s’agit des droits nouveaux qui permettent d’intervenir en permanence dans les choix stratégiques de l’entreprise, pas seulement quand des plans de licenciement se profilent à l’horizon. Enrenforçant les pouvoirs des salariés sur leur lieu de travail, c’est un enjeu de première importance parce qu’il conditionne les possibilités de changement social et de transition écologique

Ces droits nouveaux d’intervention (sans être exhaustif) porteront sur l’organisation du travail (dont le télétravail), la gestion et les orientations stratégiques de l’entreprise, c’est-à-dire les choix de production, d’investissement, de recherche, d’embauches, de formation, et les choix de financement !

Évidemment, ces pouvoirs comporteront un droit d’alerte pour dénoncer les projets de délocalisation, de suppression et de précarisation des emplois, et ils permettront d’obtenir leur suspension (droit de veto). Mais ce n’est pas du tout suffisant : s’opposer, oui, mais surtout construire autre chose. Avec l’accès à un crédit bancaire bonifié, ces droits ouvriront aux salariés un droit d’initiative afin de faire prendre en compte par les directions et les pouvoirs publics, des projets alternatifs de développement des activités.

Éradication du chômage, formation, droits nouveaux dans l’entreprise, la cohérence du projet tient aussi au fait qu’ainsi, le moteur de l’entreprise ne sera plus : toujours plus de profits pour les actionnaires, mais l’utilité sociale de celle-ci : travailler moins, travailler mieux, plus efficacement pour répondre aux besoins des salariés (salaires, formation…) et des citoyens, aux besoins de la société dans le respect de l’environnement.

Le travail se révèle bien comme enjeu d’émancipation mais aussi de pouvoirs. L’entreprise est un lieu de socialisation, un lieu de confrontation avec les puissances d’argent dont nous voulons faire reculer la domination jusqu’au dépassement du capitalisme.

S’agissant du projet de Jean-Luc Mélenchon, en cohérence avec l’idée qu’il va tout régler en étant élu, il ne prévoit des droits que lorsque les salariés font appel à l’ambulance :

« Accorder aux comités d’entreprise un droit de veto suspensif sur les plans de licenciements et de nouveaux droits. Donner plus de pouvoirs aux salariés lors des procédures de redressement et de liquidation d’entreprise et instaurer le droit à un vote de défiance à l’égard des dirigeants d’entreprise ou des projets stratégiques. »

Passons sur les projets EELV et PS. L’intervention des salariés et de leurs syndicats dans les décisions de l’entreprise n’y est abordée que par le biais des Conseils de surveillance et des conseils d’administration où une place pouvant atteindre 50 % des membres pour les plus grosses entreprises est réservée aux syndicats. Pourtant, l’expérience acquise avec la loi de démocratisation du secteur public et nationalisé (lois Auroux) montre les limites importantes de cette participation non accompagnée de pouvoirs décisionnels dans l’entreprise :

  • certains syndicats qui votent systématiquement comme le PDG,
  • des décisions prises ailleurs que dans ces réunions de deux heures, 4 ou 5 fois par an,
  • l’impossibilité d’accéder à l’ensemble des informations et de consulter des experts,
  • une possibilité d’informer les salariés, vivement combattue par les directions au nom du secret commercial.

Et caractéristiques communes à ces projets EELV et PS : des candidats qui ne les intègrent pas, ou très partiellement, dans leur programme : à qui se fier ?

On l’a vu plus haut, nous avons un immense besoin d’emplois, dont une partie non négligeable, très qualifiés :

  • dans l’industrie avec un développement important pour répondre aux défis de la révolution informationnelle, répondre aussi aux besoins de nouvelles coopérations respectueuses de chacun et contribuant à l’élévation, chez nous et partout, des normes environnementales et sociales,
  • dans les services publics existants, à commencer par les hôpitaux, les écoles, les EHPAD, mais aussi de nouveaux services publics pour des besoins nouveaux (4e âge…),
  • la recherche,
  • avec la réduction du temps de travail permise par les évolutions technologiques mais aussi par une plus grande efficacité des entreprises, c’est de millions d’emplois dont nous avons besoin.

Quand Jean-Luc Mélenchon exprime que « les périodes de chômage continueront d’exister… il y aura toujours un contingent de chômeurs », c’est affirmer qu’ on n’y peut rien ! 

Faute de s’attaquer aux causes du chômage, en atténuer les méfaits ?

Cette démission devant le chômage et par répercussion devant les difficultés d’en contester les causes que sont les pouvoirs du patronat et de la finance, conduisent certains à chercher des solutions pour atténuer les maux du capitalisme. Ce sont des échappatoires qui ne permettent pas de rompre avec les causes de la crise.

D’où les projets portés aussi bien par Jean-Luc Mélenchon que d’autres forces à gauche sous des noms différents, de revenus universels.

Un point commun, quel qu’en soit le nom, c’est qu’il s’agit de ressources dissociées de l’emploi (contrairement aux allocations chômage alimentées par des cotisations sociales), et permettant de survivre en l’absence de celui-ci.

Et autre point commun : le revenu universel sera donc une redistribution à partir des richesses crées. Et comme les promoteurs de cette proposition acceptent la disparition des emplois comme une fatalité liée à la montée de la révolution informationnelle, ils acceptent l’idée qu’une partie de plus en plus faible de la population travaillera pour assurer une subsistance à celle condamnée au chômage. Il s’agit d’une redistribution, d’un partage entre contribuables. Cela ne remet absolument pas en cause le capitalisme, les pouvoirs exorbitants des patrons et de la finance.

Pire : ce revenu universel ou revenu garanti justifie l’armée de chômeurs qui peut venir concurrencer en tout premier lieu les emplois sans qualification. C’est donc un prétexte à des reculs sociaux : on engage une autre répartition des richesses créées sans s’attaquer au type de production de celles-ci, sans mobilisations importantes des salariés pour remettre en cause les rapports de subordination.

Nous pensons que le patronat, la finance, ce que l’on appelle le capitalisme, sont pleinement responsables du chômage, de la misère, du manque de services publics, de l’essentiel du réchauffement climatique, et qu’il est urgent de remettre en cause leurs pouvoirs exorbitants. « Avec la SEF, les communistes défendent l’idée d’une société qui garantit à tous un vrai emploi ».

Au travers de ces quelques sujets, non exhaustifs, qui tournent autour de l’entreprise, ceux qui y travaillent, ceux qui décident, ce qu’il faut changer ou pas, on voit bien que l’accord de la NUPES, s’il permet de porter collectivement certaines questions, ne résout pas les différences importantes d’approche du projet de société de chacun des partis concernés par cet accord.

Il faut donc mettre tout sur la table. Les citoyens ont le droit d’être investis dans ces débats qui les concernent.

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