Pour une économie de paix

Roland Nivet
Porte-parole national du Mouvement de la Paix

Une réflexion sur ce que pourrait être une économie pour la paix ne peut s’envisager que dans le cadre d’un projet politique dont la paix est un objectif affirmé. C’est en fait la construction d’une société, d’une civilisation nouvelle à travers des processus de transformations profondes sur le plan économique et social.

L’aspiration à vivre en paix est commune à l’immense majorité des peuples et des individus. En revanche, les logiques économiques et financières guidées par la recherche de profits financiers à court terme empêchent de satisfaire ces aspirations. La mondialisation néolibérale des économies a accentué la fracture entre riches et pauvres au sein des sociétés et les inégalités de développement entre les pays. La volonté des puissants (États ou multinationales) de contrôler les richesses de la planète entretient une course aux armements et un commerce des armes qui pérennisent le sous-développement, alimentent les tensions sur la planète, aggravent les dérèglements climatiques, condamnent des populations entières à l’exil et entendent imposer aux peuples des régressions sociales et humaines intolérables. Ce système, malgré les résistances, conduit à une fragilité accrue des existences et de la planète et empêche le développement d’une sécurité humaine (sociale, écologique, sanitaire, alimentaire et culturelle).

Face aux défis existentiels auxquels le monde est confronté, l’économie de guerre n’est pas la solution

Devant l’assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2022, le secrétaire général de l’ONU fait un constat des dérives et défis :  « notre monde est au plus mal. Les clivages s’accentuent. Les inégalités se creusent. Les difficultés s’étendent. La charte des Nations unies et les idéaux qu’elle porte sont en péril » en citant la guerre en Ukraine et la multiplication des conflits. Déjà en 2019 pour la journée internationale de la paix, il avait indiqué « action climatique, action pour la paix. Le message est clair, l’urgence climatique mondiale menace la sécurité et la stabilité du monde ».

Les défis économiques, sociaux, écologiques auxquels sont confrontés les peuples nourrissent des inquiétudes et des peurs. Ils génèrent une bataille idéologique, alimentée par le lobby militaro-industiel et relayée par les médias mainstream, visant à faire accepter par les peuples, ou à leur imposer, des logiques de militarisation des sociétés et des relations internationales contraires à leurs aspirations et sources d’insécurité. Déjà, l’Organisation Internationale du Travail (OIT), prix Nobel de la Paix en 1969, indiquait dans son préambule en 1919 : « une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale. » Ainsi, les dépenses mondiales d’armement sont passée de 1 000 milliards de dollars en 2000 à 2013 milliards en 2021.

Pour Bertrand Badie, professeur à Sciences Po, « les conflits s’enracinent surtout dans les conséquences de la mondialisation, qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Dans la plupart des cas, les guerres du XXIe siècle procèdent de la décomposition institutionnelle et sociale, tout en s’inscrivant dans le cadre des rivalités entre les grandes puissances, anciennes ou nouvelles ».

Comme l’a souligné l’ancien directeur général de l’UNESCO Federico Mayor, pourtant caractérisé comme libéral, la crise de l’ONU provient du fait que « progressivement, l’aide au développement (qui doit être intégrale, endogène, durable et humaine) a été remplacée par les prêts ; la coopération par l’exploitation, les valeurs éthiques par les lois du marché et le système des Nations Unies par les groupes ploutocratiques (G-7, G-8… G-20). Le résultat de toutes ces mesures néolibérales est que les marchés ont eu la force motrice de la gouvernance mondiale au lieu des orientations sociales et politiques ».

Comme l’a démontré Bertrand Badie lors du colloque « Une économie pour la Paix ! » organisé par la CGT et le Mouvement de la paix à Montreuil fin 2022, la plupart des guerres en Afrique et au Moyen-Orient sont plus intraétatiques que interétatiques, même si l’agression de la Russie contre l’Ukraine montre que des guerres interétatiques, toujours possibles, peuvent mettre le monde au bord d’une guerre mondialisée et d’un conflit nucléaire mettant en péril l’existence même de de l’humanité.

Les conflictualités résident plus dans une insécurité généralisée (sociale, économique, alimentaire, sanitaire, climatique), de situations de faiblesse des sociétés et des économies face à une mondialisation contrôlée par des multinationales plus puissantes que certains États. Dans certains régions cette insécurité est renforcée par la déliquescence de l’État et de la société. Dans ce contexte apparaissent des acteurs comme les milices armées, les groupes de mercenaires au service d’intérêts variés (politiques, groupes mafieux, multinationales). L’insécurité climatique a des effets terribles. Par exemple, la désertification est galopante au Sahel. Elle menace 34 % des terres de la planète et 2 milliards d’habitants (Convention des Nations Unies de Lutte contre la Désertification (CNULD). Au plan mondial, le nombre de victimes des dérèglements climatiques s’évalue à 8 millions d’êtres humains par an contre 10 000 et 40 000 personnes pour les actes terroristes. (source : Bertrand Badie)

Dans ce contexte, il est clair que les canons et les armes ne sont pas la solution. En France, le président de la République entend engager er le pays pour des décennies dans une économie de guerre. Dans ses vœux aux armées prononcés sur la base aérienne de Mont-de-Marsan le 20 janvier 2023, il a déclaré sa volonté que « la loi de programmation militaire 2024-2030 traduise des efforts considérables… qui nous obligent pour des décennies… car nous ne devons jamais être en retard d’une guerre, mais nous devons avoir une guerre d’avance » ! Il propose une nouvelle loi programmation militaire (LPM) de 413 milliards d’euros (plus 40 % par rapport à la dernière loi), dont une soixantaine de cinquantaine de milliards pour les armes nucléaires, en violation du Traité de Non-Prolifération (TNP) signé par la France et du Traité sur l’interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) adopté à l’ONU en application de l’article 6 du TNP et entré en vigueur le 21 janvier 2021.

Dans ce contexte, une réflexion sur ce que pourrait être une économie pour la paix ne peut s’envisager que dans le cadre d’un projet politique dont la paix est un objectif affirmé. C’est en fait la construction d’une société, d’une civilisation nouvelle à travers des processus de transformations profondes sur le plan économique et social visant à accroître le bien être des gens, à travers un système économique plus juste qui mobilise les intelligences et savoir-faire humains au bénéfice de tous en favorisant les logiques de coopérations et de mise en place de biens communs plutôt que des logiques de domination, d’accaparement et d’enrichissement au profit de minorités. Un tel projet nécessite une stratégie s’attaquant aux causes économiques, sociales, démographiques, géographiques, politiques, historiques, idéologiques et culturelles des conflits et des guerres.

La journée d’étude organisée par le CGT et le Mouvement de la paix en 2022, qui associait divers syndicats, associations, experts a montré des convergences de vues sur le fait que la paix se construit d’abord à travers la satisfaction des besoins humains et la réalisation concrète des droits humains, tant économiques que sociaux. Ainsi a été mise en évidence la nécessité de convergences en termes de luttes sociales pour que beaucoup plus de moyens soient consacrés à tous les niveaux et dans tous les secteurs en faveur du bien-être humain et de la paix qui peuvent être qualifiés de biens communs à l’humanité tout entière.

Économie de guerre : un détournement des moyens au détriment du bien être humain et de la paix

Dans une économie de guerre, la politique consiste à augmenter la production de moyens militaires au détriment des besoins humains et sociaux.

Un des objectifs d’une économie de la paix est d’augmenter la production de ces biens communs que constituent le bien-être humain et la paix et les instruments nécessaires. Depuis des années le lobby militaro-industriel s’évertue à faire croire que les dépenses militaires contribuent de manière importante au progrès économique et social tout en assurant une sécurité accrue. Dans un des livres blancs de la défense, l’économie de guerre était présentée comme un élément essentiel de la compétitivité de la France.

Même si les activités militaires, ont pu engendrer ici ou là quelques applications utiles, les constats essentiels que nous pouvons faire c’est qu’une économie de guerre :

  • entraîne un détournement de ressources publiques importantes qui pourraient être consacrées aux besoins humains,
  • réduit la croissance des moyens et capacités humaines travaillant au service de l’objectif paix,
  • détourne les politiques de recherche, d’innovation technologique et de valorisation de leurs objectifs sociaux pour des productions destructrices de vies et de la planète en gelant par le secret des avancées scientifiques. Ainsi des secteurs entiers de la recherche universitaire sont détournés vers des œuvres de mort alors qu’il y a tant à faire pour faire face aux défis du monde d’aujourd’hui, en particulier au plan des dérèglements climatiques et de l’insécurité sanitaire et alimentaire (850 millions de personnes en situation d’extrême fragilité alimentaire, un enfant de moins de 7 ans meurt de la faim ou des conséquences de la Faim toutes les 10 secondes),
  • diminue en vérité la productivité de notre économie en faveur de la paix et du bien-être,
  • augmente le niveau de d’insécurité et d’hostilité au niveau mondial mais aussi local entre États ou au sein d’un même État, car l’augmentation des dépenses militaires des uns entraîne les dépenses militaires des autres et crée de la peur et de la méfiance propices au développement de conflits et de guerres qui sont toujours des échecs, ne résolvent rien et aggravent tout,
  • peut remettre en cause la souveraineté économique d’un pays (La France en privilégiant en matière d’électronique les industries liées à l’armement a cédé une part importante de son savoir-faire et de ses brevets à General Electric ; aujourd’hui, la France doit importer des scanners corps entiers, etc. à Siemens en Allemagne et à General Electric aux USA).

Au niveau international, la croissance démesurée des dépenses militaires dans un certain nombre de pays, dont, à l’époque, l’Union Soviétique, a contribué à miner l’économie de certains pays. Dans le paysage actuel, on peut se poser la question de savoir si le niveau incroyable des dépenses militaires des États-Unis (801 milliards de dollars en 2021) n’est pas un des éléments majeurs de l’endettement des USA, qui fragilise les économies, la stabilité financière et plus largement la sécurité du monde [1] ?

La logique des 2 % défendus depuis plusieurs années par l’OTAN est de ce point de vue une évolution dramatique. La croissance démesurée au plan mondial des outils de production consacrés à des activités destructrices comme les activités militaires est particulièrement catastrophique pour la sécurité du monde, en particulier dans le domaine des armes nucléaires avec environ 100 milliards d’euros en France sur les 15 ans à venir et de l’ordre de 1 000 milliards de dollars aux USA sur la même durée.

 Une économie de paix : processus vertueux à inventer

Envisager une économie pour la paix ne peut se réduire à une simple reconversion ou une diversification des activités liées à la guerre ou à la production d’outils militaires. II faut aller vers des transformations économiques, sociales, aller beaucoup plus loin.

Lutter pour la paix ne signifie pas nier la nécessité d’outils militaires pour assurer la sécurité des populations de notre pays. Mais il faut construire une économie pour la paix par un double mouvement de diminution des dépenses militaires au plan mondial et donc aussi national et surtout d’une augmentation des dépenses liées à la réduction des inégalités entre les pays et au sein du pays c’est-à-dire par les investissements en faveur du bien-être humain et de la paix. Dans le même temps, des initiatives politiques doivent être prises au plan international, dans les domaines financiers, économiques, culturels, diplomatiques et pour la construction de mécanismes de sécurité collective ( en Europe par exemple reproposer un conférence pour une sécurité collective « Helsinki 2 » malgré la guerre actuelle en Ukraine), en Afrique, mais aussi en valorisant les initiatives comme celle du CELAC (coordination des Etats latino-américains et des caraïbes) qui a introduit la culture de la paix comme un élément essentiel de la sécurité collective pour ces pays.

Mondialisons la paix du quartier à la planète !

Pour nous, une économie pour la paix doit s’envisager que dans le cadre d’un projet de société, voire de civilisation dont la paix est un objectif prioritaire. La Paix est avant tout une construction politique autour de projets, de valeurs, d’actions concrètes et d’objectifs à atteindre sur le court, moyen et long terme tant sur le plan local, national que mondial.

Au cours de l’histoire contemporaine, la paix a été pensée comme projet mondial à deux ou trois moments principaux :

– Après la Seconde guerre mondiale avec la construction des Nations Unies autour des objectifs de la Charte « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre… à favoriser le progrès social… » et « afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde… » (art 26).

– Après la chute du mur de Berlin et la dissolution du pacte de Varsovie, un processus engagé par l’UNESCO a abouti à l’adoption de plusieurs résolutions de l’ONU appelant à la construction d’une culture de la paix définie comme « un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les États (résolution des Nations Unies A/RES/52/13) et en définissant à travers la résolution A/53/243 un Programme d’action pour une culture de la paix, autour de 8 domaines d’action et associant l’ensemble des composantes et des acteurs économiques et sociaux au plan des Etats et depuis le quartier jusqu’à la planète (voir encadré)

Pour une économie de paix, construire une filière d’activités et mettre en place des réformes structurelles et des modalités de financement.

En résumé, construire une économie pour la paix, c’est promouvoir le développement d’une véritable filière d’activités dédiées à la construction de la Paix, filière qu’il faut construire en l’adossant à une politique internationale de la France en faveur de la paix et du multilatéralisme.

« La filière désigne couramment l’ensemble des activités complémentaires qui concourent, d’amont en aval, à la réalisation d’un produit fini. On parle ainsi de filière électronique (du silicium à l’ordinateur en passant par les composants) ou de filière automobile (de l’acier au véhicule en passant par les équipements) » (INSEE). 

Pour la FAO, « L’étude de filière est une étude exhaustive de tous ceux qui interviennent dans la filière, de leur environnement, des actions qui sont menées et des mécanismes qui ont abouti à de telles actions. ».

On peut considérer que la résolution des Nations Unies sur la culture de la paix est une première étude de « la filière construction de la Paix » en termes d’objectifs et d’acteurs au plan mondial. Cette démarche doit être appliquée au plan de chaque pays. La France pourrait donner un exemple à travers une politique nouvelle visant à participer à la construction d’un autre monde possible et nécessaire.

Les éléments constitutifs d’une filière économie pour la Paix :

  • des moyens nouveaux pour la formation initiale et continue, la culture au sens large, les institutions d’éducation populaire (MJC, FJT, BIJ…), la formation tout au long de la vie, la recherche dans de nombreux domaines, pour le développement technologique et industriel et l’aide au développement, pour beaucoup de secteurs productifs : agriculture, santé…, pour les politiques sectorielles : environnement, jeunesse, coopérations décentralisées des collectivités territoriales, et pour de nouveaux outils de prévention. Les ressources humaines en faveur d’un développement humain juste et durable sont directement liées à la qualité du système éducatif et à un fonctionnement optimal de la recherche, en particulier publique, consacrée à l’élévation du niveau des connaissances, à leur valorisation et à leur vulgarisation en vue de la satisfaction des besoins et de productions créatrices au service du bien-être et de la santé telle que définie par l’OMS..
  • des moyens nécessaires pour réaliser les ODD (objectifs du développement durable (ONU 2015) ;
  •  des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par le GIEC en matière de climat et pour lutter efficacement contre les dérèglements climatiques ;
  • la re-création d’un corps diplomatique.

Cette filière qui reste à inventer, même si beaucoup d’outils sont déjà là qu’il faut revigorer, serait à travers un réseau de partenariats économiques, sociaux, culturels nationaux et internationaux et diplomatiques un facteur de sécurité pour la France, l’Europe et le monde entier dans une logique multilatérale permettant en particulier aux pays du Sud un développement humain endogène.

Cette filière reposerait sur la création d’emplois utiles pour un développement durable et solidaire de la France et de la planète et doit inclure des moyens pour que les acteurs sociaux et les citoyens (à travers les syndicats, les associations etc.) puissent peser et intervenir sur les décisions et les orientations dans ce domaine, depuis l’entreprise jusqu’au plan de l’Etat en passant par les collectivités territoriales. Il faut dégager des moyens financiers, humains permettant aux citoyens et aux salariés d’être acteurs et force de proposition en se référant en permanence aux 9 domaines d’action de la culture de la paix , aux ODD et aux recommandation du GIEC.

Des programmes mobilisateurs et des réformes structurelles en France

La France en a les capacités mais pas la volonté politique. Heureusement des citoyens agissent pour la paix. Ainsi 43 associations et organisations syndicales dont le Mouvement de la Paix et la CGT ont co-écrit ensemble un Livre blanc pour la paix dans lequel elles formulent des propositions concrètes en vue de politiques de paix incluant

4 programmes mobilisateurs :

  1. La prévention et la résolution pacifique des conflits.
  2. S’attaquer aux causes des violences et des guerres par le développement tous azimuts d’une culture de la paix et de la non-violence (voir encadrés).
  3. Le désarmement, l’élimination des armes nucléaires et la fin du commerce des armes.
  4. Le renforcement du multilatéralisme sous l’égide des Nations unies, le retrait de la France de l’OTAN, vers une conférence d’Helsinki 2 pour une sécurité commune en Europe.

des réformes structurelles profondes :

  • réforme démocratique des médias (en référence aux objectifs du programme du CNR en l s adaptant) ;
  • mise en place d’un observatoire des situations pré-conflictuelles ;
  •  création d’un Institut National de Recherche et d’Education à la Paix pluridisciplinaire (EPST) ;
  • création d’un Institut National pour une Citoyenneté active en faveur de la Paix implanté dans toutes les régions ;
  • mise en place d’une mission interministérielle pour la paix, voire d’un ministère de la Paix, pour une réduction des outils militaires et la réorientation de leurs missions et la coordination de l’ensemble des politiques des différents ministères et organismes concernés (Défense, Affaires étrangères, Jeunesse, Universités, Culture, Économie et finances, impôts,…) intégrant les organisations syndicales et associations à titre consultatif.

Ce livre blanc est une première contribution qui ne demande qu’à bénéficier de l’enrichissement et de la réflexion de toutes et de tous. Il est construit sur la base d’un examen de la réalité concrète du monde d’aujourd’hui à partir duquel se fonde une vision : pour l’avenir de l’humanité, il n’y a d’autre chemin que la paix. Bien sûr, des réformes structurelles doivent être apportées au niveau des institutions internationales en particulier financières (FMI, Banque mondiale) pour qu’elles ne soient pas au service des puissants de ce monde mais au service des objectifs définis par la charte des Nations unies et les textes définissant les droits humains et du GIEC afin de réduire les inégalités de développements entre les sociétés et au sein des sociétés

Des outils de financement pluriannuels

A cet égard, c’est dès maintenant qu’il faut travailler à l’élaboration de cette filière en faveur d’une économie de paix.

Les propositions nécessitent d’être envisagées et conduites sur le long terme, et pour cela il faudra investir ou construire des outils pour des planifications pluriannuelles au plan de l’Etat et des régions en liaison avec les Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux et le CESE national 

  • La loi de programmation militaire est pluriannuelle, il n’y a aucune raison pour qu’il n’y ait pas une loi programmation pour la construction de la paix qui soit pluriannuelle avec des moyens financiers et humains ciblés.
  • Les contrats de plan Etat-Région (CPER) doivent être réactivés, nourris par des dizaines de milliards d’euros et complétés par des fonds structurels européens pour la paix (FEDER, FSE) au lieu des fonds de développement pour la guerre ou le renforcement du financement de l’OTAN,
  • les programmes mobilisateurs nationaux doivent faire l’objet de propositions et de luttes pour faciliter cette transition vers une économie de paix.
  • Les organisations portant les contre-sommets au G7, G20 ont dès Juillet 2019 avancé le thème rassembleur « face au G7, défendons nos alternatives ». Le Forum social mondial a décidé de créer début 2023 au plan mondial un « espace de luttes et de résistances » dans lequel la Paix aura une place importante à travers des moments pour discuter et soutenir des propositions en faveur d’une économie de paix, comme élément de construction d’un autre monde possible.

L’urgence est là, il faut construire les convergences et les luttes pour engager un processus de transformation sociale pour une société, un projet de civilisation basé sur le bien-être et la Paix.

Il y a urgence, car la paix est une construction qui ne peut qu’être fragilisée si des retards sont pris dans la conception et la mise en œuvre des programmes nécessaires à sa construction et en particulier les programmes liés à la résolution des problèmes posés par les dérèglements climatiques qui, s’ils ne sont pas résolus, vont conduire à des catastrophes et des déplacements démographiques sources de conflits, de guerres meurtrières et de crises économiques. Le collectif national des marches pour la paix qui inclut aujourd’hui 200 organisations très diverses, est un outil pour avancer en ce sens.

Le colloque organisé par la CGT et le Mouvement de la Paix a été une étape importante, qui implique d’être poursuivie pour approfondir nos réflexions et faire en sorte que nous soyons réellement porteurs de propositions alternatives pour la paix, nous permettant de rassembler les citoyens et les citoyennes en faveur d’une économie de la paix qui s’oppose aux logiques de guerre, aux économies de guerre que l’on veut nous imposer, tant en France qu’ailleurs. Bien sûr cela implique aussi de poursuivre le dialogue, peut-être en associant des partenaires étrangers.

 Il est urgent de rassembler les citoyens pour construire un projet politique alternatif, rassembleur et transformateur en faveur d’une économie de paix, car pour son avenir l’humanité n’a d’autre chemin que la paix. Pour développer le débat et les actions contre l’économie de guerre, le Mouvement de la Paix a lancé une campagne sur le thème « Ensemble construisons notre futur : pour un monde de Paix, Non à une économie de guerre : ensemble agissons pour la Paix et le climat, le désarmement nucléaire, la justice sociale et les droits humains ; des enjeux solidaires ! » avec un temps fort les 20 et 21 septembre avec par exemple un rassemblement devant la base de sous-marins nucléaires de l’Ile Longue à Crozon Finistère)  .


[1] Montant des dépenses militaires en milliards de dollars : Chine 293, Russie 65, Iran 24, Allemagne 56, Inde 76, Nigeria 4.5, Qatar 11,6 (source : SIPRI 2021).

Encadré : Résumé des principales résolutions des Nations Unies sur la Culture de la Paix

Le mot « culture » s’entend ici au sens quasi agraire, « cultiver pour récolter, construire un processus ».

La culture de la paix est définie par les Nations Unies comme « un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les États ».

Les 8 domaines d’action pour construire une culture de la Paix :

  1. Renforcer la culture de la paix par l’éducation : Comme l’indique le préambule de l’UNESCO  : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix… ». Le premier objectif est d’assurer le droit à l’éducation pour tous et notamment pour les filles. Cela passe par la révision des programmes d’enseignement afin de promouvoir des valeurs, des comportements et des modes de vie qui vont dans le sens d’une culture de la paix tels que la résolution pacifique des conflits, le dialogue, la recherche de consensus et la non-violence. Une telle approche éducative devrait par ailleurs être dictée par les objectifs de la culture de la paix.
  2. Promouvoir le respect de tous les droits humains : nous devons renforcer la culture de la paix par la réduction des inégalités économiques et sociales, l’éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire durable, la justice sociale, des solutions durables aux problèmes de la dette, l’autonomisation des femmes, des mesures spéciales pour les groupes aux besoins particuliers et la durabilité environnementale.
  3. Promouvoir le développement économique et social durable : les droits de l’homme et la culture de la paix sont complémentaires. Lorsque la guerre et la violence prédominent, il est impossible d’assurer les droits de l’homme. De la même façon, sans droits de l’homme, sous toutes leurs formes, il ne peut exister de culture de la paix…
  4. Assurer l’égalité entre les hommes et les femmes : nous devons assurer l’égalité entre les hommes et les femmes par la pleine participation des femmes dans la prise de décision économique, sociale et politique, par l’élimination de toutes formes de discrimination et de violence contre les femmes, par l’appui et l’aide aux femmes qui se retrouvent dans le besoin.
  5. Favoriser la participation démocratique : parmi les fondations indispensables à la réalisation et au maintien de la paix et de la sécurité figurent des principes, des pratiques et une participation démocratique dans tous les secteurs de la société, un gouvernement et une administration transparents, la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la corruption, les drogues illicites et le blanchiment d’argent…
  6. Développer la compréhension, la tolérance et la solidarité : pour abolir les guerres et les conflits violents, il faut transcender et dépasser les images de l’ennemi par la compréhension, la tolérance et la solidarité entre tous les peuples et toutes les cultures. Apprendre de toutes nos différences par le dialogue et l’échange d’informations est un processus qui ne peut être qu’enrichissant…
  7. Soutenir la communication participative et la libre circulation de l’information et des connaissances la liberté d’information et de la communication et le partage de l’information et des connaissances sont indispensables pour une culture de la paix. En même temps, des mesures doivent être prises pour contrecarrer la promotion de la violence par les médias, y compris par les nouvelles technologies de l’information et de la communication…
  8. Promouvoir la paix et la sécurité internationales  : les acquis de ces dernières années en matière de sécurité humaine et de désarmement — dont les traités concernant les armes nucléaires et le traité contre les mines anti-personnel — devraient nous encourager dans nos efforts en ce qui concerne, par exemple, la négociation de règlements pacifiques des différends, l’élimination de la production et du trafic illicite d’armes, les solutions humanitaires dans les situations de conflit, les initiatives visant à remédier aux problèmes qui surgissent après les conflits.

 Encadré : Les acteurs de la Paix

L’article 8 de la résolution A/RES/53-54

 l’article 8 appelle chacun à l’action lorsqu’il souligne que « les parents, les enseignants, les hommes politiques, les journalistes, les organismes et groupes religieux, les intellectuels, les personnes qui exercent une activité scientifique, philosophique, créatrice et artistique, les agents de services de santé ou d’organismes humanitaires, les assistants sociaux, les personnes qui ont des responsabilités à divers niveaux ainsi que les organisations non gouvernementales ont un rôle primordial à jouer pour ce qui est de la promotion d’une culture de la paix ».