Jeudi 20 avril, les ministres des Finances et du Budget, soit respectivement Bruno Lemaire et Gabriel, Attal présentaient ce qu’ils appellent du doux nom de « rectification de la trajectoire budgétaire de la France d’ici 2027 ».
L’obsession, c’est la réduction de la dette qui devrait absolument diminuer plus vite que prévu. Pour cela, ils compteraient sur les économies que généreraient la fin du bouclier tarifaire, une croissance optimiste et un effort inédit, pas encore détaillé, sur la dépense publique.
Un rappel, dans le numéro 818-819 d’Economie&Politique, nous écrivions à propos du projet de budget 2023 : « le budget national est confronté à ce qu’on pourrait appeler un double effet ciseaux. Face à l’augmentation des taux directeurs à laquelle la BCE ne semble pas devoir renoncer pour, dit-elle, combattre l’inflation – elle annonce même de prochaines hausses, le budget de l’État est poussé à intervenir. Par la prise en charge d’une partie des augmentations de prix, il contribue en effet à limiter la poussée inflationniste. Il y a d’ailleurs en ce domaine un véritable chantage de la BCE qui revient à dire aux États : « soit tu mets la main à la poche pour payer l’addition, soit j’augmente encore plus mes taux » (…) Au final, cette manipulation financière participe à endetter toujours plus le budget de l’État qui, d’une part doit sortir le chéquier pour aligner les aides, et de l’autre rembourser des montants d’intérêts de plus en plus élevés du fait des taux qui augmentent malgré tout. Une des conséquences d’une telle politique est que 2023 ne sera pas l’année de la réduction des déficits publics et cela à l’échelle de toute l’Union européenne ».
Et c’est bien là le cœur du problème. Car aujourd’hui les marchés financiers sont fébriles et montrent de plus en plus les dents, avec le relais des agences de notation qui doivent bientôt réexaminer le cas français, et de la commission de Bruxelles qui en appelle à un retour aux règles budgétaires de l’avant-pandémie. La quête de rentabilité du capital pousse à contraindre de plus en plus les États afin qu’ils offrent une situation solvable à court terme, voire à très court terme.
Et cela alors que trois autres éléments de contexte pèsent de plus en plus lourd dans les politiques budgétaires des États, venant ainsi considérablement réduire les marges de manœuvre. Ils se nomment inflation, déréglementation des prix de l’énergie et croissance, une croissance qui ne décolle pas malgré les milliards injectés depuis l’épisode de crise de 2008-2009.
Face à une inflation essentiellement d’origine financière que comptent juguler les banques centrales, dont la BCE, par la hausse de leurs taux d’intérêt, la conséquence automatique est un alourdissement du poids du remboursement de la dette : une augmentation de 1 point de taux équivaut à rembourser 2,5 milliards supplémentaires en 2023 mais 6 milliards en 2024 et 9 milliards en 2025. Ainsi, en 2023, la charge de la dette française va avoisiner les 52 milliards d’euros en hausse de 12 milliards par rapport à l’année précédente, essentiellement due à l’élévation des taux.
Une situation qui se complique encore car, dans le même temps, l’État doit consentir une hausse de ses dépenses, particulièrement du fait du bouclier tarifaire afin de compenser les hausses des prix de l’énergie. Ce qui représente un montant de 46 milliards de dépenses supplémentaires inscrites au budget de l’État 2023 avec une traduction directe en termes d’augmentation du déficit public de 16 milliards d’euros. Cette charge devrait être débranchée progressivement pour représenter une réduction de 30 milliards à l’horizon 2025, à commencer par la sortie du bouclier tarifaire du gaz dès fin 2023.
Pour couronner le tout, cet accroissement de la dépense publique intervient sur fond d’une croissance qui, malgré les sommes énormes consacrées au maintien de secteurs entiers d’activité au cours des années de pandémie, ne donne aucun signe de reprise et reste ainsi largement insuffisante pour répondre aux besoins de financements générés par la multiplication des crises. Pour 2022, L’INSEE annonce un taux de croissance de 2,6 % mais il n’y a vraiment pas de quoi s’en glorifier. Car ce taux est enregistré après un taux de 6,8 % en 2021 qui lui-même, succédait à un taux négatif de -7,9 % en 2020, ce qui fait qu’en réel, le niveau de développement de 2022 est finalement comparable à celui qu’il était avant la pandémie. Et pourtant, il n’y avait déjà pas de quoi pavoiser !
Vouloir imprimer une nouvelle trajectoire aux finances publiques qui promettrait un désendettement plus rapide, même si les deux locataires de Bercy sont pour l’instant évasifs sur les économies à réaliser, annonce tout simplement une nouvelle cure d’austérité et un enfoncement encore plus grand de la France dans la crise. Et c’est d’une certaine manière Élisabeth Borne qui confirme cette évolution, elle qui vient de demander à ses ministres d’identifier chacun des économies représentant 5 % de leurs crédits, et qui prévoit une baisse de 0,8 % en moyenne par an hors inflation de la dépense de l’État, et ce dès l’an prochain.
Un nouveau moment de basculement
En dévoilant les grandes lignes du pacte de stabilité (PSTAB), le document envoyé tous les ans à Bruxelles et gravant dans le marbre les prévisions budgétaires sur cinq ans, Bruno Le Maire ne dit pas autre chose que la Première ministre. Prenant appui sur son plan de rétablissement des finances publiques de 2022, il annonce maintenant vouloir passer à une deuxième étape qui consiste à accélérer le désendettement de la France.
Il s’agit pour lui de prendre bonne note de la fin de l’argent gratuit, c’est-à-dire de la remontée des taux d’intérêts souhaitée à la fois par la BCE et les marchés financiers, ce qui implique comme le souligne également Gabriel Attal : « de reprendre le contrôle de notre dette pour garder le contrôle de nos choix », vieille rengaine des néolibéraux au premier rang desquels figure Emmanuel Macron.
C’est ainsi que le gouvernement promet de ramener le déficit à 2,7 % du PIB en 2027. Cela signifie une baisse significative qui aura une rude traduction dans les enveloppes des budgets publics et sociaux, celui des retraites en fait partie. Rappelons en effet que le déficit était encore de 4,7 % fin 2022 et qu’il demeure prévu à 4,9 % fin 2023.
Mais c’est particulièrement sur le taux d’endettement que le gouvernement a choisi d’être le plus offensif. Il doit être ramené à 108,3 % du PIB en 2027. S’il ne revient pas à son niveau d’avant-Covid (97 %), l’effort demandé est néanmoins très important, représentant une évolution notable par rapport aux 110, 9 % affichés à l’automne dernier.
Les choix gouvernementaux sont essentiellement dictés par les tensions sur les marchés financiers et l’augmentation de la charge de la dette que celles-ci devaient produire du fait d’une remontée à grande vitesse des taux des emprunts, faisant grimper la charge de la dette aux alentours de 71,2 milliards en 2027, ce qui représenterait alors le premier poste de dépense de l’État.
Déficit public en % du PIB, selon les prévisions gouvernementales
Dette publique en % du PIB
(source : Programme de stabilité)
Sortir de ce cycle infernal
Que nous proposent les locataires de Bercy pour combattre cette spirale infernale et sortir de ce sempiternel cycle de récession ? Rien ou presque. En tout cas, toujours les mêmes recettes imprégnées de la logique dominante, elle-même calée sur les critères de gestion capitalistes, c’est-à-dire tout pour le capital, son accumulation et son rendement.
D’une part, toute hausse d’impôt est écartée, particulièrement s’il s’agit de fiscalité de la fortune, du capital et des entreprises. Certes, du coup, cela signifie que la baisse des droits de succession promise par E. Macron risque d’être mise au placard mais ce n’est vraiment qu’une petite entorse que les plus riches pourront supporter sans trop de souffrances. Mais l’essentiel du plan gouvernemental pour dégager des économies sur la dépense publique repose sur des hypothèses plus ou moins fumeuses, en tout cas maintes fois avancées et qui n’ont jusqu’à ce jour, pas vraiment donné de résultats probants. Hormis la baisse des prix de l’énergie, ce qui reste encore à voir, Bercy n’annonce rien de concret. Sauf à miser une nouvelle fois sur une croissance solide – grâce au maintien de sa politique de l’offre – et des économies fortes sur la dépense publique pour tenir ses objectifs budgétaires. Des deux hypothèses, du point de vue gouvernemental, la seconde est sans aucun doute la plus plausible. Car, en guise de croissance solide, les prévisions pour 2023, y compris révisées par la Banque de France ces dernières semaines, ont de quoi nous interroger. Est-ce avec 0,6 % de taux de croissance en 2023 que la France va pouvoir afficher des recettes fiscales et sociales en hausse permettant de couvrir les dépenses publiques supplémentaires ? La Cour des comptes, qui évoque elle-même « un scénario économique optimiste », est perplexe quant aux prévisions affichées jusqu’en 2027 tant en termes de croissance que de créations d’emplois : le gouvernement en prévoit en effet un million. Et que dire de l’effort demandé en matière de réduction des dépenses que cette même Cour qualifie « d’inédit » et qui visent ni plus ni moins à ramener ce taux à 53,5 % du PIB en 2027 contre 57,5 % aujourd’hui !
C’est un véritable saut dans l’abîme que nous prépare le gouvernement. Aux salariés, aux retraités, aux usagers des services publics, aux agents publics et aux citoyens de se serrer la ceinture, de voire réduits leurs droits sociaux et de subir les hausses de prix. Déjà on observe une montée de la paupérisation. On peut deviner, avec un tel régime ce qu’il en serait en 2027.
La nécessité de dépasser de telles perspectives est aujourd’hui une œuvre de salut public. Il faut changer de cap à 100 %. Ce ne sont plus les lois du capital et du profit qui doivent prévaloir mais celles du développement humain et de la préservation de notre planète. L’argent doit être utilisé autrement et à de tout autres fins. La création monétaire de la BCE doit servir à financer les dépenses des États pour des investissements en services publics et en projets structurants. La politique du crédit doit être soumise à une nouvelle sélectivité favorisant les investissements utiles et pénalisant les gaspillages financiers par exemple avec des fonds régionaux et national pour l’emploi et la formation. De nouveaux critères doivent pénétrer la gestion des entreprises, de la cité et des banques, reposant sur des choix précis de création de richesses, des pouvoirs nouveaux et étendus pour chacune et chacun avec une sécurité d’emploi ou de formation et une nouvelle Sécurité sociale. Une nouvelle fiscalité des personnes mais surtout du capital et des entreprises, modulée afin d’inciter à un autre mode de production des richesses, constituerait un gage d’une saine utilisation de l’argent qui en serait issu.
Et pourquoi ne pas reprendre la souveraineté sur notre monnaie en sortant de l’euro et de UE, afin que la banque centrale joue sont rôle de financeur de l’investissement. Ce que vous demander a la BCE, qui est ne le fera objectivement jamais.
C’est structurel, même dans un rapport de force favorable, la BCE est un outils de soumission des économie a l’euro-austérité. pourquoi réclamer qu’une instance supra nationale fasse ce qu’une instance national peut faire. sachant que l’on peut contrôler effectivement ce que fais notre banque centrale, nous n’avons que peut ou pas de prise sur la BCE.