Financer une révolution écologique

Denis Durand
membre du conseil national du PCF, codirecteur d'Économie&Politique

Contribution publiée dans L’Humanité du 3 octobre 2023

Le climat, la biodiversité, la qualité de l’air et de l’eau, sont autant de biens communs qui ne pourront être mis à la disposition de tous les habitants de la planète que si nous faisons reculer l’obsession de la rentabilité du capital jusqu’à faire prédominer le contraire : une nouvelle efficacité fondée sur le développement des capacités humaines. Pour économiser le capital matériel (donc les ressources naturelles) et le capital financier, il faut investir dans l’emploi, la formation, la recherche : l’enjeu social est le cœur du défi écologique.

Par exemple, former une technicienne dans la production d’énergie non carbonée prend plusieurs années mais son travail contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre pendant toute la suite de sa vie professionnelle. Son activité aura aussi pour effet, pendant toute cette période, la création d’une valeur ajoutée sur laquelle pourront être prélevés des revenus, des impôts et des cotisations sociales. La bonne façon de financer les dépenses économiquement et écologiquement efficaces, comme son embauche, sa formation, et bien sûr les infrastructures matérielles correspondantes, est d’avancer, immédiatement, l’argent anticipant les richesses que ces investissements permettront de créer ensuite.

Ces dépenses, publiques et privées, ne se limitent donc pas à la seule « formation brute de capital fixe » et à la consommation de moyens matériels. On parle au total de 6 % du PIB (150 milliards d’euros par an).

Où prendre cet argent ? Par simple prélèvement sur les richesses existantes ? On serait loin du compte ! Par exemple, selon un récent rapport parlementaire, un impôt sur la fortune des plus riches rapporterait 5 milliards d’euros par an pendant trente ans…

Même un économiste aussi conformiste que Jean Pisani-Ferry souligne qu’il faudra recourir à l’emprunt. Sur les marchés financiers ?  Alors que les taux d’intérêt ont commencé à flamber sous l’effet du durcissement des politiques monétaires ?

Regardons la réalité en face : la révolution écologique exige des leviers pour modifier profondément le comportement du système financier dans son ensemble, comme le demande le GIEC.

Les banques centrales ont le pouvoir de créer des milliers de milliards d’euros. La BCE devrait réserver ses prêts aux banques qui financent les projets répondant à des critères précis d’efficacité sociale, écologique et économique. Elle devrait financer à 0 %, ou à taux négatif, le développement de nouveaux services publics, via un Fonds de développement économique, social et écologique .

Les moyens de répondre au défi écologique sont ainsi étroitement liés aux actions immédiates, mais de portée révolutionnaires, qu’il conviendrait d’engager, dans le cadre de conférences locales, régionales, nationale pour l’emploi, la formation et la transformation sociale et écologique : définir démocratiquement des objectifs précis, chiffrés, de créations d’emplois, de programme de formation et de recherche, de protection du climat et de la biodiversité, et obtenir leur financement par le système bancaire.

1 Comment

  1. Je pense que dans le sens commun, du fait de la domination idéologique du capitalisme, il y a confusion entre crédit et emprunt.
    Le crédit, c’est une avance de monnaie. Elle se fonde, au niveau général de l’économie sur le cycle de reproduction élargie et l’augmentation prévisible de la valeur produite. L’emprunt, c’est une forme de distribution du crédit. Un acteur particulier reçoit une quantité de monnaie qu’il s’engage à rembourser plus tard.
    Le système bancaire capitaliste entretient volontairement la confusion sur le sujet. Il prétend « collecter » des dépôts, en réalité, il emprunte aux acteurs de la monnaie non utilisée, à partir de laquelle il génére (très discrètement) du crédit (par, en gros, un coefficient multiplicateur) et le distribue sous forme de prêts (donc d’emprunts) aux acteurs en faisant croire que c’est de la monnaie existante, collectée alors que c’est du crédit sur l’avenir. C’est un système archaïque et absurde. Il faut le revoir de fond en comble.
    Le crédit est un bien public.

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