Jean-Marc DURAND
Depuis plusieurs années, nous avons pris l’habitude de vivre des débats plutôt tendus et souvent obscurs autour du projet de loi de Finances (PLF), c’est-à-dire à propos de la construction du budget de la France qui, soit dit en passant est un des actes démocratiques fondateurs de la République.
Cela demeure, même si au gré du temps et des coups de boutoirs des traités européens, la tendance est de plus en plus à banaliser cet acte et à l’éloigner, dans les faits, de l’intervention citoyenne en l’intégrant dans des plans budgétaires pluriannuels qui en quelque sorte, rendent obsolètes certaines discussions avant même qu’elles aient pu être entamées, tant les jeux paraissent faits d’avance. C’est l’effet du fameux pacte budgétaire.
Mais le pire n’étant jamais atteint, les conditions dans lesquelles semble devoir s’élaborer le projet de budget 2025 devraient fleurter avec un summum de complexité, d’incongruité et d’opacité, du fait notamment de la situation politique du pays qui, depuis les 7 et 16 juillet, se trouve dans une impasse totale. Depuis ces deux dates, Il n’y a en effet respectivement plus de majorité à l’Assemblée Nationale, et plus de gouvernement, ce qui rend très difficile la conduite de l’exercice d’élaboration du PLF. Voir dans l’encadré ci-dessous les règles de déroulement de la procédure budgétaire.
D’un entre-deux à un entre-soi !
Depuis une quinzaine d’années, les locataires de Bercy nous ont habitués à nous présenter de façon assez régulière des projets de budget insincères, notamment parce qu’ils savaient pertinemment que les prévisions sur lesquelles ces derniers étaient construits, particulièrement en matière de prévision de croissance, ne seraient pas atteintes.
Mais pour 2025 plane le risque supplémentaire qu’aucun projet de loi de finances ne puisse être voté faute de majorité, ce qui serait un fait inédit sous la Vème République et qui obligerait le pouvoir, après un recours systématique à l’article 49.3 de la constitution depuis 2022 pour voter les textes budgétaires (PLF et PLFSS), à adopter une option d’urgence. C’est-à-dire une loi spéciale l’autorisant à continuer de percevoir l’impôt et d’ouvrir certaines lignes de crédits budgétaires, solution qui nécessiterait cependant d’être adoptée par le parlement avec ou sans 49.3.
Il faut bien convenir que sans majorité à l’Assemblée nationale, telle que la situation se dessine au moment où ces lignes sont écrites, le vote du budget 2025 représente une sorte de gageure. Si aucune loi de finances ne venait à être votée au 31 décembre 2024 pourrait se produire une sorte de blocage de l’État. Cela dit, on peut légitiment se demander si une majorité de parlementaires est disposée à prendre un tel risque, sauf à vouloir en découdre directement avec Emmanuel Macron et précipiter sa chute. Ce qui n’irait pas sans poser un certain nombre de questions, notamment quant à la capacité de la gauche à proposer une alternative suffisamment radicale, crédible et rassembleuse lui permettant de dégager une vraie majorité en sa faveur et d’être ainsi en capacité de gouverner et de faire avancer de réelles réformes.
Mais pour l’heure, ne tombons pas dans de la politique fiction, et surtout que personne ne se méprenne. Malgré un fort tapage médiatique, nous n’en sommes pas encore là ! L’équipe gouvernementale démissionnaire continue de travailler et en cela prépare les hypothèses budgétaires de 2025 afin est-il dit, de « fournir à la nouvelle équipe qui arrivera les bases lui permettant de prendre ses propres décisions ». En effet, depuis le 16 juillet, toutes les équipes ministérielles ont levé le pied sauf celle du ministère des Finances.
Le gouvernement démissionnaire prépare ainsi un projet de loi de finances pour 2025 tout en annonçant rester politiquement neutre. Mais que peut bien vouloir signifier une attitude neutre lorsqu’il s’agit de construire un projet qui transpire le politique de la première à la dernière ligne ? Développement des services publics, moyens des collectivités locales, revalorisation des salaires des fonctionnaires, moyens de la protection sociale, indexation des retraites sur l’inflation, révision du barème de l’impôt sur le revenu, taux de l’impôt sur les sociétés… Voilà quelques sujets qui obligent un arbitrage politique évident… Un budget neutre, cela n’existe pas !
D’ailleurs, il y a quelques jours, Bruno Lemaire n’annonçait-il pas avoir commencé les travaux techniques pour qu’un budget soit présenté dans les temps, expliquant que sa copie « permettrait de tenir les objectifs fixés dans le programme de stabilité ». En clair, après avoir prévu de couper quelque 25 milliards d’euros dans le budget 2024, il s’apprête à transmettre à son successeur les pistes d’économies pour environ 20 milliards d’euros supplémentaires en 2025, afin de respecter les engagements européens de la France. Le cap est donc fixé ! Et c’est peut-être, entre autres, pour parvenir à un tel résultat que le président Macron s’évertue à vouloir construire un gouvernement avec un ou une Premier ministre capable de réaliser le consensus autour d’un tel objectif, voire à différer la nomination d’un nouveau Premier ministre !
Pour l’heure, dans une situation qui, il est vrai, ne relève pas de la plus grande clarté – mais les élections sont passées par là e,t même à contre cœur, il faut bien en tenir compte au moins dans un premier temps – alors que le ministre de l’Économie démissionnaire, Bruno Le Maire, avait promis fin juillet que les crédits des ministères pour 2025 devraient être « inférieurs » à ceux de 2024 « dans des proportions significatives », le Premier ministre, Gabriel Attal, n’a pas encore « arbitré » les plafonds de dépenses. Les lettres plafonds qui doivent servir à construire le budget 2025 sont visiblement difficiles à finaliser. Aucun calendrier d’envoi des lettres de plafond des dépenses n’a été arrêté alors que normalement elles sont envoyées au plus tard début août [1]. Mieux même, dans un article récent des Echos, on apprend que le gouvernement démissionnaire semblerait s’éloigner de l’objectif consistant à ramener le déficit de 5,1 % en 2024 à 4,1 % en 2025 [2](1).
Et pourtant, même si les lettres plafonds ne relèvent d’aucune obligation constitutionnelle ou organique, elles constituent une pratique bien rodée et leur rétention pourrait, dans les faits, relever d’une décision stratégique de Matignon cherchant à temporiser, pris entre la réalité des aspirations populaires à en finir avec l’austérité, et notamment avec la casse des services publics, et le respect de l’orthodoxie néolibérale définie à Bruxelles pour sauver le dieu capital. Ainsi, au cas d’espèce, Emmanuel Macron aurait tout intérêt à jouer la montre pour désigner un Premier ministre car l’heure tourne et les délais d’examen du budget sont gravés dans le marbre. Selon la loi organique, le projet de loi de finances doit se retrouver sur le bureau de l’Assemblée nationale au plus tard, le premier mardi d’octobre. Le texte du projet de budget doit ainsi être présenté en Conseil des ministres le 25 septembre. Cette date limite sous-entend que la rédaction du projet de loi soit bouclée avant la rentrée. Il faut en effet que le projet de loi de finances soit transmis, pour avis, au Conseil d’État fin août puis au Haut Conseil des finances publiques le 13 septembre. Et s’il n’y a pas de nouveau gouvernement avant la fin du mois d’août, c’est le gouvernement démissionnaire qui déposera le texte. Joli tour de passe-passe en perspective ! Une nouvelle entourloupe démocratique ne serait-elle pas en train de se passer sous nos yeux sans réaction à la hauteur pour la déjouer d’une part sur la forme, mais surtout sur le fond ?
Dette et croissance : les deux attendus du PLF 2025.
En fait, sans en avoir l’air, l’équipe Macron ne voudrait-elle pas, coûte que coûte, nous faire avaler la pilule de l’austérité ? Et autant dire que les conséquences d’un tel choix risquent de ne pas être une sinécure.
Car le fond de l’affaire est bien de réduire considérablement la voilure et ce sont les hypothèses de Bruno Lemaire qui tiennent la corde. En cela, les choses sont claires. Il faut faire des économies et les montants sont connus. En 2024, il faut parvenir à réaliser 25 milliards d’économie pour, comme le soutient Bercy, atteindre nos objectifs de finances publiques. Bruno Le Maire prenant le soin par ailleurs de préciser dans une tribune au Figaro de la mi-juillet, que : « nous devons le faire maintenant ou bien il sera trop tard, car la France divergera définitivement de ses 19 partenaires de la zone euro. Ce serait une faute économique et politique majeure ». On ne peut être plus limpide sur les intentions affichées et les objectifs recherchés.
Déjà, il faut savoir qu’à ce jour, 15 milliards d’euros d’économies ont déjà été « exécutés ». Dix milliards annoncés début 2024 ont déjà été rabotés dans les dépenses de l’État et la hausse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité devrait permettre de récupérer 5 milliards d’euros. Restent encore à trouver 10 milliards d’euros d’économies. Pour cela, 5 milliards devraient être demandés aux ministères, deux milliards aux collectivités locales et trois milliards pourraient être dégagés par une taxation des rentes plus efficace sur les énergéticiens. C’est une vraie saignée ! A ce jour, les effets de telles coupes ne sont pas perceptibles mais ils vont engendrer toutes une série de conséquences toutes plus graves les unes que les autres dès l’année prochaine, et c’est justement pour 2025 que sont annoncés encore 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Se conformer à une telle trajectoire budgétaire serait un vrai suicide politique, économique et social. Surtout, et le ministre le reconnaît lui-même, que nous sommes à un moment où la France va devoir engager des investissements considérables dans la transition écologique, la défense et la santé. Mais des pistes sont travaillées, comme le recours aux investissements privés des grands groupes et des fonds d’investissement pour l’écologie, et l’hypothèse de la capitalisation pour les retraites. Cela fait des décennies que cette idée trotte dans la tête des dirigeants de notre pays. Bruno Le Maire l’a dans un coin de sa mémoire et n’attend que le moment opportun où une fenêtre pourrait s’ouvrir pour la promouvoir. Sortir le financement des retraites des comptes publics, voilà la recette pour présenter patte blanche aux institutions européennes et avancer ainsi vers l’objectif 0 % de déficit public ! Ajouter la mise à mort de nombreux services publics locaux comme nationaux, ce qui est un objectif idéologique devenu un vrai dogme parmi les décideurs néolibéraux qui gouvernement notre pays depuis deux décennies au moins – rappelons-nous Denis Kessler annonçant franchement la couleur en se fixant comme objectif central de revenir sur les conquêtes du programme du Conseil national de la Résistance – et la boucle serait bouclée avec un pays devenu totalement méconnaissable et complètement mis à genoux.
Et tout naturellement, s’il est possible de s’exprimer ainsi, la raison invoquée pour justifier de tels choix, c’est la dette. Il faut absolument régler ce problème jugé grave, voire mortel par une grande partie de la classe politique, au moins de Marine Le Pen jusqu’à Emmanuel Macron en passant par Éric Ciotti et Laurent Wauquiez, voire aussi par quelques sociaux libéraux… « On ne peut pas vivre éternellement au-dessus de nos moyens », voilà la phrase clé lancé par tout ce beau monde à la figure d’un peuple inquiet, et qui demeure très imprégné de morale judéo-chrétienne.
Sauf que depuis des années que ce discours nous est servi et que les mêmes recettes restrictives sont appliquées, la situation économique et sociale ne fait que se dégrader et la dette et le déficit ne font qu’augmenter…
Le temps est donc venu de changer de paradigme, particulièrement dans une période où les antagonismes s’exacerbent et où les choix s’aiguisent. Nous sommes sans doute entrés dans une période où l’histoire s’accélère et c’est dans de tels moments que montent les exigences de radicalité et la nécessité de choix de rupture. Les accommodements, les mesurettes ne suffisent même plus à donner quelques répits à la classe opprimée, c’est d’ailleurs une des causes de la progression du vote RN perçu comme le moyen d’en finir avec des décennies de recul social, de déni démocratique et de mépris. Il est donc temps d’avancer vers une alternative à la fois radicale et réaliste. Et c’est sans doute de cette façon que doit être abordée une contre-offensive au projet de budget en cours d’élaboration.
Avant d’en venir à quelques pistes concrètes, examinons de façon plus complète le contexte dans lequel se prépare la loi de finances 2025. En matière de croissance, tout indique que les prévisions ne doivent pas conduire à l’optimisme. Pour 2024, l’INSEE table sur une croissance entre 1,1 % et 1,2 %, et pourtant les Jeux olympiques seront passés par là. C’est-à-dire une croissance quasi atone. Pour 2025, aucun chiffre n’a réellement filtré, sauf que la BCE prévoit un taux de croissance de 1,4 % pour la zone euro. La France devrait se situer au mieux aux alentours de ce chiffre, ce qui signifie qu’il ne faut tabler sur aucune prévision de recettes budgétaires nouvelles et surtout significatives. En même temps, nous allons subir de plein fouet les effets des coupes budgétaires de 2024 et 2025 anéantissant de nombreux potentiels de développement de notre pays et donc de création de richesses en même temps qu’une élévation du poids de la charge de la dette du fait de la hausse des taux directeurs des banques centrales, notamment de la BCE, qui obligera la France à débourser en 2024, quelques 50 milliards d’euros et devrait la conduire à supporter à l’horizon 2027 entre 70 et 80 milliards d’euros, soit le premier budget du pays, supérieur à celui de l’Éducation nationale… À ce stade il est bon de préciser que 10 milliards d’ajustement budgétaire en 2024 auront déjà coûté au pays 0,2 point de PIB et que 20 milliards supplémentaires coûteraient 0,6 point.
Par contre, l’inflation qui devait entrer dans les clous de la décrue, peine à fléchir avec une prévision de 2,4 % en 2024. Précisons que pour le panier la ménagère ces 2,4 % sont calculés sur des prix qui ont déjà subi, dans certains secteurs relevant de la consommation courante, des hausses dépassant les 10 % depuis 2022. On mesure ainsi jusqu’à quel point on peut compter sur une relance par le biais de la consommation des ménages !
Quant à la trajectoire de la dette, annoncée à 111,9 % pour 2024, elle serait prévue à 112,8 % en 2025. On prend ainsi directement conscience de l’effet immédiat des mesures d’économies sur la dépense publique. Alors, comment dans de telles conditions se fixer l’objectif de ramener le déficit à 4,1 % en 2025 après avoir été de 5,5 % en 2023 et de 5,1 % en 2024 ? Cette prévision ne tient pas !
Déficit des administrations publiques
Source : INSEE, comptes nationaux
Le nœud du problème est donc bien comment sortir de la spirale régressive de la dette et des choix politiques qui nous y enferment. Là encore, quelques éléments contextuels. Les agences de notation mais, plus proche encore, la Cour des Comptes, n’en finissent pas de publier des déclarations alarmistes à propos du montant de la dette Française qui se monte à 3 100 milliards d’euros. L’Union Européenne a inscrit la France en procédure de déficit excessif, rappelant que le taux à respecter selon les traités est de 60 % et non de 110 %, et appelant à une cure d’austérité. Ce comportement fait étrangement penser à celui du FMI vis-à-vis des pays d’Afrique notamment, les inscrivant régulièrement dans des plans de réajustements structurels dont on peut tout à fait évaluer les effets sur leur développement interne (santé, éducation, énergie, eau…).
Une remarque : depuis 2017, la France a quasiment toujours été dans une situation de déficit excessif. Un constat : le taux d’intérêt de la dette souveraine française est resté quasi stable, y compris malgré l’instabilité politique issue des résultats des élections européennes et législatives anticipées. Un taux à 10 ans qui se situe à 3,10 %. Il se produit un phénomène que le chercheur en finance Karl Eychenne qualifie de paradoxal dans une tribune parue dans le journal le Monde du 24 juillet dernier, prenant soin de conclure son propos par la phrase suivante : « Après tout, il s’agit quand même de la dette publique française. Qu’elle soit affligée d’une mauvaise note pour écart de conduite budgétaire passe encore. Mais de là à exiger un rendement plus élevé du gouvernent français, alors qu’il nous offre le privilège de financer ses projets. Non mais pour qui se prend-on ! ».Des propos pas dénués d’intérêts même s’ils restent quelque peu au milieu du gué mais qui permettent soit dit en passant, de relativiser les discours culpabilisateurs sur la dette car liant cette question à celle du développement et du niveau de développement des pays. Une vision corroborée par d’autres propos tenus entre-autres, par Xavier Ragot de l’OFCE informant que la France n’avait pas de problème pour se financer et une catégorie AA dans laquelle est classée la dette française considérée comme sûre.
Pour autant, la question de la dette n’est pas un problème subalterne. C’est une vraie question qui mérite d’être politiquement prise à bras-le-corps et traitée avec l’objectif de la réduire. Un pays qui verrait sa dette enfler sans s’en soucier particulièrement pourrait assez rapidement se retrouver en situation de banqueroute. Les conditions de vie qui en découleraient n’auraient rien de très enviable, particulièrement pour les catégories populaires. Il s’agit donc de traiter cette question. Tout d’abord il convient d’examiner dans un premier temps le contenu de cette dette afin de faire le point sur ce qu’on peut appeler une dette légitime et une dette illégitime, notamment l’argent qui a été capté par les marchés financiers pour leur seul et unique profit. Mais ensuite il convient de traiter la question sur le fond c’est-à-dire de s’accorder sur l’utilité et l’efficacité de la dette car il est acquis qu’un pays quel qu’il soit ne peut disposer en temps réel des fonds nécessaires à son fonctionnement et est donc de ce point de vue obligé d’emprunter. A plus forte raison, s’il souhaite engager des investissements de longs termes exigeant des sommes d’argent que ses propres recettes annuelles sont loin de lui procurer.
La question qui est au cœur des politiques budgétaires aujourd’hui est donc bien celle de l’utilité de la dette et de ses conditions de remboursement.
On voit à quel point sont mauvais pour la dette et le pays, ses infrastructures, ses services publics, ses citoyens et citoyennes les choix conduits sous l’autorité des règles d’austérité budgétaire et plus globalement d’une austérité généralisée. Plutôt que de réduire, de rationner, de couper dans la dépense, il est urgent de l’augmenter. Mais l’augmenter avec pour finalité la création de richesses réelles et non le gavage des marchés financiers et des multinationales. L’objectif est la création de nouvelles richesses ce qui implique d’investir. Mais d’investir selon un certain nombre de priorités précises comme les dépenses humaines sur fond de critères écologiques et sociaux. Il faut faire le choix d’investir afin d’assurer un fonctionnement optimal c’est-à-dire dans les capacités humaines et l’écologie au lieu de ne miser que sur le matériel et le financier (les machines, le technicisme, les bâtiments et les dividendes). Cela veut dire retrouver une croissance réelle, saine et efficace. Et c’est grâce à cette nouvelle croissance, productrice de richesses nouvelles que la dette pourra être « avalée » et que pourront être dégagées des marges nouvelles d’intervention et d’action qui permettront d’élargir la base des prélèvements publics et sociaux, eux-mêmes alors reconstitués et reconsidérés en fonction de critères sociaux et environnementaux contre les gâchis capitalistes. Au cœur de projet est l’enjeu de l’utilisation de l’argent et non pas l’obsession de réduire la dépense pour sauver le capital.
D’une part, l’argent de la BCE avec sa création monétaire par un fonds financé à taux 0 pour les services publics et une nouvelle industrialisation. L’article 123.2 du traité de Lisbonne le permet juridiquement. D’autre part, Il s’agit de conditionner autrement les aides publiques aux entreprises (200 milliards d’euros) selon des critères de salaires et de créations d’emplois plutôt que d’en faire des trappes à bas salaires qui minent les qualifications et ruinent la productivité. Enfin, une réforme fiscale d’ampleur doit être conduite, notamment de la fiscalité des entreprises pour les inciter/pénaliser à utiliser leurs bénéfices pour des investissements favorisant l’emploi, les productions écologiques, pour les articuler à un développement harmonieux des territoires sur lesquels elles agissent et desquels elles reçoivent un certain nombre de services et d’aménagements. Et il y a de la marge pour cela car les entreprises versent aujourd’hui 300 milliards d’euros de dividendes et d’intérêts bancaires soit les trois quarts de leur excédent. Plus particulièrement, les entreprises du CAC 40 ont versé à elles seule, 143 milliards d’euros de dividendes. Que reste-t-il pour des investissements réels ? A cette réforme de la fiscalité des entreprises doit s’ajouter celle de la fiscalité des personnes dans l’esprit de pénaliser la rente et de soutenir le travail, ce qui devrait se traduire par une réforme en ce sens de l’impôt sur le revenu et par la création d’un nouvel impôt sur la fortune.
Voilà, dans le contexte économique et social tel qu’il ressort des deux derniers épisodes électoraux, quelques pistes qui pourraient permettre de constituer le socle d’une politique réellement de gauche, faisant le choix de s’attaquer vraiment à la crise afin de la juguler grâce à des contenus offensifs et radicaux donnant à voir de vraies capacités de son dépassement et ouvrant sur la construction d’une société nouvelle faite de partage, de co-développement et de paix. Dans ces conditions, il n’y a pas de raison pour que le peuple ne voit pas en cette gauche renouvelée un espoir réel pour lui-même !
ENCADRE
Vote du budget : L’agenda législatif prévu par la constitution et la LOLF.
Pour plus de clarté, il a semblé utile de présenter les principales étapes et règles législatives prévalant lors de la construction des projets de loi de finances, celui pour 2025 n’y dérogeant pas, le calendrier de travail qui en découle est le suivant : (source Ministère des Finances).
Une précision : du fait du cadre pluriannuel de l’élaboration des projets de loi de finances, les travaux préparatoires du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) ont été initiés dès décembre 2023, avant même la promulgation de la loi de finances pour 2024, et se poursuivent ensuite tout au long de l’année 2024 pour s’achever en décembre 2024.
La construction du budget de l’année n+1 est un processus qui démarre dès le début de l’année n et suit plusieurs phases tout au long de l’année.
1- La phase de préparation administrative
– Les conférences techniques : 5 février – 1er mars 2024
Les conférences techniques sont un temps d’échange entre la direction du Budget et les ministères qui porte sur l’analyse de l’exécution du budget passé, les premiers éléments d’exécution du budget en cours et les tendances à venir pour les années suivantes.
– Les conférences de performance : février – 28 juin 2024
La direction du Budget et les responsables de programmes des ministères réalisent une revue des objectifs et des indicateurs de performance. Ainsi est préparé le dispositif d’évaluation du budget de l’État, avec la liste des objectifs et indicateurs envisagés pour les projets annuels de performance (PAP). Les conférences sont organisées par mission, et programme. Les PAP constituent une source importante d’informations sur l’efficience, l’efficacité socio-économique et la qualité de l’action de l’État. Dans le PAP le Gouvernement rend compte de son action.
La direction du Budget transmet au Parlement avant le 15 juillet la liste des objectifs et indicateurs envisagés pour les PAP, annexes du PLF de l’année N+1. Elle présente aussi la maquette définitive de performance, contenant les missions et les programmes budgétaires.
– Les conférences immobilières : 15 au 30 avril 2024
Les conférences immobilières constituent, chaque année, un temps de préparation du budget relatif à l’immobilier de l’année à venir.
– Les conférences budgétaires : 22 avril au 15 mai 2024
Il s’agit de la première étape de la phase administrative de négociation budgétaire. Les conférences budgétaires sont des réunions entre services et se déroulent à Bercy. Les réunions se déroulent selon les directives fixées par le Premier ministre dans la lettre de cadrage. Les discussions permettent d’identifier les points d’accords et de désaccord sur les crédits et de dépenses entre la direction du Budget et les différents ministères, selon leurs mandats respectifs, qui feront ensuite l’objet d’arbitrages politiques.
2- Le temps des arbitrages politiques
– Les arbitrages : 1er juin – 15 juillet 2024
Sur la base des éléments fournis par la direction du Budget, le ministre du Budget rencontre chacun des autres membres du Gouvernement, afin de rapprocher certaines positions, et d’identifier les points à porter à l’arbitrage du Premier ministre.
Avant le 15 juillet, les arbitrages sont finalisés et un rapport sur les plafonds prévisionnels de dépenses est publié. En parallèle, à compter de la mi-juillet, chaque ministre reçoit un courrier du Premier ministre qui lui notifie le niveau de ses crédits de paiement par mission et par programme, et son plafond d’emplois.
– Les conférences de répartition : 15 au 26 juillet 2024
Ces réunions visent à affiner la répartition des crédits et des emplois pour permettre la rédaction des documents budgétaires annexés au PLF.
La budgétisation telle qu’elle ressort des conférences de répartition doit permettre d’assurer la soutenabilité de la répartition des moyens des politiques publiques et de la couverture des dépenses obligatoires.
3- La phase parlementaire et le vote de la loi de finances
– La rédaction du PLF et de ses annexes : été 2024
Durant l’été, la direction du Budget, en coordination avec les ministères, procède à la finalisation des articles du PLF ainsi qu’à la rédaction de ses multiples annexes (rapports annexés, projets annuels de performances – PAP, annexes générales).
En septembre, le Gouvernement saisit pour avis le Conseil d’État des articles du PLF ainsi que des chiffres des évaluations de recettes et des plafonds en crédits par programmes. Ces évaluations et plafonds ont auparavant fait l’objet d’un avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP) qui porte sur la cohérence du PLF au regard des orientations définies dans la LPFP mais aussi sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses de l’année.
Au terme de l’examen de chacun des articles par le Conseil d’État, la direction du Budget confectionne le « bleu» du PLF, qui rassemble l’ensemble des articles du PLF, ses annexes chiffrées et les évaluations préalables des articles.
Une fois finalisé, le PLF est présenté en Conseil des ministres, avant le premier mardi d’octobre.
4- Examen du PLF au Parlement : octobre-décembre 2024
Le PLF est déposé à l’Assemblée nationale (article 39 de la LOLF) au plus tard le premier mardi d’octobre, accompagné de certaines annexes (PAP notamment).
L’examen parlementaire du projet de loi de finances s’étale sur une période de près de trois mois, d’octobre à la mi-décembre.
Le PLF est d’abord examiné par l’Assemblée nationale en première lecture. La première partie (ressources et équilibre) et la seconde partie (crédits des missions) sont successivement discutées et votées, la LOLF empêchant que le débat de la seconde partie ne soit entamé avant l’adoption de la première partie.
La navette parlementaire conduit le PLF au Sénat. Si la commission mixte paritaire (CMP), qui se réunit à la suite du vote du Sénat, ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun, le texte éventuellement adopté au Sénat est examiné en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, puis au Sénat pour revenir à l’Assemblée nationale en lecture définitive.
Au terme de cette procédure, le PLF est adopté par l’Assemblée nationale à la mi-décembre.
5- Une dernière phase éventuelle : la saisine du Conseil constitutionnel.
En vertu de l’article 61 de la Constitution, 60 députés ou 60 sénateurs (ainsi que le Président de la République, le Premier ministre, ou les présidents des assemblées) peuvent saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité du projet de loi de finances adopté à l’issue des débats.
La direction du Budget est chargée, avec la direction de la législation fiscale (DLF), de préparer les éléments de défense de la loi au regard des griefs soulevés par les requérants ainsi que des questions soulevées d’office par le Conseil, le cas échéant avec l’appui des ministères. Avec ces éléments, le Secrétariat général du Gouvernement peut rédiger le mémoire en défense.
Une fois promulguée, la loi de finances est publiée au Journal officiel au plus tard le 31 décembre.
[1] Dernière minute avant que cet article ne parte sous presse : les lettres plafonds ont été envoyées, les économies à réaliser seraient de 10 milliards…Le NFP, lui proposerait une augmentation de la dépense de 25 milliards. Une bonne chose pour l’Hôpital, l’école et une relance de l’activité réelle, à conforter par des réformes structurelles, notamment de la politique du crédit et de la fiscalité au risque d’aller au-devant de problèmes et de désillusions.
[2] Lire in Les Echos du 14 août 2024 « Budget 2025 : Matignon à la manœuvre, les marchés maintiennent la pression ».
BRAVO ! Déjà la mise à jour et la préparation de la bataille du budget !!!!!