Budget 2022 : retour vers la rigueur et priorités régaliennes

Le projet de loi de finances pour 2022 est pour le moins succinct et se positionne clairement comme un texte de « retour à la normale » après deux années de mise en œuvre du « quoi qu’il en coûte » décrété par le Président de la République, face à la crise sanitaire.

Un quoi qu’il en coûte qui aura durablement détérioré les comptes de l’État comme de la Sécurité Sociale.

De ce point de vue, la crise sanitaire a relancé un cycle de déficit qui devrait représenter, fin 2025, une somme de 136 milliards d’euros environ sur la période 2020 – 2025.

Une somme correspondant étrangement au montant de la dette sociale transférée à la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES) par la loi d’août 2020 qui a, également, inventé la branche « autonomie ».

On rappellera ici que la CADES « amortit » la dette sociale, cantonnée depuis le plan Juppé de 1995, avec le concours de la CSG (pour une partie) et de la CRDS, dont c’est la raison d’être.

En 2021, elle va ainsi effacer 18 milliards d’euros de dette, essentiellement prélevés sur les salaires, traitements, pensions et retraites.

La situation créée par la crise sanitaire a d’ores et déjà conduit au prolongement de l’existence de la CRDS jusqu’en 2033.

Alors même que ce prélèvement devait disparaître de nos fiches de paie en 2024…

Nous devrons donc au quinquennat Macron de payer, pendant neuf ans de plus, une somme estimée à plus de 160 milliards de CSG et CRDS qui semble rendre d’un seul coup moins brillant le bilan des cinq dernières années pour le pouvoir d’achat des ménages populaires et/ou moyens.

Versant recettes fiscales

Le projet de loi de finances 2022 comporte donc peu de mesures nouvelles et les évolutions de recettes ne font, dans les faits, qu’intégrer les mesures prises antérieurement.

Nous verrons ce qu’il en est pour les différents impôts mais toujours est-il que la prévision de rentrées d’impôt sur les sociétés intégrera la baisse du taux d’imposition à 25 %.

L’article 2 du PLF 2022 prévoit, lui, de relever de 1,4 % les tranches du barème de l’impôt, pour « tenir compte de l’inflation ».

Une inflation qui coûte évidemment aux ménages contribuables et dont l’origine est notamment liée au renchérissement des coûts de l’énergie et d’un grand nombre de produits frais.

Le choix de la « concurrence libre et non faussée », largement validé par les politiques menées depuis une bonne vingtaine d’années en Europe sur ces sujets, la « sociétisation » de nos opérateurs historiques d’énergie, la privatisation de Gaz de France et l’ouverture du capital d’EDF sont en train de montrer leur pleine efficacité pour des consommateurs sans cesse plus rançonnés.      

La mansuétude gouvernementale pour les ménages ne va pas, ceci dit, pour le moment, jusqu’au relèvement de la rémunération des livrets d’épargne dite « administrée » (Livret A, LDDS, PEL et autre CEL)…

Les autres mesures fiscales de la première partie sont d’un intérêt somme toute assez limité.

En tout cas, pour les ménages…

Si l’article 3 sécurise la prise en compte des chèques emploi – service en qualité de support des dépenses d’emploi à domicile, les articles 4 à 8 ne concernent que la fiscalité des entreprises (option BIC, exonération des plus – values professionnelles des travailleurs indépendants, amortissement des pertes de valeur des fonds de commerce notamment occasionnées par la crise sanitaire, amortissement des investissements en matière énergétique des flottes de navires de transport).

Ajoutons y un article réglant un contentieux fiscal sur l’imposition des dividendes des sociétés non résidentes, la prise en compte de règles européennes en matière de TVA et la suppression de dépenses fiscales inutiles (notamment l’exonération des bénéfices réalisés par les TPE et PME en zone franche urbaine) et c’est tout.

Les dispositions fiscales et équivalentes de la seconde partie n’ont guère plus d’importance, si ce n’est l’actualisation du régime de l’octroi de mer, maintenu pour assurer les ressources des collectivités ultra marines mais source de différentiel sensible de prix des produits dans un contexte de marché local plutôt captif et de concurrence souvent très limitée (article 31).

Notons aussi la création d’un établissement public national ayant vocation à réguler les relations sociales des plateformes d’emploi.

Cet article 32 met donc en place une structure destinée aux pseudo travailleurs indépendants et autres auto – entrepreneurs intervenant dans le domaine de la livraison à domicile sur courte distance, notamment de repas ou de colis.

Le modèle économique et social, déjà assez peu ragoûtant, de cet avatar des nouvelles technologies de l’information (qui semble concerne aujourd’hui entre 100 et 200 000 livreurs et livreuses) semble donc encouragé par le Gouvernement, au moment où une série de contentieux juridiques en cours amène, peu à peu, à réduire à néant la prétendue « indépendance » de ces travailleurs.

Notons que l’établissement serait financé par une taxe prélevée sur les courses effectuées, ce qui est constitue une sorte de capitulation implicite de l’État devant ce qui ne devrait, en première comme en dernière instance, ne procéder que de la justice prud’homale…

L’article 38 porte sur la garantie de l’État accordée à l’UNEDIC pour le financement des allocations chômage 2022, le tout pour un montant de 6,25 milliards d’euros.

L’UNEDIC est aujourd’hui assez lourdement endettée, notamment du fait de sa participation contrainte au financement du chômage partiel durant la crise sanitaire et continue par ailleurs de devoir verser près de 10 % de ses ressources annuelles pour financer l’activité de Pôle Emploi.

C’est-à-dire 3 milliards d’euros…

Au titre des garanties, relevons également, pour l’heure, la garantie de 3 milliards accordée au COJO Paris 2024 pour son éventuel déficit d’exploitation (article 39) et la reprise de 10 milliards de la dette SNCF (article 40), seconde tranche d’une opération qui aurait dû se mener bien avant 2020 et les années suivantes.

Enfin, pour les collectivités locales, rappelons tout de même la recentralisation du RSA en Seine Saint Denis (article 12) dont le caractère « expérimental » devrait conduire à sa généralisation…

Versant dépenses

Comme, au 1er janvier 2022, nous serons sortis en théorie de l’état transitoire de l’état d’urgence sanitaire, le niveau des dépenses de l’État connaît une sorte « d’atterrissage », avec retour à la normale, passé deux années de « quoi qu’il en coûte ».

Sur les 33 missions budgétaires inscrites en loi de finances, 19 connaissent au mieux une stabilisation ou bien une baisse de leur montant en termes de crédits de paiement.

Les hausses affectent singulièrement les domaines dits régaliens :

  • Défense + 1,7 Md (le montant des crédits dépasse les 40 milliards)
  • Justice : + 0,7 Md
  • Sécurités : + 0,8 Md ; ce qui caractérise l’ordre des priorités du Gouvernement.

Par ailleurs, on observe une hausse prévue des « Engagements financiers de l’État » (+ 0,8 Md) comme du service de la dette (+ 1,6 Md) qui me semblent anticiper certains désordres des marchés financiers (relèvement des taux d’intérêt par exemple).

La hausse des crédits de l’enseignement scolaire (+ 1,6 Md) peut sembler importante mais ne constitue qu’environ 3 % du total 2021, dans une mission où la très grande majorité des crédits est consacrée à la rémunération du million de personnels de l’Education…

700 millions devraient être consacrés à renforcer l’attractivité des métiers (prime aux débutants) et d’autres crédits vont abonder la situation salariale des directeurs d’établissement, des inspecteurs et de la filière administrative …

Les professeurs des écoles, certifiés et agrégés avec expérience n’ont donc plus qu’à escompter un changement d’échelon pour voir leur situation évoluer…

C’est là un ensemble qui représente tout de même plus de 710 000 agents titulaires et contractuels…

Les hausses de crédits affectant la Culture (+250 millions) portent surtout sur la mise en place du « Pass Culture » (viatique de « consommation « culturelle pour la jeunesse), tandis que celle concernant la Solidarité (+ 1,36 Md) trouve son origine principale dans la déconjugalisation de l’Allocation adulte handicapé, obtenue de haute lutte par les associations de défense des droits des handicapés et dans la recentralisation du RSA de la Seine Saint Denis.

Quant aux 260 millions de hausse des crédits de Jeunesse et Sports, ils sont notamment destinés à financer la progression du nombre des jeunes effectuant une session de Service National Universel ou s’inscrivant sur un poste Service Civique.

Un dernier point sur la Recherche avec l’évolution suivante concernant les emplois budgétaires sous plafond.

Depuis 2017, le nombre des personnels enseignants du supérieur aura progressé de 2 761 postes, soit moins de 2 % des effectifs de départ.

Un mouvement qu’on appréciera à la lumière du nombre de doctorants formés depuis cette date et de l’existence initiale de plus de 27 000 emplois hors plafond…

Pour le programme Vie étudiante, … 3 créations de postes en cinq ans.

Les postes de recherche pluri disciplinaire sont en baisse de 4 535 emplois, évolution largement imputable au transfert de 4 732 postes du CEA vers le Ministère des Armées.

Il s’agit en effet des personnels jusqu’alors placés au sein des personnels des opérateurs du Ministère de la Recherche occupés à effectuer des recherches sur la dissuasion nucléaire…

De fait, le budget 2022 de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur masque assez mal la quasi – stabilité des emplois budgétaires sur le quinquennat Macron, l’essentiel de la progression des emplois d’ingénierie publique procédant des recrutements hors plafond et de ceux des opérateurs autres que les Universités, dans le cadre de contrats de mission ou de projets.

La lecture des données du « bleu » du Ministère s’annonce instructive.

Mais le traitement de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur montre le peu d’ambition de long terme qui anime la globalité de la loi de finances 2022.