Les moyens
des « jours heureux du XXIe siècle »,
chiffres et arguments 

« Hausse du SMIC et des pensions, embauches dans les services publics, qu’est-ce qui distingue La France des jours heureux des autres programmes de gauche ? »

Le programme des « Jours heureux » n’est pas une collection de promesses électorales. Il se distingue par sa cohérence globale. Les 180 propositions concrètes qu’il contient définissent un projet de société : six grands objectifs sociaux, féministes et écologiques, mais aussi les moyens de réaliser ces objectifs, dans une bataille pour arracher au capital les moyens de financement et le pouvoir de décider de l’utilisation de l’argent. Il se donne donc les moyens de changer profondément le comportement des entreprises et des banques. Contre la logique actuelle, axée sur la « baisse du coût du travail » et sur le gaspillage des ressources naturelles, une nouvelle logique économique visera, non la rentabilité pour les actionnaires, mais un usage efficace des moyens économiques au service du développement des capacités de tous les membres de la société.

Ces moyens financiers sont au nombre de quatre : 

  1. le crédit bancaire, qui est le plus important ; 
  2. la réorientation radicale des nombreuses aides publiques aux entreprises et à l’emploi ; 
  3. une fiscalité nouvelle (nouveaux prélèvements sur le capital et les ultra-riches, critères de modulation des prélèvements existants) ;
  4. la mutualisation par de nouvelles cotisations sociales.

« Parlons de moyens, en effet. Combien coûtent les propositions du programme ? »

Les besoins sont immenses. Il y a urgence à augmenter les salaires et les pensions, à réaliser effectivement l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, à embaucher massivement dans la santé, dans les EHPAD, dans l’éducation, la recherche, la police et la justice… Il y a urgence à conclure un pacte pour la jeunesse afin de libérer tout le potentiel d’initiative et de créativité des nouvelles générations aujourd’hui stérilisé par la précarité et la concurrence sans fin souvent pour des bullshit jobs. Il y a urgence à investir dans un fonds écologique et social comme le recommande le GIEC. 

Notre originalité est que nous prenons la mesure des moyens à mobiliser et des réformes de structures à réaliser pour les satisfaire.

Les moyens : 

  • pour la Sécurité sociale, cela représente environ 30 milliards d’euros de dépenses supplémentaires la première année du quinquennat, 135 milliards au bout de cinq ans. 
  • pour l’État et les collectivités territoriales, 113 milliards la première année, 285 milliards au bout de cinq ans. 
  • mais ce sont surtout les entreprises qui devront dépenser davantage en salaires et investir tout autrement, pour le climat, pour répondre aux besoins et appuyer l’emploi au lieu de faire de sa réduction l’objectif de la mise en œuvre des nouvelles technologies. Elles devront aussi contribuer davantage aux recettes de la Sécurité Sociale et de l’État (via la suppression du CICE et des autres exonérations sociales et fiscales). Au total, leurs dépenses s’accroîtront de plus de 237 milliards la première année, et elles dégageront encore bien plus de richesses pour les salaires au bout de cinq ans.

Les réformes de structure pour piloter l’utilisation de cet argent :

  • mise en place progressive du nouveau service public de l’emploi et de la formation, financé en partie par les fonds consacrés actuellement à ces missions, et en partie par une nouvelle cotisation des entreprises ;
  • nationalisation de groupes stratégiques (elle occasionnera des frais sur lesquels nous reviendrons et dont le décaissement sera étalé sur dix ans) ;
  • constitution d’un pôle financier public avec la nationalisation des grandes banques (BNP-Paribas et Société Générale avec leurs filiales) et d’Axa ;
  • des conférences permanentes pour l’emploi, la formation, la transformation productive et écologique ;
  • de nouveaux droits de contre-proposition et d’intervention dans la gestion pour les travailleurs ;
  • création d’un Fonds de développement économique, social et écologique, démocratique : les entreprises s’engagent sur des objectifs et leur réalisation fait l’objet d’un suivi qui conditionne l’accès au levier financier apporté par le fonds 

Le schéma ci-dessous résume les dépenses à engager dans la première année de la législature, et leur financement (en milliards d’euros).

« Mais où prendre l’argent ?  Même si on confisquait  tous les profits du CAC40 (137 milliards en 2021),  cela ne suffirait pas ! »

C’est vrai. Il faut donc, non seulement changer la répartition des richesses, mais changer la façon de produire des richesses, pour pouvoir en mettre davantage à la disposition des êtres humains tout en développant ces biens communs de l’humanité que sont le climat, la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau, des paysages… 

Comment produire plus de richesses ? La réponse est sous nos yeux : 6 millions de personnes, 20 % de celles qui sont en âge de travailler, sont empêchées de le faire efficacement par le chômage, le sous-emploi, le temps partiel contraint. Nous proposons de réduire, en cinq ans, le chômage à zéro en créant 5 millions d’emplois, de transformer des millions d’emplois précaires en emplois stables, de donner à toutes et à tous du temps et des moyens pour se former, de réorienter les investissements des entreprises et les crédits bancaires en fonction de ces objectifs. Ainsi, au bout de cinq ans, c’est 25 % de valeur ajoutée supplémentaire qu’on pourrait produire, quelque 650 milliards d’euros, dont 300 milliards dans les sociétés non financières : largement de quoi augmenter les salaires, les cotisations sociales, et de quoi dégager les rentrées fiscales nécessaires pour financer le développement des services publics.

« Et quelle contribution sera demandée aux ménages très riches, ceux dont les patrimoines se sont démesurément accrus dans la crise tandis que la grande majorité  voyait son pouvoir d’achat stagner ou reculer ? »

Nos propositions en matière de fiscalité des ménages sont simples : « que les gros payent gros et que les petits payent petit » et que les revenus du travail soient encouragés, en étant moins taxés que ceux du capital. Suppression des niches fiscales qui ne sont rien d’autre que de l’évasion fiscale, rétablissement et triplement de l’ISF, progressivité fortement accrue de l’impôt sur le revenu et des droits de succession peuvent rapporter plusieurs dizaines de milliards d’euros. Simultanément, les impôts indirects sur la consommation des biens de première nécessité (TVA, taxe sur la consommation intérieure de produits énergétiques), qui pèsent lourdement sur les ménages les plus modestes, seront allégés, ce qui réduira dans des proportions comparables les recettes fiscales. 

« Ce serait donc un programme de gauche classique, axé sur la stimulation de la demande (consommation des ménages, dépenses publiques) ? Mais ces politiques ont régulièrement échoué : inflation et déficit commercial ont été au rendez-vous ! »

C’est arrivé parce que l’on n’a pas agi en même temps sur l’offre (la production) : faute d’un développement de la création de richesses, le surcroît de demande a entraîné inflation et importations.

À la différence de toutes les autres forces de gauche, qui se réclament d’une forme de « keynésianisme », nous ne proposons pas une simple relance par la demande. Nous la combinons avec des réformes de structures et avec de nouvelles institutions pour changer et stimuler l’offre en même temps. 

Fondamentalement, l’« offre », c’est la création de richesses par le travail humain. C’est l’activité des entreprises, mais aussi celle des services publics. C’est pourquoi le développement de l’emploi, sa sécurisation, avec de meilleurs salaires, et la formation, sont à la fois un objectif majeur du programme et la clé de sa réalisation. Au lieu de la précarité généralisée, faite d’emploi précaires, mal payés et de chômage, nous voulons aller vers une « sécurité d’emploi ou de formation ».

  • On répond aux besoins sociaux efficacement du point de vue économique et sans épuiser les femmes et les hommes, ni épuiser la terre : économies sur le capital et les profits qu’il prélève, économies sur les consommations de matières, partage des coûts (de développement, de recherche et de formation) ;
  • on enclenche cette logique nouvelle par des avances monétaires, des créations d’emploi et des réformes de structure (pouvoirs nouveaux des travailleurs et citoyens, nationalisation des banques, nationalisations industrielles, fiscalité nouvelle) ;
  • les réformes de structure visent à changer la gestion des entreprises et des banques, pour baisser le coût du capital et les dépenses pour celui-ci et pour développer les partages et mutualisations (nationales et internationales). Ces réformes donnent des pouvoirs démocratiques nouveaux sur l’utilisation de l’argent et son suivi. Elles permettent donc aussi de s’assurer que ces avances monétaires auront l’effet voulu et on développe une nouvelle production. Cette nouvelle production arrive progressivement grâce aux dépenses pour l’emploi, la formation, la recherche et un nouveau type d’investissement en changeant la gestion des entreprises, en baissant le coût du capital. Elle permet une très forte amélioration des déficits sociaux et publics.

Cette logique nouvelle accélère les gains de productivité globale (mais en faisant « suer » le capital, pas les travailleurs) et permet à la fois d’augmenter fortement les richesses produites et de commencer à réduire le temps de travail pour tous.

Taux de croissance annuelle du PIB

Sur les cinq années de la législature, la croissance du PIB s’accélérera par rapport à celle qui résulterait de la poursuite des politiques actuelles ; elle atteindra 6 % la dernière année du quinquennat. À la fin de la législature, on obtient ainsi + 650 milliards d’euros de PIB et +5 millions d’emplois.

« Ce que vous proposez, c’est donc une croissance à crédit ? »

  1. Nous préférons parler d’avances pour un nouveau développement. On l’a déjà fait : après 1945, la mise en place de la « Sécu », la reconstruction et la modernisation du pays se sont accompagnés d’avances à crédit pendant plusieurs années.
  2. D’ailleurs, plus de 400 milliards d’euros viennent d’être mis à la disposition de l’économie française, à crédit, depuis le début de la pandémie : 163 milliards de crédits bancaires aux entreprises, 290 milliards de dette publique rachetée par la Banque de France ! Le problème, c’est que cet argent n’est quasiment pas allé développer  les services publics (hôpital, école, lycées, universités) et qu’on n’a ni préservé l’industrie, ni engagé les formations, les recherches pour repartir sur la  production profondément nouvelle que la situation exigerait. La logique est resté la même,. Malgré quelques amendements (activité partielle) qui montrent qu’une autre logique serait possible, l’argent est allé au capital, à la spéculation, aux fusions et aux ultra-riches.
  3. Ce que nous voulons engager, c’est un nouveau type de croissance et de développement ! Radicalement différent de la « croissance » capitaliste. Nous visons en effet une nouvelle efficacité : l’emploi et la formation d’abord, pour les besoins sociaux et écologiques, au lieu de la logique dominante (« les profits et le capital d’abord, l’emploi viendra peut-être »).

Premier temps : une nouvelle utilisation de l’argent  pour engager tout de suite les dépenses indispensables  

  • des avances nouvelles pour les investissements des entreprises : 200 milliards de crédit des banques aux entreprises (dont 100 milliards au titre d’un dispositif superbonifié pour les PME), venant remplacer les prêts garantis par l’État de Bruno Le Maire et financer les investissements supplémentaires qui devront être engagés dès le début de la législature, 
  • des avances nouvelles pour les dépenses publiques : 290 milliards d’un Fonds de développement économique, social et écologique que nous créons, adossé à la CDC et refinancé par la BCE.
  • un changement de la fiscalité et des cotisations sociales (on fait payer la finance des entreprises et des ménages + un prélèvement exceptionnel sur les grandes fortunes + on rétablit plus de progressivité des impôts sur les ménages, notamment les très riches + parallèlement, les taxes sur la consommation sont allégées pour les plus modestes + on module la fiscalité pour obtenir des résultats sociaux et écologiques). 

Il s’agit bien d’une révolution, d’une prise de pouvoir sur l’utilisation de l’argent : 

  • partout, des critères sociaux et écologiques dans les aides publiques (hors pandémie, 200 milliards, d’après la CGT) et dans les impôts : des bonifications de crédit et des modulations (surcotisation, sur-taux d’impôt) pour que les entreprises développent l’emploi et les productions en France au lieu de développer les dividendes et les délocalisations.
  • de nouveaux pouvoirs décisionnels des travailleurs dans les entreprises
  • des nationalisations nouvelles (en nombre et en contenu) des banques et de plusieurs entreprises stratégiques industrielles et de services, comme un levier décisif pour changer la gestion des entreprises et du crédit des banques (le crédit et les excédents de valeur ajoutée cessent de nourrir les actionnaires et le capital). 
  • des conférences permanentes pour l’emploi, la formation, les salaires et la transformation productive écologique et sociale.

Deuxième temps : l’activité permet donc de produire les richesses anticipées par l’argent avancé, puis d’auto-financer progressivement ce développement nouveau (en 5 ans : 650 milliards supplémentaires de PIB)

  • nous aurons à la fois une nouvelle croissance de la demande (les revenus) et une croissance de l’offre (la production) correspondante, parce que nous changeons la logique de gestion des entreprises qui produisent et que nous mobilisons les services publics de formation, de recherche pour accroître vraiment les qualifications et l’efficacité. Bref, nous mettons l’emploi, la formation et les services publics au centre de l’activité économique.
  • progressivement, cette croissance génère les emplois et les recettes suffisantes pour que l’État, la Sécurité sociale et les entreprises, non seulement supportent ces dépenses nouvelles, mais les remboursent.

La première année, l’effet global des nouvelles dépenses et des nouvelles recettes portera à 225 milliards le besoin de financement des administrations publiques. Là encore, nous amorcerons une nouvelle logique. Nous n’irons pas chercher cet argent sur les marchés financiers ; la Caisse des Dépôts et Consignations et le pôle public bancaire l’avanceront à 0% à un fonds pour l’emploi et la formation, et ils se tourneront vers la Banque centrale européenne pour obtenir, comme les traités l’y autorisent, le refinancement de ce prêt par la BCE. 

Ensuite, les gains d’efficacités liés à la nouvelle logique économique feront croître les recettes publiques plus vite que les dépenses, de sorte qu’on peut viser l’équilibre des finances publiques en 2026. 

Origine de l’augmentation des recettes publiques en 5 ans

« Le scénario économique que vous préconisez va aggraver le déficit commercial du pays,  qui atteint déjà des proportions très inquiétantes.  Cela mettra la France à la merci des flux de capitaux internationaux ? »

C’est un fait que nous partons d’une situation terriblement dégradée du commerce extérieur. Et la politique actuelle ne cesse d’aggraver le déficit commercial ! Ce n’est certes pas en fermant les frontières qu’on y remédiera, mais en réalisant les réformes de structure et les réorientations dans la gestion des entreprises qui rendront la production plus efficace et moins coûteuse. 

  1. C’est en réduisant le coût du capital, véritable dîme prélevée sur la production, et non le coût du travail, que nous construirons une économie capable de tenir son rang dans la concurrence internationale, et de maîtriser cette concurrence. 
  2. C’est en nouant des coopérations avec tous les partenaires que nous pouvons trouver dans les pays émergents – pas seulement la Chine, mais tous les pays d’Europe de l’Est, et ceux du sud de la Méditerranée,
  3. ainsi que toute l’Amérique latine et l’Afrique qui ont cruellement besoin de laisser s’exprimer l’énorme potentiel de développement que possèdent leurs populations. 
  4. C’est en tendant la main à tous les pays et peuples d’Europe que nous pouvons avancer.

Cette recherche de coopérations, en Europe et dans le monde, sera particulièrement importante au début du quinquennat, quand la stimulation de la demande se produira avant que les effets de la nouvelle logique économique se fassent sentir sur l’offre, la production. Il faudra donc, non seulement « tenir » pendant quelques années face à la pression des multinationales et des marchés financiers, mais surtout procéder sans retard aux réformes de structures qui, une fois réalisées, nous protégeront de ces pressions.

Les données disponibles montrent qu’après un creusement initial du déficit, un taux de croissance de 4,6 % en moyenne sur cinq ans, fondé sur une plus grande efficacité du capital et sur l’amélioration des qualifications de la main-d’œuvre au lieu d’épuiser les femmes et les hommes au travail, est de nature à améliorer très fortement notre solde extérieur à la fin du quinquennat.

Et puis nous améliorons très fortement d’autres déficits que vous ne citez pas : chômage, sécurité sociale, manque de services publics (« déficit » médical, éducatif, etc.).

« Peut-on croire que la BCE acceptera de soutenir, par sa création monétaire,  une politique largement contraire  à sa doctrine d’orthodoxie financière ? »

  1. D’abord, il ne dépend pas de la BCE que nous engagions cette politique. Le pôle public bancaire national que nous conforterons peut l’engager sans délai.
  2. Ce sera aussi une bataille politique. 

Car c’est ce que la BCE vient de faire mais « à l’envers » ou en freinant des quatre fers. Depuis le début de la pandémie, les banques centrales de la zone euro, pour le compte de la BCE, ont acheté pour 2 000 milliards de titres, dont 1 600 milliards de titres publics. Pour ce qui concerne la France, ce sont 290 milliards de titres de la dette publique qui ont été achetés par la Banque de France en moins de deux ans. Mais tout cela a été fait pour préserver les profits, et non pas avec les critères et la perspective que nous voulons ouvrir, celle de « nouveaux jours heureux ».

L’arrivée d’un gouvernement décidé à appliquer le programme des « jours heureux » traduira un rapport de forces très différent de celui d’aujourd’hui, auquel la BCE ne sera pas insensible. Les dernières crises l’ont plus d’une fois conduite à remettre en cause ses dogmes apparemment les plus ancrés : 

  • depuis la crise de 2008, elle s’est mise à acheter massivement des titres publics, alors qu’elle le refusait absolument jusque-là ; 
  • depuis 2014, elle a introduit une forme de sélectivité dans l’octroi de liquidités aux banques : pour obtenir des refinancements avantageux à taux négatif (-1 % aujourd’hui), celles-ci doivent prouver que leurs crédits ne vont pas à des opérations financières mais qu’ils financent les entreprises ou les ménages (le problème c’est qu’ensuite les entreprises les utilisent, non pour créer des emplois et de la valeur ajoutée mais pour délocaliser, précariser et accumuler du capital matériel pour faire baisser le coût du travail) ;
  • en 2020, elle a entériné sans hésiter une seconde l’abandon des normes budgétaires européennes, qu’elle était pourtant la première à proclamer inviolables et sacrées jusqu’à ce que la pandémie révèle la gravité de la crise en cours.

Si elle est mise politiquement devant ses responsabilités, il lui sera donc difficile de refuser les liquidités indispensables à la deuxième économie de la zone euro, engagée dans une politique vertueuse, non inflationniste, de création de valeur ajoutée, au moment où la zone euro tout entière affronte des défis économiques sans précédent. Et d’autres pays pourront « entrer dans la danse », car tous les peuples d’Europe souffrent du même mal et exigent emploi, formation, services publics, que leur gouvernement actuel soit de droite ou de gauche !

Car nous ne sommes pas seuls en Europe. Le genre de politique que nous proposons en France répond aux besoins des peuples, aussi bien à ceux des peuples allemands et des pays du Nord de l’Europe qu’à ceux des Grecs, des Italiens, des Belges, des Hongrois, des Roumains ou des Irlandais.

« Et les grandes entreprises ? Comment faire en sorte qu’elles jouent le jeu, qu’elles changent vraiment leurs objectifs ? »

Elles doivent changer leurs critères de gestion ! Elles doivent cesser de viser le profit maximum et l’accumulation antiécologique de capital. Nous voulons les emmener vers un chemin de progrès où elles chercheraient à économiser le capital et à partager les coûts pour développer les femmes, les hommes et la nature écologique.

Pour cela, il faut faire reculer la dictature des actionnaires et des marchés financiers… qui tient quasiment en otage les entreprises et la puissance créatrice de leurs salarié.e.s.

Dès le début de la législature, nous convoquerons une conférence nationale (citoyenne et salariale) pour l’emploi, la formation, la transformation productive et écologique réunissant toutes les forces économiques et sociales : élus, syndicats, associations, représentants du patronat et du système bancaire, ministère des Finances, INSEE, Banque de France… Elle aura pour mission de mobiliser toutes ces forces et toutes ces institutions autour d’un objectif précis : créer 5 millions d’emplois dans le privé et dans le public, donner à des millions de travailleuses et de travailleurs le temps et les moyens de se former, et répondre aux besoins productifs de notre temps.  

Dans les territoires, des conférences régionales et, là où les collectivités territoriales le décideront, des conférences locales, composées sur le même modèle, définiront, dans chaque région, des objectifs précis de préservation et de créations d’emplois dans les entreprises et dans les services publics. Partout, les acteurs économiques stratégiques – grands donneurs d’ordres de l’industrie et des services, banques – seront mis devant leurs responsabilités. 

La conférence nationale et les conférences régionales deviendront permanentes. 

Développer l’emploi, la formation, les capacités humaines deviendra, pour tous les acteurs économiques, la nouvelle « ardente obligation » de ce qui peut être considéré comme l’amorce d’un nouveau type de planification, démocratique et décentralisée.

« Croyez-vous vraiment que la pression sociale suffira à changer le comportement  de grands groupes multinationaux ? »

Ce ne sera pas seulement une pression morale. Le cœur de nos propositions est l’exercice, par les salariés, de nouveaux pouvoirs d’intervention et de décision. Il ne s’agit pas seulement de « désobéir », de s’opposer à des décisions patronales : il s’agit d’imposer, par la lutte et par de nouvelles institutions, d’autres décisions, répondant à de nouveaux critères d’efficacité économique, sociale et écologique, opposés au critère de la rentabilité capitaliste. Nous créons pour cela des leviers financiers associés à des pouvoirs de décisions, de contre-propositions et de suivi de leur mise en œuvre.

C’est une nouvelle démocratie, mêlant le meilleur de notre tradition démocratique et toutes les aspirations qui se font jour de toutes parts pour ressourcer notre démocratie à bout de souffle, impuissante face au pouvoir de l’argent.

Bien au-delà d’un simple droit de veto, les syndicats et les représentants des salariés auront donc le pouvoir de faire prendre en compte des solutions alternatives qui peuvent être rendues obligatoires pour l’employeur avec si nécessaire les financements par un crédit dont l’intérêt peut être réduit à zéro et même dans certains cas être négatif ! La mise en œuvre de ces solutions fera l’objet d’un suivi régulier.

Notre politique économique pèsera de tout son poids dans le même sens. Plus les grandes entreprises contribueront à la réalisation de ces objectifs, plus elles pourront bénéficier de crédits à taux réduits en proportion. Sinon, elles paieront plus d’impôts sur les bénéfices, le taux de leurs cotisations sociales sera relevé, elles subiront des prélèvements sur leurs spéculations et revenus financiers à la hauteur des cotisations sociales sur les salaires.

Enfin, il sera procédé, dès le début de la législature, à la nationalisation de groupes stratégiques dans quelques secteurs déterminants : banque et assurances, énergie, télécommunications et électronique, santé. Dans les autres secteurs, les groupes stratégiques seront appelés à prendre des engagements précis en matière d’emploi, de formation, de recherche, de soutien au tissu de leurs fournisseurs. S’ils refusent ou s’ils ne tiennent pas leurs engagements, ils seront nationalisés dans la suite de la législature.

« Des nationalisations ! On recommence comme en 1981 ? »

Il y a trois grandes différences. 

  1. La première est que cette fois-ci nous ne nous contenterons pas de transférer à l’État la propriété des entreprises nationalisées. Au sein des pôles publics que nous voulons constituer, les salariés et les usagers jouiront de droits d’intervention et de décision démocratiques et décentralisés. Les nouvelles entreprises publiques seront l’avant-garde « autogestionnaire » et la vitrine d’une démocratie économique sans précédent dans l’histoire.
  2. La deuxième – inséparable de la première – est que ces pôles publics seront investis d’une mission précise : faire prévaloir dans la gestion de l’économie, contre la rentabilité capitaliste, de nouveaux critères d’efficacité économique, sociale et écologique : économiser le capital matériel et financier (donc les ressources naturelles) pour pouvoir développer davantage les capacités humaines (emploi, formation, salaires, conditions de travail).  Cette exigence de nouveaux critères est à la croisée des exigences des luttes écologiques et des luttes dites sociales.
  3. La troisième, c’est que des moyens financiers nouveaux seront mis à la disposition de cette démocratie nouvelle : pôle public du crédit, avec des critères précis, et fonds national et régionaux de bonification.

Ces pôles publics, face aux pôles privés que sont les multinationales et les marchés financiers, donneront l’impulsion d’une bataille pour opposer à la dictature des taux de profit une logique d’efficacité sociale : priorité à l’emploi, à la formation, à la recherche ; établissement de nouvelles relations entre fournisseurs et donneurs d’ordres ; nouvelles coopérations nationales, européennes, internationales avec des entreprises étrangères, n’exigeant pas de dépenses en capital : joint ventures, GIE.

« Il faudra indemniser les actionnaires. Où trouver l’argent pour le faire ? »

Pas question de racheter les entreprises nationalisées à leur cours actuel souvent gonflé par la spéculation. Ce serait entériner les gains scandaleux réalisés par les actionnaires en Bourse au moment où la quasi-totalité de la population souffre de la crise (voir la note sur ce sujet). 

Le montant des indemnisations sera donc établi à un niveau tenant compte de la valeur économique réelle des entreprises. Pour les groupes dont la nationalisation interviendrait dès le début du quinquennat, la somme ne dépasserait pas 130 milliards d’euros. 

Cette somme ne sera pas versée en cash aux actionnaires (hormis les petits actionnaires) : en échange de leurs actions, ils recevront des titres non négociables, porteurs d’intérêts équitables, et amortissables en dix ans. Cela permettra d’étaler les dépenses d’indemnisation et de les ramener à un niveau supportable pour les finances publiques. 

« Est-il vraiment possible de changer le comportement des banques ? »

D’abord, convenez que c’est indispensable.

Ensuite, n’oublions pas que c’est, pour l’essentiel, l’argent reçu en dépôt des salariés, des retraités, des artisans… que les banques utilisent pour réaliser leurs opérations… souvent plus que critiquables et parfois véritablement mortifères ! Délocalisations et licenciements s’effectuent avec l’appui actif des banques… qui mobilisent notre propre argent, celui du monde du travail et de la création ! 

C’est donc une question d’utilité publique absolue.

Notre programme prévoit deux outils majeurs pour faire d’un nouveau crédit bancaire un levier pour se passer des marchés financiers et baisser le coût du capital dans les entreprises :

  • la constitution d’un pôle financier public mettant en réseau les composantes actuelles du groupe Caisse des Dépôts et Consignations : Banque Postale, BPI France, Caisse nationale de Prévoyance et les grandes banques et compagnies d’assurances actuellement privées : BNP Paribas, Société Générale, Axa. De la sorte, le système bancaire français sera essentiellement constitué du pôle public et de trois réseaux d’origine mutualiste (Crédit agricole, Crédit Mutuel, BPCE, et leurs filiales) dont le statut sera profondément réformé pour les faire retourner aux principes de l’« économie sociale et solidaire » ;
  • la création d’un fonds national et de fonds régionaux pour l’emploi et la formation. Bras financiers des conférences pour l’emploi, la formation et la transformation productive de l’économie, ils seront démocratiquement gérés sous la responsabilité des élus. Pour les entreprises qui créent des emplois, développent la formation et la recherche, créent des richesses en économisant les ressources naturelles et se rendent ainsi capables d’augmenter les salaires, ils feront baisser le coût du capital. Ils accorderont des garanties et des bonifications d’intérêts aux crédits bancaires finançant ces entreprises – et celles-là seulement. Ils seront dotés de 30 milliards d’euros, dont 20 milliards destinés à un dispositif spécial pour les TPE-PME. Avec ce montant de fonds publics, ce sont plusieurs centaines de milliards de crédits que les banques pourront distribuer dès le début de la législature. Tout au long de la vie du crédit, un contrôle démocratique de leur utilisation sera exercé sous l’égide des conférences permanentes pour l’emploi, la formation et la transformation productive et écologique. En cas de manquement, la bonification sera réduite, voire interrompue, et le remboursement anticipé du crédit pourra être exigé.

Et nous ferons également pression sur la BCE pour qu’elle change ses critères de refinancement des crédits bancaires. Elle communique beaucoup sur son intention de contribuer à relever le défi climatique, à introduire des critères écologiques et même sociaux dans sa politique monétaire : prenons-la au mot. Exigeons que ses prêts à taux négatifs aux banques viennent appuyer les crédits aux projets qui créent des emplois et développent une production écologique de valeur ajoutée, et qu’ils soient au contraire refusés aux entreprises qui délocalisent, licencient, précarisent leurs salariés, ou qui détruisent l’environnement par des investissements coûteux en ressources matérielles et énergétiques.

Tableau 1 Évolution des comptes publics la première année du quinquennat (milliards d’euros)

Dépenses publiques en 2020     1420
Dépenses publiques en 20211 519
  dont État602
Dépenses supplémentaires entre 2021 et 2022133
État et collectivités territoriales+113
  dont Nouveau service public de l’emploi et de la formation+10
Sécurité sociale+30
Dépenses publiques en 20221 722
  dont État682
Recettes publiques en 20201 210
Recettes publiques en 20211 295
Dont État410
Recettes supplémentaires entre 2021 et 2022202
  Dont 
Croissance de l’assiette des prélèvements65
Réforme de la fiscalité37
Nouveau service public de l’emploi et de la formation10
Prélèvement sur les revenus financiers des entreprises60
Hausse et modulation des cotisations sociales10
Suppression des exonérations sociales20
Recettes des administrations publiques en 20221497
dont État510
  
Solde recettes-dépenses en 2022-155
Solde en pourcentage du PIB                                                                        -6%

Tableau 2 Évolution des comptes publics  au bout de cinq ans (milliards d’euros)

Dépenses publiques en 2020                                                                  1 420
Dépenses publiques en 20211 519
  dont État602
Dépenses supplémentaires entre 2021 et 2026420
État et collectivités territoriales+335
  dont Nouveau service public de l’emploi et de la formation+50
Sécurité sociale+135
Dépenses publiques en 20261939
  dont État594
Recettes publiques en 20201 210
Recettes publiques en 20211 295
Dont État410
Recettes supplémentaires entre 2021 et 2026687
  Dont 
Croissance de l’assiette des prélèvements329
Réforme de la fiscalité98
Nouveau service public de l’emploi et de la formation50
Prélèvement sur les revenus financiers des entreprises20
Hausse et modulation des cotisations sociales100
Suppression des exonérations sociales90
Recettes des administrations publiques en 20261 983
  dont État594
  
Solde recettes-dépenses en 2026+44
Solde en pourcentage du PIB+1,4%

5 Comments

    • Merci de votre intérêt pour notre travail. Nous vous suggérons de souscrire un abonnement d’essai qui, pour 10 euros, vous procurera les six prochains numéros de la revue, dont le prochain, à paraître début mars, qui portera sur la comparaison des programmes présidentiels. Bien cordialement, Économie&Politique.

  1. Merci Denis et Fred, excellent article, très pédagogique, accessible utile de suite, mais également pour la suite.

  2. Merci pour ce travail considérable et très clair qui crédibilise le programme proposé tout en faisant apparaître l’ampleur du besoin de soutien populaire aux propositions.

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