Catherine Mills
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été adopté définitivement le 2 décembre après cinq recours à l’article 49-3 de la Constitution et le rejet d’une dernière motion de censure. Validée pour l’essentiel par le Conseil
constitutionnel qui avait été saisi par plus de 60 députés et plus de 120 sénateurs, la loi a été promulguée le 23 décembre. Ce sont donc bien ces dispositions qui vont entrer en application, et dans les termes exacts voulus par le gouvernement puisqu’un des effets du 49-3 aura été de priver le Parlement de sa faculté d’amender le texte.
Ce texte prévoit une réduction hypothétique du déficit de la Sécurité sociale à 6,8 milliards d’euros,11 milliards de mieux qu’en 2022 grâce aux rentrées de cotisations (+4,1 %), en lien avec une augmentation de la masse salariale (+5 % en 2023, après 8,6 % en 2022) et aux relatives créations d’emploi. Cependant, vu les prévisions de l’INSEE concernant l’évolution de la conjoncture, rien n’est moins sûr. En outre le redressement des comptes de la Sécurité sociale ne remet pas en cause la logique de réduction des dépenses sociales. Le financement de la Sécurité sociale est fragilisé par la montée de l’inflation et de la récession au niveau mondial.
Le financement de la Sécurité sociale mis en cause par la montée de la fiscalisation au détriment des cotisations sociales. On prétend faire face à des besoins financiers croissants mais l’objectif est surtout de réduire les cotisations sociales. On affiche augmenter le salaire net pour donner du pouvoir d’achat. On déclare alléger le coût du travail peu qualifié, améliorer la compétitivité des entreprises. L’impôt (207,6 milliards d’euros en 2021) procure désormais 38 % des recettes : contribution sociale généralisée (20 %), TVA (8 %) et autres impôts et taxes affectés (10 %). Leurs parts ont beaucoup augmenté. Les autres recettes (12 %) comprennent notamment la contribution d’équilibre de l’État au régime des pensions des fonctionnaires, et des transferts financiers.
La part des cotisations (266,1 milliards d’euros en 2021) dans les recettes de laSécurité sociale a chuté de 90 % à la fin des années 1980 à 60 % au début des années 2000, puis à 50 % depuis 2019.
Ces modifications des sources de financement affectent les soldes des branches de la Sécurité sociale.
Les raisons des déficits
Concernant les dépenses : la Sécurité sociale a supporté les congés maladie pour les personnes fragiles et les congés de garde d’enfant, en plus des dépenses de soins et des congés maladie pour les personnes directement affectées par l’épidémie. En outre, l’assurance- chômage a pris en charge le maintien des chômeurs en fin de droits, l’afflux de nouveaux chômeurs, mais surtout un tiers des dépenses de l’activité partielle.
Concernant les recettes : la Sécurité sociale a dû supporter non seulement la baisse de ses recettes dans la crise, mais aussi le report – qui pourrait vite devenir un abandon – des cotisations sociales des entreprises, afin de soulager leur trésorerie.
L’Etat a organisé un transfert de la dette publique vers la Sécurité sociale et donc les assuré.es sociaux. Le solde des administrations de la Sécurité sociale est beaucoup moins déficitaire que celui de l’Etat. A cela s’ajoute le transfert à la CADES (Caisse d’Amortissement de la dette sociale) chaque année de dizaines de milliards d’euros pour rembourser une dette illégitime. Le PLFSS prévoit que la Sécurité sociale transfère en 2023 17,7 milliards d’euros à la CADES, soit autant de financement en moins pour les hôpitaux, la retraite à 60 ans, le recrutement, etc.
La lutte contre la fraude aux cotisations sociales, martelée dans le PLFSS. Celui-ci prétend augmenter de 10 % les fraudes détectées à la Sécurité sociale (1,5 milliards d’euros en 2022). Pour y parvenir, on autorise des pouvoirs de police judiciaires à certains « agents de contrôle » ainsi que le partage d’informations avec les tribunaux de commerce.
On accélère un déconventionnement d’urgence des professionnels de santé fraudeurs. On étendrait cette procédure à l’ensemble des catégories d’offreurs de soins et prestataires de services en cas de violation particulièrement grave des engagements conventionnels ou de préjudice financier important.
Branche assurance maladie : comment continuer à rationner les dépenses de santé ?
Le PLFSS réaliserait 2,3 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur le dos de la santé en 2023, en rationnant les dépenses de santé.
A l’heure d’une 8e vague de Covid-19, s’il prévoit de financer encore des tests et vaccins, il provisionne seulement 1 milliard pour 2023 de dépenses d’assurance- maladie, au lieu de 11 milliards d’euros en 2022, pour les mesures d’urgence. En 2023, les dépenses d’assurance-maladie (ONDAM, objectif national des dépenses d’assurance-maladie), hors dépenses liées au Covid, augmenteraient faiblement : 3,7 %. En tenant compte des dépenses liées au Covid, seulement 0,8 %.
Elles sont cependant tirées à la hausse par l’insuffisante revalorisation du point d’indice, de 3,5 %, et par les effets de l’inflation sur les charges assumées par les hôpitaux et le secteur médico-social. Or, en 2022, face à l’augmentation des factures d’énergie, de prestations, la hausse de l’ONDAM atteindrait +5,4 %.
Le déficit de la branche assurance maladie se réduirait, passant à 6,5 milliards d’euros en 2023 contre 20 milliards d’euros en 2022. L’objectif national des dépenses d’assurance-maladie est fixé à 238,3 milliards d’euros en 2023.
Sa faible croissance est largement en deçà de l’inflation (5,8 % en 2022 et 4,7 % en 2023), elle sera en réalité de plus en plus élevée, comme la hausse tendancielle des besoins en santé. L’exécutif prétend qu’il s’agit d’une « forte progression », 8,6 milliards d’euros supplémentaires de dépenses courantes par rapport à 2022. Or cette faible croissance est sensée financer la poursuite des revalorisations issues du Ségur, celle des assises de la santé mentale, la hausse du point d’indice de la fonction publique dans les hôpitaux. Cette faible croissance est inférieure d’1 point à l’inflation. En tenant compte de l’inflation estimée, l’ONDAM devrait progresser de 10,9 milliards d’euros contre 8,6 milliards d’euros prévus par le PLFSS 2023. Le sous-objectif de l’ONDAM relatif aux établissements de santé s’établit pour 2023 à 100,7 milliards d’euros, soit une hausse de 4,1 %, en dessous de l’inflation.
C’est aussi la poursuite des fermetures de lits d’hospitalisation : 4 300 lits d’hospitalisation complète fermés en 2021, selon la DREES, dans les établissements de santé français, qui ont créé dans le même temps 2 700 places d’hospitalisation partielle. Cette diminution est certes en repli sur 2020 (-4 900) mais est supérieure aux baisses constatées avant la crise sanitaire. Au total, plus de 21 000 lits ont été supprimés sur la période fin 2016 – fin 2021, soit deux fois plus que sous François Hollande (-10 000) mais nettement moins que durant le mandat de Nicolas Sarkozy (-37 000). Tandis que la stratégie de « régulation de l’accès aux urgences hospitalières » vise à dissuader les patient.es de se rendre à l’hôpital. En même temps qu’on fait reposer sur les personnels la pénurie de moyens humains, financiers.
Le pouvoir veut encadrer l’intérim médical des médecins et paramédicaux, à défaut d’embauche des personnels qualifiés et rémunérés convenablement.L’excès de recours à l’intérim est un fléau avec un coût exorbitant pour nombre d’établissements. Il s’agit d’empêcher les professionnels de faire de l’intérim s’ils n’ont pas travaillé un minimum de temps dans un cadre « normal ». A charge pour les entreprises d’intérim de faire respecter cette disposition.
1,1 milliard d’euros d’économies sur le médicament pour 2023. Le PLFSS veut favoriser la baisse des prix des médicaments remboursés. Alors que le marché du médicament est en forte croissance, +6 % par an, Emmanuel Macron avait fixé pour objectif de porter la croissance moyenne des dépenses liées aux produits de santé à +2,4 % par an jusqu’en 2024. Une procédure d’appels d’offres périodiques pour la vente de médicaments remboursés dans les pharmacies prévoyait de mettre en concurrence, pour une même classe de médicaments, plusieurs laboratoires, pour n’en garder qu’une poignée. Les médicaments perdants seraient déremboursés. Cette mesure destinée à faire des économies avait suscité l’opposition unanime des laboratoires et des officines. Le gouvernement a donc prétendu n’appliquer qu’à titre expérimental cette mesure. Il a également prévu de réviser les modalités de déclenchement de la clause de sauvegarde. Ce mécanisme de régulation impose aux industriels une limite de chiffre d’affaires sur les ventes de médicaments remboursables, sous peine d’être collectivement ponctionnés en cas de dépassement.
Le PLFSS met à contribution le secteur de la biologie médicale qui a profité de la flambée des dépistages du Covid-19. 400 millions d’euros de baisses de tarifs sont exigés du secteur de la biologie médicale et de l’imagerie médicale. Soit pour la biologie médicale 250 millions d’euros et pour l’imagerie médicale 150 millions. Le PLFSS 2023 prévoit de réaliser des économies sur les laboratoires d’analyses, alors que leur activité a explosé lors de la pandémie. Ils ont été en première ligne pour réaliser les dizaines de millions de tests de dépistage, et leur chiffre d’affaire a bondi de 85 % entre 2019 et 2021 plus de 9 milliards d’euros. La rentabilité du secteur a augmenté de +23 % de marge. Elle était déjà très élevée en 2019, avec la concentration forte et rapide du secteur. En France, 6 grands groupes privés de biologie concentrent désormais plus de 60 % des laboratoires d’analyse.
L’imagerie médicaleest le premier poste de dépense des actes techniques médicaux avec 4,8 milliards d’euros de remboursements en 2021. Le PLFSS cible les forfaits techniques d’imagerie (1,5 milliard d’euros en 2021) qui rémunèrent les frais d’amortissement et de fonctionnement des machines. Il introduit une mesure pour « mieux connaître la réalité des charges liées à l’exploitation de ces équipements d’imagerie et donc de mieux les tarifer ».
Les arrêts de travail délivrés en téléconsultation, pourtant encouragée par le pouvoir, seraient encadrés. Le PLFSS ne permettrait leur indemnisation que s’ils ont été délivrés par le médecin traitant ou par un médecin déjà consulté dans les12 mois. La téléconsultation ne représente que 1 % des indemnités journalières.
Il s’agirait de mettre un coup de frein aux plateformes commerciales de téléconsultation en envoyant un message de fermeté face aux abus.
Mise en place de 3 bilans de santé complets de prévention pris en charge à 100 % par l’Assurance-maladie à 25, 45 et 65 ans. Ces rendez-vous de prévention permettraient de lutter contre l’apparition de risques ou de pathologies à ces trois périodes clés de la vie. Mais quelle disponibilité des acteurs de santé pour assurer ces rendez-vous de prévention ?
Concernant les évènements de santé des femmes, la délivrance d’une contraception d’urgence reposerait sur les pharmaciens, alors que l’on a supprimé les gynécologues. Il n’y a absolument rien sur les IVG et sur le manque criant de moyens dans les centres le pratiquant encore. C’est aussi l’extension de la gratuité de la contraception d’urgence dans les laboratoires de biologie médicale. Celle-ci devrait être élargie à toutes les femmes sans condition de prescription médicale. Il est aussi proposé une prise en charge à 100 % pour les moins de 26 ans du dépistage sans ordonnance des infections sexuellement transmissibles autres que le VIH.
Par ailleurs on insiste sur la prise en charge et la détection des cancers, du diabète, la création d’un lieu de repérage des violences sexistes et sexuelles, on prétend apporter une attention particulière à la santé mentale, mais cela reste au niveau des discours.
Le PLFSS prévoit d’élargir le nombre de professionnels de santé habilités à prescrire et administrer des vaccins aux pharmaciens, aux infirmiers et aux sages-femmes.
Une nouvelle augmentation du prix du tabac dépourvue de discours de santé publique, de prévention et de lutte contre le tabagisme, non accompagnée par une meilleure prise en charge des moyens de substitution pour les consommateurs comme d’amélioration des remboursements des traitements. En raison « du plafonnement de l’indexation de la fiscalité qui a mécaniquement pour effet de faire décrocher les prix du tabac par rapport à l’évolution des prix des autres produits de consommation courante ».
Faciliter le recrutement de médecins libéraux régulateurs : le PLFSS 2023 reconnaît le statut de collaborateur occasionnel du service public pour les médecins régulateurs généralistes en journée.
Contrats d’aides à l’installation simplifiés, guichet unique. Face à l’inefficacité et aux limites des mesures d’aides à l’installation, pour inciter les médecins libéraux à s’installer ou à maintenir leur activité dans les zones les plus fragiles. Parallèlement, le texte encourage le déploiement des guichets uniques destinés à répondre aux jeunes avant toute installation.
Création d’une quatrième année d’internat de médecine générale, sans consultation avec les internes. Le PLFSS propose d’allonger d’une année le troisième cycle du diplôme de médecine générale, cette quatrième année se ferait exclusivement en ambulatoire et principalement dans les secteurs fragiles. Les jeunes médecins refusent de s’installer dans les territoires où les services publics ont été supprimés au fil des années, et les hôpitaux de proximité fermés au profit de méga-hôpitaux situés en zone urbaine, notamment les jeunes femmes médecins. Beaucoup souhaitent travailler de manière collective en lien avec d’autres professionnels de santé en salariat dans des centres de santé pluridisciplinaires, forme d’exercice plus adaptée à la conciliation vie professionnelle – vie familiale et sociale. L’ajout d’une année de formation supplémentaire ne va pas entrainer mécaniquement l’arrivée de 3 900 internes dans des zones sous-dotées puisque la mesure demeure une incitation. D’autant que pour la réalisation de ce stage, les internes devront être encadrés par un médecin senior, en réalité absent des déserts médicaux. L’ajout d’une année supplémentaire en stage va entraîner une année blanche d’installation de nouveaux médecins. Le stage devait permettre la découverte de l’exercice en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Une expérimentation sur 3 ans vise à ce que les médecins installés dans des zones où le niveau de l’offre de soins est satisfaisant ou élevé consacrent une partie du temps à des consultations réalisées dans des déserts médicaux.
Il est proposé l’ouverture de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, pour leur permettre de prodiguer des soins primaires sans prescription médicale sur des pathologies bénignes. Un décret devrait instituer les sanctions applicables en cas de manquement constaté à l’interdiction d’exercer en intérim médical et paramédical.
Branche vieillesse: le retour de la réforme réactionnaire des retraites
Dans un premier temps annoncée par voie d’amendement dans le PLFSS 2023, la réforme des retraites devrait faire l’objet d’un texte spécifique à la rentrée 2023. Face à l’opposition de l’ensemble des syndicats de salarié.es contre le projet d’allongement de la durée de cotisations et du report de l’âge légal de départ à la retraite, le président de la République invoque la pression de la dissolution du Parlement en l’absence de majorité sur son projet.
La précipitation et la détermination affichée du président et de son gouvernement sont pourtant à contre-courant des perspectives du Conseil d’Orientation des Retraites (COR).
Le dernier rapport du COR démontre que les dépenses de retraites du pays resteront stables et même en diminution dans le temps à 13,9 % du PIB. Les régimes de retraite deviendraient légèrement déficitaires de 2022 à 2032 ( -0,5 % à 0,8 % du PIB). Les économies sur la masse salariale publique, notamment les traitements indiciaires des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, réduisent les cotisations à la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales). L’équilibre du régime des retraites sert de justification aux reculs sociaux en matière de droits à la retraite. Le rapport du COR préconise de relever de 1,4 % point le taux de prélèvement des retraites en 2032 pour atteindre l’équilibre du système de retraite. Mais cela ne suffira pas pour répondre aux besoins réels de financement pour une réforme efficace de progrès social des retraites.
Unification du recouvrement des cotisations des régimes complémentaires de retraites. Le PLFSS 2023 prévoit à l’article 6 le transfert précipité du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco vers l’Urssaf. Alors que des rapports du Sénat préconisaient de reporter l’unification du recouvrement pour laisser le temps à la sécurisation des systèmes d’information en relevant les difficultés techniques du transfert ainsi que les conséquences pour les assuré·es d’une perte de contrôle sur leurs droits. L’ensemble des organisations syndicales et patronales sont opposées à l’unification du recouvrement des cotisations des régimes complémentaires de retraites, mais le gouvernement n’en tient pas compte, il accélère le transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco au 1er janvier 2023 des entreprises soumises au dispositif du versement en lieu unique (9 170 entreprises, 5,6 millions de salariés) et au 1er janvier 2024 pour les autres, soit 87 milliards d’euros !
Le pillage des excédents de la branche famille
Le PLFSS 2023 déclare aider davantage les parents à concilier vie professionnelle et familiale. Il prévoit quelques mesures destinées à réduire le coût de la garde d’enfants et à mieux tenir compte de la diversité des situations familiales. Mais la possibilité pour 2024 de répartir entre les parents séparés l’aide allouée au titre du financement de la garde d’enfants, tendrait à ce qu’ils se débrouillent entre eux pour partager l’aide qui leur est versée !
Les objectifs d’ouvertures de places de crèches ne sont toujours pas atteints et pas du tout à la hauteur des besoins. Aujourd’hui 60 % des enfants sont gardés chez une assistante maternelle, en raison du manque de places de crèches, cela entraine un reste à charge beaucoup plus important pour les familles. Il s’agirait au contraire d’accélérer les investissements et les moyens en personnels qualifiés, revaloriser les métiers pour créer un véritable service public de la petite enfance. Le PLFSS se contente de consacrer 300 millions d’euros à la prise en charge pour les familles des frais de garde chez les assistantes maternelles, renonçant à l’engagement à ouvrir des places de crèches.
L’aide financière à la garde d’enfants étendue au-delà de 6 ans. Elle pourra ainsi être perçue par les pères ou mères célibataires jusqu’aux 12 ans de l’enfant.
Transfert du financement des indemnités liées au congé maternité à la branche famille. Jusqu’ici elles étaient prises en charge par l’assurance maladie, c’est une remise en cause de la structure de la Sécurité sociale. Cela vise uniquement à rééquilibrer les comptes, au mépris des spécificités des branches Depuis la mise en cause de l’universalité des prestations familiales sous le quinquennat Hollande, les excédents réalisés sur la branche famille sont utilisés pour compenser les déficits de la branche maladie, entretenus notamment par les exonérations de cotisations sociales des entreprises. La prise en charge par la branche famille des indemnités journalières maternité postnatales tendra à déconnecter le rétablissement des soins de la branche maladie. Demain, le gouvernement pourrait déconnecter le financement des risques sociaux pris en charge par la Sécurité sociale en s’appuyant sur ces mesures.
La branche famille est en excédent depuis 2018, sauf en 2020. Elle présenterait des excédents cumulés importants au cours des années futures. Le pouvoir veut limiter les dépenses de la politique familiale afin de concentrer l’attention sur les dépenses d’assurance maladie entrant dans le champ de l’ONDAM, qui déterminent l’évolution de son solde. Le PLFSS propose que les ressources et les dépenses des branches correspondent à leurs missions au sens étroit du terme. Il modifie la répartition de la charge financière du risque maternité en contestant la pertinence du financement par la CNAM de la totalité des dépenses d’indemnités journalières maternité. Il considère que l’objet de ces dépenses n’est pas seulement de couvrir les frais et risques de santé spécifiques liés à la maternité, mais aussi de permettre aux familles de se préparer et d’accompagner l’accueil de l’enfant à sa naissance ou son adoption. Les indemnités journalières – maternité ne sont pas aujourd’hui comprises dans l’ONDAM, contrairement aux indemnités journalières d’assurance maladie ou aux frais de santé relevant du risque maternité. Les indemnités journalières versées pour le congé paternité sont, elles, déjà financées par la branche famille. Il est proposé de transférer à la CNAF la prise en charge financière des indemnités journalières pour le congé maternité correspondant à la période post-natale. Le transfert à la CNAF des indemnités journalières postnatales représente 2 milliards d’euros en 2023.Ce transfert prend la forme d’un remboursement par la CNAF à la CNAM. En réalité ce passage fait éclater et réduit la politique familiale. Le but véritable est de sembler résoudre le déficit de la branche maladie. Cet article prévoit aussi la compensation par la TVA et non par le budget de l’État à la branche maladie pour la baisse des cotisations des travailleurs indépendants (loi du16 /08/2022 portant sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat).
La branche perte d’autonomie au pain sec
Concernant les établissements et services pour les personnes âgées, le PLFSS annonce une progression des dépenses de 5,1 % et de 5,2 % pour les établissements des personnes handicapées.
Recrutement de 3 000 infirmiers et aides-soignants dans les EHPAD, ce qui est très faible et ne suffira pas à renforcer les effectifs des EHPAD. Ce serait la première étape d’un plan qui vise à 50 000 recrutements supplémentaires d’ici 2027, 170 millions pour 2023, auxquels s’ajouteront 4 000 places additionnelles dans les services d’aide à domicile. Ce qui est largement insuffisant par rapport aux besoins estimés notamment pour atteindre un encadrement d’1 personnel pour 1 résident. 170 millions d’euros pour recruter dans les EHPAD représente un demi-poste de plus dans les 7.000 EHPAD de France.
2 heures supplémentaires de vie sociale pour des personnes âgées. Il s’agirait de prévenir la perte d’autonomie et « renforcer l’attractivité » des métiers d’aides à domicile. La mesure devrait toucher 780.000 personnes mais n’entrerait pas en vigueur avant 2024 car l’exécutif doit discuter de ses modalités de mise en œuvre avec les départements.
Maigre rallonge budgétaire pour les EPHAD. Pour le secteur associatif, le PLFSS promet de financer des augmentations pour les salariés des établissements, de tenir compte de l’augmentation du point d’indice dans la fonction publique (3,5 %). Inquiets des effets de l’inflation sur les factures d’énergies et prestations des services, les établissements du secteur médico-social ont obtenu une faible rallonge pour amortir le choc. Le gouvernement s’est aussi engagé à faire bénéficier les EHPAD du « bouclier » dont bénéficient les particuliers pour ne pas subir de plein fouet la hausse des prix de l’énergie.
Le PLFSS 2023 prévoit des mesures pour encadrer le fonctionnement des EHPAD, sous le feu des critiques révèlées par l’ouvrage de Victor Castanet Les Fossoyeurs. Il prétend tirer les leçons de l’affaire Orpéa mais sans moyens réels. Ce livre accuse le groupe de maisons de retraite Orpéa d’avoir un mode de gestion débouchant sur le mauvais traitement de personnes âgées et de capter de l’argent public à son profit, au détriment de ses pensionnaires. Le PLFSS prévoit notamment de :
- renforcer les pouvoirs d’inspection de l’Inspection générale des affaires sociales ;
- renforcer la transparence du modèle économique des opérateurs d’EHPAD en exigeant la communication d’un certain nombre de données liées à leur mode de fonctionnement.
- La vraie question, c’est quelles créations de postes, avec quel salaire et quelles conditions de travail. Nous réclamons 100 000 postes pour sortir de la culture du fric contre les âgés, pour un service public du grand âge.
Branche accident du travail – maladies professionnelles (ATMP) : une politique rétrograde, la prévention sacrifiée
L’article 40 prévoit seulement une amélioration de la réparation des ATMP des non-salariés agricoles pluriactifs. Il ouvre la possibilité d’accorder une rente ATEXA à partir de 30 % d’incapacité permanente partielle aux non-salariés agricoles autres que les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. Alors que la Cour des comptes avait souligné que le secteur médico-social se caractérise par un nombre de journées de travail perdues du fait d’ATMP trois fois supérieurs à la moyenne constatée pour l’ensemble des secteurs d’activité en France. Ce PLFSS appelle vaguement à faire de la prévention des risques professionnels une priorité de la gestion des ressources humaines dans le secteur médico-social.