Prix de l’énergie, causes et issues

Jean-Marc DURAND
membre du conseil national - PCF

Introduction à l’assemblée citoyenne organisée le 25 novembre à Maquens à l’invitation de la fédération de l’Aude du PCF

Tout d’abord, aborder la question du prix de l’énergie, même s’il s’agira ce soir essentiellement de l’énergie électrique, renvoie absolument à la crise énergétique en cours qui elle-même renvoie à la crise globale de système, tant l’énergie électrique est au cœur du développement des sociétés.

La crise énergétique s’additionne et amplifie, s’interconnecte aux autres crises : crise sanitaire dont, bien que le Covid fasse moins de dégâts, on n’est pas sorti, crise écologique, crise sociale, crise économique, crise financière, crise démocratique…

L’énergie et son prix ne sont pas neutres si on observe les choix inflationnistes faits par les milieux financiers et qui se traduisent par une inflation globale et galopante. Son taux sera certainement plus près des 8 % en fin d’année 2022 que des 6 %, ce qui pénalise de nombreux ménages et conduit à un accroissement de la pauvreté dans notre pays.

  • L’augmentation du prix de l’énergie électrique est d’une part une cause de l’augmentation générale des prix. Car de l’énergie électrique, il y en a dans tout ou presque. Dans les services publics comme ceux de la santé, de l’éducation, de la culture… dans le fonctionnement des collectivités locales comme dans celui des entreprises. Les unes répercutent cette augmentation en réduisant leurs offres de services, les autres en augmentant leur prix de vente ou alors en réduisant leur production et en licenciant, voire aussi en délocalisant des productions …
  • L’augmentation du prix de l’énergie électrique est aussi la conséquence de l’application de dogmes libéraux poussés ces dernières années à une sorte de paroxysme. Le choix des dirigeants européens représentant la caste capitaliste à la manœuvre en Europe, dans le monde et en France, ont fait de l’énergie électrique un pseudo-marché. Son prix n’est en effet pas fixé en fonction de son coût de production mais sur l’énergie électrique la plus chère produite. La référence retenue est, en matière de fixation du prix de l’électricité, le prix de celle qui est produite par la dernière centrale à gaz installée. Et chacun sait que le gaz est, lui, soumis à la spéculation (comme le pétrole d’ailleurs). C’est ce qui est appelé le « coût marginal » de l’énergie sur le marché européen.

Une casse organisée ?

Et cela s’est traduit en France, où historiquement se produisait et se vendait l’électricité la moins chère, par des choix terribles, tous validés et assumés par Sarkozy, Hollande et Macron. Par exemple, le mécanisme de l’ARENH, qui oblige EDF à vendre à ses concurrents 25 % de sa production électrique nucléaire à prix coûtant, soit 63 euros. Et EDF doit ensuite racheter cette électricité à ces mêmes concurrents pour satisfaire ses propres clients à des montant oscillant entre 300 à 380 euros le mégawatt. C’est aussi la suppression du TRV (tarif réglementé de vente) pour les collectivités locales, sauf pour les plus petites d’entre elles (moins de 2 millions de budget et moins de 10 salariés). Cette suppression du TRV a aussi concerné les hôpitaux. Les grandes entreprises se sont elles aussi lancées sur le marché pour acheter leur électricité, pour certaines en croyant faire des affaires, abandonnant en tout ou partie EDF. Enfin, ça a été l’obligation faite à EDF du rachat de la production d’électricité des ENR, c’est-à-dire de l’électricité produite par l’éolien et/ou le photovoltaïque. Par exemple, la Compagnie nationale du Rhône qui possède d’énormes parcs éoliens, voire aussi Total qui s’est lancé dans les énergies vertes, et un tas d’autres producteurs rapaces. Le jackpot de ces producteurs/revendeurs est si important – c’est le titre d’un article paru dans le journal les Echos à ce propos – que la CRE (commission de régulation du prix de l’énergie) va récupérer 32,7 milliards d’euros qu’elle reversera à l’Etat au titre des mégawatts verts vendus. Cela résulte d’un prix de vente de l’électricité par les entreprises ENR à EDF devenu très supérieur au prix garanti par l’Etat (la CRE) et qui se situe entre 91 euros et 151 euros ; ce chiffre pouvant aller jusqu’à 501 euros le mégawatt pour la production des petites unités.

Le fait que 32,7 milliards d’euros seront reversés à l’Etat sur les profits réalisés par les ENR françaises, essentiellement de l’éolien d’ailleurs, montre le niveau des profits réalisés par ces entreprises. Au passage, n’est-il pas légitime de s’interroger sur les manigances qui ont dû voir le jour lors de l’attribution des autorisations de production aux ENR sur le territoire national ! Et surtout lors de la décision européenne d’indexation du prix du mégawatt électrique sur celui produit par la dernière centrale à gaz installée ! 

Pour en arriver là, il a fallu s’ingénier à montrer et à démontrer que la production française était dangereuse avec le nucléaire, et finalement pas efficace. La pénurie a ainsi été sciemment orchestrée en France. Cela a commencé par la mise à mort de Super Phénix (surgénérateur) et s’est conclu momentanément par l’arrêt d’Astrid (réacteur de 4ème génération qui brûle 99 % du combustible uranium au lieu de seulement 1,3 % avec les réacteurs actuels). Une technologie que la Russie développe, ayant déjà installé un réacteur de ce type qui fonctionne sur son territoire et deux en Chine en voie de mise en route. Entre-temps on a connu l’arrêt de Fessenheim qui a contribué à faire perde une production de 1 800 mégawatts. Ajoutés au non-entretien de nos centrales, au temps perdu pour mettre en route Flamanville du fait du manque de main d’œuvre qualifiée, par exemple de soudeurs – on a dû en faire venir une centaine des Etats-Unis dernièrement – et on a le tableau d’une casse organisée… Bref, la production française a été amputée ces dernières années de quelques 12 700 mégawatts…. Une paille en somme !

Résultats :

  1. EDF qui vendait de l’électricité est maintenant obligée d’en acheter.
  2. Explosion du prix de l’électricité pour les collectivités locales, les services publics, les entreprises et les citoyens qui, au bout de la chaîne prennent tout en pleine figure, y compris en supportant les aides fiscales du bouclier tarifaire qui va coûter en 2023 46 milliards à l’État, (somme qui représente la moitié de la charge totale due à l’augmentation du prix de l’électricité).
  3. Une perte énorme de compétences et de savoir-faire du fait des choix successifs de nos gouvernants sous la coupe de quelques lobbies et malheureusement d’une partie de la gauche, dont les Verts et aussi le PS, qui s’est convertie à l’écologie punitive pour accompagner son virage néolibéral. Au fond, il y avait une vraie campagne et une certaine volonté d’abandonner le nucléaire en France. Donc à quoi bon entretenir notre parc ? À quoi bon investir dans la recherche et de nouveaux réacteurs ?

Aujourd’hui, ce sont des services publics amputés ou fermés. Le MEDEF lui-même craint la fermeture de 150 000 entreprises (Jacob Delafon, William Saurin…), des citoyens.ennes qui ne pourront plus se chauffer… Macron opère un virage sur les chapeaux de roue, n’hésitant pas à se renier (projets d’EPR, rachat de Général Electric…).

Quelles réponses ?

Elles sont de deux ordres : immédiates et de court terme, et de moyen et long terme.

Immédiates et de court terme : passer la TVA à 5,5 % sur la consommation, réinstaller le TRV pour les collectivités locales et permettre aux entreprises qui avaient électriquement vagabondées de revenir à Edf. (Un vote de l’Assemblée nationale suffit, il faut simplement proposer une loi en ce sens). Il s’agit ensuite de sortir du marché européen de l’électricité, de supprimer l’ARENH et l’obligation d’achat de l’électricité des entreprises ENR. Cela peut se régler dans l’année qui va s’ouvrir.

Moyen et long terme : créer et installer un pôle public de l’énergie avec EDF, Engie et Total à nationaliser. Il y a urgence en ce domaine d’une nouvelle maîtrise publique et sociale. Il s’agit dans le même mouvement de créer des emplois formés et qualifiés pour reconstruire des savoir-faire, faire émerger de nouvelles compétences. Dans ce grand service public, il s’agit d’accorder une large part au développement de la recherche pour toujours plus de sécurité, toujours plus d’innovation et pour un mix énergétique mais en gestion publique ! Cela passe par des pouvoirs d’intervention des salariés dans les choix de gestion (contrôle, investissements, orientation et contenu des projets, finalité et utilisation de l’électricité produite). Enfin il y a un vrai enjeu à travailler à la découverte de nouvelles sources de production d’énergie, notamment électrique car la consommation d’électricité va croître de façon importante dans les prochaines années. C’est le projet Iter, c’est la remise en route d’Astrid (4ème génération), c’est la recherche pour le stockage…

Et, bien sûr, tout cela coûte de l’argent et cet argent, où le trouver de façon aussi massive ? Certes, il y a l’argent public qui doit être mieux utilisé, notamment en revenant sur les politiques d’allègements fiscaux aux entreprises et en engageant une réforme profonde de la fiscalité, particulièrement celle des entreprises et des revenus du capital, mais il y a aussi et surtout, pourrait-on dire, le recours à l’argent des banques c’est-à-dire au crédit avec une autre politique du crédit qui passe par un pôle public bancaire et financier, fonds national et fonds régionaux pour l’emploi et la formation, et un fonds adossé à la BCE pour financer le développement des services publics.

C’est en particulier l’objet de la campagne sur l’énergie lancée par le PCF.