Télécharger l’appel en format .pdf avec la liste de tous les signataires à la date du 13 mars 2023
En 2019, nous avions lancé un appel pour le rejet de la première tentative de réforme de retraites annoncé par Emmanuel Macron, et pour des propositions alternatives. Après une puissante mobilisation sociale, Emmanuel Macron avait dû reculer, au moment où la pandémie du covid19 se déclarait. Il revient à la charge avec, cette fois, une réforme « paramétrique » : un âge légal minimum de départ porté de 62 à 64 ans et une accélération de la hausse du nombre de trimestres nécessaires pour avoir une retraite à taux plein (l’équivalent de 42 années aujourd’hui, de 43 ans dans quelques années). Il y aura aussi de nouvelles modalités pour les « carrières longues » et « super-longues », ainsi, prétend le gouvernement, qu’un relèvement du minimum de pension.
Une écrasante majorité des habitant.e.s de ce pays est opposée à ce projet.
Nous refusons aussi le statu quo, car notre système de retraites par répartition a besoin d’une réforme de progrès social et sociétal. Il doit être amélioré. Et c’est possible.
L’allongement de la durée de la vie, pouvoir disposer d’un temps de retraite en bonne santé, pouvoir vivre longtemps avec une retraite convenable pour subvenir à ses besoins y compris au grand âge sont des défis de civilisation auxquels notre société doit répondre positivement.
Nous affirmons que l’on peut améliorer le système de retraite, abaisser l’âge de départ et le sécuriser aussi bien pour la jeunesse que pour les autres. Il est possible et nécessaire de mettre en œuvre une réforme de progrès social et de progrès de civilisation. Mais, après le « quoiqu’il en coûte », Emmanuel Macron, Élisabeth Borne et Bruno Le Maire veulent une austérité renforcée afin de dégager de l’argent public pour soutenir le capital qui exige toujours plus de rentabilité.
Nous récusons l’argument du pouvoir macronien qui prétend que pour sauver le financement du système et produire plus de richesses « il faut travailler plus longtemps ». En réalité, il ne propose pas de fournir globalement plus de travail. Il y a pourtant 6 millions de chômeurs dans notre pays et d’immenses besoins insatisfaits de biens et de services, publics notamment. Il ne propose pas non plus un travail et un emploi de meilleure qualité ― donc plus efficace ― en développant la formation, en diminuant le temps de travail, ni d’instaurer une véritable démocratie sociale. Ce devrait pourtant être cela les priorités pour consolider et développer le système de retraites par répartition !
La retraite, période où chacune et chacun le temps venu exerce une activité libre en continuant à percevoir une rémunération, issue de l’ensemble des richesses créées par celles et ceux qui travaillent, est un apport inestimable à la société. Plus que jamais, nous affirmons que son développement est possible !
Nous considérons qu’il est de notre responsabilité, de syndicaliste, d’intellectuel.le, de citoyen.ne, de responsable associatif, de responsable politique, d’élu.e, de mettre en débat, à l’appui des mobilisations, un certain nombre de principes pour une telle réforme de progrès. Tous les citoyens doivent pouvoir participer au débat sur des alternatives de progrès.
Il faut dépenser plus pour les retraites. C’est souhaitable. C’est possible. Le financement est la bataille centrale. Notre société est riche. Elle produira 1,6 fois plus en 2040 qu’en 2020. C’est un progrès plus rapide que celui prévu du nombre de retraités rapportés aux actifs. Mais un tout autre type de croissance et de développement est nécessaire.
Il existe en outre un potentiel de développement sain des richesses, écologique et social, mais il est contrecarré, voire perverti. Il faut changer profondément la production et développer l’emploi pour engager sa véritable transformation sociale et écologique. Le système des retraites doit responsabiliser les entreprises dans ce sens, c’est cela qui le sécuriserait fondamentalement.
L’obstacle majeur à tout cela c’est le capital, particulièrement le grand capital financier, qui impose sa logique et sa voracité.
C’est pourquoi six axes de transformation nous semblent incontournables pour un système de retraite à la hauteur des défis du XXIe siècle.
- Faire contribuer les revenus financiers du capital : ceux que perçoivent les entreprises et les banques (dividendes, intérêts, royalties, etc.) pour désintoxiquer l’économie de la finance ; mais aussi mieux faire contribuer les revenus du capital des ménages. Une cotisation spécifique pourrait être envisagée.
- Entrer dans une autre relation avec les entreprises pour conforter la cotisation sociale, avec par exemple un système de modulation du taux de cotisation patronale pour développer l’emploi, les salaires et les qualifications, base saine de l’activité et de la production de richesses, afin d’accroître durablement la masse de cotisation et changer nos modes de développement. Par exemple, les entreprises qui taillent dans l’emploi, les salaires, font appel aux emplois précaires et n’appliquent pas l’égalité salariale femme-homme pourraient être pénalisées. Celles qui veulent progresser en s’appuyant sur les capacités des femmes et des hommes par le développement de l’emploi, de la formation et des salaires seraient ainsi favorisées. Cela pour augmenter la masse globale des cotisations. Il ne doit pas s’agir d’un « jeu à somme nulle ».
- Il faut aussi réexaminer tous les dispositifs d’exonérations de cotisations sociales patronales (plus de 75 milliards d’euros), qui encouragent les bas salaires, bénéficient surtout aux plus grandes entreprises et déstabilisent le financement du système.
- Services publics, institutions et dispositifs de sécurisation. Il faut développer de nouveaux services publics du troisième âge et de la prise en charge du quatrième âge et de la perte d’autonomie, instaurer des dispositifs qui sécurisent l’emploi des séniors d’âge actif, alors que la moitié d’entre eux est actuellement hors emploi, alléger leur peine et organiser des départs progressifs d’emploi au bénéfice des plus jeunes. Plus généralement il faut sécuriser et promouvoir toutes les carrières, avec des dispositifs ambitieux pour l’accès des femmes et des jeunes à l’emploi de qualité, et prendre en compte les périodes de formation. Enfin, il faut favoriser l’émergence et le déploiement rapide des nouveaux métiers indispensables à une transition écologique réussie, accompagner les activités qui doivent se réinventer ainsi que la reconversion des salariés des secteurs qui devront nécessairement décroître ou se transformer profondément.
- Démocratie. La démocratie doit être remise au centre du système de retraites par répartition pour que les intéressés eux-mêmes maîtrisent la gestion d’un système devenu, au fil du temps et des contre-réformes, de plus en plus autoritaire et technocratique.
- Unification. Unifier le système vers le haut en élargissant les avancées sociales des régimes spéciaux et particuliers de retraite à l’ensemble des métiers et salariés d’une branche, au regard notamment de la pénibilité du travail. Etendre par exemple à l’ensemble des conducteurs routiers de voyageurs et de marchandises le régime spécial des conducteurs de la SNCF ou de la RATP. Les principes doivent être ceux de la répartition, un départ à 60 ans, avec un taux plein, la prise en compte des meilleures années de salaire, en tenant compte des différences réelles de carrière entre public et privé, la prise en compte des années d’études, un départ avant 60 ans à taux plein lié à la pénibilité ou pour ceux qui commencent à travailler tôt, améliorer la retraite minimale, la situation des femmes, des précaires et ne pas dégrader celles des familles, appliquer le même décompte des annuités pour enfants dans le public (2 trimestres) que dans le privé (8 trimestres).
En parallèle, le système serait grandement conforté par des dispositifs communs de sécurisation des systèmes de retraite en Europe et de leur promotion, au lieu de les mettre en concurrence et d’appliquer les GOPE (grandes orientations de politique économique) rétrogrades de l’Union européenne définies en réalité par les gouvernements. La BCE pourrait financer un fonds d’appui aux retraites en Europe. Une clause de non-régression sociale pourrait être adoptée. Une conférence européenne sur les retraites pourrait être organisée en ce sens.
La nécessaire discussion de ces six questions comme axes d’une réforme de progrès n’exclut pas la nécessité d’ouvrir le débat plus général pour mettre l’emploi, l’écologie et la lutte contre les inégalités au cœur de la politique économique, pour une autre efficacité sociale, écologique et économique, contre l’austérité et pour un dépassement de cette société capitaliste, hyper-marchande, de concurrence et anti-écologique.
Le débat doit avoir lieu. La politique ne doit pas se faire « à côté des contenus ». Nous attendons des partis et forces politiques la formulation de propositions cohérentes. Qu’ils ne se contentent pas d’affirmer des objectifs sociaux, souvent louables, sans dire comment les atteindre, avec quels moyens et quels pouvoirs démocratiques. Nous sommes disponibles pour une mise au travail dès à présent.
Je signe cet appel
Premiers signataires
BACHET Daniel (Sociologue, Professeur, Université d’Evry-Paris-Saclay)
BENECH Coralie (Professeure d’EPS, co-secrétaire générale du SNEP-FSU)
BIARNAIX-ROCHE Véronique (Syndicaliste, Présidente du groupe CFE-CGC au CESE)
BINET Sophie (Syndicaliste, secrétaire générale de l’UGICT-CGT)
BOCCARA Frédéric (Economiste, membre honoraire du CESE, Membre du CEN du PCF)
CAILLETAUD Marie-Claire (Syndicaliste, Présidente du groupe CGT au CESE)
CAILLAUD-CROIZAT Pierre (Syndicaliste, petit-fils d’Ambroise Croizat)
CANON Jean-Marc (Syndicaliste, CGT Fonction publique)
CHAMPION Colin (Président de la Voix Lycéenne, syndicat lycéen)
CLAVEIROLE Cécile ( activiste environnementale, membre du CESE)
COMPAIN Florent (Membre du CESE)
CORVEE Chloé (Présidente nationale de la JOC, jeunesse ouvrière chrétienne)
DAVID Guislaine (Professeure des écoles, co-secrétaire générale du SNUIPP-FSU)
DEFFONTAINES Léon (Mouvement jeunes communistes)
DELECOURT Christophe (Syndicaliste, UFSE-CGT)
DERIGNY Alexandre (Secrétaire général fédération des Finances CGT)
DIMICOLI Yves (Economiste, Ancien membre du CAE (Conseil d’analyse économique)
DOMIN Jean-Paul (Economiste, Professeur, Université de Reims)
DRU Alain (Syndicaliste, membre du CESE, CGT)
DURAND Denis (Economiste co-directeur, Economie & Politique)
DURAND Jean-Louis (Chercheur INREA, syndicaliste, CGT)
DURAND Jean-Marc (Economiste, Inspecteur finances publiques, CN PCF)
FRAJERMAN Laurent (Socio-historien, agrégé d’histoire, CERLIS Université Paris-Cité)
GARCIA Benoît (Economiste, Syndicaliste CGT, Vice-président du CESE)
GATET Antoine (Responsable associatif, membre du CESE)
GERARDIN Sigrid (Professeur enseignement professionnel, co-secrétaire générale du SNUEP-FSU)
GORI Roland (Psychanalyste et écrivain, Professeur honoraire des universités)
GROISON Bernadette (Syndicaliste, membre du CESE, représentante FSU)
HENNEGUELLE Anaïs (Economiste atterrée, Maîtresse de conférences, université Rennes 2)
JALLAMION Michel (Convergence services publics)
KIRAT Thierry (Economiste, CNRS)
KRASUCKI Pierre (Syndicaliste, CGT)
LAVALLEE Ivan (Professeur des universités, Informatique)
LE BOULER Hervé (Militant Ecologiste Forestier,Membre honoraire du CESE)
LE RESTE Didier (Syndicaliste Cheminot)
LEFEVRE Cécile (Sociologue, Professeure des Universités, Paris-Cité)
LEFLON Michèle (Militante associative hôpital, Médecin)
LIMOUSIN Michel (Médecin)
LUCAS Yvette (Sociologue, Directrice de recherche honoraire CNRS)
MANSOURI-GUILANI Nasser (Economiste, Syndicaliste)
MARTINIE-COUSTY Elodie (Présidente d’une association environnementale et membre du CESE)
MAYOL Pascal (Ingénieur écologue, militant associatif, membre du CESE)
MILLS Catherine (Economiste, Maître conf., Paris 1 – Panthéon-Sorbonne)
MONTANGON Maryse (Syndicaliste Technicienne de laboratoire Hôpital)
MORIN Alain (Economiste)
OUELHADJ Imane (étudiante, Présidente de l’UNEF)
ORAIN Marie-Noëlle (Syndicaliste Paysan, membre du CESE, représentante de la Confédération paysanne)
PASQUIER Jacques (Syndicaliste paysan, membre honoraire du CESE pour la Confédération paysanne)
PERRET Gilles (Réalisateur)
RAUCH Frédéric (Economiste)
RAUD Léna (étudiante, secrétaire nationale de l’UEC)
ANNE Roger (Maîtresse de conférences, Secrétaire générale du Snesup-FSU)
STAELEN Erick (Syndicaliste FSU)
TEJAS Patricia (Syndicaliste, CGT)
TERNANT Evelyne (Professeure d’économie et gestion retraitée)
TESTE Benoît (Syndicaliste FSU, Professeur d’histoire et géographie)
TALBOT Baptiste (Syndicaliste, CGT Fonction publique)
VENETITAY Sophie (Professeure, secrétaire générale du SNES-FSU)
VERZELETTI Céline (Syndicaliste- UFSE-CGT)