Catherine Mills
Le système européen de statistiques intégrées de la protection sociale, SESPROS, mis en œuvre par Eurostat, concernant l’ensemble des pays de l’Union européenne, peut nous permettre de comparer les dépenses de protection sociale à caractère solidaire et d’en tirer des leçons pour construire une véritable Europe sociale.
Cela couvre l’ensemble des risques sociaux : maladie, invalidité, vieillesse-survie, famille, emploi, logement et pauvreté-exclusion sociale.[1]
L’ampleur des dépenses
Les prestations de protection sociale représentent en 2021 dans l’UE-27 : 29,0 % du PIB, avec des différences marquées entre les pays, et 30,1 % dans l’UE-14 (pays entrés dans l’UE avant 2004). La France occupe la première position avec 33,3 % du PIB soit 834 milliards euros. Cette part est seulement de 20,3 % en moyenne dans les 13 pays membres entrés dans l’UE à partir de 2004 (NM-13).
Les prestations en parité de pouvoir d’achat (PPA) représentent le supplément de revenu moyen par habitant, en tenant compte des différences de niveau de prix entre les pays. La France en 2021 se place seulement en 8ème position avec 12 300 euros PPA, pour 10 200 euros en moyenne dans l’UE. Les prestations s’élèvent à 11 600 euros PPA par habitant dans l’UE-14 et 5 400 euros PPA par habitant dans les 13 nouveaux pays membres (NM-13),
L’Autriche occupe la deuxième place en part du PIB (31,8 %) après la France. Mais avec 14 500 euros PPA par habitant, elle est bien au-dessus de la France. L’Allemagne se situe à la troisième place en part du PIB consacrée aux prestations sociales (31,0 %) , tandis les prestations en euros et parités de PPA s’élèvent à 14 200 euros PPA par habitant, à un niveau nettement plus élevé qu’en France, le niveau des prix y étant alors plus favorable. Le Luxembourg, l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, la Suède, la France et la Finlande versent les montants de prestations par habitant les plus élevés, dépassant 12 000 euros. Dans les pays du sud de l’UE et en Irlande, les prestations en euros PPA par habitant sont inférieurs à la moyenne de l’UE-14. C’est aussi le cas en part du PIB, sauf en Italie (31,5 % du PIB).
Graphique 1 . Prestations de protection sociale en Europe en 2021
Source.Eurostat Sespros. Drees-social,2022, La protection sociale en France et en Europe en 2021 graphique1, fiche 14p.109.
Les prestations sociales représentent 95 % de l’ensemble des dépenses de protection sociale dans l’UE en 2020, et 92 % en France. À cela s’ajoutent les dépenses de gestion des systèmes de protection sociale.
La croissance des prestations sociales dans l’UE. En 2019, elle s’échelonnait entre +1,1 % en Hongrie et+ 6,5 % en Estonie. En 2020 avec la crise du Covid-19, les prestations sociales dans l’UE-27 ont fortement augmenté (+8,3 %) du fait notamment d’une forte croissance des dépenses maladie et emploi. En Allemagne, cette évolution est de+7,4 %, alors qu’entre 2010 et 2019, les prestations sociales s’étaient accu en moyenne de 3,5 % par an. En 2021, avec la sortie progressive de cette crise, les dépenses continuent d’augmenter, mais de façon moins marquée (+3 % dans l’UE-27), +3,4 % en Allemagne. La Lettonie, la Bulgarie, la Croatie enregistrent une hausse plus forte en 2021, en raison de dépenses maladie plus élevées liées à des vagues épidémiques plus importantes dans les pays de l’Est..
La structure des prestations sociales : 74 % des prestations pour le risque vieillesse et le risque maladie.
Graphique 2. Structure des prestations par risque en 2021, en % du total des prestations
Source Eurostat , Sespros, Drees social 2022 La protection sociale en France et en Europe en 2021, p.112.
La fonction vieillesse-survie est la plus importante en proportion de l’ensemble des prestations sociales dans l’UE-27 : 44 % en 2020. La fonction santé représente en moyenne 30 % du total des prestations dans l’UE-27. Tandis que la part des autres risques (famille, invalidité, emploi, logement et pauvreté-exclusion sociale) en 2021 est de 25 % de l’ensemble des prestations, un niveau nettement plus faible et variable d’un pays à l’autre.
Le financement de la protection sociale
Le financement de la protection sociale est lié à l’histoire des systèmes de protection sociale de chaque pays. Les écarts de structures de financement de la protection sociale entre pays renvoient au mode de financement des différents risques et à leur part relative dans le total des prestations. La distinction historique classique entre les systèmes de protection sociale est toujours présente. D’une part, les systèmes bismarckiens, de type Sécurité sociale en France ou assurances sociales en Allemagne, dans lesquels les cotisations prédominent (France, Autriche, Allemagne, Pays-Bas, etc.). D’autre part, les systèmes beveridgiens, de nature assistancielle, où les contributions publiques sont prépondérantes (Danemark, Irlande, Suède).
En 2020, les cotisations sociales représentent 54 % du financement de la protection sociale dans l’UE-27. Cette part varie fortement d’un pays à l’autre, de 21 % au Danemark à 72 % en Estonie, avec 52 % en France et 65 % en Allemagne. En France, le financement a évolué depuis 2018 avec la suppression des cotisations salariales maladie et chômage, remplacées par une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Il s’agit d’une contribution publique sur les revenus qui inclut très partiellement les revenus financiers des ménages. Les 13 nouveaux-membres (NM-13) sont caractérisés par un poids moyen des cotisations sociales plus élevé que dans l’UE-14. Signalons toutefois que dans ces pays, la part du privé est nettement plus importante. Dans l’UE-27, en 2020, les cotisations à la charge des employeurs (34 %) sont supérieures à celles à la charge des personnes protégées (20 % du total des ressources). En pourcentage des cotisations sociales, les cotisations employeurs sont de 63 % et les cotisations salariés de 37 %. La part des cotisations employeurs dépasse 40 % en Espagne et n’est que de 12 % au Danemark. La part des cotisations à la charge des personnes protégées s’échelonne entre 9 % au Danemark et 30 % en Allemagne, 33 % en Hongrie.
Les prestations du risque vieillesse-survie dans l’UE sont le premier des risques sociaux par leur importance financière, elles sont généralement liées aux revenus d’activité passés et financées par des cotisations sociales (sauf au Danemark, où les pensions publiques de base sont forfaitaires). Le financement des prestations famille est de plus en plus assuré par des contributions publiques, sauf en France et en Suède où le financement par cotisations sociales demeure majoritaire. Le financement du risque maladie, deuxième risque en proportion des prestations sociales, repose principalement sur les contributions publiques en Suède et au Danemark et sur les cotisations sociales en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne, en France.
Les structures de financement évoluent vers une baisse de la part des cotisations employeurs depuis les années 2000 et un accroissement de la part des contributions publiques, dans la quasi-totalité des pays de l’UE, dans une volonté de réduire le coût du travail, y compris les cotisations salariales.
Entre 2000 et 2019, dans l’UE-27, le poids des contributions publiques a augmenté en moyenne de 0,3 point de pourcentage (pp) par an, tandis que celui des cotisations employeurs diminuait de 0,2 pp par an en moyenne. Cette baisse est plus importante au sein des NM-13 (-0,4 pp par an) que dans l’UE-14 (-0,2 pp par an). Parmi ceux-ci, les diminutions les plus fortes ont eu lieu en France, en Espagne et en Belgique (- 0,5 pp par an dans les trois cas). La baisse de la part des cotisations employeurs s’explique notamment par la baisse du taux d’emploi et la contraction de l’assiette des cotisations, comme en Espagne et en Italie. La hausse de la part des contributions publiques est de+0,8 pp par an au Danemark. En France, les contributions publiques compensent une partie des exonérations de cotisations sociales employeurs ; en 2018, les cotisations salariales du risque maladie ont été supprimées au profit d’une hausse de la CSG portant sur les seuls revenus des ménages. En 2010, les impôts et taxes affectés représentaient 48 % des ressources, en 2020, 63 % des ressources. En 2020, la crise du Covid- 19 a entraîné une hausse de la part des contributions publiques pour financer les mesures exceptionnelles. Cette hausse est de +1,7 point de pourcentage (pp) en Allemagne, +2,5 pp en France, +6 pp en Italie et en Espagne.
Graphique 3, Structure des ressources de la protection sociale en Europe en 2020. En% du total des ressources
Source Eurostat, Sespros.Drees social, 2022, La protection sociale en France et en Europe, en 2021. Fiche 15 ,P. 117
Les dépenses du risque maladie en 2021
En part du PIB, elles représentent 11,0 % en Allemagne et 10,2 % en France et aux Pays-Bas, 8,8 % en moyenne dans l’UE-27 et 9,2 % dans l’ UE-14. En revanche, cette part est moindre en Irlande (5,5 %), au Luxembourg (5,7 %) et dans les NM-13, 5,8 %.
La part de la fonction santé en pourcentage de l’ensemble des prestations sociales varie entre 23 % en Italie, en Finlande ou au Danemark et 41 % en Irlande. Cette part est de 35 % en Allemagne. En France, elle est de 31 %, (soit 256 milliards d’euros), un peu au-dessus de la moyenne de l’UE.
Les dépenses de santé comprennent les soins hospitaliers, les soins ambulatoires, les produits pharmaceutiques. Les prestations en nature dansl’UE-27 représentent plus de 85 % des prestations santé, 90 % en France financés par le service public de santé, pour seulement 10 % pour les prestations en espèces. Au sein des prestations en nature, dans l’UE, 47 % sont des soins avec hospitalisation, contre 43 % sans hospitalisation ; dans les pays de l’UE-14, c’est 41 % contre 42 %. Les prestations en espèces, notamment les indemnités de congés maladie ou accident sont destinées à compenser les revenus suspendus en raison d’une incapacité de travail temporaire. Cela représente15 % des prestations santé en moyenne dans les pays de l’UE- 27, 10 % en France et s’échelonne de 6 % en Italie à 22 % au Luxembourg.
Pour les prestations maladie en PPA, la France consacre en 2021 3 800 euros par habitant en parité de pouvoir d’achat (PPA), contre 3 100 euros en moyenne dans les pays de l’UE-27. Elle se situe au-dessus de la moyenne de l’UE-14 (3 500 euros PPA). C’est le Luxembourg qui consacre le montant par habitant le plus élevé des pays d’UE (5 550 euros PPA), devant l’Allemagne (4 950 euros PPA) et les Pays-Bas (4850 euros PPA).
Graphique4. Prestations du risque maladie en 2021
Source,Drees-social 2022, La protection sociale en France et en Europe en 2021 fiche 16,p.123
La forte progression des prestations maladie dans la crise sanitaire en 2020-2021
Elle est de +6,5 % en 2020 et +7,8 % en moyenne en 2021, dans l’UE-27, même si tous les pays n’ont pas réalisé les mêmes efforts.
Avant la crise sanitaire, entre 2010 et 2019, la croissance des dépenses maladie était relativement faible : + 2,8 % par an dans l’UE-27 et l’UE-14. En France, cette croissance s’établissait à +2,3 % par an en moyenne, avec des dépenses contraintes par les objectifs nationaux de progression des dépenses d’Assurance maladie (Ondam). En 2020, l’augmentation des prestations- maladie (+4,9 %) résulte de l’accroissement des dépenses du secteur public hospitalier, avec la hausse limitée des rémunérations des personnels soignants (primes Covid-19, majoration des heures supplémentaires, premières hausses de salaires liées au Ségur de la santé). Ainsi que la prise en charge des patients atteints du Covid- 19 (tests de dépistage, matériel de réanimation, équipements de protection : masques notamment). Et enfin la croissance des indemnités journalières versées en cas de maladie ou accidents professionnels.
La quasi- totalité des pays de l’UE sont marqués par des dépenses exceptionnelles, pour l’achat de masques, les tests de dépistage et équipements de protection, l’accès à la vaccination et l’augmentation des prestations liées à l’indemnisation des congés maladie. Dans18 pays de l’UE-27, celles-ci ont même augmenté davantage que l’ensemble des prestations du risque maladie. C’est le cas en moyenne dans l’UE-14 (+10 %), la France (+16 %), l’Espagne (+22 %), la Suède (+30 %), le Portugal (+31 %) ainsi que dans un grand nombre de pays parmi les NM-13 (+22 % en moyenne).
En 2021, s’ajoute la reprise des soins de ville et hospitaliers. C’est à Chypre (+27,4 %) et en Lituanie (+18,8 %) que les prestations maladie ont le plus progressé. En outre, la croissance des dépenses du secteur hospitalier n’est pas toujours le principal facteur de croissance des dépenses de santé, du fait d’une forte réduction du volume de soins et de la déprogrammation de soins non urgents, dans la crise sanitaire. La Hongrie est le seul pays présentant une forte augmentation des dépenses pour les soins avec hospitalisation (+30 %), la croissance moyenne pour les pays de l’UE-27 s’établit à +7 %, et +9 % en France. Tandis que la croissance moyenne des soins sans hospitalisation dans l’UE-27 s’élève à +4 %, elle se monte à +48 % à Chypre, +29, 4 % à Malte et +24 % en Bulgarie en 2020. En France, ces dépenses ont diminué de 1 %, avec un recul du recours aux soins de ville durant la crise sanitaire.
L’accélération de la hausse des prestations maladie en 2021 dans l’UE-27.
Seule la Lituanie voit ces prestations diminuer de -1,5 % en 2021, après+18,8 % en 2020. Les augmentations les plus importantes concernent la Lettonie (+37,9 %) et la Croatie (+15,2 %). En France, sous l’effet de la crise sanitaire, les prestations ont augmenté de 11,5 % en 2021. En Allemagne, l’augmentation est de +4,8 % en 2020 et de +5,2 % en 2021, elle est alors inférieure à la croissance française. La hausse des prestations santé reflète le renforcement dans l’UE de la campagne de vaccination, du dépistage, la relance des soins de ville et des soins hospitaliers.
Le risque vieillesse-survie constitue le principal poste de dépense de protection sociale dans l’UE
Il comprend principalement les pensions de retraite, dont les dispositifs de minimum vieillesse, et ceux favorisant l’autonomie des personnes âgées dépendantes. Le risque survie comprend les pensions de réversion versées à la suite du décès d’un conjoint. La fonction vieillesse-survie dépend des caractéristiques démographiques du pays et de l’importance du système de retraite. Dans l’UE-27, la part de cette fonction s’élève en moyenne à 44 % en 2020. En Irlande, la part de la fonction maladie (41 %) est plus élevée que celle de la fonction vieillesse-survie (30 %), car sa population est relativement plus jeune et le taux de remplacement des retraites parmi les plus bas d’UE. Les pays du sud de l’Europe (Italie, Espagne et Portugal) dans lesquels la part des prestations vieillesse-survie est la plus importante relativement allouent près de 50 % du total de leurs prestations. En Italie et au Portugal, les personnes âgées de 60 ans ou plus représentent nettement plus d’un quart de la population totale. La France consacre 43 % du total des prestations au risque vieillesse-survie (360 milliards d’euros) et se situe légèrement en dessous de la moyenne de l’UE. En Allemagne cette part s’élève à 37 % des dépenses de protection sociale.
En 2021, les prestations du risque vieillesse-survie représentent 13,2 % du PIB dans l’UE-14 et 12,8 % du PIB dans l’UE-27. L’Italie avec 17,6 % et l’Autriche 15,4 % présentent les niveaux de prestations en part du PIB les plus élevés. La France (14,4 %) est au troisième rang, avec une dépense supérieure à la moyenne, elle est suivie de la Finlande (13,8 %). Tandis que la moyenne des nouveaux membres de l’UE (NM- 13) est seulement de 9,4 %.
Graphique5. Prestations du risque vieillesse-survie en 2021
Source.Drees social 2022,La Protection sociale en France et en Europe . fiche 18, p.134
De 2010 à 2019, les prestations du risque vieillesse-survie ont progressé de 2,7 % par an en moyenne dans l’UE-14 et +2,8 % dans l’UE-27, dont +1,4 % par an en moyenne en Italie, +2,5 % en France comme au Portugal, légèrement en dessous de la moyenne de l’UE-27, +2,8 % aux Pays- Bas. Elles ont particulièrement augmenté en Estonie (+5,6 % par an), en Finlande (+5,1 % par an), en Lituanie (+4,9 % par an). L’augmentation du nombre de bénéficiaires du fait du vieillissement de la population est un facteur explicatif. Si le nombre de bénéficiaires de pensions a diminué entre 2010 et 2019, de 0,2 % par an en moyenne chez certains NM-13 et en Italie, il a augmenté dans d’autres pays (+3,8 % au Luxembourg). La plupart des pays qui présentent une croissance annuelle forte du nombre de bénéficiaires de pensions obtiennent des taux de croissance annuels moyens élevés des dépenses sur cette période. Soit +3,4 % au Luxembourg. À l’inverse, l’Italie conjugue croissance faible de ses prestations vieillesse- survie (+1,4 %) et diminution du nombre de bénéficiaires de pensions (-0,8 %).
Le relèvement progressif de l’âge légal ou effectif de départ à la retraite : toujours plus haut !
Il vise à contenir les dépenses, en réduisant le nombre et les droits des bénéficiaires en fonction de l’espérance de vie. L’âge légal de départ à la retraite est, en 2021, de 65 ans en Belgique, à Chypre, en Espagne, en Finlande, en Hongrie, au Luxembourg et en Slovénie ; il est plus élevé (entre 65 et 67 ans) en Allemagne, au Danemark, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas et au Portugal, et plus bas (entre 62 et 65 ans) en Bulgarie, Estonie, en France, en Lettonie, en Lituanie, à Malte, en Tchéquie, en Slovaquie. Beaucoup de pays programment de l’augmenter progressivement. En Italie, on atteindrait 69 ans et 9 mois d’ici à 2050. En Belgique, on prévoit de porter l’âge légal de départ à la retraite à 66 ans en 2025 (contre 65 ans aujourd’hui) et à 67 ans en 2030. Au Danemark, on atteindrait progressivement 69 ans en 2035. En Estonie, l’âge de départ à la retraite atteindrait 65 ans en 2025 (après 63 ans en 2016). La Lituanie prévoit un passage progressif à 65 ans pour l’âge de départ à la retraite en 2025.En revanche, on assiste à une revalorisation du minimum vieillesse, ainsi que dans certains NM-13, une forte augmentation de la retraite de base dès 2018.
Les prestations vieillesse-survie dépendent de la part de la population en âge d’être retraitée, du niveau du PIB et de l’effort consacré aux plus âgés. Ainsi, les niveaux élevés de prestations en Italie sont à rapprocher, d’une part, d’une population âgée de 65 ans ou plus supérieure à la moyenne de l’UE-27 (23,5 % en Italie, contre 20,8 % en moyenne dans l’UE). Et, d’autre part, d’un PIB par habitant inférieur à la moyenne. À l’inverse, les faibles niveaux des prestations par rapport au PIB : en Irlande (4,0 %), au Luxembourg (8,6 %), chez certains Nouveaux membres (14,6 % en Pologne) s’expliquent par la faible proportion de personnes âgées de 65 ans ou plus dans la population totale.
Le niveau des prestations servies rapporté à la population âgée de 65 ans ou plus et exprimé en parité de pouvoir d’achat (PPA), est parmi les plus faibles des pays de l’UE-14 au Portugal, en Irlande et en Espagne : moins de 21 000 euros PPA. Il est également inférieur à la moyenne des pays de l’UE-14 en Allemagne (23 400 euros PPA). Les pays de l’est de l’UE-27 consacrent un montant plus faible que la moyenne par personne âgée de 65 ans ou plus aux prestations du risque vieillesse-survie : 8650 euros PPA par personne âgée en Bulgarie, 13 200 euros PPA en moyenne pour les NM-13. La France consacre en moyenne 25 700 euros PPA par personne âgée de 65 ans ou plus par an, plus que l’Allemagne, mais moitié moins que le Luxembourg (57 300 euros PPA), moins que l’Autriche (36 600 euros PPA), la Belgique (29 250 euros PPA), ou les Pays-Bas (28 100 euros PPA) moins que les pays du nord de l’Europe : Suède, 27 550 euros PPA et Danemark 26 650 euros PPA par personne âgée de 65 ans ou plus pour ce risque.
En 2020 et 2021, pas de croissance exceptionnelle du risque vieillesse- survie dans l’UE
sauf pour quelques pays, en Estonie, Hongrie, Lituanie, Bulgarie et Lettonie, en lien avec des mesures de soutien aux revenus des retraités mises en œuvre pendant la crise du Covid-19. La Lituanie a élargi les options pour pouvoir bénéficier de la retraite anticipée, augmentant le nombre potentiel de bénéficiaires des pensions de retraite. Tandis que les croissances observées en 2020 et en 2021 dans de nombreux pays de l’UE, suivent la croissance moyenne entre 2010 et 2019, comme en Belgique, Finlande, Portugal, Pologne. En France, elle progresse seulement de 2,0 % en 2020 et de 1,8 % en 2021, alors que cette croissance était de 2,5 % en moyenne par an entre 2010 et 2019. Dans l’UE, les pensions liées à la rémunération incluent les régimes à prestations définies ou à cotisations définies, à points, ou les systèmes de comptes notionnels.
Plus de 90 % des prestations vieillesse sont versées en espèces pour les pensions de retraite
Cela varie de 77 % à Malte à 99 % au Luxembourg et s’établit à 96,8 % en France. S’ajoutent les allocations de soins régulières, les prestations pour les personnes âgées nécessitant une assistance fréquente ou constante (autres que les soins médicaux) et d’autres prestations en espèces versées ponctuellement à des personnes ne réunissant pas les conditions d’une pension de retraite. Les prestations en nature, dans l’UE-27, concernent des repas à destination des personnes retraitées dans des établissements spécialisés ou des prestations en biens et services fournies pour l’hébergement des personnes âgées dépendantes ou pour participer à des activités. Les pays du nord de l’Europe se distinguent par une part supérieure à la moyenne de prestations en nature : 12 % en Finlande, 17 % au Danemark et 19 % en en Suède. Le Danemark se caractérise par une prise en charge à domicile très intégrée : 14 % des dépenses sont destinées à l’assistance dans les tâches de la vie quotidienne.
Dans l’UE, le revenu médian ou niveau de vie médian relatif des personnes âgées de 65 ans ou plus est inférieur à celui des moins de 65 ans dans la grande majorité des pays. Avec un seuil de pauvreté défini à 60 % du revenu médian, la pauvreté monétaire touche 16,8 % des personnes de 65ans ou plus en 2021 dans l’UE-27. En France, le taux de pauvreté des personnes âgées restait encore parmi les plus bas de l’UE (10,9 % contre 16,8 %) (Les retraités et les retraites DREES, 2022). Les disparités entre les pays sont importantes, les taux de pauvreté monétaire des personnes âgées de 65 ans ou plus varient de 9,1 % au Luxembourg à 44,6 % en Lettonie. Ce taux est supérieur à la moyenne de l’UE-27 en Allemagne (19,4 %), au Portugal (20,1 %) ou en Estonie (40,6 %). L’écart le plus important entre ces deux classes d’âge est enregistré en Estonie (25 pp de différence) et en Irlande (9,6 pp), il s’élève en moyenne à 0,9 pp dans les pays de l’UE-27. Le taux de pauvreté monétaire chez les 18-64 ans, notamment les jeunes et les précaires, est supérieur à celui des personnes âgées en France, en Espagne et en Italie, ceux-là souffrent plus de privation matérielle sévère que les personnes âgées en moyenne dans l’UE-27. Malgré un taux de pauvreté apparent plus favorable en France qu’en Suède, le taux de privation matérielle sévère des personnes âgées de 65 ans ou plus est nettement supérieur en France (4,5 % contre 0,7 % en Suède en 2021). Il est de 5,3 % dans l’UE-27 et atteint 25,7 % en Bulgarie.
Le taux de remplacement, soit le rapport entre le niveau des pensions des 65-74 ans et les revenus du travail moyens des 50-64 ans, est particulièrement faible en Irlande (où les pensions moyennes ne représentent que 39 % des salaires des 50- 64 ans), en Bulgarie (35 %). En revanche, il est élevé en Espagne (79 %), en Italie (77 %) et au Luxembourg (81 %). Il atteint 59 % en France, en lien avec les réformes régressives et 56 % en Suède, avec la réforme instituant les « comptes notionnels ». Le taux de remplacement a diminué en France entre 2011 et 2021 (-5 pp), ainsi qu’en Allemagne (-4 pp) ou en Suède (-1 pp), en lien avec les réformes de régression des retraites menées. Entre 2011 et 2021, le taux de remplacement s’était fortement accru en Espagne de +28 points de pourcentage [pp]), en Italie (+22 pp) et, dans une moindre mesure, au Portugal (+8 pp), avec une augmentation moyenne de 4 pp pour les pays de l’UE-27. On l’explique par la moindre croissance des revenus du travail des personnes d’âge actif et par le fait que de nouveaux retraités ont des carrières plus longues et donc des pensions de retraite plus élevées.
Les prestations du risque famille.
Elles représentent en moyenne 2,4 % du PIB dans l’UE-27 en 2021. Elles s’élèvent à 2,2 % du PIB en France, niveau légèrement inférieur à la moyenne de l’UE.Elles dépassent 3 % du PIB en Allemagne, (3,6 %), en Pologne (3,4 %,) au Danemark et au Luxembourg. Les prestations famille rapportées au nombre d’enfants de 0-19 ans et en parité de pouvoir d’achat, indiquent le supplément de revenu que ces prestations représentent pour ces enfants et leur famille, en tenant compte des différences de niveau de prix entre les pays. En 2021, les pays de l’UE-14 dépensent en moyenne 4 500 euros en parité de pouvoir d’achat (PPA) par enfant contre 4 200 euros PPA dans l’UE-27 et 3 200 euros PPA pour les NM-13. La France avec 3 500 euros PPA dépensés par enfant, se situe en dessous de la moyenne de l’UE-14. Elle se classe cependant en deuxième position dans l’UE-27 pour la part des 0-19 ans dans la population totale avec 23,9 % en 2021, derrière l’Irlande (26,4 %) mais loin devant l’Allemagne (18,4 %) ou l’Italie (17,7 %). Le niveau relativement bas des prestations famille en France s’explique notamment par la non prise en compte du quotient familial, mesure fiscale pour accroître le revenu des familles qui élèvent des enfants. En intégrant ces mesures, les dépenses consacrées aux familles passent du simple au double. Enfin, le niveau élevé de prestations de certains pays est aussi lié à une entrée tardive dans le système scolaire obligatoire, créant un besoin de financement des services d’accueil du jeune enfant. 2/3 des prestations famille sont des prestations en espèces. Les prestations familiales au sens strict représentent 49 % de ces prestations, pour 7 % pour les congés maternité/paternité et 6 % pour les congés parentaux pour élever un enfant en bas âge, (congé ou travail à temps partiel). 23 % des prestations en nature sont des services d’accueil du jeune enfant, notamment en Espagne et dans les pays du Nord de l’UE. Mais ces prestations en Espagne sont inférieures aux pays nordiques et l’accueil des enfants de courte durée.
Graphique6. Prestations du risque famille en 2021
DreesSocial 2022 La protection sociale en France et en Europe en 2021, fiche19,p.143
L’évolution des prestations famille.
De 2010 à 2019, dans l’UE-14, c’est en Allemagne, pour faire face à sa très grande difficulté au plan démographique, que les prestations du risque famille ont crû le plus fortement : 4,0 % d’augmentation annuelle moyenne. Cela comprend une hausse du montant versé pour les congés parentaux, ainsi que la mise en place, depuis 2010, d’un droit opposable à l’accueil du jeune enfant, renforcé en 2013 ; les prestations pour les établissements d’accueil du jeune enfant ont été multipliées par trois en Allemagne entre 2010 et 2020. Tandis que dans l’UE-27, la Pologne connaissait la plus forte croissance annuelle moyenne des prestations famille (+14,4 %). Inversement en France, ces prestations ont crû faiblement (+1,2 %), avec la modulation des allocations familiales en fonction des revenus.
En 2020, une forte augmentation des prestations famille avec la crise du Covid-19 dans l’UE.-27
+7 % en euros courants, en raison notamment d’aides exceptionnelles pour faire face aux difficultés des familles comme l’élévation de l’allocation de rentrée scolaire, accordée sous condition de ressources, en Allemagne ou en Autriche. La Lituanie enregistre la plus forte hausse de (+27,5 %). Alors qu’en France, la croissance des prestations famille est de 3,0 %. Au Luxembourg, la forte augmentation des prestations (+16,6 % contre+3,4 % par an en moyenne entre 2010 et 2019) s’explique par l’élargissement du congé pour raisons familiales (CPRF), permettant aux parents de disposer d’un certain nombre de jours de congés payés pour garantir la garde des enfants dans les situations exceptionnelles créées par le Covid-19 (fermeture générale des écoles au printemps 2020). En Pologne, l’augmentation de+22,7 % provient en partie de la transformation d’une prestation spécifique Famille créée en 2016 qui cesse d’être accordée sous condition de ressources en 2019 et devient universelle. 3.
En 2021, la croissance des prestations famille diminue dans l’UE-27
Elle se monte à +2,3 %, un niveau plus faible qu’entre 2010 et 2020. Sauf en Lettonie avec +37,2 % d’augmentation liée à la prime exceptionnelle par enfant versée aux familles. Cette diminutionconcerne la Pologne, le Luxembourg, la Tchéquie, l’Autriche, le Portugal et la France, en lien avec l’arrêt ou la réduction des dispositifs exceptionnels mis en œuvre pendant la crise sanitaire, malgré une reprise des services d’accueil du jeune enfant partiellement fermés en 2020. En France, c’est la fin du chômage partiel pour garde d’enfant et les économies sur les allocations familiales.
1 Pilorge,C. in La protection sociale en France et en Europe,op.cit. fiche 19, P.142.
2Collombet, C., Maigne, G., Palier, B. (2017, mai). « Places en crèche : pourquoi l’Allemagne fait- elle mieux que la France depuis dix ans ? » France Stratégie, La note d’analyse, 56.
3Hiltunen, A., Leprince, F. (2021, mars). Mesures mises en place dans différents pays pour soutenir les familles face à la crise de Covid-19. CNAF, Mission des relations européennes, internationales et de la coopération.