Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 : une restructuration ultra- libérale de notre modèle social

Catherine Mills
maîtresse de conférences honoraire à l’université de Paris – Sorbonne

Ce  PLFSS masque la crise de notre système de protection sociale. Il est dominé par l’objectif prioritaire de réduction des dépenses sociales et des financements sociaux.

Le budget de la Sécurité sociale (640 milliards d’euros dont 252 milliards d’euros pour l’assurance maladie) présenté comme l’effort solidairement consenti par la Nation en faveur de la santé, des familles, de l’autonomie et du système de retraite par répartition, oublie le rôle économique que joue la dépense sociale pour les entreprises, en développant leurs débouchés et la productivité du travail. Durant la crise du Covid, des moyens financiers importants ont été mobilisés pour le système de santé, démontrant le rôle régulateur des dépenses sociales. Or ce PLFSS se réduit à la volonté d’assurer la « pérennité », la « soutenabilité » du système de protection sociale. Mais, il n’est pas une orientation austéritaire supplémentaire, c’est un grand pas dans la déstructuration-restructuration ultralibérale du système de Sécurité sociale, son dépérissement, la montée de la privatisation et la marche vers un nouveau système aux antipodes des valeurs de notre Sécurité sociale construite en1945. Il organise l’éclatement et un vaste transfert du financement sur les ménages, les mutuelles, les assurances.

Quelle transformation du système de santé ?

On déclare assurer la prévention de la santé, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie, mais en oubliant la prévention dans les entreprises ? ! Améliorer la santé sexuelle et reproductive des jeunes en facilitant l’accès gratuit aux préservatifs, la lutte contre les infections sexuellement transmissibles avec une prise en charge intégrale et sans ordonnance. Lutter contre la précarité menstruelle liée au coût élevé des protections périodiques en facilitant l’accès à des protections périodiques réutilisables et remboursables. Les bénéficiaires de la C2S (complémentaire santé solidaire) notamment les moins de 26 ans pourraient être prises en charge à 100 %. Rien sur l’IVG !

Une transformation du financement des établissements de santé prétend réduire la part des financements issus de la T2A (tarification à l’activité)

Introduite il y a 20 ans, la T2A ne permet pas de répondre aux évolutions de notre système de santé. La crise sanitaire a mis en évidence l’importance de garantir une capacité d’accueil forte sur l’ensemble du territoire, indépendamment des variations d’activité. Il s’agirait d’évoluer vers un modèle de financement mixte, accroître la part du financement par dotation socle forfaitaire ou par population et qualité, avec des objectifs de santé publique. On prétend valoriser certaines missions confiées aux établissements de santé, missions d’intérêt général, urgences ou soins critiques, activités non programmables. Mais on veut maintenir le caractère « incitatif » et les « acquis » du financement par la tarification à l’activité. Un nouveau modèle de financement serait appliqué début 2025, certaines dispositions entrant en vigueur dès 2024, dans l’attente de la mise en place du nouveau modèle. En fait on poursuit ce qui existe déjà, en faisant croire qu’on va changer la T2A, tout en gardant ses « acquis » !

Le PLFSS prétend renforcer l’attractivité des métiers dans les établissements de santé.

Il affiche un effort (bien insuffisant) en faveur de la rémunération des personnels des établissements de santé et médico- sociaux (3,3 milliards d’euros) : accords salariaux de revalorisation des bas salaires et primes, mesures budgétaires ciblées sur les sujétions à l’hôpital : majoration des gardes pour les médecins, meilleure prise en compte des astreintes, majoration de la rémunération du personnel la nuit, les dimanches et jours fériés.

La filière palliative serait renforcée, mais avec de faibles moyens supplémentaires dédiés.

Des filières territoriales de soins palliatifs favoriseraient les coopérations et le travail d’équipe, des équipes spécialisées de soins palliatifs, la prise en charge à domicile des personnes malades et en fin de vie. On inscrirait dans le droit les expérimentations qui auraient fait leur preuve, en les développant sur tout le territoire.

Le pharmacien serait confirmé comme acteur de santé de premier recours, avec un élargissement de ses compétences.

Il pourrait dispenser sans ordonnance certains médicaments à prescription médicale obligatoire, dont les antibiotiques, prescrire des vaccins, réaliser des tests, faciliter une prise en charge et des solutions thérapeutiques rapides, participer à la réduction des actes inutiles.

Un parcours coordonné renforcé, autour du patient, avec une approche globale, se déploierait entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social, pour une prise en charge pluriprofessionnelle, un financement collectif pour les professionnels.

On faciliterait le travail en équipe ou en réseau. Pour le patient, cela favoriserait la diminution des errances thérapeutiques. Cela concernerait la prise en charge médicale de l’obésité, certains cancers ou maladies chroniques, la santé mentale, les patients en échec thérapeutique en premier recours. Des programmes de prévention réduiraient l’aggravation de la maladie, avec un remboursement de l’activité physique adaptée renforçant les liens entre sport et santé. Des parcours de rééducation cardiaque seraient une alternative à l’hospitalisation, améliorant la récupération fonctionnelle.

Soins dentaires

L’efficience du recours à la permanence des soins dentaires pour répondre aux besoins de soins urgents de la population serait prétendument assurée par la participation des chirurgiens-dentistes à sa régulation dans les centres de régulation des SAMU-Centre 15.

La complémentaire santé solidaire (C2S) serait articulée au RSA et autres minima sociaux.

En effet, de nombreux titulaires de minima sociaux, pourtant éligibles à la C2S, n’y recourent pas alors qu’ils présentent des problèmes de santé plus importants que le reste de la population. La C2S, simplifiée, automatique et gratuite améliorerait l’accès aux soins de ces publics, une protection élargie, avec la prise en charge d’un panier de soins (limité) sans avance de frais.

Garantir l’accès aux médicaments et aux produits de santé innovants. Résoudre les tensions d’approvisionnement.

Le Sénat [1] et la mission sur la régulation des produits de santé, ont révélé les risques croissants de ruptures de stocks de médicaments. 37 % des Français ont été confrontés à des pénuries de médicaments en 2023. Ce phénomène serait dû à l’augmentation de la demande mondiale depuis la crise sanitaire. Cela touche encore plus les médicaments commercialisés depuis plusieurs années. Il s’agirait de soutenir le maintien sur le marché de ces produits pour l‘approvisionnement en médicaments. Une cause des pénuries et tensions est l’abandon par les entreprises pharmaceutiques de l’exploitation des produits matures au profit de nouveaux produits bénéficiant de prix élevés et d’une rentabilité importante. Or, les entreprises pharmaceutiques cessant leur activité doivent appliquer la loi les obligeant à mettre en œuvre tous les moyens pour trouver un repreneur, sous peine de pénalité financière. En cas de ruptures d’approvisionnement, le PLFSS veut limiter l’utilisation des médicaments quand elle n’est pas indispensable.

Des préparations hospitalières et d’officines spéciales.

Depuis la crise sanitaire de la Covid-19, les établissements de santé peuvent produire certains médicaments utilisés à l’hôpital, en situation de pénurie et d’urgence. Cela sera étendu aux pharmacies d’officine, en raison de fin de commercialisation et de ruptures d’approvisionnement, en garantissant la qualité de la matière première utilisée pour ces préparations, avec une coordination avec l’établissement pharmaceutique de l’AP-HP.

Faciliter l’inscription d’un acte en lien avec des dispositifs médicaux.

Les entreprises de santé exploitant des dispositifs médicaux à usage collectif ou de diagnostic in vitro pourront faire elles-mêmes directement une demande d’évaluation auprès de la Haute Autorité de Santé (HAS). La diffusion de ces technologies utilisées par des professionnels de santé, de ville et en établissement de santé serait favorisée, en s’appuyant plus largement sur des traitements diagnostiques et thérapeutiques, améliorant la prise en charge des patients, simplifiant leur parcours, évitant l’errance diagnostique, renforçant la précocité du diagnostic, le pronostic des patients, l’efficacité du traitement.

Améliorer l’accès dérogatoire, précoce et compassionnel simple et rapide aux traitements innovants ou non autorisés en France et aux médicaments, pour les patients atteints de maladie grave, rare ou invalidante, en situation d’impasse thérapeutique.

Une prise en charge financière, dérogatoire et temporaire est prévue pour certains médicaments en fin de prise en charge pour un accès précoce, y compris pour les vaccins. Les entreprises devront assurer l’approvisionnement du marché français. L’Agence nationale de la sécurité et du médicament (ANSM) améliorerait les critères d’octroi d’un accès compassionnel pour un accès précoce.

Des moyens pour « moderniser » le système de santé, bien limités.

La faible progression de l’ONDAM (Objectif national de dépenses d’assurance maladie, +3,2 % en 2024) reste en deçà de l’inflation réelle. L’augmentation des dépenses serait seulement de 8 milliards d’euros à champ constant par rapport à 2023. En raison de la baisse des dépenses liées à la crise sanitaire, l’évolution serait en réalité de + 2,9 % par rapport à l’ONDAM rectifié 2023. Les nouveaux financements des établissements de santé prétendent soutenir les évolutions, les actions de santé publique, la prétendue lutte contre les inégalités en santé et le renforcement affiché de l’offre de soutien psychiatrique et psychologique de la population, loin d’une résorption véritable de son délabrement. C’est aussi une insuffisante hausse des financements pour les établissements et services pour personnes âgées 4,6 % ou handicapées 3,4 %.

Une augmentation modeste des soins de ville 3,5 % en 2024, avec une dite maîtrise médicalisée.

On confie aux professions libérales de santé des missions de santé publique et de prévention, on prétend financer la convention médicale qui prévoit la revalorisation (ridicule) des consultations des médecins et autres professionnels de santé.

Des mesures dites d’efficience, de pertinence des soins, de partage de financement visent surtout à réaliser des économies de 3,5 milliards d’euros, en invoquant la « soutenabilité » de notre système de santé.

Cela concerne les soins de ville, notamment la biologie, les produits de santé avec des baisses de prix de certains médicaments mais surtout une diminution des volumes et des remboursements. Le PLFSS organise des transferts de dépenses et de financement, la « responsabilisation » des assurés avec la baisse du ticket modérateur pour le dentaire.

L’accroissement des indemnités journalières maladie, dans le collimateur.

Elles s‘élèvent à 16 milliards d’euros en 2022 contre 11 milliards d’euros en 2010, mais cela est lié en partie à la crise sanitaire. Le PLFSS 2024 veut réduire les arrêts de travail prescrits, développer les contrôles par l’assurance maladie des prescripteurs et des assurés pour éviter tout arrêt de travail qui ne serait pas médicalement justifié. Le versement des indemnités journalières serait suspendu après un rapport du médecin contrôleur délégué par l’employeur concluant au caractère injustifié de l’arrêt. Le contrôle des médecins sera applicable aux centres de santé.

Encourager la sobriété dans l’utilisation du système de santé, dans le cadre de la planification écologique.

 Favoriser le recours des patients aux transports partagés, pour assurer un égal accès aux soins sur le territoire, réduire l’empreinte écologique des transports individuels, favoriser l’utilisation efficiente des moyens pour diminuer le nombre total de trajets réalisés, tout en augmentant l’offre de transports sanitaires. Le médecin prescripteur vérifiera que le transport partagé est compatible avec l’état de santé du patient, que le transporteur est en capacité de l’offrir, applique le tiers payant et le tarif du transport partagé. L’impact environnemental des dispositifs médicaux générant des déchets de soins en ville et à l’hôpital devra être limité ainsi que le gaspillage des produits de santé. Les établissements de santé pourraient céder des dispositifs usagés ou les remettre en état. On inciterait les industriels à concevoir des dispositifs ayant un moindre impact environnemental, avec un malus pour les conditionnements inadaptés.

Lutter contre la fraude sociale

Le PLFSS insiste lourdement sur la fraude et les abus, invoquant l’ « acceptabilité » de notre système de protection sociale. Cette fraude est un manque à gagner pour la Sécurité sociale empêchant l’ouverture ou le maintien de droits sociaux en faisant peser les cotisations non recouvrées et les prestations indument versées sur le système de Sécurité sociale. Elle obère le financement des prestations et services, met en péril notre système social. On viserait un doublement des montants de cotisations redressés d’ici 2017 en évitant3 milliards d’euros de préjudices aux prestations sociales pour les CAF et les caisses de retraite. Cependant, on faisant silence sur les fraudes patronales en matière de versements des cotisations. Le contrôle des entreprises se limite au cas de recours aux travailleurs détachés.

 La fraude de certains praticiens médicaux est montée en épingle, la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations serait alors annulée, le remboursement sera réclamé aux professionnels libéraux coupables de fraude, après une sanction administrative ou une condamnation au pénal pour escroquerie à l’assurance maladie.

Améliorer les échanges de données entre administrations et la lutte contre la prise en charge indue de frais de santé. Actuellement, les prestations sociales sont soumises à des conditions de résidence dont la durée diffère entre les Caisses d’allocations familiales (CAF) et les caisses de retraite ce qui complexifie les contrôles. Une harmonisation fixe à 9 mois la condition de résidence des prestations familiales et celle des autres prestations, dont le RSA. Les contrôles seront renforcés ainsi que la détection et le signalement des erreurs ou fraudes avec la mutualisation des données des différentes prestations, ou des organismes complémentaires.

Un soutien affiché à l’autonomie, masquant la gravité de la situation et la faiblesse des actions.

LePLFSS prévoit en 2024 une hausse des moyens alloués à l’autonomie, prétendant renforcer l’attractivité des métiers, adapter l’offre médico-sociale aux besoins démographiques croissants, améliorer le cadre de vie et la qualité des accompagnements. Des moyens supplémentaires seraient consacrés à de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile ainsi que le financement en EHPAD de personnes âgées en perte d’autonomie. En tenant compte de la préférence des Français pour le domicile, on ferait passer le taux d’institutionnalisation en EHPAD de 41 à 37 %. Les services d’aide et d’accompagnement à domicile financés par les départements (APA pour les personnes âgées et PCH pour les personnes handicapées), verraient le relèvement du tarif plancher national relevé de 3 euros en 2023 et indexé sur l’inflation. Les surcoûts pour les départements seraient compensés par la branche autonomie.

Le PLFSS, après la conférence nationale du handicap (26 avril 2023souhaite améliorer l’offre d’accompagnement médico-social, qui souffre d’un sous-équipement généralisé dans l’ensemble des territoires, avec des tensions mettant en difficultés les personnes en situation de handicap et leurs aidants. On affiche assurer une prise en charge rapide et coordonnée des diverses situations de handicap à l’école, au travail, dans la vie de tous les jours, répondre aux besoins des adultes et enfants qui ne disposent pas d’un accompagnement satisfaisant. On déploierait une offre complémentaire de services d’éducation spéciale et de soins à domicile, des moyens insuffisants et des dispositifs seraient déployés en 2024 pour l’inclusion des élèves en situation de handicap, avec un appui des centres d’action médico- sociale, sur le lieu de scolarisation évitant le décrochage. On prévoit la création d’un service public de repérage précoce de coordination et d’orientation, notamment pour les enfants de moins de 6 ans. On prétend lutter contre les pertes de chances et l’errance des familles. Des solutions seront créées pour prévenir les départs non souhaités en Belgique. On améliorerait le parcours des enfants, ainsi qu’ un accompagnement adapté pour les jeunes adultes maintenus dans des structures pour enfants.

Organiser le transfert de financement des EHPAD vers la branche autonomie.

Lanécessité de soutenir financièrement les EHPAD est affichée mais le financement est éclaté : les ARS financent les charges liées aux soins, les conseils départementaux les charges liées à la dépendance, les résidents et leurs familles les charges liées à l’hébergement. Cela ne permet pas de soutenir efficacement les établissements, freine l’équité de l’accompagnement entre les territoires et la diminution du reste à charge pour les résidents et leurs familles. Ce PLFSS pour 2024, déclare faire évoluer ce mode de financement, mais il propose seulement à partir de 2025, aux conseils départementaux volontaires, de rapprocher les dépenses liées à la prise en charge de la dépendance de celles afférentes aux soins en les regroupant avec un financement exclusif dans la branche autonomie, 5ème branche de la Sécurité sociale. Ce cadre de financement dit rénové et simplifié sera piloté par les ARS et prétend réduire les écarts de financement sur les territoires. Les actions de prévention en EHPAD seraient financées par la branche autonomie, avec un transfert de recettes entre les conseils départementaux volontaires et la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). En affichant mieux financer la prévention de la perte d’autonomie, on renforcerait (faiblement) les effectifs de soignants des EHPAD avec des transferts de financement.

Renforcer la « qualité » des accompagnements.

Les effectifs de personnels dans les EHPAD augmenteraient de 50 000 équivalents temps plein d’ici 2030, ce qui est bien peu. 6 000 professionnels supplémentaires seraient recrutés en 2024. Ces effectifs supplémentaires feraient passer à terme le taux d’encadrement de 65 à 72 personnels pour 100 résidents, ce qui est bien modeste. On affirme que cela favoriserait un temps accru auprès des résidents et de meilleures conditions de travail. Plusieurs mesures prétendent renforcer le soutien à domicile, la qualité des interventions, avec des moyens accrus (interventions de nuit, dans des zones isolées, etc.), un contrat d’objectifs et de moyens avec le département, une dotation complémentaire financée par la branche autonomie. Les missions des EHPAD sont élargies pour un soutien des services à domicile, 10 % des EHPAD rempliraient ce nouveau rôle, alors qu’ils n’ont pas les moyens de remplir dignement leurs propres missions. À partir de 2024, les bénéficiaires de l’APA pourraient recevoir jusqu’à 9heures par mois de soutien supplémentaire à domicile par des professionnels, consacrées à l’accompagnement et au lien social, afin de lutter contre l’isolement, prévenir la perte d’autonomie et repérer les fragilités. Elles seront positionnées sur les plages horaires ‘creuses’ des aides à domicile, cela leur permettra d’avoir des temps pleins pour éviter les journées morcelées, on prétend que ce serait un instrument d’attractivité du métier d’aide à domicile. Or la revalorisation des salaires des professionnels est très faible pour favoriser l’attractivité des métiers. 300 millions seront engagés (150 millions d’euros en 2023, 150 millions d’euros en 2024) avec une priorité aux bas salaires. Ce n’est rien vu la situation dramatique des EHPAD publics et du secteur privé.

Un équilibre forcé de la branche autonomie en 2027 

L’excédent de cette branche se réduira avec le financement des mesures nouvelles qui lui incomberont, mais elle devra se maintenir à l’équilibre. L’objectif global des dépenses médico-sociales de l’ONDAM, progresserait de 3,9 % par an en moyenne entre 2024 et 2027, une progression très inférieure à l’inflation mais plus rapide que celle des recettes.

Un discours schizophrénique sur la réforme des retraites.

On affirme que le financement du système de retraites par répartition serait amélioré en travaillant plus longtemps, que la justice sociale se réaliserait avec la faible revalorisation de quelques petites pensions, ainsi qu’une meilleure prise en compte des carrières longues et difficiles et de la prévention de l’usure au travail. Ce PLFSS vante la simplification et l’équité qui découleraient de la fermeture des principaux régimes spéciaux de retraite. Cela serait sensé pallier le tarissement progressif de cotisants, assurer la continuité du versement des pensions et la « lisibilité » du financement. Alors que l’équilibre ne serait pas réalisé en 2027 (-6,3 milliards d’euros). On ose parler de nouveaux droits pour les assurés.

Investir en faveur du « plein emploi »macronien en pillant les excédents de l’UNEDIC.

Les réformes de l’assurance chômage visaient à renouer avec les excédents (4,3 milliards d’euros en 2022). Ceux-ci devraient s’amplifier d’ici 2026, compte tenu de la réforme de juin 2023 et celle pour 2024 : des réformes contre les chômeurs ! Les partenaires sociaux doivent employer les excédents au désendettement du régime et au cofinancement des politiques de « plein emploi ».

Ce PLFSS prétend accélérer les engagements au service des familles pour concilier leurs temps de vie et prendre soin de leurs enfants.

Alors que le nouveau service public de la petite enfance, encore fantomatique, aurait exigé une hausse des moyens dédiés aux établissements d’accueil du jeune enfant, notamment la revalorisation des professionnels de ces établissements, l’objectif est seulement de permettre aux parents de choisir librement leur organisation familiale, au lieu de développer des mesures nouvelles.

Le financement de la Sécurité sociale sacrifié à la « soutenabilité » et l’« acceptabilité » de notre modèle social, cela compromet la réponse aux besoins sociaux.

On invoque l’impératif européen de réduction du déficit public et social en dessous de 3 % du PIB d’ici 2027 qui exigerait le redressement des comptes sociaux. Après un déficit historique de 39,7 milliards d’euros, en 2020, le solde des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) amélioré sous l’effet d’une fragile reprise économique est réduit en 2023 à -8,8 milliards d’euros après- 19,7 milliards d’euros en 2022, en lien avec la réduction des dépenses de crise et la progression relative de la masse salariale, engendrant l’accroissement des recettes de +5,2 %. En 2024, le solde des régimes de base et du FSV se dégraderait, s’élevant à -11,2 milliards d’euros, en raison du ralentissement des recettes 4,7 %, lié au ralentissement du PIB et de la masse salariale. En 2027, le déficit atteindrait -17,5 milliards d’euros, les dépenses ralentiraient à partir de 2025 avec la normalisation de l’inflation, mais les perspectives de recettes ne permettraient pas de résorber le déficit. La branche maladie, face à la nécessité de répondre à la crise du système de santé, sans les financements suffisants, serait déficitaire et la branche autonomie à peine équilibrée face aux charges nouvelles. La branche vieillesse, malgré la réforme des retraites, serait déficitaire : -6 milliards d’euros. L’excédent de la branche famille se réduirait (1,7 milliards d’euros).

Conclusion : face à ce PLFSS, un nouveau modèle de progrès social est à construire, y compris au niveau européen.

Des batailles sont à mener par et dans toute la gauche. Débattons et agissons sur des idées et pistes novatrices. L’emploi, la formation, les salaires doivent être mis en son cœur. Un nouveau « quoiqu’il en coûte » contre l’austérité, serait affecté à l’hôpital et à la santé, à l’emploi, pas au capital ! Un plan massif de 100 000 pré-recrutements à l’hôpital, avec une formation rémunérée et étendue, 300 000 pour les EHPAD, doit être engagé. Il s’agirait de sortir réellement de la T2A. Un nouveau financement ferait contribuer les revenus financiers des entreprises (108 milliards dans un premier temps, en attendant que cette pénalisation pousse les entreprises à réduire leurs placements financiers, et à développer à la place l’emploi, la formation, la recherche pour créer davantage de valeur ajoutée génératrice de salaires et de cotisations). Une modulation du taux de cotisation patronale viserait son accroissement pour les entreprises qui taillent dans l’emploi et sacrifient les salaires et la formation.


[1] Pénurie de médicaments : trouver d’urgence le bon remède, rapport n°828, commission d’enquête sénatoriale, 2023.