Y a-t-il une différence entre le programme de Fabien Roussel et celui de Jean-Luc Mélenchon ?

L’équivoque est soigneusement entretenue.

Une bonne partie des militants Insoumis que nous connaissons et rencontrons, notamment sur les marchés, défendent depuis plusieurs mois et semaines l’idée qu’il n’y a guère de différences entre les programmes de l’Avenir en commun, porté par Jean Luc Mélenchon, et celui des Jours Heureux, de Fabien Roussel.

Il faut donc rentrer dans les détails pour voir ce qui fait différence, au-delà des apparences, celles-ci résidant, faut-il le remarquer, dans le processus de désignation du candidat.

N’oublions jamais que, dès sa déclaration de candidature au journal de TF1 en novembre 2020, le candidat social-démocrate avait indiqué que son échec éventuel serait « imputable aux autres forces de gauche ».

Il faut dans le droit fil de la primaire populaire, rappeler ici que c’est d’abord et avant tout la crise profonde de la social-démocratie qui a généré les candidatures de Hidalgo, Mélenchon, Jadot, Taubira et sans doute d’autres.

Sans oublier que les ralliements d’un certain nombre de ministres et de responsables socialistes à Macron ne font que traduire la proximité entre une partie de la social-démocratie et le macronisme.

N’est-ce pas François Rebsamen, alors ministre du Travail, qui avait validé le projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel dans son sens le moins favorable en 2013 ?

N’est-ce pas le gouvernement Hollande qui a inventé le CICE ? Et proposé la loi El Khomri, revenant sur une conquête essentielle des salariés, à savoir la « hiérarchie des normes » ne permettant aucun accord local ou d’entreprise dont la « qualité » serait inférieure à la règle commune fixée par la convention collective ou le droit du travail ?

N’est-ce pas Marisol Touraine qui avait défendu, avec son équipe (Benjamin Griveaux, Olivier Véran, Gabriel Attal) le passage à la retraite à 62 ans tout en maintenant le processus d’accroissement du nombre des annuités nécessaires à la retraite à taux plein… Un dispositif prévoyant entre autres que tous les actifs nés à compter du 1er janvier 1973 devraient cotiser 43 ans pour jouir d’une retraite à taux plein…

La gauche française est malade, encore aujourd’hui, de la crise de la social – démocratie.

Mélenchon n’a rien d’une nouveauté de ce point de vue, dans ce qu’il représente.

Dans les années de l’après – guerre, pour prendre la main sur la SFIO, Guy Mollet se fit plus marxiste que Léon Blum aux fins de rallier à sa cause les forces ouvrières qui suivaient encore le parti… On sait comment cela s’est fini… Cela a donné le rappel du contingent pour mener les opérations de « maintien de l’ordre « puis de « pacification » en Algérie, la grotesque expédition de Suez contre la nationalisation du Canal décidée par Nasser désireux de rendre à l’Egypte la pleine possession de son territoire, et pour finir, la loi martiale à Alger (autre nom des « pouvoirs spéciaux ») et son cortège de tortures et de massacres, sans oublier la co–signature de la Constitution de la Vème République par Guy Mollet lui–même, ministre d’État de de Gaulle, et d’autres ministres SFIO de l’époque… En démocrate conséquent, de Gaulle gouvernera, avec l’appui de la SFIO, pendant la première année de son mandat, par la voie d’ordonnances, réduisant les Assemblées à un rôle d’enregistrement des « habilitations ».

Jean Luc Mélenchon, qui avait voté contre la guerre du Golfe mais pour Maastricht l’année suivante, est assez éloigné de cette période même si l’exemple de Guy Mollet illustre quelques-unes des pages peu glorieuses de la social-démocratie dans notre pays.

Prenons maintenant deux ou trois exemples…

Ainsi, Jean Luc Mélenchon est favorable à la « progressivité « de la CSG.

L’objectif apparent de la mesure est évident.

Comme la CSG rapporte aujourd’hui rien moins que 128,8 milliards d’euros (avec option pour 133,3 milliards cette année), soit le quart du financement de la Sécurité Sociale, ainsi très largement perverti, Mélenchon propose de la rendre progressive. En lui définissant quatorze tranches, comme d’ailleurs son projet d’impôt sur le revenu, ce qui laisse penser que le candidat de la France Insoumise n’exclut pas la fusion entre les deux…

Un projet qui tournerait le dos aux principes fondateurs de la Sécurité Sociale mais va de pair avec le National Health Service à la française qui se cache derrière le « 100 % Sécu » de l’Avenir en commun.

L’affaire vient de loin.

En décembre 1990, déjà sénateur de l’Essonne, Jean Luc Mélenchon avait voté pour la création de la contribution sociale généralisée, s’opposant en cela aux sénateurs et sénatrices du Groupe communiste, vent debout contre cette mesure.

Comme il a soutenu, en décembre 1997, le basculement « cotisations assurance maladie /CSG ».

La supposée progressivité de la CSG vise clairement à la rendre plus « acceptable ».

Mais un problème majeur existe.

Pour le juge constitutionnel, les éléments de progressivité de la CSG sont déjà compris dans l’application de taux différents sur des revenus différents.

En plus, elle agit aujourd’hui comme une sorte de « couteau suisse », étant utilisée notamment pour solder les comptes de l’UNEDIC, la dette sociale, les prestations dites d’autonomie (la CSG représente 90 % des ressources de la branche autonomie dont le patronat est totalement exempté !) et les « avantages » de retraite comme la majoration des mères au foyer…

A la vérité, à part la mise en déclin de la CSG et le retour des cotisations sociales, il n’y a pas d’autre chemin pour le financement pérenne de la Sécurité sociale.

C’est le choix de Fabien Roussel dans son programme.

L’assiette « revenus « de la CSG est peut-être plus large que celle de l’impôt sur le revenu mais elle demeure dans tous les cas de figure très inférieure à l’assiette « production » qu’est le PIB et qui sert à fixer les ressources de la Sécurité Sociale.

La question de la retraite, maintenant.

La mesure clé du programme de Mélenchon, c’est le retour à la retraite à 60 ans avec 40 ans de cotisations (soit 160 trimestres).

Pour mesurer le caractère radical de la proposition présentée page 90 du programme « l’Avenir en commun », on rappellera ici que les rues de Paris et de quelques villes de France connurent des manifestations en 1995 et 2003 où les revendications évoquaient un droit plein et effectif au repos à partir de 37,5 annuités (ou 150 trimestres). Comme le faisait d’ailleurs l’ordonnance 82–270 du 25 mars 1982 dont l’article premier fixait à 60 ans l’âge d’ouverture du droit à liquidation de la pension de retraite.

Par quel miracle un pays trois fois et demie plus riche que ce qu’il étaiten1981 n’est pas en mesure de financer le droit à la retraite à 60 ans au bout de 150 trimestres d’activité en 2022, on ne le saura pas…

Peut – être pour que le programme du candidat Mélenchon puisse obtenir l’imprimatur du Medef, comme semble l’avoir montré la rencontre avec Geoffroy Roux de Bézieux.

Petit détour par l’impôt

La mesure clé du programme Mélenchon, c’est de créer un barème plus progressif de l’impôt sur le revenu (page 98 du programme LAEC).

On indiquera tout de même et tout de suite à nos amis insoumis que l’impôt sur le revenu est fort loin d’être le plus injuste de notre fiscalité et qu’il n’est pas autant affecté que l’impôt sur les sociétés par tout ce qui en diminue le rendement.

En 2021, les entreprises des secteurs industriels et commerciaux auront en effet cumulé 562 milliards d’excédents bruts d’exploitation et acquitté sur cette somme 46 milliards d’impôt sur les sociétés…

Mais soit, les Insoumis, plus à gauche, ont proposé, lors des lois de finances de la législature 2017-2022, un barème de l’impôt où il n’y a plus de tranche exonérée !

On paie au premier euro, avec l’Avenir en commun !

Un contribuable, seul, gagnant 17 000 euros nets fiscaux par an, acquitterait 424 euros d’impôt au barème actuel.

Il ne devrait que 227 euros au fisc si on applique à ses revenus le barème proposé par Stéphane Peu et ses collègues du groupe communiste.

En appliquant le barème Insoumis, il devrait payer 516 euros.

La situation se gâte, ceci dit, à un niveau de revenu pas encore très élevé.

A 24 000 euros nets de revenu pour une femme divorcée dont les enfants sont majeurs, l’impôt actuel est de 594 euros.

Avec le barème du groupe communiste, il serait de 493 euros.

Et avec le barème de la France insoumise, il atteindrait 1 387 euros.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que le barème de la FI se conçoit sans quotient familial, y compris pour les 5,6 millions de foyers fiscaux (célibataires ayant élevé des enfants, veufs et veuves, divorcé(e)s, invalides de guerre, handicapés, …) qui disposent d’une demi – part supplémentaire pour l’une des raisons ici rappelées…

Le programme LAEC fait référence (page 99) à un nouveau crédit d’impôt par enfant, inspiré du modèle en vigueur en Belgique, par exemple…

Et quand il n’y a pas ou plus d’enfant(s) ?

Pour rire un peu, maintenant, regardons la page 80 et sa mesure clé.

A savoir (je cite) « Restaurer immédiatement la durée légale hebdomadaire à 35 heures (en majorant les heures supplémentaires, cotisations incluses, à 25 % pour les quatre premières heures et 50 % au-delà), passer aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit, et favoriser leur généralisation par la négociation collective ».

L’article L 3121-27 du code du travail, actuellement en vigueur, indique, pour sa part (je cite de nouveau) : « La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine ». En clair, pour une bonne part, Jean Luc Mélenchon nous propose de mettre en œuvre ce qui existe déjà…

C’est sur les heures supplémentaires que la différence se fait.

Il propose tout simplement de donner la force de la loi à ce qui figure dans un certain nombre d’accords de branche ou d’entreprise.

Sauf, faut-il le dire, dans la Fonction Publique où s’applique la loi De Montchalin Mc Kinsey …

Fabien Roussel, pour sa part, s’est engagé sur les 32 heures de suite.

Finissons-en avec la lutte contre la financiarisation de l’économie.

Ainsi, Mélenchon propose de « faire racheter par la BCE la dette publique qui circule sur les marchés financiers. » (page 97, programme LAEC).

Proposition tellement audacieuse qu’elle est déjà mise en œuvre par les libéraux. Et qui permet à la France d’émettre des Bons du Trésor à taux négatif depuis le 28 août 2014 et de continuer, malgré l’inflation qui revient, de placer des titres de moyen et long terme dont le taux réel est négatif.

Fabien Roussel propose de mettre le crédit (qui est aussi un peu notre argent puisque nos salaires sont déposés sur nos comptes courants) au service de l’emploi, de la formation, de la transition écologique.

Nous n’avons pas pour cela besoin de la purge fiscale induite par la stratégie de l’Avenir en commun.

N’a-t-on pas, durant la crise Covid, vu l’État garantir 300 milliards de prêts bancaires aux entreprises pour leur permettre de faire face à la situation ?

Et même si cela n’a finalement « mobilisé » que 130 milliards, cette facilité accordée aux PME et TPE n’a quasiment rien coûté (300 millions d’appel en garantie pour 2021 par exemple).

Mais nous devons exiger que la BCE joue son rôle de création monétaire et de financement de l’économie.

2 Comments

  1. Bonsoir à toutes & tous .
    Nous savons bien que Mélenchon a toujours été un « social démocrate  » .Donc ,d’une fausse gauche qui pense et œuvre pour le capital en premier, et aux plus démunis s’il y a des restes .Longtemps je l’ai suivi ..a-t-il encore besoin des votes qu’il désigne par selon ses propres termes de « ..le vide et le néant  » ? si comme je le pense c’est toujours le cas pour finir sa carrière de politicard de bas niveaux :ce sera sans moi & beaucoup d’autres .

  2. excellente démonstration
    ces arguments nous on manque pendent la campagne
    ne serait-ce que la demo sur les impots ….

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