« Les Européens s’appauvrissent », titre le Wall Street Journal. C’est aussi l’avis de 55 % des Européens interrogés par l’institut de sondage IPSOS pour le Secours populaire [1]. Le sentiment – et la réalité qu’il exprime – sont particulièrement forts en France, au moment où deux ans de résurgence de l’inflation font sentir tous leurs effets sur le pouvoir d’achat.
Le sentiment d’appauvrissement n’a pas pour seule origine l’atteinte portée par l’inflation au pouvoir d’achat des salaires. Un autre fait majeur se rappelle sans cesse à notre attention : la dégradation historique des services publics sous l’effet de l’austérité budgétaire, des compressions d’effectifs, des atteintes aux statuts des personnels, des réorganisations inspirées des méthodes de gestion capitalistes (voir dans ce numéro l’analyse de Muriel Ternant « Regards sur la crise du service public »). Les effets concrets qui en résultent sont particulièrement douloureux dans un pays qui s’identifie fortement à la qualité de ses services publics.
Le sentiment d’un déclassement national rend un nombre croissant de nos concitoyens vulnérables aux tentations nationalistes et à l’emprise de l’extrême-droite sur les esprits.
En publiant ce dossier, nous souhaitons contribuer à l’affirmation, sur le terrain politique, d’une réponse crédible aux angoisses et à la colère de nos concitoyennes et concitoyens. Au-delà des atteintes au niveau de vie, Clément Roll présente un tableau de la précarité, telle qu’on peut la mesurer dans nos métropoles. Alain Gély explique, en mettant en évidence le poids des « dépenses pré-engagées » dans le budget des ménages, pourquoi la hausse des autres dépenses – alimentation, carburant – est si dévastatrice pour les couches populaires et au-delà, d’autant qu’il s’y ajoute l’appauvrissement dû à la dégradation des services publics. Bruno Odent rappelle que l’extension de la pauvreté n’est pas une exception française mais qu’elle touche aussi jusqu’au pays le plus riche d’Europe. Assan Lakehoul, secrétaire général du Mouvement Jeunes communistes, porte les propositions de son mouvement pour répondre aux difficultés et aux révoltes des étudiants et des jeunes travailleurs. Évelyne Ternant appelle à aller au-delà des fausses évidences selon lesquelles l’État, par la seule indexation des salaires, aurait le pouvoir de corriger les méfaits du capitalisme en crise. Denis Durand part de cette crise pour présenter en quoi les propositions du PCF visent à répondre aux enjeux sociaux et politiques que révèle l’appauvrissement de la société française.
[1] Secours populaire français, Baromètre de la pauvreté et de la précarité, édition n°17, septembre 2023.
- I. Les dépenses contraintes pèsent lourd sur le budget des ménages Alain Gély
- II. Une pauvreté structurelle, talon d’Achille de l’Allemagne Bruno Odent
- III. éradiquer la pauvreté dans la jeunesse Assan Lakehoul
- IV. L’indexation des salaires sur les prix : les fausses évidences de l’apocalypse… ou du remède miracle Évelyne Ternant
- V. Un projet politique pour mettre fin à l’appauvrissement de la société française Denis Durand