Europe écologie les Verts s’appellent désormais « Les Écologistes ». Passons sur cette petite escroquerie intellectuelle qui consiste à faire d’un nom commun un totem pour s’en attribuer l’exclusivité. Après tout, les Républicains se sont livrés avant eux à cette privatisation sémantique. Mais pas plus qu’il n’y a de républicains que chez Les Républicains, il n’y a pas que chez Les Écologistes que l’on se préoccupe d’écologie.
Heureusement, car certaines des orientations prônées par Marie Toussaint, tête de liste des Écologistes, laissent plus que perplexe.
Beaucoup d’entre elles ne sont pas propres aux écologistes mais font partie du patrimoine politique et culturel de toutes les forces progressistes : lutte contre la pauvreté, combat féministe, sanctuarisation de l’IVG ou des thèmes plus strictement écologiques comme l’interdiction des OGM, des polluants ou encore l’éradication des combustibles fossiles, la sortie des accords de libre-échange etc. On ne peut que souscrire à de tels objectifs.
Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Si les objectifs sont louables, les moyens d’y parvenir sont plus que discutables.
Droit de veto social
Ainsi, pour lutter contre la pauvreté en Europe, Les Écologistes ne s’en prennent nullement à ses causes : pression du capital contre les salaires et l’emploi, dumping social organisé au nom de la libre concurrence, austérité budgétaire orchestrée par le pacte de stabilité et de croissance… Ils proposent un « droit de veto social » qu’ils définissent ainsi :
« Avec le droit de véto social européen, toute législation européenne devra démarrer par une consultation des personnes concernées – pour ne plus confisquer la voix des plus fragiles – et évaluer l’impact de tout projet de réforme sur les 10 % à 20 % les plus pauvres (exemples : impact sur le revenu disponible réel ou impact sur le taux de pauvreté) pour éviter toute discrimination socio-économique cachée. Si ces étapes préalables n’ont pas permis d’aboutir à un texte socialement juste, les populations ou les eurodéputé.e.s pourront saisir une instance indépendante (comme la Défenseuse des droits en France), pour activer le droit de véto et stopper le processus législatif. »
Autrement dit, il ne s’agit pas d’améliorer la situation des plus pauvres, mais seulement d’éviter qu’elle se dégrade ! Et on imagine assez bien l’imbroglio législatif qu’entrainerait un tel dispositif.
Pour sortir des énergies fossiles, Les Écologistes proposent d’acquérir via un fonds de souveraineté écologique la majorité du capital des 6 plus grosses entreprises pétro-gazières européennes pour les mettre au service des citoyen.nes et du climat !
Une « supranationalisation » du secteur pétrolier en quelque sorte. À y regarder de plus près, il s’agit plutôt d’une fausse bonne idée.
D’abord parce que pour acquérir des actions, encore faut-il que les actionnaires soient prêts à les vendre. Sans un cadre juridique contraignant une appropriation collective a peu de chance d’aboutir. Il y a là, de la part des écolos une forme de naïveté inquiétante.
Ensuite parce qu’ils évaluent le montant de cette acquisition à 100 milliards d’euros, ce qui paraît sous-estimé, la seule valeur de TotalEnergie étant de 180 milliards de dollars en 2024.
Fétichisme
Enfin – et surtout – parce que cette proposition n’est assortie d’aucune stratégie cohérente de transition énergétique. Elle relève plus d’une intention infantile d’arrêter toute activité pétro-gazière et de procéder au « démantèlement des infrastructures fossiles » (sic). Sans la moindre réflexion sur les conversions possibles vers la production ou l’acheminement de carburants ou de combustibles de synthèse neutres en carbone.
En matière d’énergie, les Écologistes en restent au fétichisme du renouvelable.
« Pour l’Europe, tendre vers le 100 % énergies renouvelables est le seul moyen de stabiliser la facture d’énergie et de tenir nos engagements climatiques. »
Comme si la hausse des prix de l’énergie n’était due qu’à l’insuffisance d’énergies renouvelables et si le marché n’était pour rien dans cette augmentation. Au demeurant, si l’on en croit une résolution déposée par Marie Toussaint lors de la dernière session du Parlement européen, les Verts sont des soutiens actifs de toutes les propositions libérales de la commission. Dans cette résolution, elle
- souligne les multiples avantages des accords d’achat d’électricité et des contrats d’écart compensatoire pour les énergies renouvelables, ainsi que des signaux de prix adéquats pour récompenser les nouveaux investissements dans les capacités, la flexibilité, l’efficacité et les infrastructures ;
- demande aux États membres de veiller à ce que les fournisseurs de solutions de réponse à la demande et de stockage aient accès à tous les marchés de l’énergie, ainsi qu’à des tarifs dynamiques offrant une certaine souplesse aux ménages qui souhaitent participer à ces systèmes et tarifs et faire fonctionner ces dispositifs.
Autant de propositions dont nous avons souvent dénoncé les dangers (voir Alain Tournebise, « Europe et enjeux énergétiques », Économie&Politique n° 828-829, juillet-août 2023).