Où en est la conjoncture économique ?

Début de récession, accélération de l’inflation, hausse des taux d’intérêt, chute des Bourses : un processus destructeur semble s’emballer sous l’effet des contradictions accumulées dans la crise systémique. Quelques points de repère sur la situation économique telle qu’elle se présentait au début du mois de mai.

Comme nous l’avions annoncé, la conjoncture française et européenne est en train de se retourner. Au premier trimestre 2022, le PIB a reculé aux États-Unis, il a stagné en France.

Évolution du PIB depuis 2005

Ce retournement pourrait s’accompagner d’une différenciation forte avec les États-Unis, qui pourraient bénéficier ― en termes de croissance ou de financement et pour un temps ― d’un différentiel favorable… à condition que l’effet de contamination financière (les Bourses) ou l’inflation ne viennent pas le contrecarrer.

Dans le même temps, les facteurs de recomposition économique mondiale se renforcent, non seulement vers un rôle nouveau et renforcé de la Chine et de la Russie, mais aussi avec des envies accrues de repositionnement de nombre de pays émergents ou du Sud très inquiets du comportement économique des États-Unis et du monopole plus guerrier que jamais du dollar, monnaie commune mondiale de fait. Mais les États-Unis ne vont pas rester immobiles…

Cette conjoncture pose comme jamais l’exigence ― pour la paix ― d’une autre mondialisation économique, d’une monnaie commune alternative au dollar, d’une autre construction européenne et d’institutions mondiales très nouvelles de co-développement, de maîtrise du commerce international et des investissements, de financement commun. Le rôle de la France devrait être de prendre des initiatives en ce sens.

Après le tunnel de la pandémie, dont on n’est pas sorti, et qui a tant sidéré, permettant un tournant de la politique économique au service du capital, c’est désormais le tunnel de la guerre favorisant « l’union sacrée » derrière les capitaux et l’impérialisme dominant. Mais l’histoire n’est pas dite…

Un retournement conjoncturel dans une économie déjà malsaine et fragilisée, qui demeure sur un volcan financier

La guerre en Ukraine est venue frapper une économie très fragile. Il suffisait d’une étincelle car nous étions ― et restons ― sur un volcan financier, et l’économie française a plus enregistré un rebond mécanique d’activité (+7 % de PIB en 2021 après ‑8 %, en volume) qu’une véritable reprise économique. Les chiffres d’emploi étaient en trompe-l’œil, car l’emploi a en réalité baissé si l’on tient compte du chômage partiel. Le gonflement boursier est gigantesque. La remontée d’inflation est plus durablement installée qu’on ne le prétend et semble même s’accélérer. Les services publics et la production industrielle sont très affaiblis, les chaînes d’activités mondiales sont très désorganisées depuis plus de deux ans, le déficit commercial de marchandises est plus dégradé que jamais (-87,4 milliards d’euros), tandis que les revenus internationaux de services, royalties, revenus financiers et rapatriement de dividendes n’arrivent plus du tout à compenser ce déficit de marchandises.

Or c’est l’emploi, sa qualité (formation, salaires, sécurité) qui peut seul être le moteur d’une véritable reprise, saine, juste, efficace et… pacifique !

Un emploi appuyé par des investissements matériels efficaces et des projets donnant une perspective liée à un projet de société mobilisateur… pour des « jours heureux ».

Au contraire, le gouvernement appose des pansements temporaires, voire électoralistes, recommence à arroser le capital sans conditions. Et la BCE prend une double décision de hausse des taux et de diminution des rachats de dette publique qui va faire très mal si elle est mise à exécution : la hausse des taux peut tuer le peu d’investissement efficace qui avait lieu, pousser les exigences de rentabilité financière et la baisse des rachats de dette nous ramène vers plus d’austérité budgétaire. Il est vrai que la Réserve fédérale américaine, menant sa guerre économique impérialiste contre tous les autres pays, exerce à fond sa pression dans ce sens, par ses propres décisions de hausse des taux. Elle met ainsi la BCE au pied du mur : pour soutenir vraiment l’activité, les demi-mesures, les conciliations avec le capital ne suffisent plus. Il faut entrer dans une véritable politique alternative mettant le maximum pour un « quoi qu’il en coûte » au service de l’emploi, des services publics, de la formation et de l’investissement efficace. Mais cela demande des mesures structurelles, de bon sens, quoiqu’en réalité révolutionnaires dans les conditions actuelles : pouvoirs démocratiques et décisionnels sur l’utilisation de l’argent des entreprises et des banques selon d’autre critères, s’attaquer radicalement à la finance. Prise d’indépendance et « non alignement économique » de l’Europe, de la France qui devrait tendre la main à tous les peuples du Sud et des pays émergents.

Les mesures structurelles du programme des Jours heureux permettent d’engager cette dynamique indispensable et qui peut rassembler toutes les femmes et hommes de bonne volonté.

A commencer par le lancement immédiat d’une conférence nationale pour l’emploi, les salaires, la formation et la transformation productive écologique et sociale. Car, nous ne coupons pas les revenus et les salaires du reste des questions ! Cette conférence ouvrirait sur des réunions dans tous les territoires pour des conférences permanentes. Elle serait appuyée par trois choses : un processus de nationalisations bancaires et industrielles, de nouveaux pouvoirs immédiats des travailleurs dans les entreprises, une sura massive de l’emploi et les salaires dans les services publics. C’est dans ce sens que notre programme est le seul cohérent (hormis la cohérence des projets du grand capital) : appui immédiat à la demande, construction d’une nouvelle offre, par des réformes de structures et une nouvelle démocratie se donnant les moyens d’engager les entreprises et les banques dans d’autres logiques, d’autres critères. Ce sera une bataille, mais une bataille de paix et de coopération, tout particulièrement en Europe avec tous nos voisins dont les forces mutualisées pourraient, devraient, aider à relever ce défi… face au dollar US et aux marchés financiers européens.

Il est grand temps !

La crise systémique en fond de tableau

La crise financière de 2008 avait révélé que la crise systémique de l’accumulation capitaliste n’était pas surmontée. Depuis lors, l’économie mondiale ne tient que par un soutien public sans précédent aux profits privés – c’est-à-dire une dévalorisation massive de capital public – financé par une énorme création monétaire des banques centrales.

Cet état de choses a produit dès 2019 les conditions d’une nouvelle convulsion que la pandémie est venue précipiter. Là encore, ce sont les soutiens « quoi qu’il en coûte » au capital qui ont évité un effondrement général, à la faveur d’une création monétaire des banques centrales d’une ampleur comparable, en moins de deux ans, à celle des dix années précédentes qui était déjà d’une dimension hors normes. Par exemple, le bilan de l’Eurosystème (la BCE + les 19 banques centrales nationales de la zone euro) a augmenté de 7 400 milliards d’euros depuis l’éclatement de la crise des subprimes en en août 2007, et de 3 900 milliards d’euros depuis la fin février 2020.

La situation est si grave qu’aux États-Unis une partie de ces fonds publics ont dû être distribués directement aux ménages privés de ressources par l’explosion du chômage, tandis que les gouvernements européens choisissaient d’éviter cette explosion par une forme perverse et précaire de « sécurisation des emplois » sous forme de financement du chômage partiel.

Les menaces qui pesaient à la veille de la guerre [1]

En 2021, l’activité a rebondi très fortement sans effacer le plongeon de 2020 (en France : 7 % de croissance du PIB en volume après -8 % en 2020), ni les centaines de milliards de « manque à produire » accumulés au cours des confinements successifs.

Toujours près de six millions de privés d’emploi

Le recul du nombre d’inscrits à Pôle Emploi en catégorie A (personnes tenues de s’inscrire et n’exerçant aucune activité) au premier trimestre 2022 (-5,3 %) au premier trimestre 2022 a surpris mais les inscrits exerçant une activité réduite (catégories C et D) continuent d’augmenter. Le recul des chiffres du chômage chez les moins de 25 ans reflète la montée en puissance des dispositifs d’apprentissage, qui institutionnalisent l’allongement du délai au bout duquel les jeunes diplômés obtiennent un premier emploi stable.  

Déjà, les statistiques montrant une vive augmentation de l’emploi au quatrième trimestre 2021 (+380 000 par rapport à fin 2019, quasi-intégralement dans les services privés, tandis que l’emploi recule encore de 34 000 dans l’industrie et que l’emploi public stagne) recouvraient une réalité beaucoup plus inquiétante : si on retire les personnes en chômage partiel, dites « en activité partielle », on observe une chute de l’emploi total de 10,4 % en 2020 suivie d’ une progression de 9,5 % seulement en 2021. À 7,4 %, le taux de chômage au sens du BIT n’est pas très éloigné de celui qui, en France, correspond à ce que les économistes appellent le plein-emploi. C’est d’ailleurs celui envisagé pour les 50 années à venir dans les plus récentes prévision du Conseil d’Orientation des retraites (COR) !

Et, au quatrième trimestre 2021, 5,5 millions de personnes sont toujours privées d’un véritable emploi (2,2 millions de chômeurs, 1,9 million de personnes dans le « halo du chômage » et 1,4 million de personnes en situation de sous-emploi), et par voie de conséquence de la possibilité de participer efficacement à la création de richesses. C’est cela leur « plein-emploi » ! Dans le même temps, le niveau record historique atteint par les difficultés de recrutement dans l’industrie (62 % des entreprises dans l’industrie manufacturière) témoigne certes de nouveaux comportements de refus face aux emplois de mauvaise qualité induits par l’expérience faite par les salariés pendant le confinement, mais surtout de l’insuffisance des salaires, de la formation et, fondamentalement, de l’inefficacité désormais patente de la régulation exercée par le marché du travail capitaliste. Il témoigne surtout de l’urgence de la construction d’une sécurité de l’emploi et de la formation.

De l’inflation financière à celle des prix à la consommation

L’inflation financière atteint des sommets, comme les cours de bourse de presque tous les pays, au-delà des soubresauts enregistrés ces derniers jours.

Autre symptôme du conflit entre rentabilité financière et efficacité économique, les pénuries de matières premières et de composants électroniques consécutives à la dislocation des chaînes d’activité sont un trait majeur de la situation économique présente.

Conjointement aux pressions sur les salaires, sur l’emploi et sur les dépenses publiques qui anémient la demande, elles contribuent à expliquer pourquoi l’activité économique, même dans la phase de reprise consécutive à la « grande récession » de 2008-2009, progresse nettement moins vite que la quantité de monnaie mise à la disposition de l’économie par le système bancaire.

Longtemps, dans les cycles précédents, cela ne s’est pas traduit par une accélération de la hausse des prix à la consommation. Ce sont plutôt les prix des actifs financiers et immobiliers qui ont explosé, repartant inlassablement à la hausse après chaque krach depuis quarante ans, comme cela s’est encore produit depuis 2008. C’est dès 1988, lors du colloque international de la revue Issues que Paul Boccara avait caractérisé la situation comme une combinaison d’inflation financière et de déflation salariale et sociale.

Les records atteints par les Bourses en 2021 et 2022 s’expliquent par cette abondance de liquidités « mal utilisées » autant que par les profits exceptionnels des grands groupes en France (les 137 milliards de bénéfices mondiaux du CAC 40 en 2021 et leurs 69 milliards de dividendes). La Bourse de New York reste proche de ses niveaux les plus élevés (4 155 points au 2 mai 2022) mais elle a décroché depuis le record du début janvier 2022 (4 796 points le 3 janvier), tant les risques de panique s’accumulent face à l’arrêt de la croissance, à l’accélération de l’inflation et au durcissement de la politique monétaire. À Paris, l’indice CAC40 menace de suivre la même pente après avoir accusé le coup du conflit (-13 % depuis le 5 janvier) ; il connaît des fluctuations erratiques dans le contexte du conflit (6 963 points le 8 mars, 6 426 points le 2 mai).

La spéculation effrénée sur les matières premières et alimentaires se surajoute, avec des effets très violents sur les vies de millions d’êtres humains. Elle aussi est une conséquence de la masse considérable de liquidités livrée sans conditions, donc aux mains de spéculateurs profitant des règles du capitalisme mondialisé. Il faudrait pourtant suspendre ― au moins temporairement ― la spéculation sur ces produits, interdire les achats à découvert et mobiliser les stocks alimentaires.

Signe de la gravité des ressorts profonds de la crise, l’inflation atteint désormais le marché des biens et des services. Aux États-Unis, elle a atteint 8,5 % sur un an en mars 2022, forçant la banque centrale, malgré les menaces que la guerre fait peser sur la croissance, à modifier sa politique monétaire. Comme elle l’avait laissé entendre lors de sa précédente réunion, la Fed a relevé ses taux le 16 mars, pour la première fois depuis 2018, en raison de l’invasion par l’armée russe de l’Ukraine, qui outre les destructions de la guerre, va alimenter la hausse des prix, notamment de l’énergie. La hausse, d’un quart de point, a été suivi d’une deuxième, deux fois plus forte, le 5 mai, et elle devrait se poursuivre en 2022, la Fed se focalisant désormais sur la stabilité des prix. Et cela va faire mal !

En zone euro, le taux d’inflation en zone euro s’est établi à 7,5 % en mars, après 5,9 % en février. Certes, pour l’heure, les hausses de salaires sont très contenues, donnant aux dirigeants l’espoir, avec une sixième vague COVID-19 qui accentuerait la sidération des travailleurs, que ne se formera pas une « boucle prix-salaires » comme cela a débuté outre-Atlantique jusqu’en janvier dernier. Mais si la hausse des prix à la consommation perdure, la BCE aurait à choisir : doit-elle, pour prétendre endiguer l’inflation, mettre précocement fin à son quantitative easin» et engager plus vite et plus fort que prévu un relèvement de ses taux d’intérêt, comme le veut l’orthodoxie capitaliste, ou doit-elle ajourner encore de telles décisions par crainte d’étouffer la reprise si inaboutie, inégale et précaire, alors que le chômage est autrement plus important qu’aux États-Unis ?

Glissement annuel de l’indice des prix à la consommation (en %)

France Allemagne
Zone euroÉtats-Unis

Source : OCDE

Le dilemme des banques centrales est d’autant plus douloureux que les perspectives de croissance s’étaient assombries dès avant l’invasion de l’Ukraine par Poutine. Parmi les facteurs qui y ont contribué figure la reprise de la pandémie de COVID19, particulièrement en Europe occidentale où les effets économiques ne sont pas encore visibles, et en Chine où les confinements mettent à l’arrêt une proportion croissante de l’économie, à commencer par des zones névralgiques comme Shenzhen et Shanghai.

Le paysage de guerre

Le FMI craint que la guerre n’ampute de 35 % le PIB de l’Ukraine. Celui de la Russie pourrait chuter de 12 à 15 %. Les effets les plus redoutables ne sont pas ceux qui résultent des évolutions de ces deux économies, de taille somme toute modeste en comparaison des États-Unis, de la Chine et de l’Union européenne, mais des actes de guerre économique décidés sous couvert de pressions visant à stopper l’agression russe.

En face d’une dette externe publique de 220 milliards de dollars, la Russie a accumulé des réserves de change pour 630 milliards de dollars mais celles-ci sont gelées pour plus de la moitié de leur valeur.

Une grande question : l’accès de la Russie aux liquidités en dollars.

Le cours du rouble en dollars ou en euros s’est effondré de 45 % lorsque l’invasion a commencé, puis les efforts de la banque centrale russe, qui a mobilisé la part de ses réserves qui restent disponibles malgré les sanctions et porté ses taux d’intérêt à 20 % depuis le 28 février, lui ont fait regagner complètement le terrain perdu.

La Russie cherche à payer en roubles tout ce qui peut l’être légalement ou non mais de toute façon les flux financiers en dollars sont bloqués. Non seulement certaines banques russes sont exclues de Swift mais Euroclear et Clearstream, les systèmes de règlements de titres, ont bloqué la plupart de leurs opérations avec la Russie de crainte de sanctions occidentales. Cependant, les Occidentaux n’ont pas forcément intérêt à laisser le système financier russe s’effondrer. Entre les filiales de banques occidentales et les actifs détenus dans les portefeuilles des investisseurs du monde entier, les conséquences pourraient être douloureuses. « Le blocage des actifs de la banque centrale ne sera pas forcément total. On peut imaginer un accès donné au compte-gouttes, pour maintenir le système financier à flot », comme la BCE l’avait fait pour la Grèce.

Les sanctions ont un coût élevé pour l’Europe et pour les peuples.

Il y a la dépendance au gaz russe qui ne peut pas être remplacé du jour au lendemain. Cela concerne surtout des pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou l’Italie qui ne disposent pas de ressources suffisantes en énergie nucléaire. Plus de 40 % du gaz et 27 % du pétrole importés dans l’Union proviennent de Russie. La Commission européenne préconise de réduire des deux tiers ces importations mais cet objectif n’est pas mentionné dans le communiqué du sommet de Versailles adopté le 11 mars.

Mais il y a aussi les filiales de groupes européens installés en Russie et là la France est en première ligne avec 160 000 salariés (Renault, Société générale, Auchan, Total, etc.). D’où les réticences de groupes comme Total, par exemple, à se retirer du pays, même si l’un après l’autre les groupes multinationaux annoncent le retrait de leurs opérations en Russie. De même, les chefs d’État et de gouvernement excluent que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE puisse advenir dans un futur prévisible… tout en la réaffirmant comme une nécessaire perspective ! N’oublions pas d’ailleurs les importantes richesses et capacités de production situées en Ukraine (mécanique lourde, acier, industrie spatiale et militaire).

Le Pacte de stabilité est suspendu jusqu’à la fin 2022 et l’encadrement des aides d’État va être assoupli. Mais pour quelle utilisation ?

Dans les pays pauvres et émergents, c’est surtout la hausse des prix des matières premières et alimentaires qui exerce des effets redoutables. La Russie et l’Ukraine représentent 30 % des exportations de blé mondiales, et la situation déchaîne une spéculation meurtrière. On se souvient des « émeutes de la faim » en Égypte en 2008, les effets risquent d’être pires cette fois-ci, par exemple dans toute l’Afrique et au Proche-Orient.

Qu’il s’agisse du pétrole, des denrées alimentaires ou d’autres produits négociés sur les marchés mondiaux, la spéculation est structurellement liée à la façon dont ces marchés sont organisés. Elle ne porte pas directement sur des quantités physiques de biens échangés mais sur des produits financiers : contrats de livraisons futurs, options… Ce sont ces opérations, financées à crédit, voire à découvert, par les banques, qui pilotent le cours des marchandises « sous-jacentes ».

Macron : « capital, me voilà ! »

Le bilan du quinquennat est désastreux du point de vue de la désindustrialisation. Selon l’OCDE [20], la valeur ajoutée de l’industrie (énergie comprise) représente 13,24 % de la valeur ajoutée totale produite en France en 2020 (13,83 % en 2017) contre 23,49 % en Allemagne et 19,52 % en Italie. Pour la seule industrie manufacturière, c’est pire. Les délocalisations ont fait proliférer la désindustrialisation. Les effectifs salariés à l’étranger des multinationales à base française ont atteint 6,1 millions, beaucoup plus que leurs homologues allemandes.

Le résultat se lit dans le commerce extérieur qui affiche un déficit record en 2021 – 87,4 milliards d’euros, et les premiers mois de 2022 ne démentent pas la tendance.

Macron n’en tire aucune conséquence et annonce au contraire son intention d’accélérer encore dans le soutien au capital (les start-ups, les délocalisations, les fusions-prises de contrôle) financé par le recours aux marchés financiers, sécurisées par les banques, à l’exemple du « plan d’investissements d’avenir » de Sarkozy. Cette politique repose également sur les politiques de baisse du coût du travail qui se traduisent par le rationnement des services publics et les réductions d’effectifs, et par le projet de report de l’âge de la retraite à 65 ans.

Même les projets annoncés en fanfare comme le nucléaire sont marqués par cette obsession pour le capital. Ainsi, alors que, comme en témoignent les reports successifs de l’EPR, la filière est profondément fragilisée par le manque de main d’œuvre qualifiée dans un certain nombre de métiers clés, comme celui de soudeur, le dernier « Comité stratégique de filière nucléaire » annonçait en mars 2021 le déblocage de 32 millions supplémentaires pour les investissements en capital et de … 600 euros par mois pour 50 jeunes à former pendant 3 ans ! Soit 14000 euros. Soit deux mille fois plus pour le capital que pour l’emploi et la formation ! 

Tout récemment Alstom Belfort annonce l’annulation de la livraison de 130 locomotives de fret à l’Ukraine, et pour cause. Mais cela représente 50 % des carnets de commande. Plutôt que d’envisager des licenciements, n’est-il pas temps d’utiliser en grand un « quoiqu’il en coûte » d’un tout autre type : sécurisant ces emplois, savoir-faire et les développant … pour engager un véritable plan de re-développement du fret ferroviaire en France, dont les salariés disent qu’il exigerait 200 locomotives nouvelles, sans parler de l’infrastructure ferroviaires, des rails et des systèmes de signalisation.

Mais, face aux problèmes économiques qui assaillent l’économie et les Français, le gouvernement tente d’éviter des actions de grande ampleur « quoi qu’il en coûte » en préférant des mesures au coup par coup, comme les aides de 100 euros au pouvoir d’achat ou le rabais de 15 euros sur le prix des carburants annoncés récemment. De même, le « plan de résilience » économique annoncé le 16 mars par Jean Castex consiste en aides ciblées à un petit nombre d’entreprises directement touchées par la crise internationales.

Macron ne renonce pas, pour autant, à se servir de sa présidence du Conseil de l’Union européenne pour tenter de faire avancer les dirigeants allemands dans la voie d’une Europe fédérale, y compris en matière industrielle et pas seulement de défense, de sécurité et d’immigration, au service de la domination des marchés financiers et avec l’espoir de construire un condominium franco-allemand sur l’Europe.


[1] Yves Dimicoli, « Macron : capital, nous voilà ! », Économie&Politique n° 810-811 janvier-février 2022.

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  1. Numéro 812-813 (mars-avril 2022) - Économie et politique

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