L’euro dans le vortex du dollar

Yves DIMICOLI

En annonçant unilatéralement, le 15 août 1971, la suspension de la convertibilité en or du dollar puis, en 1973, son abandon définitif, Nixon sonnait le glas des accords de Bretton Woods (qui pourtant déjà donnaient au dollar un rôle impérial et quasi-égal à celui de l’or). Le dollar, rendu « flottant » sur les marchés, devenait monnaie mondiale de fait. Fin 1971, au cours d’une réunion du G-10 1, John Connally, secrétaire au Trésor de Nixon, déclara à des ministres européens des Finances s’inquiétant de ce flottement : « Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème ! ». La première tentative de réponse d’ampleur à cet oukase aura été la création de l’euro, novatrice mais très contradictoire. Une nouvelle tentative est engagée par les BRICS 2, alors que les États-Unis, mis sur la défensive par la Chine, profitent de l‘odieuse guerre du Kremlin en Ukraine pour mobiliser frénétiquement leurs atouts mondiaux de domination monétaire et militaire, cherchant l’alignement des Européens.

L’imperium renforcé du dollar depuis 1971 dépend de deux paramètres économiques essentiels : l’endettement public massif, grâce à l’attraction des capitaux « flottants », par les places financières américaines pour le financer et, « privilège exorbitant », son remboursement en monnaie étatsunienne; la facturation largement prédominante en dollars des échanges mondiaux d’hydrocarbures et de matières premières.

Dollar : un « tigre de papier »

Depuis le coup de force de Nixon, les États-Unis s’endettent massivement à l’extérieur dans leur propre monnaie. Ils aspirent les capitaux flottants dans le monde, via les marchés financiers et de change interconnectés qu’ils dominent et via leurs multinationales, accentuant leur ascendant informationnel et militaire sur l’humanité, et ils exportent des capitaux américanisés dominateurs partout ailleurs.

Chacun des autres pays avancés déploient des efforts obsessionnels de promotion de sa propre place financière afin de pouvoir capter aussi des capitaux « flottants » pour placer des titres représentatifs de dettes qu’ils émettent en vue de soutenir leurs capitaux privés.

Grace au « privilège exorbitant » du dollar (émission « libre » d’une monnaie que tout le monde détient, et dont tout le monde se voit obliger de soutenir la valeur, au risque de faire plonger sa richesse), Washington peut augmenter d’autant plus ses dépenses publiques, sans avoir à effectuer de prélèvements correspondants sur les profits et les capitaux intérieurs, que les services publics et la protection sociale sont indigents outre-Atlantique. Cela permet aux États-Unis des taux d’accumulation, de croissance et d’emploi toujours supérieurs à ceux, en particulier, des pays de la zone euro où services publics et systèmes de protection sociale sont plus développés, leur financement requérant donc impôts et cotisations 3.

Cela a autorisé et encouragé un gonflement faramineux de la dette fédérale US, attirant les capitaux de tous les pays. Et les firmes multinationales américaines en ont profité pour leur expansion dominatrice jusqu’en Chine, moyennant la « désindustrialisation » de leur base nationale. D’où la tendance, outre-Atlantique, à la croissance exponentielle de « déficits jumeaux », fédéral et extérieur, accumulés en dettes dont le financement ne cesse d’exiger une croissance ininterrompue de la demande mondiale de dollars.

Dans cette logique, les marges de manœuvre des « partenaires » des États-Unis en matière de politique économique ne cessent de se réduire, car l’offre de liquidité dépend, en dernier ressort, des seuls choix politiques du pays émetteur de dollars et de titres représentatifs de dette publique US 4. Lorsque le dollar est menacé dans sa valeur, la FED peut agir pour remonter des taux, ce qui attire plus de capitaux extérieurs, assoiffés de rendement rapide, et soutient ainsi la demande de dollar, donc son cours, au détriment de toutes les autres économies mises à terre par les taux élevés et l’assèchement des capitaux. La remontée brutale des taux en 1979 en est un exemple particulièrement emblématique. Le réglage de cette offre est donc devenu d’autant plus contradictoire avec les besoins de liquidité des autres pays que la croissance de la dette publique des États-Unis ne cesse de s’accélérer.

Celle-ci est passée de 5 674 milliards de dollars en 2000 à 32 332 milliards de dollars en juillet 2023, soit une multiplication par 5,7, alors que, dans le même temps, le PIB n’a été multiplié que par 2,4 5. Cela, alors même que ses taux d’intérêt sont devenus très faibles voire négatifs entre 2008 et 2022. Cela rend la poursuite de son accumulation problématique, surtout si des acteurs importants de l’érection de cette pyramide ne veulent plus jouer le jeu. Or, la tension, renforcée avec la création de l’euro, est devenue plus forte quand des États membres des BRICS, Chine et Russie en tête, suivis de pays d’Amérique latine, ont commencé à vouloir dédollariser leur économie. Ainsi, depuis 2014, la Chine, jusqu’alors premier détenteur mondial de titres de dettes publiques US, donc libellées en dollars, a entrepris d’en alléger son portefeuille. Et la hausse importante des achats de ces titres par le Royaume-Uni, très complice de Washington, n’a pas suffi à compenser la baisse de leur détention par les non-résidents. Ainsi, depuis la crise financière de 2008, la FED a lancé un programme d’achats de ces titres, sa part étant passée de 492,30 milliards de dollars en 2009 à 6 254,96 milliards de dollars en 2022 6, soit environ 20%.

Le surendettement public inouï des États-Unis menace donc de faillir, ainsi qu’en atteste le psychodrame auquel donne lieu chaque épisode de relèvement de son plafond 7. Tout doit donc être tenté par Washington pour que la demande mondiale de dollars, aussi bien pour les échanges que pour les prêts et l’accumulation, continue de croître, quoi qu’il arrive.

Un deuxième paramètre essentiel de la domination du dollar tient au fait que celui-ci libelle encore la majeure partie des échanges mondiaux de matières premières 8. Le pétrole y occupe la première place et a donné lieu à la création des pétrodollars 9. Ils renforcèrent le dollar US en en soutenant la demande, les pays et acteurs du monde entier devant en détenir pour acheter du pétrole, mais aussi en accroissant la demande mondiale d’obligations du Trésor des États-Unis en lesquelles ses dollars sont généralement placés.

Cependant, la donne monétaro-financière mondiale bouge beaucoup depuis quinze ans. Les injections massives de liquidités opérées par les grandes banques centrales occidentales, pour soutenir le système financier, depuis la crise de 2008, ont déchainé une hyperinflation des marchés de capitaux (obligataires, boursiers et immobiliers). Face à une nouvelle récession mondiale, amorcée dès fin 2019 et exaspérée par la pandémie de la Covid-19 en 2020, les États du G-7, épaulés plus que jamais par les banques centrales, ont énormément dépenser pour soutenir les profits et la demande qui leur est nécessaire 10. Les chaines mondiales d’approvisionnement et d’activités, bâties pour le rentabilité financières des actionnaires de contrôle des multinationales, n’ont pas pu suivre, faisant saillir leur médiocre efficacité sociale. D’où la résurgence de l’inflation des prix des produits et services, vivement attisée par la guerre russe contre l’Ukraine et les sanctions occidentales.

La Fed a été la première à prétendre la combattre en remontant brutalement ses taux d’intérêt, suivie, avec retard, par la BCE. De quoi faire planer le risque d’une nouvelle récession mondiale, d’un krach financier, mais aussi d’une crise de confiance dans le dollar, alors que cette mesure visait pour une part à le soutenir.

Simultanément, une nouvelle donne radicale s’annonce avec la crise climatique qui rend impérieux le besoin pour toute l’humanité de sortir des énergies fossiles et de concevoir une alternative vraiment écologique au moteur thermique. Cela met en cause l’avenir de ce que deux auteurs d’outre-Atlantique ont appelé le « complexe de la combustion carbone » 11, au cœur du capitalisme financier, à commencer par les États-Unis.

Mais deux forces de rappel jouent :

– La dépendance de l’occident à cette drogue dure qu’est le dollar et dont le manque durable, ou la chute de valeur, le plongerait en dépression. En effet, les engagements financiers globaux des États-Unis envers le reste du monde s’élèvent à plus de 53 000 milliards de dollars. Ces passifs étant libellés en devise américaine, un dévissage du dollar ne changerait pas le montant de ce que doit Washington au reste du monde. En revanche, il réduirait, exprimée dans leur monnaie nationale respective, la valeur des capitauxdétenus par des étrangers notamment sous forme de créances sur les États-Unis 12. Parallèlement, les quelques 35 000 milliards de dollars d’actifs étrangers détenus par les investisseurs américains sont libellés presqu’exclusivement en devises étrangères. Si la valeur de ces dernières par rapport au dollar augmente, elles vaudraient plus une fois converties en billets verts 13.

– La défense des intérêts géostratégiques, économiques et financiers, des critères, des règles, des réseaux de pouvoir et d’influence, des rapports de forces, des valeurs consubstantiels au capitalisme contemporain, jusqu’à l’emploi de la force militaire. En cas de menace, comme cela a été réaffirmé au sommet de l’OTAN à Vilnius le 11 juillet 2023 14 , le camp des dirigeants occidentaux se soude derrière l’hégémon américain au sein de cette organisation déclarée « en mort cérébrale » par un Macron bravache en novembre 2019. On a vu, depuis 2022, son ressaisissement, sa capacité à faire s’envoler les dépenses d’armements pour lesquelles le dollar et Washington sont roi, puis l’alignement, queue entre les jambes, des Européens, Macron compris 15.

Le néo-impérialisme étatsunien est prêt à tout pour continuer d’user et d’abuser du privilège du dollar, ainsi que l’a suggéré avec force, le 1er mars 2023, Nellie Liang, sous-secrétaire aux finances intérieures : « Le leadership financier mondial du dollar américain (…) confère des avantages économiques et stratégiques aux États-Unis », il faut « aider à préserver le rôle mondial du dollar  (…). Les États-Unis ont recours à des sanctions et à d’autres mesures financières pour faire face aux menaces (…). L’efficacité de ces outils repose en partie sur la force et la centralité du système financier américain et sur le rôle du dollar » 16.

Pourtant, après l’agence de notation S&P 17 qui, elle, l’avait fait dès 2011, l’agence Fitch, le 2 août 2023, a abaissé sa notation des titres de dette à long terme américaine d’un cran, la rétrogradant de AAA à AA+ en invoquant des « impasses répétées sur le plafond de la dette et des résolutions de dernière minute », une « détérioration budgétaire attendue au cours des trois prochaines années », ainsi qu’« une charge de la dette publique élevée et croissante »18. Cela a fait bondir la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen: « Je désapprouve fortement la décision de Fitch »19 !

Autrement dit, le dollar est certes impérial, menaçant et capable de beaucoup nuire, mais, comme le dit l’expression chinoise popularisée en 1956 par Mao Zedong, c’est aujourd’hui, beaucoup plus qu’il y a 68 ans, « un tigre en papier »20.

L’Europe sous emprise américaine

Précisément, la création de l’euro, auquel les Européens demeurent très attachés, illustre combien cette importante tentative peut et doit être revisitée de fond en comble, en liaison avec les luttes, les exigences sociales et sociétales.

La création d’une monnaie régionale européenne, constituait une novation de portée mondiale, marquée par une forme d’ambivalence dès le début : soutien au dollar mais aussi instrument de rivalité, objectivement et potentiellement. Mais l’utilisation qui en a été faite détruit les richesses humaines sur laquelle elle repose, au lieu de les promouvoir.

Les dirigeants européens ont lancé l’euro sous forme de monnaie unique, donc sur un mode fédéraliste, au service de la domination des marchés financiers. Ils entendaient ainsi rivaliser avec le dollar sur ses points forts, l’attraction des capitaux. En s’acharnant à promouvoir l’euro par la finance, et non comme instrument monétaire de codéveloppement réel, certains caressaient l’espoir d’obliger par la concurrence les États-Unis à faire partager leur suprématie financière sur le monde, tandis que d’autres y voyaient le moyen d’en faire une « béquille » de la devise US et d’en recueillir la reconnaissance de Washington. Le niveau élevé de son taux de change fut prétendument assuré par la casse progressive du modèle social européen (services publics, protection sociale…) censée permettre de contenir déficits et endettements publics. La baisse du « coût du travail » fut retenue comme moyen d’assurer la compétitivité des produits. Les taux d’intérêt de l’euro, calés sur les choix de politique monétaire de la FED, furent maintenus par la BCE, décrétée « indépendante », élevés relativement à ceux du dollar, pour tenter de le rendre plus attractif financièrement. Il s’est agi aussi d’inciter les patrons d’entreprises, via le crédit bancaire, à résister aux luttes salariales. Tout cela avec des critères et des règles dogmatiques que la BCE elle-même fut obligée, face au risque de catastrophe, de transgresser à de nombreuses reprises.

Cela a contribué à aggraver le chômage, les retards technologiques, le cancer financier et une hémorragie continue de capitaux vers les États-Unis et le dollar.

Tandis que s’est exacerbée la domination économique régionale du capital allemand 21, décrété « moteur de l’économie européenne », la construction d’ensemble a tendu à se fragmenter entre le sud et le nord à mesure qu’elle progressait vers l’est, avec des ambitions mêlant la volonté d’étendre le domaine des capacités humaines exploitables à celle de propager les valeurs, les règles, les critères du capitalisme et d’une démocratie parlementaire sous tutelle de la finance. Si d’un côté, Berlin entendait modeler, à partir de la zone euro, l’UE comme une grande zone sous-traitante de ses capacités de production pour l’exportation et d’absorption de ses produits, Paris n’a jamais cessé de penser pouvoir obtenir de l’Allemagne la constitution d’un condominium européen avec un partage du pouvoir sur la monnaie et la bombe (nucléaire).

Mais, au bout du compte, l’emprise du capital étatsunien sur l’Europe n’a cessé d’être colossale. Que l’on en juge : En 2020, pour les 13 États membres de l’UE22 qui déclarent des positions d’investissements directs étrangers (IDE) « entrants par économie d’investissement ultime » 23 , leur valeur totale s’élevait à 2 990 milliards d’euros. La première « économie d’investissement ultime » était celle des États-Unis, représentant un quart du total investi de 752 milliards d’euros (25,1% de la valeur totale par économie d’investissement ultime). Le total des positions entrantes d’IDE par « économie d’investissement immédiat » 24 dans les 13 États membres de l’UE s’élevait à 3 162 milliards d’euros. Le Luxembourg en a représenté 22,9%, les Pays-Bas 18,9%, la Suisse 11,2%, le Royaume-Uni 11,1% et l’Allemagne 8,6%. Les pays en tête de ce classement sont des « paradis fiscaux ».

Par ailleurs, une étude américaine indique qu’en 2021, le stock total d’IDE européens aux États-Unis était de 2700 milliards d’euros environ 25, soit 64% des capitaux étrangers investis outre-Atlantique et près du quart de la position totale d’IDE sortants de l’Union européenne à 27 26. La majeure partie du capital ainsi investi est détenue par des entreprises néerlandaises, britanniques, allemandes et suisses. La même année, les ventes de produits par des filiales européennes situées aux États-Unis y ont plus que triplé les importations en provenance d’Europe.

Un bloc commercial belliciste

Les conflits commerciaux entre les États-Unis et l’UE sont nombreux. Outre-Atlantique, on manie avec ardeur le protectionnisme depuis des lustres et on n’hésite pas à faire jouer l’extraterritorialité du droit américain, privilège que s’est attribué Washington de placer sous sanctions judiciaires toute utilisation du dollar US pour des transactions considérées non conformes aux intérêts économiques et politiques du capital étatsunien 27. Dans l’UE, on avance les règles dogmatiques de libre circulation des capitaux, des marchandises et des hommes fondant le « marché unique ».

L’organe de règlement des différends commerciaux, l’OMC, est demeuré bien incapable d’arbitrer les plus importants conflits entre Bruxelles et Washington, tel que celui opposant Airbus et Boeing ou ceux concernant l’acier, l’aluminium…

Mais tout se passe comme si le déchaînement protectionniste de l’administration Trump avait permis à son successeur de paraître beaucoup plus « soft », sans du tout changer de ligne, surtout depuis la montée de la « rivalité systémique » affichée contre la Chine et, avec la guerre russe en Ukraine, la multiplication des sanctions contre l’agresseur russe.

Les États-Unis ont absorbé 18,3% du total des exportations de l’UE en 2021. Se situant ainsi comme la première destination des biens européens exportés (10,3% pour la Chine). Quant aux importations de l’UE, elles provenaient pour 11% d’entre elles des États-Unis. L’excédent (devenu) traditionnel que réalise l’Union européenne (UE) dans ses échanges de produits avec les États-Unis a atteint 166 milliards d’euros en 2021, dû pour une bonne part aux exportations de l’Allemagne. Tombé à 150,7 milliards d’euros l’année suivante (niveau de 2020), il devrait être impacté dans les années qui viennent par l’augmentation des achats européens de GNL, obtenu à partir des hydrocarbures de schiste, pour remplacer les importations de pétrole russe. En effet, Les importations de GNL dans l’UE ont bondi de 63% en 2022 portant leur total à 155 milliards de m3 28. Les importations de produits manufacturés US se font à présent, pour une large partie, via l’export par la Chine des multinationales US qui y sont implantées, et participent grandement du déficit commercial Europe-Chine.

Les États-Unis sont le premier partenaire commercial de l’UE pour les échanges internationaux de services (transports, finance, royalties des brevets, frais de gestion, assurance). Leur commerce bilatéral a enregistré un record à 563,5 milliards d’euros en 2021. Mais la balance est excédentaire côté américain depuis 2016. Le déficit de l’UE est passé de 20,9 milliards d’euros en 2019 à un record de 87,9 milliards d’euros en 2021.

Un Conseil du commerce et des technologies (CCT) entre l’Union européenne et les États-Unis a été créé en juin 2021. Il lui a été assigné l’objectif « d’échanger et de coopérer sur les principales questions technologiques, économiques et commerciales mondiales, ainsi que d’approfondir les relations transatlantiques, fondées sur des valeurs démocratiques partagées, dans le respect de l’autonomie de décision des deux parties.» 29.

Depuis, le CCT est « devenu un outil de la coopération entre les États-Unis et l’Union européenne pour relever les défis mondiaux, tels que les contrôles à l’exportation, en réponse à la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Il peut également avoir une importance (…)pour répondre aux principales préoccupations soulevées par le modèle économique dirigé par l’État chinois » 30.

C’est dire si la relation économique transatlantique est désormais empreinte de bellicisme poussant à une fragmentation du monde, en riposte aux efforts de dédollarisation de pays de l’est ou du sud. On mesure combien la guerre d’invasion du Kremlin contre l’Ukraine a accéléré cette évolution encouragée depuis des années par les États-Unis. Ceux-ci n’ont pas hésité, lors de la dernière réunion du CCT, à remettre sur la table la question d’un accord de libre-échange entre leur pays et l’UE, même si, officiellement, Biden n’en ferait pas sa tasse de thé. Si de nouvelles négociations sur le TTIP 31, après celles échouées en 2016, ne sont pas officiellement envisagées pour l’heure, il s’est dit dans les enceintes du CCT qu’ « à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de l’intérêt des décideurs politiques pour approfondir les liens entre les États-Unis et l’UE, certains commentateurs ont appelé les États-Unis et l’UE à redoubler d’efforts pour négocier un accord commercial bilatéral » 32.

L’euro victime de ses usages

Comment a évolué l’euro par rapport au dollar ? Coté officiellement à partir du 4 janvier 1999 sur les marchés, à 1,17 dollar pour un euro, il atteint son cours le plus bas à 0,8252 dollar le 26 octobre 2000. Il tend ensuite à progresser jusqu’au sommet historique de 1,604 dollar le 15 juillet 2008. Puis, il connait une longue tendance à la baisse, jalonnée de ressauts, atteignant un plus bas à 0,959 dollar le 28 septembre 2022. Depuis, il tend à se redresser de façon hésitante, cotant 1,098 dollar le 11 août 2023 33.

Qu’en est-il des usages non financiers de l’euro 34 ? Sa part dans les avoirs officiels mondiaux en réserves de change était de 20,5% en 2022, stable depuis sept ans, arrivant loin derrière le dollar dont, certes, la part tend à reculer depuis deux décennies (60% environ) en écho, surtout, aux efforts de dédollarisation des BRICS. La part de l’euro en tant que monnaie de facturation ou de règlement pour les échanges hors zone euro tend, elle, à s’émousser depuis 2018 sous les 60 %. La BCE note, dans son rapport, que de même que « la part des exportations de services facturées en euro, similaire à la part des exportations de biens facturées en euro, a également atteint un plus bas historique (…) » en 2022.

Qu’en est-il des usages financiers de l’euro ? Sa part dans les encours de titres de créances internationaux s’est établie à 22% en 2022, inférieur de 8 points de pourcentage à son pic du milieu des années 2000. La part du dollar a augmenté continuellement depuis 2008 à 66% du stock total en 2022. La part de la monnaie européenne dans l’encours des prêts internationaux, qui avait nettement diminué depuis 2005 (20%), progresse depuis 2016 pour atteindre 19% en 2022. Enfin, la part des dépôts internationaux en circulation libellés en euros s’est établie à près de 18% en 2022 contre 52% pour le dollar. 

Le Brexit a fait naitre d’immenses espoirs chez les dirigeants français qui estimaient que cela conduirait à faire reculer la City, principal centre financier pour l’utilisation internationale de l’euro, et profiterait à « Paris place financière internationale ». l’État n’a pas lésiné sur les moyens pour cela. Mais, selon la BCE, on ne note « aucun changement majeur dans l’importance de la City de Londres pour les segments des marchés financiers libellés en euros » 35.

La sortie du Royaume-Uni a certes suscité un affaiblissement du potentiel de l’euro. Il est loisible de penser que cette manœuvre hostile visait, notamment, à contraindre les États de la zone euro à faire en sorte de perpétuer le règne du dollar malgré ses contradictions croissantes, s’inscrivant ainsi, notamment, dans une contre-offensive américaine sur le dollar.

Mais un facteur essentiel de vulnérabilité de l’euro tient dans l’insuffisance du potentiel productif, renforcé par les pénuries d’emploi et, sur ces bases, les choix de politique monétaire de la BCE qui ont fait passer le bilan consolidé de l’Eurosystème de 4 669 milliards d’euros fin 2018 à 7 956 milliards fin 2022. Cette manne aura surtout servi à soutenir l’achat par les banques de titres de dette publique sur les marchés financiers émis par les États pour accompagner des programmes massifs d’intervention économique, une part importante de ces rachats se faisant auprès des institutions financières US, de Blackrock à Goldman Sachs, importantes détenteurs de titres de dette des pays de l’UE.

Contre-offensive du dollar

Face à la vulnérabilité financière et politique grandissante du dollar comme monnaie mondiale, les États-Unis ont cherché à riposter fermement depuis Obama. Cela a pris un tour très autoritaire avec Trump, suscitant même l’incompréhension des « Alliés », puis plus opportuniste avec Biden, quoique plus radical, grâce à la fenêtre d’opportunité offerte par le Kremlin avec l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022. Celle-ci a entrainé immédiatement une envolée des prix des matières premières énergétiques et alimentaires, entretenue par les sanctions occidentales contre Moscou.

Première offensive : la hausse des taux d’intérêt

Une riposte de Washington contre la défiance vis-à-vis du dollar a consisté, dès mars 2022, en ce que la Fed s’est engagée dans une série, sans précédent, de onze hausses consécutives de ses taux directeurs, passant d’une fourchette de 0% à 0,25%, de mars 2020 à janvier 2022, à une fourchette de 5,25% à 5, 50% le 26 juillet 2023.

Dans l’UE, la croissance demeurant plus fragile et le chômage massif, tandis que les salaires réels reculaient, la BCE n’a augmenté ses taux directeurs, au nom de la lutte contre l’inflation, qu’en juillet 2022, d’un quart de point, pour aller vers un sommet de 4,25% en juillet 2023. En octobre 2022, elle a annoncé la fin de son programme de financement (TLTRO) 36 , débuté en 2014 pour inciter les banques, assurait-on, à financer l’économie « réelle ». On sait, en réalité, combien cela a pu profiter aux placements financiers et à la spéculation, tandis que de nombreuses banques en ont profité en déposant les fonds TLTRO non utilisés auprès de la BCE à des taux plus rémunérateurs que ceux auxquels elles ont emprunté, bénéficiant de millions d’euros chaque trimestre.

Or, contrairement à ce qui était prévu début 2023, si les perspectives de croissance aux États-Unis s’embrument, elles restent meilleures que celles de l’UE. Les premières données pour la croissance au second trimestre indiquent un ressaut de la conjoncture aux États-Unis avec une progression (en rythme annualisé) de 2,4% du PIB. En Europe, au contraire, on continue de flirter avec la récession, la croissance trimestrielle au second trimestre (par rapport au premier) s’élevant à 0,3%.

Cependant, le taux d’intérêt nominal à 10 ans 37 dans l’UE, comme outre-Atlantique, a augmenté dans la période récente, poussant à la hausse le taux d’intérêt réel à long terme (défalcation du taux d’inflation). Or, comme l’indique P. Artus 38, celui-ci est presque égal aujourd’hui à la croissance potentielle du PIB des deux côtés de l’Atlantique. On s’approcherait ainsi du point-limite où, dans une vision néo-libérale, la politique budgétaire doit devenir nettement plus restrictive. Il faudra, en effet, passer à un excédent budgétaire primaire (hors charge nette des intérêts de la dette publique) pour tenter d’éviter une hausse perpétuelle du taux d’endettement public. En France cela s’est traduit dans les plafonds de dépenses du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Ce qui est vrai est que les prélèvements des marchés financiers sur les dépenses publiques du fait de leur détention de la dette ont considérablement augmenté, et qu’ils vont être amenés à croître encore, au fur et à mesure du renouvellement des titres de dette (émis au taux actuel, bien supérieur au taux proche de zéro, voire négatif, des titres de dette antérieurs).

Mais une grande différence entre la zone euro et les États-Unis tient dans ce que la première présente un écart entre le taux de croissance du PIB et le taux d’intérêt réel à long terme nettement moins favorable à l’activité qu’outre-Atlantique. La marge de manœuvre de l’UE, toute chose égale par ailleurs, est donc plus étroite.

Surtout, à Washington, on compte sur « le privilège exorbitant » du dollar pour continuer de s’endetter auprès du reste du monde, malgré l’approche de cette zone critique.

Cette nouvelle donne monétaro-financière suscite de sérieux problèmes à l’UE en tant qu’institution. En effet, depuis la pandémie et avec la guerre en Ukraine, on a assisté à une augmentation massive des émissions de dette européenne au nom de l’UE sur les marchés financiers. Leur encours atteignait 400 milliards de dollars en mai 2023. Ces programmes « à grande échelle » devraient se poursuivre jusqu’en 2026 pour financer le reste de « NextGenerationEU » 39 ainsi que les prêts très concessionnels pour soutenir Kiev.

Or, quand ces programmes ont été lancés, les taux d’intérêt étaient à un niveau historiquement bas, voire négatifs pour les échéances inférieures à 10 ans. Ces taux ont fortement augmenté à partir de 2022 et, de plus, l’UE ne présente pas la même qualité de signature que l’Allemagne ou la France et les écarts de rendements se sont creusés à son détriment sur les marchés.

Comme le souligne un document rédigé par le « think tank » européiste Bruegel 40 , pour le compte de la « Commission des budgets », organe consultatif du Parlement européen, les technocrates de Bruxelles n’avaient pas anticipé les hausses de taux d’intérêt, partant du principe que « les marchés s’attendaient à ce que les taux restent relativement bas dans un avenir prévisible » 41 (sic). Cette augmentation du coût des emprunts pour l’ensemble de la période 2021-2027 se monterait « seulement » (re-sic) en cumulé à 14,9 milliards d’euros.

On mesure ici le suivisme inouï des marchés et de la FED qui caractérise les technostructures et la Commission européennes, ainsi que les chefs d’État et de gouvernement de l’UE qui leur délèguent les pouvoirs en la matière. Non seulement elles signent, mais elles persistent, comme l’indiquent les citations suivantes extraites du même document : « l’UE ne peut pas influer sur l’évolution cyclique globale des taux d’intérêt et devra apprendre à vivre avec » sous la tutelle des choix de politique monétaire de la FED. Et il faudra que la Commission européenne continue « avec les principaux États souverains européens en développant davantage l’infrastructure de marché pertinente et en améliorant sa stratégie d’émission » d’obligations de l’UE, afin d’accroître leur attrait pour les investisseurs étrangers. Cette Fuite en avant conduit à affirmer : « Si les pays de l’UE veulent tirer pleinement parti des emprunts de l’UE, certains progrès politiques devront avoir lieu. La discussion sur la création de nouvelles ressources propres pour rembourser la dette de l’UE prévue pour l’automne 2023 sera donc cruciale. Le développement de « pouvoirs d’imposition directe » serait très utile d’un point de vue symbolique, ainsi que dans la pratique, car ce serait un excellent argument en faveur de l’inclusion dans les indices d’obligations souveraines ». Autrement dit, il faut faire un bond en avant dans le fédéralisme fiscal, plaçant toujours plus les populations sous la domination des marchés financiers. Ce à quoi fait écho le rapport de la BCE sur le rôle international de l’euro, déjà cité, qui insiste sur « la nécessité de redoubler d’efforts pour achever l’Union économique et monétaire » avec, en particulier, « la promotion de l’Union des marchés des capitaux » et la « poursuite de l’intégration économique et financière européenne ». Là, c’est un pas de plus vers le fédéralisme bancaire et financier qui est préconisé.

Deuxième offensive : guerre industrielle

Une autre riposte américaine pour défendre le dollar a été le lancement, au nom des meilleures intentions climatiques, du programme « Inflation Reduction Act » (IRA) qui s’inscrit dans une série de vastes programmes d’investissements et de dépenses publiques entrepris par l’administration Biden depuis 2021 42 pour « réindustrialiser » le pays.

Il énonce que les États-Unis s’engagent à subventionner les filières éolienne et photovoltaïque sur le territoire américain. La filière de production de véhicules électriques « made in USA » est aussi visée avec une prime de 7 500 dollars accordée à chaque foyer acheteur d’une voiture électrique assemblée sur le sol américain. Au total, quelque 370 milliards de dollars de subventions seront distribués à l’industrie américaine. Washington entend ainsi devenir la première puissance industrielle pour les  « technologies propres » et engage cette course mondiale avec les privilèges du dollar et un puissant protectionnisme, plaçant au défi le reste du monde de se montrer « plus compétitifs ».

L’annonce de l’IRA s’est accompagnée d’un « démarchage agressif » envers les industriels européens, les incitant activement à geler leurs projets d’investissement en Europe, pour aller produire aux États-Unis.

 En 2022, ce sont 73 milliards de dollars d’investissements qui ont été réalisés dans le seul secteur des véhicules et batteries électriques étatsuniennes (dont recyclage) 43, trois fois plus qu’en 2021.

Quoique salué dans l’UE au nom de la lutte pour le climat, l’IRA est critiquée parce qu’il incite à « acheter américain ». En effet, en contradiction avec les règles de l’OMC, les entreprises européennes pourraient être exclues des chaînes de valeur approvisionnant le marché étatsunien et choisir d’y investir directement afin de pouvoir bénéficier des subventions. Cela, alors même que, là-bas, l’énergie demeure peu chère, facilement accessible avec les hydrocarbures de schiste et payables en dollars.

la Commission européenne a entrepris de répondre sous la forme d’un «Plan industriel du pacte vert» censé contribuer à la neutralité carbone en 2050 dans l’UE, comme le préconisent les Accords de Paris. Outre des facilités règlementaires et administratives supplémentaires, ce plan ne comporte qu’une seule mesure nouvelle en matière de financement : la prolongation et l’extension de l’assouplissement des règles en matière d’aides d’État jusqu’à fin 2025, le paquet étant mis sur les exonérations fiscales. L’objectif est que chaque État puisse soutenir plus les profits de son industrie nationale et attirer plus d’investissements étrangers.

Ce plan, relève le Sénat français, n’a « pas fait l’objet d’une étude d’impact et a été présenté rapidement par la Commission européenne (…) » 44. Il est critiqué par de nombreux observateurs pour sa carence en matière de services et d’investissements publics dans le domaine des transports. Il ne comporte aucune conditionnalité contrôlable des aides en matière de création d’emplois et de formation, tout en multipliant les promesses verbales en la matière. Il concerne, en particulier, les constructeurs d’automobiles auxquels seront accordés des financements publics considérables pour les inciter à fabriquer des voitures électriques. Mais rien n’est prévu permettant aux ménages à revenu faible ou moyen des pays européens d’en acheter, alors que l’on sait la forte inflation que, dans les circonstances actuelles, va entrainer le passage au moteur électrique. 

L’assouplissement des aides d’État pourrait favoriser les pays et les régions les plus riches, et accentuer la concurrence intra-UE. On le voit avec la course pour localiser sur le territoire national les usines géantes de batteries électriques, stratégiques pour prendre la relève des usines de moteurs essence et diesel et des sites de transmissions manuelles. On ne compte pas moins d’une quarantaine de projets de gigafactories sur le continent. En outre, faute de conditions sur la valeur ajoutée, le contenu importé de ces activités peut s’avérer plus important que les activités auxquelles elles succèdent, alimentant une industrialisation d’assemblage, à faible apport de valeur ajoutée et à maîtrise technologique insuffisante sur le territoire européen.

Bref, une nouvelle suraccumulation de capital se prépare accompagnée, comme toujours, par de nouveaux surendettements publics, prétendant lutter contre la crise climatique, réindustrialiser et réduire la dépendance à l’Asie. Cela alors que les taux d’intérêt augmentent et que les dirigeants européens, pour réduire les déficits publics, prônent le recul des dépenses publiques sociales…De quoi préparer une nouvelle crise de la zone euro, après celle des années 2010-2012.

Troisième offensive: les sanctions contre la Russie affaiblissent l’Europe

La troisième réponse américaine, via l’OTAN, a consisté en la mise en œuvre de sanctions contre la Russie frappant, notamment, ses exportations de produits énergétiques vers l’Europe.

Cela a particulièrement fragilisé l’Allemagne à qui la Russie fournissait jusqu’à 60% de ses importations de gaz avant la guerre en Ukraine. Un gaz bon marché importé via le double gazoduc Nord Stream, qui devait être complété par Nord Stream 2. Ce projet, qu’avait violemment condamné Washington 45, devait relier la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique avec deux lignes de gazoduc de 1 230 kilomètres46. Il est désormais mort et enterré, Nord Stream 2 ayant été saboté le 26 septembre 2022. Le Washington Post a révélé que la CIA avait été informée, dès juin 2022 de l’intention ukrainienne de le détruire47.

Cet évènement hors du commun a contribué à fragiliser le modèle de domination du capital allemand fondé sur un tissu industriel fort destiné à l’exportation et reposant sur cette énergie bon marché. De plus, l’Allemagne, dans le cadre des sanctions contre la Russie, a été aussi impactée par le recul de ses échanges avec cette dernière dont, avant la guerre en Ukraine, 10% des importations provenaient d’outre-Rhin. Et plus de 6 000 entreprises allemandes y étaient implantées. S’est ajouté à cela le ralentissement économique de la Chine, l’un des principaux débouchés à l’exportation de l’Allemagne. Du coup, le PIB de la première économie européenne a reculé de 0,3% entre janvier et mars 2023 et de 0,5% entre octobre et décembre 2022, une première depuis la pandémie de la Covid-19.

La guerre en Ukraine de la Russie et les sanctions prises contre cette dernière impactent tous les pays de l’UE, les États-Unis étant bien éloignés de cette tragédie. La récession allemande pèse sur la conjoncture de toute l’Europe et la rupture des importations d’énergie entraine une inflation importante. Outre les importations de GNL en provenance des États-Unis, la guerre en Ukraine a aussi fait exploser le besoin en terminaux méthaniers et tankers, dans le cadre d’une « concurrence libre et non faussée » accrue entre pays de l’UE. Le Financial Times évalue à 100 milliards de dollars les pertes enregistrées par les entreprises de l’Union européenne qui ont été contraintes de quitter la Russie.

L’Europe continentale est le théâtre de ce conflit meurtrier, tandis que les États-Unis font tourner à fond leur complexe militaro-industriel pour alimenter le bond gigantesque de la demande et de la dépense européennes d’armements, dans le cadre de l’OTAN.

L’alignement des dirigeants européens sur les États-Unis face à ces circonstances est tel que Washington engrange de nouvelles victoires contre les peuples des pays membres de l’UE.

Cela a été le cas en matière de transfert de données. La Cour de justice européenne (CJE) avait mis fin au « Privacy Shield » 48 en 2020 et interdit aux entreprises américaines de transférer les données des Européens vers des serveurs américains. Mais Joe Biden n’a pas cessé de faire pression sur chaque pays européen et l’UE pour permettre aux GAFAM (Amazon, Google, Meta…) d’échanger librement les données des Européens. Ces efforts ont débouché sur un « nouveau partenariat » UE-USA, le « Data Privacy Framework », préannoncé en mars 2023, le jour-même où l’UE et les États-Unis avaient passé un accord sur le gaz naturel ! Il est loisible de penser que Biden aurait usé du chantage sur ce dernier pour obtenir la soumission de Bruxelles sur le premier. Quoi qu’il en soit, le 10 juillet 2023, la Commission européenne a conclu que « les États-Unis assurent un niveau de protection adéquat – par rapport à celui de l’UE – pour les données à caractère personnel transférées de l’UE vers des entreprises américaines participant au cadre de confidentialité des données UE-États-Unis » 49.

Le Data Privacy Framework permet désormais aux GAFAM de ne plus avoir à se soucier des données qu’ils transfèrent, mettant en danger le « cloud souverain » français 50. C’est une grande victoire pour Joe Biden.

Enfin, on ne saurait oublier l’épisode scandaleux et révélateur de la nomination, le 11 juillet dernier, de l’économiste américaine F. Scott Morton, consultante pour Microsoft, Apple, Amazon ou Pfizer, et ancienne fonctionnaire du Département américain de la justice, au poste d’économiste en chef de la direction générale de la concurrence de la Commission de Bruxelles dont elle est le bras antitrust. À cette responsabilité stratégique l’Américaine devait être chargée d’enquêter sur les comportements anticoncurrentiels des entreprises, d’autoriser les fusions et acquisitions et de valider les aides d’État. Clairement, comme le titrait Le Monde du 17 juillet « L’ex-lobbyiste américaine « Fiona Scott Morton est un cheval de Troie pour Big Tech » à la Commission européenne ». Face au tollé, Emmanuel Macron faisant dans la nuance en se disant « dubitatif », l’universitaire américaine fut contrainte de démissionner le 18 juillet, Mme Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, l’ayant défendu autoritairement jusqu’au bout.

Transformer l’euro et l’Europe

L’euro est désormais totalement pris dans le vortex du dollar, à l’image de ce tourbillon qui se produit dans l’eau d’un évier se vidant vers les égouts. L’UE est prise dans le vortex de la crise de domination des États-Unis et leur contre-offensive avec l’OTAN. La situation est très grave, les prétendues élites européennes se montrant le plus souvent collaborationnistes ou tendant, parfois, à frayer avec le nationalisme.

Pourtant face à ce qu’est devenue l’Europe, face à la façon dont est utilisé l’euro, monnaie qui garde la confiance de la majorité des populations européennes même si les plus victimes des politiques d’austérité nationales tendent à le désigner comme bouc émissaire, deux solutions prétendument opposées sont à rejeter : le bond en avant vers le fédéralisme, le repli souverainiste.

Il s’agit de tirer les leçons de l’échec qu’a été la tentative de l’euro et de lutter, du local et du national jusqu’à l’échelle de l’Europe et du monde, pour qu’il soit utilisé autrement, que la BCE soit refondée, avec les autres institutions européennes, à partir des luttes et des exigences objectives qui montent et vont monter encore, sociales, sociétales et pour la paix.

Le PCF, dans son dernier congrès, a réaffirmé clairement les pistes qui sont les siennes depuis de nombreuses années et dont l’actualité est brûlante. C’est, par exemple, la création d’un Fonds européen démocratique pour financer spécifiquement un grand essor de tous les services publics dans l’UE, sollicitant pour cela la création monétaire de la BCE. Cela, de pair avec la mise en cause du pacte de stabilité et le recul des pouvoirs exécutifs de la Commission européenne.  Sur ce Fonds s’exercerait immédiatement une souveraineté populaire, via sa gouvernance par les représentants des organisations syndicales, les députés européens, les représentants des parlements nationaux et un droit de tirage depuis le terrain. C’est aussi le conditionnement du refinancement par la BCE des crédits bancaires aux entreprises par des critères d’emploi, de formation et écologiques. La souveraineté populaire serait conquise sur cette institution par une gouvernance démocratique et son rattachement, via les banques centrales nationales disposant d’un pouvoir nouveau d’utilisation autonome sur des quotas nationaux d’émission monétaire commune, à des réseaux interconnectés de pôles publics bancaires.

Ceux-ci, appuyés sur des Fonds régionaux démocratiques, auraient pour mission de financer, par un nouveau crédit sélectif, la construction et l’interconnexion de systèmes de sécurité d’emploi ou de formation pour chacun.e jusqu’à une sécurité commune d’emploi ou de formation, à l’opposé du modèle social américain.

La déstabilisation du modèle de domination économique du capital allemand devrait fournir l’occasion aux pays du sud-européen, dont la France, de faire pression pour l’avancée de véritables mécanismes de coopérations de codéveloppement et de maitrise des intérêts américains en Europe, au lieu de fuir en avant dans des « réindustrialisations » concurrentes mortifères.

Sur ces bases, la France et l’UE pourraient simultanément faire jonction avec les Brics et leurs institutions nouvelles, au lieu de les démoniser, sans du tout s’aligner sur eux. Cela, dans le but précis d’imposer à Washington une nouvelle conférence internationale tendant à créer une monnaie commune mondiale de coopération, alternative au dollar, à partir d’une transformation des Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, donnant notamment un tout autre poids aux monnaies montantes du Sud. Celui-ci doit être refondé avec la Banque mondiale, tout particulièrement en changeant les règles de décision en supprimant le droit de veto étatsunien, et l’OMC, cette dernière pour des principes de partage des technologies et de soumission des IDE et du commerce international à des principes de co-développement et de l’emploi et des biens communs, correspondants aux objectifs de l’ONU. Les trois passeraient sous la houlette de l’ONU, au lieu de chercher vainement à faire un « nouveau Bretton Woods ». Et on engagerait un véritable plan Marshall sans domination pour un co-développement avec notre Sud, l’Afrique en particulier.

Ni fédéralisme, ni souverainisme, mais conquête d’un nouveau type de confédéralisme, nécessaire pour l’exercice de réelles souverainetés populaires, nationales et commune, tel serait le chemin à emprunter. En même temps que serait exigé un cessez-le-feu en Ukraine, la conclusion d’une paix juste et durable avec la Russie, il s’agirait de sortir de l’OTAN.

1 AllemagneBelgiqueCanada, États-Unis, FranceItalieJaponPays-BasRoyaume-UniSuède.

2 Acronyme désignant les 5 pays fondateurs : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Sept autres pays sont candidats officiels: L’Algérie, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Ethiopie et l’Iran. Bahreïn, le Mexique, le Nigéria. la Turquie sont considérés comme candidats potentiels. Ce groupe représente 42 % de la population de la planète (3,2 milliards de personnes) et environ 25 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Mais ses membres ne disposent que de 15 % des droits de vote à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI). L’institutionnalisation des Brics a commencé en 2005 et s’est nettement accélérée après la crise de 2008-2009 (création de la Nouvelle Banque de Développement (NBD) et mise en œuvre de projets dont l’emblématique « Les routes de la soie »). Désormais, ils ambitionnent de s’émanciper beaucoup plus dollar avec une monnaie commune. Ils devaient tenir un 15ème sommet très politique, du 22 au 24 août prochain à Johannesburg (Afrique du Sud). Il a été convenu que Poutine ne s’y rende pas, tandis que E. Macron, qui avait demandé à être invité (pour tenter de les diviser ?), se l’est vu refuser

3 Boccara P. : Transformations et crise du capitalisme mondialisé – Quelle alternative ?, Le Temps des CeRises, 2008, 331 p.

4 Cela d’autant plus que le Fonds monétaire international (FMI), créé initialement pour fournir des liquidités mondiales en cas de pénuries, est dominé par Washington qui y dispose d’un droit de veto de fait et s’est très souvent opposé à toute émission mondiale de liquidités nouvelles, sauf quand il en avait lui-même besoin et il en a de plus en plus besoin. En attestent l’allocation de DTS de 2009 (283 milliards de dollars) à la suite de la crise financière de 2008 , et, plus encore, celle de 650 milliards de dollars , « la plus élevée de l’histoire » selon la directrice générale du FMI ( www.imf.org), effectuée après la pandémie de la Covid-19.

5 www.statista.com.

6 fred.stlouisfed.org.

7 Le 31 mai dernier, le Parlement a voté, non pas la fixation d’un nouveau plafond, comme de coutume, mais seulement la suspension du plafond fixé antérieurement à 31 400 milliards de dollars et cela, ont exigé les Républicains, en conditionnant tout relèvement à des coupes budgétaires. Cf. Tankersley Alan Rappeport : « News Detail in Debt Limit Deal: When $136 billion in Cuts will come from”, The New York Times, 2/06/2023 ( www.nytimes.com)

8 Plus de 85% en 2020, cf. « La dédollarisation des économies, fin de l’ère de puissance des États-Unis ? », 6/09/2021, www.ege.fr..

9 Il s’agit des dollars obtenus par les pays exportateurs de pétrole dans le cadre de leurs contrats libellés en dollars, qu’ils réinvestissent dans l’économie américaine sous forme, surtout, d’achats de titres du Trésor. Au-delà, il s’agit de placements financiers effectués en dollars par les pays exportateurs de pétrole au niveau international.

10 Par exemple avec le « quoi qu’il en coûte » de Macron inscrit dans le plan européen « Next generation EU » ou le méga-plan de relance de Biden outre-Atlantique.

11 Oreskes N. et Conway E. M. : L’effondrement de la civilisation occidentale, Les Liens qui Libèrent, 2015, relevé par P. Boccara  (Pour une nouvelle civilisation, Editions du Croquant, 2016, p.117) qui explicite le terme: C’est « un réseau d’industries puissantes, où l’on trouvait les producteurs d’énergie fossiles, les compagnies qui les servaient (…) les industriels dont les produits nécessitaient une énergie fossile bon marché (non seulement l’automobile et l’aéronautique, mais aussi l’aluminium et d’autres formes de fonderies et de traitements de minerais) et les établissements financiers qui satisfaisaient leurs besoins en capitaux ». Au pétrole, il faut ajouter d’autres produits clés tels que l’or libellé aussi en dollars US, sans compter les achats d’armements, dont les États-Unis sont le premier producteur et exportateur mondial, et les matières premières autres que le pétrole dont les échanges se font en majorité en dollars.

12 Prasad E.: “Enduring Preeminence: The Us dollar might slip, but it will continue to rule”, Prasad E.: “The Us dollar might slip, but it will continue to rule”, Finance & development, 06/2022.

13 Ibid.

14 Le communiqué officiel du sommet précise notamment : « Les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, et en particulier celles des États‑Unis, sont la garantie ultime de la sécurité de l’Alliance.(…) La posture de dissuasion nucléaire de l’Organisation repose également sur les armes nucléaires des États-Unis déployées à l’avant en Europe (…) La coopération entre l’OTAN et l’UE a gagné en importance depuis que la Russie a engagé une guerre d’agression contre l’Ukraine. Nous avons démontré sans équivoque notre convergence de vues et notre détermination commune à tirer parti de nos rôles complémentaires, cohérents et se renforçant mutuellement. L’OTAN et l’UE continueront de soutenir l’Ukraine. Dans ce contexte, nous nous félicitons de la création du mécanisme de coordination OTAN-UE consacré à l’Ukraine. ».

15 Lequel, dans une interview à France Info le 23 juin 2023, sur la lutte contre la pauvreté, pour le maintien de la biodiversité et contre le dérèglement climatique (www.vie-publique.fr) déclare, sans jamais parler du dollar et en s’en remettant au FMI tel qu’il est : « On ne doit pas choisir entre climat et lutte contre la pauvreté, la biodiversité (…) il faut mettre plus d’argent public et il faut mobiliser le financement privé »…Bref, des partenariats public-privé via les marchés financiers sur lesquels règne le dollar !

16 Allocution lors de  « l’atelier sur les prochaines étapes de l’avenir de la monnaie et des paiements », 1er mars 2023, (home.treasury.gov).

17 Trois agences (deux groupes américains, Standard & Poor’s (S&P) et Moody’s, et une société à capitaux français, Fitch, filiale du groupe Fimalac) contrôlent plus de 90 % du marché mondial de la notation : 80 % pour S&P et Moody’s et 14 % pour Fitch.

18 Reuters, 2 août 2023 (www.reuters.com).

19 Ibid.

20 perspective.usherbrooke.ca

21 Largement aidée par la mutualisation monétaire de la zone euro qui empêcha une forte dépréciation du deutschemark, elle fut accentuée par l’intégration à l’UE des pays de l’est-européen insérés, surtout, dans les chaines d’activité des multinationales allemandes.

22 United States led Foreign Direct Investment in the EU, Eurostat, 21/12/2022 ( ec.europa.eu).

23 L’investissement direct étranger (IDE) est la catégorie d’investissements internationaux dans laquelle une entreprise résidente d’un pays (l’investisseur direct) acquiert une participation d’au moins 10% dans une entreprise résidente d’un autre pays (l’entreprise d’investissement direct). Les stocks (ou positions) d’IDE mesurent la valeur totale des investissements directs à un moment donné. Il y a deux façons possibles d’identifier le pays d’origine de l’investisseur direct : soit par l’économie d’investissement immédiat, soit par l’économie d’investissement ultime. Le pays, ou l’économie, d’investissement immédiat est le premier filtre de répartition géographique. L’économie d’investissement ultime permet, elle, de déterminer le pays réel de l’investisseur qui contrôle les stocks d’IDE entrants pour une économie déclarante, les entreprises pouvant passer par plusieurs filiales et pays différents. C’est donc le pays de l’agent qui contrôle in fine les investissements.

24 Ibid.

25 Au taux de change moyen de l’année 2021.

26 Hamilton D.S. and Quinlan J.P., The Transatlantic Economy 2023 (www.amchameu.eu).

27 A ce propos, en avril 2018, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) établit une note pour le gouvernement français dans laquelle elle estime que « les entreprises françaises […] font l’objet d’attaques ciblées, notamment par le biais de contentieux juridiques, de tentatives de captation d’informations et d’ingérence économique ». Le document, qui se présente comme un « panorama des ingérences économiques américaines en France », avance que l’aéronautique et Airbus seraient les premières cibles. La DGSI souligne aussi que « plusieurs grands groupes français ont ainsi été ciblés par le ministère de la Justice américain ces dernières années […] (Technip, Total, AlstomAlcatel, BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale). Les opérations d’acquisition ou de fusion ayant suivi, pour certains d’entre eux, pourraient être interprétées comme le fruit de manœuvres de déstabilisation et de fragilisation rendues possibles par la mise en œuvre de ces dispositions légales » (fr.wikipedia.org).

28 Un rapport de l’Agence internationale de l’Énergie (AIE), publié le 28 février 2023, relève que « l’Europe a été le premier moteur de l’augmentation de la demande de GNL en se détournant des gazoducs russes. Les cargaisons de GNL livrées à l’Europe ont augmenté de 63% » (www.iea.org). Les deux tiers en ont été fournis par les États-Unis (43 milliards de m3 de flux supplémentaires), devenus le premier exportateur mondial et le premier fournisseur de l’UE pour cette énergie. Et cela à un coût moyen de plus de 4 milliards de dollars par mois ( www.reuters.com).

29 www.economie.gouv.fr.

30 crsreports.congress.gov, op.cit.

31 Traité de libre-échange transatlantique (TAFTA ou TTIP) entre les États-Unis et l’Union européenne auquel les dirigeants américains, mais aussi la chancelière allemande A. Merkel, étaient favorables. L’échec des négociations du TTIP n’a pas empêché que soit conclu un accord du même type avec le Canada (CETA) approuvé en 2019 par le Parlement européen. Le 29 août 2022, à Prague, le chancelier allemand Olaf Scholz, qui s’en est félicité, a déclaré : « Nous avons donc besoin d’accords de libre-échange supplémentaires et durables et d’une politique commerciale ambitieuse », 30 août 2022 ( www.euractiv.fr).

32 Ibid.

33 www.xe.com.

34 Chiffres et citation extraits de « Le rôle international de l’euro », BCE, juin 2013 ( www.ecb.europa.eu).

35 Ibid.

36 Opérations ciblées de refinancement à plus long terme (targeted longer-term refinancing operations, TLTRO) avec lesquelles, la BCE offre des prêts à plus long terme aux banques à des coûts très avantageux et prétend, ainsi, les encourager à prêter plus et mieux aux entreprises et aux consommateurs de la zone euro. Ces dernières années, dans le cadre des TLTRO, les banques ont emprunté au total quelque 2.100 milliards d’euros à la BCE.

37 Le taux d’intérêt à long terme est, pour une large part, lié au taux directeur de la Banque centrale et le taux d’inflation.

38 Artus P. : « Les taux d’intérêt réels à long terme proches aux États-Unis et dans la Zone euro de la zone critique », Flash Economie, 17 juillet 2023 (N°426).

39 Instrument temporaire de relance de plus de 800 milliards d’euros mis en œuvre lors de la pandémie de la Covid-19 et dont la politique du « quoi qu’il en coûte » de Macron, en France, a bénéficié. Il prendra fin début 2027. Ces sommes considérables sont empruntées sur les marchés financiers par la Commission européenne pour alimenter le Fonds pour la reprise et la résilience (FRR) qui les met à la disposition des États membres. Le FRR sert aussi à mettre en œuvre le plan REPowerEU censé « mettre progressivement fin dès que possible à la dépendance de l’Europe à l’égard(…) des combustibles fossiles russes en accélérant la transition vers la propreté (…) ».

40 BRIEFING Requested by the BUDG committee : “The rising cost of European Union borrowing and what to do about it” (www.europarl.europa.eu).                                                    

42 Avec notamment le « Bipartisan Infrastructure Deal » (1 200 milliards de dollars), suivi du « CHIPS and Science Act »  (39 milliards de dollars) en juillet 2022.

43 Atlas Public Policy (www.atlasevhub.com).

44 Proposition de résolution européenne COM (2023) 161 final.

45 Le 18 mars 2021 encore, le chef de la diplomatie américaine, A. Blinken, en a rajouté sur la détermination du gouvernement de J. Biden à respecter la loi promulguée par son prédécesseur Donald Trump pour sanctionner toutes les entités impliquées dans ce chantier.

46 Quatre grandes entreprises européennes ont participé au financement de ce projet, dont Engie avec un prêt de l’ordre de 1 milliard d’euros. Le 24 avril 2017, la direction générale d’Engie avait déclaré dans un communiqué : « Le projet Nord Stream 2, développé par Gazprom, a franchi aujourd’hui une nouvelle étape importante dans sa réalisation. Le projet répond aux besoins supplémentaires d’importations de gaz naturel de l’Union européenne et contribuera de ce fait à l’amélioration de la sécurité d’approvisionnement du continent » (www.engie.com).

47 www.washingtonpost.com 6juin 2023.

48 Mécanisme d’auto-certification pour les sociétés établies aux États-Unis. La décision de validation du Privacy Shield a été annulée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 16 juillet 2020 ( www.cnil.fr).

49 ec.europa.eu.

50 Sur le marché en très forte croissance du « cloud », les enjeux de maitrise prennent une importante grandissante. Pour assurer un « numérique de confiance » la Banque des Territoires, filiale de la Caisse des Dépôts, Docaposte, du groupe La Poste, Dassault Systèmes et Bouygues Telecom ont annoncé la création d’un nouvel acteur du « cloud », Numspot. Cette société vise les secteurs règlementés ou stratégiques : la finance, la santé, le secteur public. Maniant des données sensibles, les services de l’État et les collectivités territoriales sont en effet régulièrement piratés. L’arrivée de ce nouvel acteur pourrait porter un rude coup à Blue et S3ns, deux consortiums associant une technologie américaine à des distributeurs français. Numspot a été disponible dès 2023, tandis que Blue et S3ns ne sont attendus qu’en 2024.

1 Trackback / Pingback

  1. DossierEurope, que faire ? - Économie et politique

Les commentaires sont fermés.