Dossier : monde, ce qui se cherche

Concentré sur une actualité politique nationale riche en péripéties, le débat électoral français a semblé perdre de vue, en plus d’une occasion, les mouvements qui reconfigurent le monde et qui pèsent sur le sort du pays. Pourtant, la guerre est en Europe, et les phénomènes qui lui sont liés – inflation, pénuries – ont des effets tangibles pour tout un chacun. Ce dossier attire l’attention sur certaines mutations en cours dans l’ordre économique.

Depuis quatre-vingts ans, cet ordre s’organise autour de l’hégémonie monétaire du dollar et de l’hégémonie financière du capital nord-américain. Les stratégies des firmes multinationales et celles des États s’inscrivent dans une hiérarchie des impérialismes dont le sommet se situe à Wall Street. Or, on voit se succéder et se combiner des crises – financières, économiques, écologiques, stratégiques – qui sont de nature à ébranler cette organisation.

Nous entrons ainsi dans un monde où à chaque instant peuvent se produire des événements auxquels les esprits ne sont pas préparés, même dans les milieux dirigeants les mieux informés. Un monde où il y a urgence à tracer de nouveaux chemins alors même qu’aucune boussole n’indique de façon évidente de quel côté il faudrait se diriger.

À partir du tournant en cours des politiques monétaires, Yves Dimicoli analyse ainsi en profondeur comment l’impérialisme des États-Unis répond à ce défi, et comment, jusqu’à présent, cette réponse aboutit à renforcer sa domination sur des acteurs plus vulnérables, tels que l’Union européenne. Bruno Odent met en lumière un des faits les plus lourds de conséquences sur le Vieux continent, à savoir le réarmement allemand qui s’accompagne d’un ancrage renforcé dans l’OTAN. Noura Mebtouche rappelle des données utiles à connaître sur l’accroissement accéléré des dépenses d’armement dans le monde, particulièrement en Europe et en France.

Autant d’évolutions qui ne contribuent pas à ouvrir une issue positive aux contradictions qui secouent la civilisation capitaliste et libérale. C’est pourquoi il est particulièrement intéressant de tourner les yeux vers les forces qui contestent l’organisation actuelle du monde. Ce dossier le fait en direction de deux des grands blocs dont les évolutions modifient les rapports de forces à l’échelle internationale : vers une Amérique Latine où l’aspiration des peuples au changement continue de s’exprimer sous la forme de mouvements progressistes. C’est l’objet de l’analyse lucide, par Yamilé Vidal, de l’expérience chilienne depuis l’élection de Gabriel Boric. Et vers ce que porte de nouveau la montée en puissance de la Chine, facteur principal, peut-on penser, de toute réorganisation à venir du monde. C’est à quoi s’attache Frédéric Boccara à propos de la place de cet immense pays dans l’économie internationale.